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13/06/2024 | FRANCE | N°22/02293

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 13 juin 2024, 22/02293


C 9



N° RG 22/02293



N° Portalis DBVM-V-B7G-LM7V



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Anne-sophie TODISCO



la SELARL FOURNIER AVOCATS

AU NOM DU P

EUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 13 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG 19/00625)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Grenoble

en date du 12 mai 2022

suivant déclaration d'appel du 10 juin 2022





APPELANTE :



S.A.S. EXTIA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité...

C 9

N° RG 22/02293

N° Portalis DBVM-V-B7G-LM7V

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Anne-sophie TODISCO

la SELARL FOURNIER AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 13 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG 19/00625)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Grenoble

en date du 12 mai 2022

suivant déclaration d'appel du 10 juin 2022

APPELANTE :

S.A.S. EXTIA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Anne-sophie TODISCO, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Madame [Z] [N]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Virginie FOURNIER de la SELARL FOURNIER AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

M. Jean-Yves POURRET, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 avril 2024,

Frédéric BLANC, conseiller faisant fonction de président chargé du rapport et Jean-Yves POURRET, conseiller, ont entendu les parties en leurs conclusions, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 13 juin 2024.

EXPOSE DU LITIGE':

La société par actions simplifiée Extia applique la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, société de conseils (S YNTEC) et a pour activité le conseil en ingénierie.

Mme [Z] [N] a été embauchée par la société Extia à compter du 21 mai 2018 en contrat à durée indéterminée du 26 avril 2018, à temps complet en qualité d'ingénieur consultant, statut cadre, position l .2, coefficient 100 avec un salaire mensuel brut de 2500 euros.

Le contrat de travail stipulait une période d'essai de 4 mois, renouvelable.

A compter du 24 mai 2018, Mme [N] a débuté une mission pour la société cliente Framatome, ayant signé un engagement de confidentialité/exclusivité le 26 avril 2018 par lequel elle donnait son accord à la société Extia pour intégrer son dossier dans le cadre du montage du projet « Acheteur » avec son client Framatome à [Localité 6] et ce, en exclusivité pendant la durée de l'appel d'offre ainsi qu'une demande d'autorisation d'accès au sein de cette dernière entreprise le 27 avril 2018.

La période d'essai de Mme [N] a été renouvelée par courrier remis en main propre en date du 25 septembre 2018.

En date du 12 décembre 2018, la salariée a posté des demandes de congés (CPA) pour les dates suivantes :

1 CPA du 24.12.2018 AM au 24.12.2018 PM

3 CPA du 26.12.2018 AM au 28.12.2018 PM

1 CPA du 31.12.2018 AM au 31.12.2018 PM

1 CPA du 0201.2019 AM au 02.01.2019 PM

Par mail du 21 décembre 2018, M. [C] son manager lui a indiqué : « Pour faire suite à mes messages sur ton répondeur, [L] est en congés et ne pourra pas faire avancer le sujet de ta demande d'augmentation avant le retour des vacances ». Il lui a proposé plusieurs dates pour un rendez-vous et lui a précisé qu'elle reprendrait chez Framatome soit le 3 janvier 2019 soit le 07 et dans ce dernier cas, elle sera en RTT employeur les 3 et 4 janvier 2019.

La salariée a répondu par courriel du 26 décembre 2018 qu'elle passerait à l'agence le lundi 7 janvier à 17h.

Par courrier du 08 janvier 2019, Mme [N] a présenté sa démission rompant ainsi sa période d'essai.

Par courriel du 11 janvier 2019 à 11h12, M. [C] à écrit à Mme [Z] [N] : « Comme convenu avec [L] à l'instant, nous te confirmons que ton salaire passera à 2900 bruts mensuel à compter du mois de janvier 2019. J'attends donc avant midi ton mail te désengageant de ta lettre de démission.'».

Par retour de mail le 11 janvier à 12h08, Mme [N] a répondu : «'Par ce mail, je vous confirme que j'annule ma précédente lettre de démission suite à mon augmentation. Merci de considérer cette nouvelle décision ».

Par lettre du 22 janvier 2019, Mme [N] a notifié à son employeur la rupture de sa période d'essai.

Le 24 janvier 2019, elle a déclaré un accident de trajet à son employeur, son contrat ayant pris fin le 26 janvier 2019.

Par requête en date du 18 juillet 2019, Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins d'obtenir des dommages et intérêts pour prêt de main d''uvre illicite et marchandage, des rappels d'heures supplémentaires, des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, un rappel de salaire sur janvier 2019 et des rappels sur congés payés.

La société Extia s'est opposée aux prétentions adverses et a soulevé l'irrecevabilité de la demande additionnelle au titre de l'exécution fautive du contrat de travail.

Par jugement en date du 12 mai 2022, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- jugé que le prêt de main d''uvre est illicite et le délit de marchandage est constitué,

- condamné la société Extia à verser à Mme [N] les sommes suivantes :

5000,00 euros au titre de dommages et intérêts pour prêt de main d''uvre illicite et marchandage

1500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du présent jugement

2293,61 euros au titre des heures supplémentaires

369,03 euros au titre de rappel de salaire sur janvier 2019

230,76 euros au titre des 2 jours d'inter-contrat décomptés en congés

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du 24 Juillet 2019

- rappelé que les sommes à caractère salariale bénéficient de l'exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution, en application de l'article R 1454-28 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaire,

- limité à ces dispositions l'exécution provisoire du présent jugement,

- débouté Mme [N] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Extia de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société Extia aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 14 mai 2022 pour Mme [N] et le 16 mai 2022 pour la société Extia.

Par déclaration en date du 10 juin 2022, la société Extia a interjeté appel à l'encontre de la décision.

La société Extia s'en est rapportée à des conclusions transmises le 25 septembre 2023 et demande à la cour d'appel de':

Vu les moyens et faits ci avant exposés,

Vu les pièces portées au débat,

Vu les dispositions du Code du travail,

Vu l'article L 1221-1, L 3121-29, L 3171-4, L 8231-1, L 8241-1, L 8241-2 du code du travail,

Vu la convention collective,

Vu la jurisprudence applicable,

Recevoir la société Extia en ses demandes, fins et conclusions, et y faisant pleinement droit,

En conséquence,

Infirmer le Jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 12 mai 2022 en ce qu'il a jugé que le prêt de main d''uvre était illicite et le délit de marchandage constitué, et en ce qu'il a condamné la société Extia à payer à Mme [N] 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour prêt de main d''uvre illicite et marchandage, 2293,61 euros au titre des heures supplémentaires, 369,03 euro au titre de rappel de salaire de janvier 2019, 230,76 euros au titre des 2 jours d'inter-contrat décomptés en congés, 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les intérêts,

Débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Et statuant à nouveau,

Prononcer l'irrecevabilité de la demande nouvelle de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Dire et juger que Mme [N] n'a pas été mise à disposition de manière illicite,

Dire et juger que la société Extia n'a commis aucun délit de marchandage ni prêt de main d''uvre illicite,

Dire et juger que Mme [N] n'a effectué aucune heure supplémentaire,

Dire et juger que les demandes de rappel de salaires sont infondées,

Dire et juger que la société Extia n'est redevable d'aucune somme à Mme [N],

Dire et juger que la société Extia n'a pas exécuté de façon le contrat de travail de façon déloyale,

Débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner Mme [N] à payer à la société Extia la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Anne-Sophie Todisco.

Mme [N] s'en est rapportée à des conclusions transmises le 19 mai 2023 et demande à la cour d'appel de':

CONFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes du 12 mai 2022 en ce qu'il :

JUGE que le prêt de main d''uvre est illicite et le délit de marchandage est constitué,

En son principe, CONDAMNE la société Extia à verser à Mme [N] des sommes au titre :

- Des dommages et intérêts pour prêt de main d''uvre illicite et marchandage,

- De l'article 700 du CPC

- Des heures supplémentaires,

- Des rappels de salaire pour le mois de janvier 2019,

- Des 2 jours d'inter contrat décomptés en congés,

Mme [N] contestant le quantum des condamnations, il est demandé à la cour, statuant à nouveau de:

DIRE et JUGER que Mme [N] a été mise à disposition de manière illicite au sein de la société Extia

DIRE et JUGER que la société Extia n'a pas rémunéré à Mme [N] les heures supplémentaires qu'elle a accomplies lors de sa mise à disposition,

DIRE et JUGER que Mme [N] s'est injustement vue décompter des RTT, alors qu'elle se trouvait en inter contrat, ou sur son poste de travail,

DIRE et JUGER que la société Extia n'a pas respecté ses engagements relatifs à l'augmentation de Mme [N],

Par conséquent, CONDAMNER la société Extia à verser à Mme [N] les sommes suivantes:

Rappel d'heures supplémentaires :

A titre principal :

Rappel d'heures supplémentaires 3 552,56 euros b

Congés payés afférents 355,25 euro b

A titre subsidiaire, si la cour écarte l'application de l'accord d'entreprise sur la durée du travail:

retenir que la durée du travail de Mme [N] doit être décomptée conformément au droit commun, sur la base de 35 heures hebdomadaires et condamner la société Extia à verser à Mme [N] les sommes suivantes :

- 244,50 euros brut au titre des heures à 100%, outre 24,45 euros au titre des congés payés afférents

- 2 809 euros brut au titre des heures à 100%, outre 280,90 euros au titre des congés payés afférents

- 315,65 euros brut au titre des heures à 100%, outre 31,56 euros au titre des congés payés afférents

Rappels de salaires du mois de janvier 2019 302,63 euros b

Congés payés afférents 30,26 euros b

2 jours d'inter-projet décomptés en congés (3 et 4 janvier 2019) 230,76 euros b

Congés payés afférents 23,07 euros b

Dommages et intérêts pour prêt de main d''uvre illicite et marchandage 10 000 euros n

Article 700 du CPC 7 000 euros

4 000 euros en première instance

3 000 euros en cause d'appel

INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté Mme [N] des demandes suivantes :

Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail 10 000 euros n

ORDONNER la capitalisation des intérêts

CONDAMNER lAa partie défenderesse aux dépens

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.

La clôture a été prononcée le 08 février 2024.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur la fin de non-recevoir au titre de la demande additionnelle de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail':

Au visa de l'article 70 du code de procédure civile, la demande additionnelle formée par Mme [N] dans des conclusions transmises en première instance le 06 janvier 2021 tendant à voir condamner la société Extia à lui verser la somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail présente un lien suffisant avec les demandes originaires dès lors que l'ensemble des demandes dérivent d'un même contrat de travail, que la salariée avait d'ores et déjà formulé dans sa requête initiale des prétentions au titre de l'exécution du contrat de travail et qu'elle développe à l'appui de cette demande la circonstance que l'employeur n'a pas respecté la convention collective applicable à raison de l'absence de soumission à sa signature d'un ordre de mission écrit, élément dont elle se prévaut également dans le cadre de sa demande originaire au titre du prêt de main d''uvre illicite et du délit de marchandage.

Infirmant le jugement entrepris qui a omis de statuer de ce chef, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société Extia et de déclarer Mme [N] recevable en sa demande indemnitaire pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur le délit de marchandage et le prêt de main d''uvre illicite':

L'article L8231-1 du code du travail énonce que':

Le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d'oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail, est interdit.

L'article L 8241-1 du même code dans sa version en vigueur depuis le 04 avril 2015 prévoit que':

Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre est interdite.

Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :

1° Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l'exploitation d'une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d'agence de mannequin ;

2° Des dispositions de l'article L. 222-3 du code du sport relatives aux associations ou sociétés sportives ;

3° Des dispositions des articles L. 2135-7 et L. 2135-8 du présent code relatives à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d'employeurs mentionnées à l'article L. 2231-1.

Une opération de prêt de main-d''uvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l'entreprise prêteuse ne facture à l'entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l'intéressé au titre de la mise à disposition.

L'article L 8241-2 du code du travail prévoit que':

Les opérations de prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif sont autorisées.

Dans ce cas, les articles L. 1251-21 à L. 1251-24, les 2° et 3° de l'article L. 2312-6, le 9° du II de l'article L. 2312-26 et l'article L. 5221-4 du présent code ainsi que les articles L. 412-3 à L. 412-7 du code de la sécurité sociale sont applicables.

Le prêt de main-d''uvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert :

1° L'accord du salarié concerné ;

2° Une convention de mise à disposition entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l'identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l'entreprise utilisatrice par l'entreprise prêteuse ;

3° Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l'entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d'exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.

A l'issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail ou un poste équivalent dans l'entreprise prêteuse sans que l'évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt.

Les salariés mis à disposition ont accès aux installations et moyens de transport collectifs dont bénéficient les salariés de l'entreprise utilisatrice.

Un salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir refusé une proposition de mise à disposition.

La mise à disposition ne peut affecter la protection dont jouit un salarié en vertu d'un mandat représentatif.

Pendant la période de prêt de main-d''uvre, le contrat de travail qui lie le salarié à l'entreprise prêteuse n'est ni rompu ni suspendu. Le salarié continue d'appartenir au personnel de l'entreprise prêteuse ; il conserve le bénéfice de l'ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s'il avait exécuté son travail dans l'entreprise prêteuse.

Le comité social et économique est consulté préalablement à la mise en 'uvre d'un prêt de main-d''uvre et informé des différentes conventions signées.

Le comité de l'entreprise prêteuse est informé lorsque le poste occupé dans l'entreprise utilisatrice par le salarié mis à disposition figure sur la liste de ceux présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés mentionnée au second alinéa de l'article L. 4154-2.

Le comité social et économique de l'entreprise utilisatrice est informé et consulté préalablement à l'accueil de salariés mis à la disposition de celle-ci dans le cadre de prêts de main-d''uvre.

L'entreprise prêteuse et le salarié peuvent convenir que le prêt de main-d''uvre est soumis à une période probatoire au cours de laquelle il peut y être mis fin à la demande de l'une des parties. Cette période probatoire est obligatoire lorsque le prêt de main-d''uvre entraîne la modification d'un élément essentiel du contrat de travail. La cessation du prêt de main-d''uvre à l'initiative de l'une des parties avant la fin de la période probatoire ne peut, sauf faute grave du salarié, constituer un motif de sanction ou de licenciement.

Il résulte de ces dispositions que sont ainsi prohibées les opérations qui se présentent comme des prestations de services ou des sous-traitances alors qu'en réalité elles dissimulent une mise à disposition à but lucratif de salariés hors des cas permis par la loi.

Les critères permettant habituellement de distinguer les opérations licites des opérations illicites sont le maintien ou non du lien de subordination avec l'entreprise d'origine du salarié, le fait que la mise à disposition du salarié soit ou non à prix coûtant ou encore qu'elle soit forfaitaire ou au temps passé par le salarié mis à disposition, le fait que le salarié mis à disposition exerce ou non une activité spécifique distincte de celle de l'entreprise bénéficiaire de son travail et qu'il lui apporte ou non un savoir-faire particulier.

Lorsque plusieurs critères sont discutés, les critères d'absence de transfert du lien de subordination et, en particulier, du pouvoir de direction sur le salarié mis à disposition, et d'apport d'un savoir-faire particulier ont un poids supérieur à celui des conditions financières pour que soit écarté le caractère illicite d'une mise à disposition et lorsqu'il n'est conservé qu'un seul critère, il s'agit de celui de l'absence de transfert du lien de subordination qui l'emporte sur tous les autres, y compris celui d'apport d'un savoir-faire particulier.

Le prêt de main-d'oeuvre n'est pas prohibé par l'article L. 125-3 du code du travail (désormais L 8241-1) lorsqu'il n'est que la conséquence nécessaire de la transmission d'un savoir-faire ou de la mise en oeuvre d'une technicité qui relève de la spécificité propre de l'entreprise prêteuse (Soc., 9 juin 1993, pourvoi n° 91-40.222, Bulletin 1993 V N° 164).

La technicité spécifique à l'entreprise prêteuse peut résulter du savoir-faire particulier du salarié mis à disposition. (Soc., 7 décembre 2016, pourvoi n° 15-17.873).

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Il appartient à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, premièrement, Mme [N] a été mise à disposition de la société Framatome par la société Extia à compter du 24 mai 2018 soit quasiment dès l'embauche de la salariée effective au 21 mai 2018, étant observé qu'il est produit aux débats les bons de commande de la société cliente qui couvrent la période du 21 mai 2018 au 30 novembre 2018, Mme [N] faisant à juste titre valoir que les pièces produites (pièce n°42 Extia avec un point de suivi sur son activité fixé chez le client au 04 décembre 2018': pièce n°4 [N] échanges de courriels de décembre 2018 entre la salariée et son manager et pièces n°10 et 18 échanges SMS de janvier 2019 entre la salariée et M. [V] [R], prescripteur technique chez Framatome mentionné sur le marché) mettent en évidence qu'elle a continué à être mise à disposition jusqu'à la fin de son contrat de travail au sein de la société Extia le 26 janvier 2019 et ce, sans qu'il soit justifié de convention ultérieure entre l'entreprise prêteuse et cliente.

Sans même qu'il soit nécessaire d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties sur le fait allégué par la salariée que l'ordre de mission présenté par l'employeur en pièce n°7 est un faux, fait contesté par la société Extia, il ne peut qu'être observé en tout état de cause que cet ordre de mission n'est pas signé par la salariée et qu'aucun élément produit ne permet d'établir que l'employeur ait pu effectivement remettre le document litigieux et que la salariée ne l'aurait pas signé intentionnellement ou par négligence.

Il s'en déduit que Mme [N] a travaillé sans ordre de mission au sein de la société Framatome, étant pour autant observé qu'en tout état de cause, cet ordre de mission signé par le seul employeur n'apporte aucune contribution utile par rapport aux autres éléments produits sur les missions effectivement réalisées par la salariée au sein de la société Framatome puisqu'il est tout au plus indiqué au titre du projet «'achats sous-traitance'».

S'agissant des missions exercées par Mme [N] au sein de l'entreprise, celles-ci ont été précisées à la salariée dans un courriel du 29 mai 2018 de son manager au sein de la société Extia, M. [C]. Elles correspondent en réalité à des missions d'acheteur puisque «'le prestataire a à sa charge la contractualisation et/ou le suivi des commandes, ainsi que toutes les tâches associées (')'» qui sont ensuite détaillées mais sans être personnalisées au regard de l'activité du client.

Il apparaît que Mme [N] a, en définitive, travaillé pour le compte de la société Framatome en lien avec M. [R], indiqué comme prescripteur technique sur les bons de commandes mais dont il ressort d'un courriel du 15 mai 2018 adressé à M. [C] qu'il était au sein de la société Framatome, responsable achats prestations sites nucléaires.

S'il est suffisamment établi notamment par le profil Linkedin renseigné par la salariée qu'elle a effectivement réalisé, pendant cette période de 9 mois, pour le compte de la société Framatome, des missions d'acheteur matériaux et travaux pour des sites en France et à l'étranger (remplacement de tubes guides, remplacement générateur vapeur, soudage de tubes guides, achat de pièces de chaudronnerie, de pièces mécaniques et de tubes spéciaux), il n'est aucunement démontré que la société Extia, comme elle l'affirme, avait un savoir-faire particulier qui n'existait pas au sein de la société Framatome qu'elle aurait mis à sa disposition.

En effet, la société Framatome avait nécessairement un service achat puisque M. [R] en était le responsable et le rapport d'état d'avancement d'août 2018 de la mission fait référence à l'équipe Achat [Localité 6] et [Localité 5] au sein de l'entreprise cliente et les seules pièces produites ne permettent aucunement d'en déduire que la société Extia par l'entremise de Mme [N] allait fournir à la société Framatome des techniques ou un savoir-faire particulier que celle-ci ne possédait pas puisque nonobstant la sommation à ce titre, la société Extia s'est refusée à produire le contrat cadre ou accord cadre référencé B3A AC S360 00 visé par les bons de commandes et la circonstance qu'elle dispose d'un certificat Cefri délivré le 30 novembre 2016 et valable du 01 décembre 2016 au 01 décembre 2018 alors d'ailleurs que la mission s'est poursuivie un mois et demi supplémentaire accrédite simplement le fait qu'elle était certes en mesure d'effectuer des prestations intellectuelles d'expertise au sein des installations suivantes «'équipements et installations dans le périmètre d'une installation nucléaire de base (INB) ou installation individuelle comprise dans le périmètre d'une installation nucléaire de baise secrète (INBS)'» mais rien ne permet d'en déduire que cette compétence était absente au sein du service client et qu'il s'agit de la raison pour laquelle la société Framatome aurait sollicité les services de Mme [N], faute de production de l'ensemble des documents contractuels que la société Extia est la seule partie à l'instance à détenir. La pièce n°17 de Mme [N] tend même à établir le contraire puisque la société Framatome [Localité 6] dispose du certificat 006 E, à tout le moins dans la liste actualisée au 09 septembre 2022, soit une certification pour des travaux dans le nucléaire dont il n'est aucunement prétendu qu'il serait inférieur à celui de l'entreprise prêteuse.

Il est d'ailleurs significatif d'observer que sur les bons de commande, le prescripteur technique chez Framatome est en charge du suivi technique de la prestation et de sa validation par procès-verbal d'acceptation des livrables'; ce qui suppose que le client ne fait pas qu'accepter un produit spécifique qu'il a commandé et qu'il ne saurait pas en mesure de produire mais qu'il effectue de surcroit un suivi technique du travail fourni par le prestataire.

Il n'est pas davantage versé aux débats de «'livrables'» produits par Mme [N] dans le cadre de cette prestation de services pour le compte du client qui auraient permis à la cour d'appel de s'assurer de cette technicité de l'entreprise prêteuse qui est affirmée mais absolument pas démontrée.

Le rapport d'avancement précité d'août 2018 reste très général quant aux tâches effectuées par Mme [N] puisqu'il ne s'agit que du descriptif d'un poste d'acheteur de travaux et matériaux.

La société Extia développe des moyens inopérants selon lesquels la technicité et le savoir-faire particulier de la mise à disposition tiendraient au profil et aux compétences professionnelles de Mme [N] puisque celle-ci est certes titulaire d'un master 2 Management des achats et Supply Chain, mais il ne peut qu'être observé que ce diplôme ne lui a été délivré que le 16 novembre 2017, soit seulement 6 mois environ avant son recrutement par la société Etxia et que la seule expérience professionnelle antérieure de Mme [N], d'après son curriculum vitae, en lien avec le métier d'acheteur est un contrat de professionnalisation sur 15 mois au cours des années 2016 et 2017 au sein de la société Caterpillar, en qualité d'analyste achats spécialisée Aciers, la circonstance qu'il se soit agi d'un contrat de professionnalisation permettant d'en déduire que Mme [N] était alors en phase d'apprentissage et non un acheteur expérimenté.

Il ne peut d'ailleurs qu'être noté que Mme [N] a été recrutée par la société Extia niveau 1.2 coefficient 100 de la convention collective Syntec correspondant à un collaborateur débutant diplômé mettant en 'uvre les connaissances acquises.

En définitive, les pièces produites conduisent à considérer que Mme [N] était certes cadre diplômée pour le métier d'acheteur mais débutante lors de sa mise à disposition de la société Framatome de sorte qu'elle n'a pu apporter de compétences particulières et spécifiques au service achat de cette entreprise cliente que celle-ci ne possédait pas d'ores et déjà.

S'agissant du lien de subordination, si la société Extia assurait le suivi administratif de Mme [N] et que les discussions autour de son augmentation de salaire en janvier 2019 ont eu lieu avec cette entreprise, force est de constater que Mme [N] était manifestement seule au sein du service achat de la société cliente, sans présence, même discontinue, d'un supérieur hiérarchique et que le suivi par son manager M. [C] a été particulièrement réduit puisqu'il y a eu un point démarrage le 24 mai 2018, un point de suivi le 05 juillet 2018, un autre le 04 décembre 2018 et un déjeuner intermédiaire de prolongation du contrat le 25 juillet 2018.

La société Extia ne justifie pas de l'horaire collectif dont elle se prévaut qui aurait été appliqué à Mme [N] dans le cadre de sa mise à disposition.

Si son contrat de travail fait certes référence à cet horaire collectif et qu'il peut être admis que son manager lui donne un horaire d'arrivée le premier jour de sa mission différent de celui-ci force est de constater que l'accord collectif relatif au temps de travail du 20 mars 2018 applicable au sein de la société Extia renvoie à des horaires collectifs par défaut fixés par l'employeur, qu'il est produit à ce titre une note de service prévoyant 4 horaires collectifs possibles et que «'en fonction des projets qu'ils se voient confier, les consultants en mission sur un site client relèveront d'un de ces quatre horaires collectifs. Cette indication leur est donnée en début de mission par mention dans l'ordre de missions'».

Or, il a été vu précédemment qu'il n'est pas justifié de la remise préalable à la salariée d'un ordre de mission qu'elle aurait signé si bien que l'horaire collectif invoqué par la société Extia ne lui est pas opposable.

La société Extia produit au demeurant une extraction du compte rendu d'activité sur Ediciel du suivi d'activité de la salariée qui ne renseigne que les jours de travail par demi-journées et non les horaires de travail et qui n'est signé que par la salariée et M. [R], salarié de la société Framatome, mais aucunement par un préposé de la société Extia, l'encadré validation étant laissé vierge.

Les pièces produites permettent d'en déduire qu'au quotidien, le suivi fonctionnel de l'activité de Mme [N] était réalisé par le client lui-même en la personne de M. [R], responsable achat, et que le rapport de suivi d'août 2018 met en évidence que la salariée prêtée était intégrée à l'équipe achat du client, la société Extia ne prétendant aucunement que Mme [N] se soit adressée ou aurait pu solliciter M. [C] ou un autre salarié de la société Extia pour discuter techniquement des travaux accomplis au sein de la société Framatome.

Enfin, le caractère lucratif du prêt de main d''uvre résulte de la circonstance que le montant du marché a été calculé à partir d'un taux journalier de 335 euros incluant les frais de vie et plus généralement «'les frais et sujétions de toute nature liés aux obligations du fournisseur de la prestation tels que notamment les salaires et charges, les frais financiers, les impôts, les frais de transport, les frais de visas, les assurances, les frais de vie hors logement et les frais scolaires.'» d'après les bons de commande alors que le salaire par jour de Mme [N] est de 115 euros brut.

Même en retenant la part patronale des cotisations sociales, on aboutit à un coût journalier salarial pour l'employeur de 166 euros brut, soit deux fois inférieur à la facturation au client, l'employeur se prévalant d'autres frais de transport et de tickets-restaurant qu'il ne chiffre pas et qui ne permettent de toutes façons pas d'aboutir à un montant doublé par rapport au coût salarial correspondant au coût unitaire de la prestation.

Le moyen relatif à la TVA reversée à l'Etat est inopérant puisque le prix unitaire journalier de 335 euros est hors taxe.

Enfin, la salariée utilisait l'ordinateur portable fourni par le client de l'aveu même de la société Extia si bien que ce coût n'a pas été supporté par la société Extia.

L'ensemble de ces éléments conduit à confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le prêt de main d''uvre illicite est constitué.

Deuxièmement, le délit de marchandage est caractérisé dès lors que Mme [N] s'est vu appliquer dans le cadre de sa mise à disposition illicite auprès de la société Framatome les stipulations de l'accord collectif sur le temps de travail en vigueur au sein de la société Extia en date du 26 avril 2018 prévoyant une majoration des heures supplémentaires au minimum légal par voie d'accord collectif, soit 10 %, alors que le taux de majoration légale est de 25 % pour les 8 premières heures et de 50 % pour les heures suivantes en vertu de l'article L 3121-22 du code du travail et qu'il est présenté des demandes de rappels d'heures supplémentaires par ailleurs accueillies, le moyen hypothétique de la société Extia tenant à l'existence d'un éventuel accord collectif au sein de la société Framatome qui fixerait le taux de majoration des heures supplémentaires également à 10 % n'étant pas retenu dès lors qu'aucune pièce produite ne permet de supposer qu'un tel accord s'appliquerait au sein de la société ayant bénéficié du prêt de main d''uvre illicite.

Les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi à la fois moral et financier, en tenant compte de la durée de la mise à disposition illicite et du marchandage, en allouant à Mme [N] la somme de 5000 euros net à titre de dommages et intérêts pour le prêt de main d''uvre illicite et le marchandage de sorte que le jugement entrepris est confirmé de ce chef, le surplus de la demande rejeté.

Sur les prétentions au titre des heures supplémentaires':

L'article L. 3171- 4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En conséquence, il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l'opposition à l'exécution de celle-ci de l'employeur se trouvant alors indifférente.

Le salarié peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires à raison de l'accord tacite de l'employeur.

Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l'employeur de la réalisation d'heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l'absence d'opposition de l'employeur à la réalisation de ces heures.

L'article D 3171-1 du code du travail prévoit que':

Lorsque tous les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe travaillent selon le même horaire collectif, un horaire établi selon l'heure légale indique les heures auxquelles commence et finit chaque période de travail.

Aucun salarié ne peut être employé en dehors de cet horaire, sous réserve des dispositions des articles L. 3121-30, L. 3121-33, L. 3121-38 et L. 3121-39 relatives au contingent annuel d'heures supplémentaires, et des heures de dérogation permanente prévues par un décret pris en application de l'article L. 3121-67.

L'article D 3171-2 du code du travail énonce que':

L'horaire collectif est daté et signé par l'employeur ou, sous la responsabilité de celui-ci, par la personne à laquelle il a délégué ses pouvoirs à cet effet.

Il est affiché en caractères lisibles et apposé de façon apparente dans chacun des lieux de travail auxquels il s'applique. Lorsque les salariés sont employés à l'extérieur, cet horaire est affiché dans l'établissement auquel ils sont attachés.

L'article D 3171-4 du même code dispose que':

Un double de cet horaire collectif et des rectifications qui y sont apportées est préalablement adressé à l'inspecteur du travail.

L'article D 3171-8 du code du travail prévoit que':

Lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe, au sens de l'article D. 3171-7, ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes :

1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ;

2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié.

En l'espèce, Mme [N] produit en pièce n°24, après avoir rectifié son décompte initial résultant de sa pièce n°9, un décompte suffisamment précis des heures supplémentaires qu'elle dit avoir effectuées et qui ne lui ont pas été rémunérées puisqu'elle a pour chaque jour de la relation de travail indiqué son heure d'arrivée, son heure de départ, son temps de pause, en déduisant un nombre d'heures supplémentaires.

La société Extia ne justifie pas des horaires effectivement réalisés en opposant à la salariée un horaire collectif de travail ainsi que l'article 2.4 de l'accord collectif d'entreprise sur la durée du travail prévoyant que les heures supplémentaires doivent faire l'objet d'une autorisation du supérieur hiérarchique dès lors qu'il a été vu précédemment qu'il existe plusieurs horaires collectifs dans l'entreprise, que l'ordre de mission supposé mentionné l'horaire collectif applicable n'est pas signé et partant non opposable à la salariée, qu'il a été vu précédemment que la mise à disposition de Mme [N] au bénéfice de la société Framatome est intervenue dans des conditions illicites, la salariée se trouvant de fait intégrée au service achat de la société cliente et ainsi soumise aux contraintes d'organisation de celles-ci, y compris s'agissant des horaires de travail et qu'il ressort des éléments du dossier que l'employeur a adopté un positionnement incompatible avec le fait que la salariée aurait été soumise à des horaires collectifs précis. Sur ce dernier point, il ne peut qu'être observé que M. [C], son manager, lui a proposé de passer à l'agence le 21 décembre 2018 sur des créneaux horaires excédant les horaires de travail de la salariée dont l'employeur se prévaut aujourd'hui, que dans un SMS du 12 octobre 2018, M. [C] a évoqué la «'journée marathon'» de la salariée difficilement compatible avec des horaires fixes et lui a demandé, au demeurant, de passer à l'agence mardi soir prochain, soit là encore à un moment de nature à être en dehors de l'horaire collectif de travail dont l'employeur se prévaut désormais.

D'ailleurs, dans son attestation, M. [C], son manager, le témoignage devant être pris avec beaucoup de précaution puisqu'émanant d'une personne dans un lien de subordination avec une partie, ne prétend aucunement que Mme [N] aurait été soumise à un horaire collectif puisqu'il a déclaré': «'[Z] [N] ne m'a jamais demandé d'effectuer des heures supplémentaires. Elle ne m'a jamais informé qu'elle faisait des heures supplémentaires malgré les points de suivi avec elle. Une fois [Z] [N] m'a dit qu'elle trouvait qu'elle faisait beaucoup d'heures mais elle prenait en compte son temps de présence dans les locaux pour attendre son train et son temps de trajet aller-retour.'».

S'agissant du décompte du temps de travail intégrant des temps d'attente et de trajet, ce point est contesté par la salariée mais il ne peut qu'être observé que son supérieur hiérarchique ne prétend pas lui avoir alors rappelé qu'elle aurait été soumise à un quelconque horaire collectif.

Il s'ensuit que le principe des heures supplémentaires est acquis.

Mme [N] verse au soutien de sa demande, outre les décomptes précis précités, des relevés d'heures manuscrits sur la période du 24 mai au 22 octobre 2018 et un échange de SMS le 12 janvier 2019 avec M. [R] qui sollicite la salariée un samedi en lui demandant d'envoyer un fichier.

L'employeur invoque à tort un prétendu horaire collectif non opposable à la salariée et il a été vu précédemment qu'il n'est pas fondé à opposer à la salariée une absence de demande d'autorisation écrite pour la réalisation d'heures supplémentaires.

La société Extia développe également un moyen inopérant tenant à la circonstance que la salariée ne se serait pas plainte certains jours d'une absence de pause alors qu'il appartient à l'employeur d'établir qu'il a effectivement permis à Mme [N] de prendre ses pauses'; ce qu'il ne fait pas.

L'employeur développe également des moyens inopérants en critiquant le décompte de la salariée pour les 24 mai 2018, 12 octobre et 18 décembre 2018 et le 24 janvier 2019 alors que dans son décompte actualisé, Mme [N] a indiqué avoir commencé à travailler à partir de 9h00 le 24 janvier 2019 et non de 8 h00, de même le 18 décembre 2018 et qu'elle établit s'être vu annoncée une heure de début de mission le 24 mai 2018 à 8h30.

Tout au plus, Mme [N] admet que son décompte est erroné en ce qu'elle a mentionné une heure d'arrivée à 8h00 et non à 9h00 le 12 octobre 2018, quoiqu'elle n'ait pas procédé à une rectification comme indiqué dans ses conclusions dans sa pièce n°24.

Il est également sans portée que la salariée n'ait pas informé son employeur de la réalisation d'heures supplémentaires dès lors que celles-ci ont été rendues nécessaires par les conditions d'exécution concrètes des missions par la salariée, à savoir son intégration au service achat de la société cliente, sans la moindre justification par l'employeur d'un contrôle de son activité, les comptes-rendus d'activité produits aux débats ne référençant l'activité que par demi-journées et non selon des horaires précis et étant de surcroît signés par la salariée et M. [R], sans aucune validation signée par la société Etxia.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, Mme [N] est fondée à se prévaloir de l'annualisation de son temps de travail dans le cadre du calcul de ses heures supplémentaires.

En effet, les heures supplémentaires sont définies à l'article 2.4 de l'accord d'entreprise sur la durée du travail du 20 mars 2018 comme les heures excédant la durée annuelle du travail de 1607 heures et ce dans le chapitre 2': durée du travail, qui concerne tous les salariés.

Par ailleurs, Mme [N], qui a été embauchée en qualité de cadre, sans convention de forfait stipulée, relève nécessairement des articles 3.3.1 et 3.3.2 de l'accord faisant là encore référence à la durée annuelle de travail de 1607 heures, l'article 3.4 qui régit des catégories professionnelles inférieures au statut cadre ne pouvant lui être appliqué et ce d'autant que Mme [N] a bénéficié de jours RTT.

Quoiqu'il s'agisse d'une stipulation contractuelle figurant au 4.3 «'embauche ou départ en cours d'année'» incluse dans le chapitre 4 modalités d'acquisition et de prise de congés de jours RTT, les partenaires sociaux ont prévu comme conditions de prise en compte pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et des départs en cours d'exercice en application de l'article L 3121-44 3° du code du travail':

«'En cas de durée du travail incomplète sur l'année et sous réserve de l'impact des droits à congés payés, les durées de travail effectives, la rémunération ainsi que les jours libérés dans le cadre de l'application de l'horaire de référence sont proratisés'».

Pour autant, le décompte de Mme [N] est erroné puisque l'accord vise l'année, qui s'entend de l'année civile du 01 au 31 décembre, et qu'elle a considéré qu'appartenaient à tort à un seul et même exercice les jours travaillés du 24 mai 2018 au 25 janvier 2019.

Sur l'exercice 2018, la proratisation aboutit à 224 jours de présence sur 365, soit un plafond de déclenchement des heures supplémentaires ressortant à 986 heures et sur l'exercice 2019, à 26 jours de présence sur 365 soit un plafond de déclenchement des heures supplémentaires à 114,47 heures.

Mme [N] a travaillé 1151,52 heures en 2018, déduction faite de l'heure indue du 12 octobre 2018'; ce qui aboutit à 165,52 heures supplémentaires et à un rappel de salaire avec la majoration de 10 % de 3000,55 euros brut.

Pour l'année 2019, avec les mêmes modalités de calcul, il est retenu 0,28 heure supplémentaire et un rappel de salaire de 5,077 euros brut.

Infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société Extia à payer à Mme [N] la somme de 3005,63 euros à titre de rappel sur heures supplémentaires, outre 300,56 euros brut au titre des congés payés afférents et de rejeter le surplus des prétentions de ce chef.

Sur le rappel de salaire de janvier 2019':

Il résulte de l'article 1353 du code civil que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit en rapporter la preuve.

En l'espèce, par courriel en date du 11 janvier 2019, M. [C], manager de Mme [N], lui a indiqué «'nous te confirmons que ton salaire passera à 2900 euros brut mensuel à compter du mois de janvier 2019. J'attends donc avant midi ton mail te désengageant de ta lettre de démission'».

Par courriel du même jour, Mme [N] a indiqué à son employeur qu'elle annulait sa précédente lettre de démission suite à son augmentation.

La salariée rapporte la preuve suffisante de l'engagement ferme de son employeur d'augmenter son salaire de janvier 2019 de manière rétroactive sous une seule et unique condition, la rétractation de sa démission donnée par lettre du 08 janvier 2019, parfaitement remplie en l'espèce, l'une et l'autre des parties employant improprement le terme de démission alors qu'il s'agit d'une rupture de période d'essai mais sans aucune conséquence juridique puisqu'il n'y avait absolument aucune ambiguïté sur l'acte juridique dont Mme [N] devait se retracter.

La société Extia soutient de manière non fondée qu'il y aurait eu une condition supplémentaire tenant au fait que la salariée ne rompe pas sa période d'essai'; ce qu'elle a en définitive fait par lettre du 22 janvier 2019.

En effet, les attestations de MM. [C] et [T] sont dépourvues de toute portée à ce sujet dès lors qu'il ne ressort aucunement du courriel précité qu'ils ont fait part de cette condition supplémentaire à Mme [N] lorsqu'ils se sont engagés sur l'augmentation salariale à compter du 01 janvier 2019.

Au demeurant, une telle condition serait totalement illicite puisqu'elle reviendrait à imposer de manière rétroactive une retenue sur salaire alors que les sanctions pécuniaires sont prohibées par l'article L 1331-2 du code du travail.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris qui a retenu des montants erronés et de condamner la société Extia à payer à Mme [N] les sommes de':

- 302,63 euros brut à titre de rappel de salaire de janvier 2019

- 30,26 euros brut au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de rappel de salaire'sur les deux jours de congés sans solde':

Il est constant que Mme [N] a été en congé payé le 02 janvier 2019. Une discussion existe entre les parties sur les 3 et 4 janvier 2019. L'employeur prétend que la salariée était en absence non justifiée car elle ne s'est pas présentée à son travail au sein de la société Framatome, de sorte qu'il lui a été déduit ces deux jours sur le bulletin de paie de février 2019.

Pour autant, son employeur lui a annoncé par l'intermédiaire de M. [C] par courriel du 21 décembre 2018 que ces deux jours seront pris en RTT si elle n'avait pas l'accord de M. [R] pour une reprise anticipée au sein de la société Framatome.

Il ne saurait être considéré que la salariée était en absence injustifiée dès lors que l'employeur ne prétend pas et encore moins n'établit que la salariée n'aurait pas sollicité M. [R] et/ou que celui-ci aurait donné son accord pour une reprise du travail dès le 3 ou le 4 janvier 2010.

Il s'ensuit que l'employeur a opéré à tort une retenue sur salaire et ce d'autant, qu'il s'évince de ce courriel que la demande de M. [C] est caractéristique du prêt de main d''uvre illicite puisqu'en définitive, la salariée doit gérer seule ses périodes de travail pour ces deux jours avec l'entreprise cliente.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Extia à payer à Mme [N] 230,76 euros au titre des 2 jours d'inter-contrat décomptés en congés sans solde et y ajoutant de condamner la même à lui payer la somme de 23,07 euros brut au titre des congés payés afférents.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail':

L'employeur a méconnu l'article 51 de la convention collective Syntec en ne faisant pas signer à Mme [N] un ordre de mission pour les prestations qu'elle a réalisées au sein de la société Framatome.

Il s'agit d'un manquement avéré mais il n'est pas rapporté la preuve d'un préjudice distinct qui ne serait pas d'ores et déjà indemnisé au titre du prêt de main d''uvre illicite et du délit de marchandage puisque cet élément de fait a été retenu parmi d'autres pour caractériser ces deux derniers manquements de l'employeur.

Il s'ensuit qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande indemnitaire de ce chef.

Sur les demandes accessoires':

L'équité et la situation économique respective des parties commandent de confirmer l'indemnité de procédure de 1500 euros allouée par les premiers juges et d'accorder une indemnité complémentaire de 2000 euros à Mme [N] à hauteur d'appel.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner la société Extia, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- jugé que le prêt de main d''uvre est illicite et le délit de marchandage est constitué,

- condamné la société Extia à verser à Mme [N] les sommes suivantes :

5000,00 euros au titre de dommages et intérêts pour prêt de main d''uvre illicite et marchandage

1500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du présent jugement

230,76 euros au titre des 2 jours d'inter-contrat décomptés en congés, sauf à préciser qu'il s'agit d'une somme brute ladite somme avec intérêt de droit à compter du 24 juillet 2019

- rappelé que les sommes à caractère salariale bénéficient de l'exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution, en application de l'article R 1454-28 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaire,

- débouté Mme [N] de sa demande pour exécution déloyale du contrat de travail,

- condamné la société Extia aux dépens.

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DECLARE Mme [N] recevable en sa demande indemnitaire pour exécution déloyale du contrat de travail.

CONDAMNE la société Extia à payer à Mme [N] les sommes suivantes':

- trois mille cinq euros et soixante-trois centimes (3005,63 euros) à titre de rappel sur heures supplémentaires,

- trois cents euros et cinquante-six centimes (300,56 euros) brut au titre des congés payés afférents,

- trois cent deux euros et soixante-trois centimes (302,63 euros) brut à titre de rappel de salaire sur janvier 2019

- trente euros et vingt-six centimes (30,26 euros) brut au titre des congés payés afférents

- vingt-trois euros et sept centimes (23,07 euros) brut au titre des congés afférents à la retenue injustifiée de janvier 2019

Outre intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 24 juillet 2019

ORDONNE la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 18 juillet 2019, date de la demande en justice

DÉBOUTE Mme [N] du surplus de ses prétentions au principal

CONDAMNE la société Extia à payer à Mme [N] une indemnité complémentaire de procédure de 2000 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Extia aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 22/02293
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.02293 ?
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