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13/06/2024 | FRANCE | N°22/02031

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 13 juin 2024, 22/02031


C 2



N° RG 22/02031



N° Portalis DBVM-V-B7G-LMEH



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Sandrine MONCHO



Me Virginie VABOIS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇA

IS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 13 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG F 19/00891)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 28 avril 2022

suivant déclaration d'appel du 23 mai 2022





APPELANTE :



S.A.S. CENTUM T&S TECHNOLOGIES ET SOLUTIONS (anciennement dénommée CENTUM ADENO)

[Adresse 3]

[L...

C 2

N° RG 22/02031

N° Portalis DBVM-V-B7G-LMEH

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Sandrine MONCHO

Me Virginie VABOIS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 13 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG F 19/00891)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 28 avril 2022

suivant déclaration d'appel du 23 mai 2022

APPELANTE :

S.A.S. CENTUM T&S TECHNOLOGIES ET SOLUTIONS (anciennement dénommée CENTUM ADENO)

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Sandrine MONCHO, avocat postulant au barreau de GRENOBLE

et par Me Denis AVRIL de la SELARL JURI SOCIAL AVOCATS ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LYON,

INTIME :

Monsieur [X] [U]

né le 26 Septembre 1965 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Virginie VABOIS, avocat au barreau d'ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

M. Jean-Yves POURRET, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 avril 2024,

Jean-Yves POURRET, conseiller chargé du rapport et Frédéric BLANC, conseiller faisant fonction de président, ont entendu les parties en leurs conclusions, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 13 juin 2024.

EXPOSE DU LITIGE

M. [X] [U], né le 26 septembre 1965, a été embauché le 18 mars 2008 par la société Temis (groupe Centum ingénieur-développement) suivant contrat de travail à durée indéterminée soumis à la convention collective des bureaux d'études techniques.

Une convention tripartite a été régularisée en date du 17 janvier 2011 à l'occasion de son transfert sur le site de [Localité 5] dans le département de l'Isère au profit de la société Centum adeno aux droits de laquelle vient désormais la société Centum technologies et solutions.

Après l'avoir convoqué le 9 octobre 2018, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, la société lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse par courrier recommandée avec accusé de réception daté du 23 octobre 2018 avec un préavis de trois mois débutant le jour de la présentation de la lettre à son domicile.

Par requête du 24 octobre 2019, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement, voir reconnaître un manquement de l'employeur à son obligation de formation et obtenir sa condamnation à lui payer les indemnités afférentes.

La société Centum technologies et solutions s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement du 28 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

Débouté la société Centum adeno de sa demande de prescription de l'action de M. [U] in limine litis';

Rejeté la demande de nullité de la saisine par la société Centum adeno déposée par M. [U]';

Fixé la moyenne des salaires bruts de M. [U] à la somme de 3 728,89 euros';

Dit que le licenciement de M. [U] est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse';

Dit que le licenciement de M. [U] est irrégulier pour inobservation de la procédure de licenciement';

Dit que la société Centum adeno a manqué à son obligation de formation';

Condamné la société Centum adeno à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- 30 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';

- 4 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour défaut de formation';

- 1 500 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du présent jugement';

Débouté M. [U] du surplus de ses demandes';

Débouté la société Centum adeno de sa demande reconventionnelle';

Dit qu'une expédition de la présente décision sera adressée par le greffe du conseil à Pôle emploi en application de l'article L1235-4 du code du travail';

Condamné la société Centum adeno aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 30 avril 2022 par M. [U] et le 2 mai 2022 pour la société Centum adeno.

Par déclaration en date du 23 mai 2022, la société Centum adeno a interjeté appel.

M. [U] a formé appel incident.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 avril 2024, la société Centum technologies et solutions sollicite de la cour de':

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande au titre de l'irrégularité de la procédure';

Réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble en ce qu'il a :

- Débouté la société Centum Adeno de sa demande de prescription de l'action de M. [U] in limine litis ;

- Fixé la moyenne des salaires bruts de M. [U] à la somme de 3 728,89 euros ;

- Dit que le licenciement de M. [U] est irrégulier pour inobservation de la procédure de licenciement ;

- Dit que la société Centum adeno a manqué à son obligation de formation ;

- Condamné la société Centum adeno à verser à M. [U] les sommes suivantes :

30 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse';

4 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour défaut de formation';

1 500 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- Débouté la société Centum adeno de sa demande reconventionnelle';

- Condamné la société aux entiers dépens';

En conséquence, et statuant à nouveau,

A titre liminaire,

Constater la prescription de l'action de M. [U]';

Déclarer irrecevable l'action de M. [U] en ce qu'elle est prescrite';

Par conséquent,

Débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes ;

A titre principal,

Dire et juger le licenciement bien fondé';

Par conséquent,

Débouter M. [U] de sa demande au titre du licenciement sans cause réelle ni sérieuse';

Dire et juger que M. [U] est défaillant à démontrer un quelconque préjudice du fait de délai de 4 jours ouvrables s'étant écoulé entre la réception de la convocation et l'entretien';

Par conséquent,

Débouter M. [U] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre';

Dire et juger que M. [U] n'apporte aucun élément de nature à justifier un défaut de formation et ne démontre aucun préjudice';

Par conséquent,

Débouter M. [U] de sa demande de dommages et intérêts';

Allouer à la société Centum technologies et solutions une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la phase de première instance';

Débouter M. [U] de sa demande d'article 700 du code de procédure civile';

Condamner M. [U] à verser 2 500 euros à la société Centum technologies et solutions en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [U] aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 3 avril 2024, M. [U] sollicite de la cour de':

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 28 avril 2022 en ce qu'il débouté la société Centum adeno devenue Centum technologies et solutions de sa fin de non-recevoir et de sa demande de prescription de l'action de M. [U] et juger que l'action de l'intéressé est parfaitement recevable';

Prendre acte du fait, qu'en appel, la société Centum technologies et solutions ne maintient plus son moyen tiré de la nullité de la requête de M. [U]';

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 28 avril 2022 en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [U] est dépourvu de toute réelle et sérieuse';

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 28 avril 2022 en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [U] est irrégulier en la forme';

Sur l'indemnisation au titre du licenciement,

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 28 avril 2022 en ce qu'il a fixé la moyenne des salaires bruts de M. [U] à la somme de 3 728,89 euros';

À titre principal,

Statuer à nouveau sur le montant de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Centum technologies et solutions à payer à M. [U] la somme de 37'288,90 euros net de CSG et CRDS à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse au lieu des 30 000 euros net alloués par le conseil de prud'hommes';

À titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour juge que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

Condamner la société Centum technologies et solutions à payer à M. [U] la somme 3'728,89 euros net de CSG et CRDS à titre d'indemnité de licenciement irrégulier en la forme';

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 28 avril 2022 en ce qu'il dit que la société Centum adeno devenue société Centum technologies et solutions avait manqué à son obligation de formation ;

Statuer à nouveau sur le montant des dommages-intérêts afférents et condamner la société Centum technologies et solutions à payer à M. [U] la somme de 7 000 euros net de CSG et GRDS à titre de dommages-intérêts pour défaut de formation, au lieu des 4 000 euros alloués par le conseil de prud'hommes';

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 28 avril 2022 en ce qu'il a condamné la société Centum adeno devenue société Centum technologies et solutions à payer à M. [U] la somme de 1 500 euros net au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance';

Y ajouter la somme de 2 500 euros pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel Condamner la société Centum technologies et solutions à payer cette somme à M. [U]';

Condamner la même aux entiers dépens de procédure';

Juger que les sommes allouées à M. [U] porteront intérêt au taux légal avec leur capitalisation à compter de la date de la demande.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 février 2024.

A l'audience du 10 avril 2024, la cour a rabattu l'ordonnance de clôture et prononcé une nouvelle clôture avant l'ouverture des débats. Le dossier a été mise en délibéré au 13 juin 2024.

EXPOSE DES MOTIFS

Sur la recevabilité de l'action':

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l'article L 1471-1 du code du travail, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

En l'espèce, pour soulever l'irrecevabilité de l'action du salarié, l'employeur se limite à invoquer la date mentionnée sur le courrier de licenciement, soit le 23 octobre 2018 sans rapporter la preuve de la date de sa notification alors au contraire que le salarié justifie que le courrier lui a été présenté la première fois le 25 octobre 2018 et qu'il a saisi le conseil de prud'hommes le 24 octobre 2019.

En l'absence de prescription, par confirmation du jugement entrepris, l'irrecevabilité de l'action en raison de la prescription soulevée par la société Centum technologies et solutions est rejetée.

Sur l'obligation de formation':

Il résulte de l'article L.6321-1 du code du travail que l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

En l'espèce, il s'évince de la fiche individuelle de formation du salarié produite par l'employeur qu'il a reçu 3,5 heures de formation en 2017 pour une habilitation électrique, deux jours de formation en février et avril 2014 et six jours de formation en 2011.

Cependant ces seuls éléments sans autres précisions sont insuffisants pour établir que l'employeur a respecté son obligation de formation à l'égard du salarié alors par ailleurs qu'il le licencie en raison de son manque de performance.

Contrairement à ce que soutient la société Centum technologies et solutions, le manquement de l'employeur à son obligation de formation à l'égard du salarié est à l'origine d'un préjudice distinct de celui causé par la perte de son emploi.

Confirmant le jugement entrepris, il est dit que la société Centum technologies et solutions a manqué à son obligation de formation et cette dernière est condamnée à payer à M. [X] [U] la somme de 4'000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de formation, avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2022.

Sur le licenciement

Selon l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1235-1 du même code prévoit notamment que le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie.

Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'article L. 1235-2 du code du travail dispose que la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.

Si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis, matériellement vérifiables, cette exigence est satisfaite lorsque la lettre de licenciement mentionne l'insuffisance professionnelle.

Pour constituer une cause réelle et sérieuse de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être établie par des éléments précis, objectifs ayant des répercussions sur la marche ou le fonctionnement de l'entreprise, constitués non par une violation des obligations résultant du contrat de travail mais par une mauvaise exécution par le salarié de ses obligations caractérisée, notamment, par des erreurs, des omissions ou par un volume de travail insuffisant.

L'insuffisance professionnelle d'un salarié ne peut être retenue si un employeur n'a pas adapté le salarié à l'évolution de son poste et/ou n'a pas mis à sa disposition les moyens nécessaires à la réalisation de ses missions.

Le salarié ne répondant pas aux attentes de son employeur doit en principe faire l'objet d'une mise en garde préalable.

En l'espèce, l'employeur formule les reproches suivants pour justifier l'insuffisance professionnelle :

Sur l'insatisfaction du client [Z]':

Ce grief est uniquement fondé sur un courriel interne à l'entreprise aux termes duquel un ingénieur rend compte d'un échange téléphonique avec un client selon lequel «'[X] n'est pas assez réactif, il est vite bloqué et ne prend pas d'initiatives. C'est une petite équipe et ils n'ont pas trop le temps de s'occuper de lui. En prenant [X] avec une telle expérience, ils recherchaient quelqu'un qui puisse leur apporter des réponses et les aider dans leur développement, ce que n'arrive pas à faire [X]. Ils se demandent si c'est son caractère ou la mission qui ne le motive plus'».

Or, ces propos généraux rapportés ne contiennent aucun élément précis et objectif pour matérialiser le manque d'initiative ainsi que les lacunes techniques évoquées dans la lettre de licenciement à propos de la mission qui s'est déroulée chez ce client d'octobre 2016 à mars 2017.

Au surplus, aucun des reproches ainsi formulés n'est mentionné dans l'entretien d'évaluation de l'année 2017 alors pourtant que la mission avec ce client est évoquée et plus largement, l'employeur n'invoque aucune mise en garde à quelconque moment relativement aux reproches formulés à propos de cette mission.

Au demeurant, alors que dans ses conclusions l'employeur indique avoir perdu le marché avec ce client, le courriel précité avait précisément pour objet la recherche d'un collaborateur susceptible de lui donner satisfaction, ce qui manifestement n'a pas abouti, indépendamment de la situation de M. [U]. Cette perte du contrat est donc insuffisante pour établir l'insuffisance professionnelle du salarié.

Sur l'échec du projet DLSU

Ce reproche est fondé sur un courriel du 8 décembre 2017 selon lequel le salarié «'n'a pas été retenu en raison de l'interaction qu'il créait avec ses interlocuteurs': il se perd très vite dans le détail ce qui génère de l'incompréhension et du coup une absence de confiance (tant sur ses capacités techniques que sur sa capacité à travailler au sein d'une équipe)'».

Il est corroboré par deux attestations en pièces n°16 et 17 rédigées par un chef de projet et un autre salarié évoquant des difficultés rencontrées pour comprendre les besoins, réaliser la mission ou encore communiquer et un manque d'efficacité qui ne permet de maîtriser tant le planning que le coût d'un projet.

Cependant, là encore, l'employeur produit des appréciations générales sans donner d'élément précis objectivement vérifiables.

Surtout, il ne justifie pas avoir effectué un retour auprès du salarié, l'avoir mis en garde ou encore l'avoir formé pour améliorer sa pratique alors que l'entretien de l'année 2017 auquel il est fait pourtant expressément référence par l'employeur pour conclure que le bilan auprès de la société Safran est très mitigé ne contient nullement ces éléments.

Sur la tentative de repositionnement auprès des clients

Au soutien de cette affirmation dans ses écritures, l'employeur renvoie tout d'abord au même courriel précédemment cité du 8 décembre 2017 contenant une appréciation générale et subjective.

Sur les taux d'occupation et de performance du salarié

L'employeur fonde ce motif évoqué dans la lettre de licenciement sur un tableau Excel qu'il a établi reprenant l'activité de ses salariés dont il s'évince que le taux d'occupation de M. [U] sur l'année 2017 a été de 57 % avec 121 jours de travail pour des clients.

Quoique dans ses écritures l'employeur soutient que ce taux est obtenu en dépit de ses tentatives pour le rendre attractif auprès des clients, il procède par simple allégation sans fournir aucun élément à cet égard.

Contrairement à l'affirmation péremptoire de l'employeur, ce taux d'occupation du salarié ne permet pas de déduire une insuffisance professionnelle de ce dernier dans la mesure il peut être causé par bien d'autres facteurs.

Sur la mission chez Alstom

Le courriel du 18 janvier 2018 dans lequel le client indique «'nous ne souhaitons pas poursuivre avec ce candidat. Notre compréhension du profil et de ses expériences ne semble pas coller avec le contexte des missions proposées'» est insuffisant pour caractériser une quelconque insuffisance professionnelle alors que précisément les motifs invoqués pour ne pas retenir sa candidature n'ont pas trait qu'à des raisons objectives relatives à son expérience et son profil.

Sur le dossier [V]

L'employeur verse différents courriels émanant du client dont il ressort que «'[X] [U] n'était pas du même niveau de compétence que [S] [O]'», que ce prestataire «'n'est pas du niveau attendu'» et que les projets prennent du retard.

Cependant, là encore, ces brèves appréciations générales ne sont pas étayées par des éléments précis et concrets permettant de caractériser une insuffisance professionnelle du salarié.

Au-delà, les reproches généraux de l'employeur au salarié de ne pas atteindre ses attentes «'sur le plan des performances exigées'» ou «'les difficultés de méthodologie'» ne sont pas étayés par des éléments objectifs, étant observé que l'employeur ne peut pas non plus motiver son licenciement en retenant que «'la confiance nécessaire au maintien de notre relation contractuelle est rompue'».

Enfin, quoique la société Centum technologies et solutions évoque lui avoir adressé des «'demandes insistantes de modifier [ses] méthodes de travail pour améliorer son efficience et satisfaire les protocoles de travail'» ou «'avoir tout mis en 'uvre pour [lui] permettre de corriger [ses] carences'» précisant que «'ceci s'est notamment traduit par un accompagnement à la préparation des entretiens et une diversification des missions'» aucune pièce produite n'objective une quelconque mise en garde ou encore un quelconque accompagnement du salarié pour s'adapter aux missions qui lui étaient confiées alors qu'il a été précédemment retenu que l'employeur ne justifie pas suffisamment avoir rempli son obligation de formation.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments fournis par les deux parties, l'insuffisance professionnelle de M. [X] [U] n'est pas établie.

Confirmant le jugement déféré, il est dit que le licenciement de M. [X] [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'employeur reconnait qu'en raison des délais postaux, le délai de cinq jours ouvrables exigé par l'article L. 1232-2 du code du travail dont doit disposer le salarié entre l'entretien préalable et la présentation ou la remise en mains propres antérieures de la convocation n'a pas été respecté.

Confirmant le jugement entrepris, il est donc dit que la procédure de licenciement a été irrégulière.

Sur les indemnités afférentes':

L'article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.

M. [U], qui disposait d'une ancienneté de plus de 10 années complètes, peut prétendre, par application des dispositions précitées à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre trois et dix mois de salaire.

Âgé de 53 ans à la date du licenciement, il percevait un salaire de l'ordre de 3'728,89 euros et il ne justifie pas de sa situation ultérieure à l'égard de l'emploi.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, confirmant le jugement entrepris, la société Centum technologies et solutions est condamnée à payer à M. [X] [U] la somme de 30 000 euros sauf à préciser que cette somme est brute, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2022.

M. [X] [U] est débouté du surplus de sa demande à ce titre.

En application de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

Sur les demandes accessoires

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, la société Centum technologies et solutions, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, de condamner la société Centum technologies et solutions à payer à M. [X] [U] le somme de 1'500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la même somme de 1'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Les parties sont déboutées du surplus de leurs prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes sauf en ce qu'il a dit que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est nette,

Statuant du chef infirmé et y ajoutant,

DIT que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est brute';

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil,

CONDAMNE la société Centum technologies et solutions à payer à M. [X] [U] la somme de 1'500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel';

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes';

CONDAMNE la société Centum technologies et solutions aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 22/02031
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.02031 ?
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