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07/06/2024 | FRANCE | N°22/03914

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 07 juin 2024, 22/03914


C3



N° RG 22/03914



N° Portalis DBVM-V-B7G-LSEU



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :





Me Dimitri PINCENT





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAM

BRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU VENDREDI 07 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG 21/00277)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry

en date du 26 septembre 2022

suivant déclaration d'appel du 28 octobre 2022





APPELANTE :



Madame [M] [E]

née le 13 mars 1960 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Dimit...

C3

N° RG 22/03914

N° Portalis DBVM-V-B7G-LSEU

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Dimitri PINCENT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU VENDREDI 07 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG 21/00277)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry

en date du 26 septembre 2022

suivant déclaration d'appel du 28 octobre 2022

APPELANTE :

Madame [M] [E]

née le 13 mars 1960 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Alban VILLECROZE, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

La CIPAV, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Manon ALLOIX, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 mars 2024,

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président chargé du rapport, M. Pascal VERGUCHT, Conseiller et Mme Elsa WEIL, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs dépôts de conclusions et observations,

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [M] [E] a été affiliée à la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse (CIPAV) à compter du 1er avril 2013 sous le statut d'auto-entrepreneur du fait de son activité de thérapeute.

Le 3 août 2021, Mme [E] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry d'un recours à l'encontre de la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable de la CIPAV saisie le 8 septembre 2020 de sa demande de rectification du nombre de ses points de retraite acquis au titre du régime de base et du régime complémentaire, pour les années 2013 à 2019, après avoir pris connaissance de son relevé de situation individuelle du 26 avril 2020.

Par jugement RG 21/00277 du 26 septembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry a :

- déclaré le recours formé par Mme [E] irrecevable,

- débouté la CIPAV de sa demande par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [E] aux dépens.

Le 28 octobre 2022, Mme [E] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 7 octobre.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 26 mars 2024 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 7 juin 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [M] [E] au terme de ses conclusions d'intimée notifiées par RPVA le 8 novembre 2023 reprises à l'audience demande à la cour de :

- INFIRMER le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry du 26 septembre 2022,

Y ajoutant,

CONDAMNER la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire qu'elle a acquis sur la période 2013'2019 selon le détail suivant :

' 36 points en 2013,

' 36 points en 2014,

' 36 points en 2015,

' 36 points en 2016,

' 72 points en 2017,

' 72 points en 2018,

' 72 points en 2019.

- CONDAMNER la CIPAV à rectifier les points de retraite base acquis sur la période 2013-2019 selon le détail suivant :

' 12,7 points en 2013,

' 16,0 points en 2014,

' 110,4 points en 2015,

' 288,0 points en 2016,

' 399,2 points en 2017,

' 403,3 points en 2018,

' 490,0 points en 2019.

- CONDAMNER la CIPAV à transmettre à Mme [E] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 250 € par jour de retard,

- CONDAMNER la CIPAV à verser à Mme [E] la somme de 3.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

- CONDAMNER la CIPAV aux dépens.

- EN CAS DE DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ SUR LES EXERCICES 2016-2019,

CONDAMNER la CIPAV à verser une indemnité supplémentaire de 3.000 € par année non renseignée en réparation du préjudice causé par le manquement à l'obligation légale d'information de la caisse, soit 12.000 € pour les années 2016 à 2019,

- CONDAMNER la CIPAV à verser à Mme [E] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Mme [M] [E] soutient que son action est recevable en ce qu'il a été jugé par la Cour de cassation suivant arrêt du 11 octobre 2018, qu'un recours contre un relevé de situation individuelle était recevable puisqu'il retranscrivait les droits à la retraite comptabilisés pour chaque caisse de retraite dont le professionnel relève, la CIPAV renvoyant d'ailleurs sur le site dédié au groupement d'intérêt public Info Retraite et qu'il vaut décision individuelle dématérialisée de la caisse qui peut lui faire grief.

Elle fait valoir qu'elle a obtenu la confirmation au moyen de son relevé de situation tel qu'établi par la CIPAV que celle-ci refusait de lui faire bénéficier, comme à tous ses adhérents auto-entrepreneurs, de l'article 2 du décret 79-262 du 21 mars 1979 en procédant jusqu'en 2015 à un abattement sur le forfait de points prévu par cet article et, après, en ne renseignant aucun droit acquis en violation de l'obligation légale d'information.

Elle ajoute que la CIPAV est tenue de mettre à jour ce relevé de situation et ne peut donc se prévaloir de l'absence d'indications qu'il contient.

Sur le calcul des points de retraite s'agissant du régime complémentaire, elle précise que selon plusieurs arrêts définitifs de diverses cours d'appel, le nombre de points de retraite alloués ne peut être inférieur à ceux de la classe A et que la règle de proportionnalité alléguée par la CIPAV est sans fondement textuel ou jurisprudentiel et est incompatible avec l'octroi de points forfaitaires.

Elle considère que le revenu de référence est le chiffre d'affaires ou les recettes et non le bénéfice et ce, sans qu'il y ait lieu d'appliquer un abattement de 34 % comme l'a fait la CIPAV pour le calcul des points de retraite de base.

Sur sa demande de réparation d'un préjudice moral, elle explique qu'elle subit une minoration de ses droits à la retraite et éprouve un stress considérable pour parvenir à la rectification de ses droits.

Elle estime que l'appel de la CIPAV n'est fait que pour retarder la solution d'un litige désormais acquise et décourager les assurés.

Si sa demande de rectification était jugée irrecevable pour les années 2018-2020 non renseignées dans le relevé de situation individuelle, elle réclame des dommages et intérêts à la CIPAV pour n'avoir pas actualisé ce relevé, ainsi qu'elle en a l'obligation par application des dispositions des articles L.161-17, R.161-11 et D.161-2-1-4 du code de la sécurité sociale.

La CIPAV selon ses conclusions notifiées par RPVA le 7 février 2024 reprises à l'audience demande à la cour de confirmer le jugement et de :

- A Titre principal,

- Déclarer irrecevable le recours formé par Mme [M] [E],

A titre subsidiaire,

- juger du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire de Mme [E],

- attribuer à Mme [E] les points de retraite de base suivants :

8,4 points de retraite de base en 2013

10,6 points de retraite de base en 2014

72,8 points de retraite de base en 2015

200,2 points de retraite de base en 2016

272,5 points de retraite de base en 2017

269,2 points de retraite de base en 2018

327,2 points de retraite de base en 2019

- attribuer à Mme [E] les points de retraite complémentaire suivants :

3 points de retraite complémentaire en 2013

5 points de retraite complémentaire en 2014

9 points de retraite complémentaire en 2015

29 points de retraite complémentaire en 2016

37 points de retraite complémentaire en 2017

36 points de retraite complémentaire en 2018

44 points de retraite complémentaire en 2019

- débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [E] à lui verser la somme de 600 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager.

Sur la recevabilité du recours, elle soutient que le recours de Mme [E] est irrecevable dès lors qu'il n'est pas fondé sur une décision qu'elle aurait prise, faisant grief et susceptible de contestation devant la commission de recours amiable mais uniquement sur un document indicatif et provisoire consistant en un extrait du site internet « GIP INFO RETRAITE », n'émanant pas de ses services.

Elle estime que Mme [E] n'a pas formulé de demande préalable auprès d'elle et qu'elle ne pouvait donc saisir directement la commission de recours amiable, puis la juridiction sociale.

Elle observe que ce document ne renseigne aucun trimestre ni aucun point à compter de 2016 inclus et ne peut donc être considéré comme une décision contestable de la CIPAV pour les années 2016 à 2019.

Sur le calcul des points de retraite de Mme [E], à titre liminaire, elle rappelle que le statut auto-entrepreneur est un statut dérogatoire au régime « normal » ouvrant droit à un régime de cotisation spécifique et permettant, pour chaque période d'affiliation, en fonction du chiffre d'affaires déclaré et donc du montant cotisé, de valider des trimestres de retraite et d'acquérir des points de retraite de base et de retraite complémentaire.

Ce régime n'est applicable qu'en deçà d'un certain plafond de chiffre d'affaires réalisé (ex 32 900 euros en 2015 pour les activités de prestations de service).

Elle explique que la simplification du mode de calcul s'est traduite par l'application d'un taux unique de cotisations, dit forfait social, au chiffre d'affaires déclaré couvrant l'ensemble des cotisations et contributions sociales de l'auto-entrepreneur.

Selon l'article D.131-5-1 du code de la sécurité sociale, pour les professionnels libéraux affiliés à la CIPAV relevant du régime de l'auto-entrepreneur, le taux du forfait social est fixé à 22 % depuis le 1er janvier 2018 (22,9 % en 2015).

Pour les exercices antérieurs à 2016, elle affirme que ce n'est pas le chiffre d'affaires (CA) qui est pris en compte dans le calcul des cotisations mais bien le bénéfice non commercial (BNC) déclaré et que précisément, dans le cadre du statut d'auto-entrepreneur, afin d'obtenir une assiette de cotisations équivalente au régime de droit commun, les cotisations de l'auto-entrepreneur sont calculées sur le CA après un abattement de 34 % reconstituant ainsi un revenu correspondant au BNC. Elle se réfère aux dispositions des articles L.133-6-8 du code de la sécurité sociale et 102 ter du code général des impôts.

Quant au régime de retraite de base, elle détaille année par année, tranche par tranche, le nombre de points acquis par Mme [E], tout en indiquant notamment que, selon l'article D.131-5-3 du code de la sécurité sociale, à compter du 13 décembre 2018, les montants des cotisations recouvrées pour les adhérents de la CIPAV relevant du régime de l'auto-entrepreneur sont répartis dans les proportions suivantes :

- contributions CSG-CRDS : 35 %

- cotisations maladie maternité : 12,5 %

- cotisation invalidité-décès : 2,5 %,

- cotisation d'assurance vieillesse de base tranche 1 : 25 %,

- cotisation d'assurance vieillesse de base tranche 2 : 5 %,

- cotisation d'assurance vieillesse complémentaire : 20 %.

Ainsi la CIPAV ne perçoit que 52,5 % du forfait social acquitté par l'auto-entrepreneur dont 30 % sont affectés au régime de base, 20 % au régime complémentaire et 2,5 % pour l'invalidité-décès.

En application du principe de proportionnalité des droits accordés par rapport aux cotisations versées, elle a recalculé les points de retraite du régime de base :

- pour les années antérieures à 2016 : en divisant le BNC par la valeur du point des tranches I et II ;

- à partir de 2016 : en divisant les cotisations découlant du forfait social appliqué au chiffre d'affaires par la valeur du point des tranches I et II.

Elle retient ainsi les nombres de points suivants selon les calculs figurant dans ses écritures auxquelles il est renvoyé pour plus amples détails.

Au titre de l'année 2013 (BNC : 584 euros) : elle retient 8,4 points de retraite de base (tranche 1).

Au titre de l'année 2014 (BNC : 749 euros) : elle retient 10,6 points de retraite de base (tranche 1).

Au titre de l'année 2015 (BNC : 5 227 euros) : elle retient 72,8 points de retraite de base (tranche 1 : 72,2 points et tranche 2 : 0,7 point).

Au titre de l'année 2016 (chiffre d'affaires : 20 985 euros) : elle retient 200,2 points de retraite de base (tranches 1 et 2 : 198,6 + 1,7).

Au titre de l'année 2017 (chiffre d'affaires : 29 550 euros) : elle retient 272,5 points de retraite de base (tranches 1 et 2 : 270,3 + 2,3).

Au titre de l'année 2018 (chiffre d'affaires : 30 236 euros) : elle retient 269,2 points de retraite de base (tranches 1 et 2 : 266,9 + 2,2).

Au titre de l'année 2019 (chiffre d'affaires : 37 465 euros): elle retient 327,2 points de retraite de base (tranches 1 et 2 : 324,2 + 2,7).

S'agissant du régime de retraite complémentaire, elle oppose que ses statuts approuvés par arrêté ministériel s'appliquent à tous les assurés, qu'ils relèvent du régime général ou auto-entrepreneur.

Elle soutient d'une part qu'il convient d'opérer une distinction avant et après le 1er janvier 2016, date à compter de laquelle a été supprimée la compensation du régime par l'Etat qui correspondait à la différence entre la plus faible cotisation non nulle dont le revenu d'activité permettait à l'assuré de bénéficier et la part du forfait social affectée au régime complémentaire et acquittée par l'assuré.

D'autre part, elle explique qu'à compter du 1er janvier 2016, le nombre de points attribués au titre du régime complémentaire est proportionnel aux cotisations effectivement réglées et que selon ce principe de proportionnalité, pour chaque année d'affiliation, le rapport entre le montant des cotisations payées par l'adhérent et la valeur du point détermine directement le nombre de points devant être attribués à ce titre.

Sur la contestation de Mme [E] portant sur l'application d'une réduction non sollicitée, elle répond que la détermination des points acquis par Mme [E] ne résulte que de l'application des dispositions réglementaires applicables au régime de l'auto-entrepreneur et elle estime que l'ACOSS était légitime à utiliser comme référence la première classe de cotisation réduite de 75 % qu'elle a donc appliquée pour le calcul des droits au titre de la retraite complémentaire.

Sur la demande d'indemnisation de Mme [E], elle soutient qu'elle n'a fait qu'appliquer les textes et que, sauf à invoquer une divergence d'interprétation de textes complexes, l'intimée ne justifie pas du caractère fautif de sa position.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1. Sur la recevabilité du recours.

L'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2017 dispose que :

« I.-Les assurés bénéficient gratuitement d'un droit à l'information sur le système de retraite par répartition, qui est assuré selon les modalités suivantes (...)

III.-Toute personne a le droit d'obtenir, dans des conditions précisées par décret, un relevé de sa situation individuelle au regard de l'ensemble des droits qu'elle s'est constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires.

Les régimes de retraite légalement obligatoires et les services de l'Etat chargés de la liquidation des pensions sont tenus d'adresser périodiquement, à titre de renseignement, un relevé de la situation individuelle de l'assuré au regard de l'ensemble des droits qu'il s'est constitués dans ces régimes.

L'assuré bénéficie d'un service en ligne lui donnant accès à tout moment à son relevé actualisé, l'informant sur les régimes dont il relève et lui permettant de réaliser certaines démarches administratives et d'échanger avec les régimes concernés des documents dématérialisés ».

Ainsi l'article R. 161-10 du code de la sécurité sociale a prévu que :

« Les organismes ou services en charge des régimes de retraite dont relèvent ou ont relevé les bénéficiaires du droit à l'information sur leur retraite prévu par l'article L. 161-17 et qui sont autorisés à collecter et conserver le numéro d'inscription des intéressés au répertoire national d'identification des personnes physiques pour la mise en 'uvre des droits à l'information sur la retraite prévus à l'article précité sont (...) :

- 6° Le groupement d'intérêt public institué par l'article L. 161-17-1 ».

Enfin l'article D. 161-2-1-5 du code de la sécurité sociale énonce que :

« Le relevé de situation individuelle mentionné au premier alinéa du III de l'article L. 161-17 est délivré, à la demande du bénéficiaire, soit par courrier au plus tous les ans, soit par tout moyen de communication électronique sécurisé.

Le délai d'un an fixé au premier alinéa du présent article est décompté de date à date à partir de la réception de la précédente demande par l'organisme ou le service y ayant répondu.

Le relevé est accessible en ligne pour l'assuré.

La demande est adressée à l'un des organismes ou services mentionnés à l'article R. 161-10 parmi ceux en charge de la gestion de l'un des régimes dont le bénéficiaire relève ou a relevé et dont il n'a pas obtenu, à la date laquelle il adresse sa demande, la liquidation ou, en cas de retraite progressive, la liquidation provisoire de la ou des pensions dont cet organisme ou service a la charge ».

Et l'article D. 161-2-1-4 :

« Sous réserve de l'application des dispositions des 3° et 4° de l'article 3 du décret n° 2006-708 du 19 juin 2006 relatif aux modalités et au calendrier de mise en oeuvre du droit des assurés à l'information sur leur retraite et modifiant le code de la sécurité sociale (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat), le relevé de situation individuelle mentionné au III de l'article L. 161-17 comporte, pour chacun des régimes dont relève ou a relevé le bénéficiaire :

1° Les données mentionnées à l'article R. 161-11 connues par les organismes ou services en charge de la gestion de ces régimes à la date à laquelle le relevé est établi, compte non tenu, s'il y a lieu, des cotisations dont l'assuré est redevable à cette date;

2° La désignation de chacune des catégories de périodes, situations ou événements non pris en compte dans les données mentionnées au 1° du présent article et susceptibles d'affecter l'âge de liquidation ou le montant des droits à pension dans chacun des régimes.

L'indication de la délivrance du relevé à titre de renseignement, le caractère provisoire des données figurant sur le relevé et l'absence d'engagement de l'organisme ou du service ayant délivré le relevé ou en charge de la gestion du ou des régimes concernés de calculer la pension sur la base de ces données sont mentionnés sur le relevé ».

En application de ces textes, Mme [E] a sollicité le 26 avril 2020 sur le site en ligne INFO RETRAITE du Groupement d'Intérêt Public UNION RETRAITE un relevé de situation individuelle comportant ses droits acquis auprès de la CIPAV qui ne comporte d'informations quant aux points acquis pour la retraite de base et la retraite complémentaire que pour les années 2013 à 2015 (sa pièce 1.1b) et comme information complémentaire : « Si vos droits les plus récents ne figurent pas sur ce document, ils seront enregistrés prochainement par vos régimes ».

Qu'il s'agisse d'un relevé de situation individuelle que les organismes adressent d'initiative à partir d'un certain âge à leurs assurés ou d'un relevé individuel sollicité par l'assuré auprès d'une caisse de retraite en particulier ou du GIP info retraite à laquelle elles adhèrent, les dispositions combinées applicables des articles L. 161-17, R. 161-10 et D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale sont donc identiques.

Ce relevé de situation individuelle comporte d'après les dispositions de l'article R. 161-11 du code de la sécurité sociale :

« - 5° : Selon les régimes, les dates de début et, s'il y a lieu, de fin d'affiliation ou de services ou les années au titre desquelles des droits ont été constitués. (...)

- 8° : Pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d'être pris en compte pour la détermination des droits à pension, en mentionnant, s'il y a lieu, le fait générateur de cette prise en compte lorsqu'il a une incidence sur l'âge d'ouverture ou le montant de la pension ».

Le relevé de situation traduit donc, à la date où il est établi, l'état des droits à retraite d'un assuré auprès d'une caisse. Qu'il soit délivré à titre informatif permet précisément d'en contester le contenu s'il fait grief, sans qu'il puisse être opposé un délai de forclusion à cette contestation de l'assuré qui justifie d'un intérêt à agir né et actuel.

Il en résulte que l'assuré est recevable, s'il l'estime erroné, à contester devant la commission de recours amiable, puis la juridiction du contentieux général, le report des durées d'affiliation, montant des cotisations ou nombre de points figurant sur son relevé de situation individuelle, sans attendre la liquidation de ses droits à retraite.

En revanche le relevé de situation individuelle délivré à l'assuré qui fait état d'une absence de données, ne peut caractériser une ou des décisions prises par un organisme de sécurité sociale compétent pour la détermination des droits à retraite d'un assuré social, à la différence d'un relevé dont les mentions feraient apparaître une absence des droits.

L'assuré ne peut dès lors former une réclamation en se fondant sur un tel relevé qui ne matérialise aucune décision de la CIPAV (cf cassation civile 2 - 1er décembre 2022 pourvoi n° 21-12.784).

Par conséquent, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige prévoyant que les décisions d'un organisme de sécurité sociale sont soumises à une commission de recours amiable, que Mme [E] était fondée à saisir le 8 septembre 2020 ladite commission d'un recours, puis la juridiction de sécurité sociale le 3 août 2021 sur rejet implicite de la commission de recours amiable, mais uniquement pour les années 2013 à 2015.

Le recours sera donc jugé recevable en partie et le jugement infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable Mme [E] pour la totalité de sa demande qui portait sur les années 2013 à 2019.

La demande de dommages et intérêts formée par Mme [E] contre la CIPAV pour n'avoir pas tenu à jour ce relevé sera examinée ci-après.

2. Sur la comptabilisation des points de la retraite complémentaire (années 2013 à 2015)

Le régime de retraite complémentaire obligatoire des professions libérales est géré par dix sections professionnelles assurant la gestion du régime de vieillesse de base, du régime de retraite complémentaire et d'assurance invalidité-décès, dont la CIPAV regroupant tous les autres professionnels libéraux ne relevant pas d'une autre section particulière.

La pension de retraite servie par ce régime est égale au nombre de points acquis chaque année portés au compte du cotisant, multiplié par la valeur du point fixée annuellement par le conseil d'administration de chaque section.

Le régime de retraite complémentaire géré par la CIPAV est régi par le décret n° 79-262 du 21 mars 1979 qui prévoyait six classes de cotisations forfaitaires et huit à compter du décret n° 2012'1522 du 28 décembre 2012.

La classe de cotisation dont relève un cotisant dépend de son revenu professionnel compris dans une certaine tranche de revenus et correspond à un nombre de points et un montant de cotisations fixes déterminés chaque année (ex : 36 points et 1 214 euros de cotisations retraite complémentaire en classe A minimale pour un revenu 2015 inférieur à 26 580 euros).

La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a créé le régime de l'auto-entrepreneur au bénéfice des travailleurs indépendants optant pour le régime de la micro-entreprise.

Ainsi l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 énonce que :

« Par dérogation aux cinquième et dernier alinéas de l'article L. 131-6, les travailleurs indépendants bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts peuvent opter, sur simple demande, pour que l'ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux fixé par décret pour chaque catégorie d'activité mentionnée auxdits articles du code général des impôts. Des taux différents peuvent être fixés par décret pour les périodes au cours desquelles le travailleur indépendant est éligible à une exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale. Ce taux ne peut être, compte tenu des taux d'abattement mentionnés aux articles 50-0 ou 102 ter du même code, inférieur à la somme des taux des contributions mentionnés à l'article L. 136-3 du présent code et à l'article 14 de l'ordonnance no 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ».

Ce régime micro-social a été étendu aux professions libérales affiliées à la CIPAV par l'article 34 de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009.

Ainsi, les auto-entrepreneurs versent à l'ACOSS un montant de cotisations global calculé par application d'un pourcentage de l'ordre de 22 % selon les catégories d'activité, dénommé taux du forfait social, appliqué sur le chiffre d'affaires encaissé, sans considération du montant réel des charges d'exploitation.

L'affectation des cotisations forfaitaires ainsi perçues est ensuite opérée entre les différents régimes selon les règles prévues aux articles L. 133-6-8-3 de D. 131-6-5 déterminant un ordre de priorité entre chaque catégorie de cotisations ou contributions (CSG-CRDS, maladie, maternité, allocations familiales, vieillesse régime de base et complémentaire, invalidité-décès).

Les montants de cotisations ainsi calculés pour un travailleur indépendant ordinaire et pour un travailleur indépendant relevant du régime de l'auto-entrepreneur n'étant pas forcément identiques, un système de compensation versée par l'Etat en application du principe contenu à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale a été mis en oeuvre, compensation à laquelle il a été mis fin à partir de 2016.

En application de ce principe de compensation prévu à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale l'article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale prévoyait que :

« Pour l'application des dispositions de l'article L. 131-7 au régime prévu à l'article L. 133-6-8, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale notifie à l'Etat la différence entre :

'a) D'une part, le montant des cotisations et contributions sociales dont les travailleurs indépendants auraient été redevables au cours de l'année civile en application des articles L. 131-6, L. 136-3, L. 635'1, L. 635-5, L. 642-1, L. 644-1 et L.644-2 du code de la sécurité sociale et de l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, et,

b) D'autre part, le montant des cotisations et contributions sociales calculées en application de l'article L. 133-6-8 ».

Et au cas particulier des travailleurs indépendants affiliés à la CIPAV le dernier alinéa précisait :

« Pour l'application des dispositions du présent article aux travailleurs indépendants relevant de l'organisme mentionné au 11° de l'article R. 641-1 du code de la sécurité sociale (ndr : section des architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, géomètres, experts et conseils, artistes auteurs ne relevant pas de l'article L 382-1, enseignants, professionnels du sport, du tourisme et des relations publiques, et de toute profession libérale non rattachée à une autre section), est retenue au titre des régimes mentionnés aux articles L. 644-1 (ndr : vieillesse complémentaire) et L. 644-2 (ndr : invalidité-décès), la plus faible cotisation non nulle dont ils auraient pu être redevables en fonction de leur activité en application des dispositions mentionnées au a) du présent article ».

La CIPAV soutient en substance qu'en application du principe général de proportionnalité régissant tous les systèmes contributifs, le nombre de points attribués à Mme [E] pour la retraite complémentaire objet du présent litige doit être calculé proportionnellement aux cotisations versées et non en seule considération de la classe de cotisation dont dépendrait l'assuré en fonction de son revenu.

À ce titre, elle ajoute à titre subsidiaire que la classe de cotisations dont il dépend doit être déterminée non pas en fonction de son chiffre d'affaires brut, mais en fonction de son bénéfice reconstitué à partir de ce chiffre d'affaires pour déterminer son bénéfice non commercial et son revenu professionnel.

L'article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 qui antérieurement définissait six classes de cotisations est depuis le 1er janvier 2013 rédigé ainsi :

« Le régime d'assurance vieillesse complémentaire institué par l'article 1er comporte huit classes de cotisation :

- la classe A portant attribution annuelle de 36 points ;

- la classe B portant attribution annuelle de 72 points ;

- la classe C portant attribution annuelle de 108 points ;

- la classe D portant attribution annuelle de 180 points ;

- la classe E portant attribution annuelle de 252 points ;

- la classe F portant attribution annuelle de 396 points ;

- la classe G portant attribution annuelle de 432 points ;

- la classe H portant attribution annuelle de 468 points.

Les montants des cotisations des classes B, C, D, E, F, G et H sont respectivement égaux à 2,3,5,7,11,12 et 13 fois le montant de la cotisation de la classe A.

La cotisation due par chaque assujetti est celle de la classe à laquelle correspond, dans les conditions fixées par les statuts prévus à l'article 5, son revenu d'activité tel que défini à l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale et pour les architectes et agréés en architecture visés à l'article 35 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977, le revenu net salarié provenant de l'activité exercée en qualité d'associé d'une société d'architecture ».

Il est donc pris en compte par le décret précité régissant l'assurance vieillesse complémentaire de la CIPAV pour la détermination de la classe de cotisation, du montant de la cotisation et du nombre de points attribués, le revenu d'activité tel que défini à l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, soit pour les travailleurs individuels le revenu pris en compte pour le calcul de l'impôt sur le revenu.

Or par dérogation expresse à ces dispositions de l'article L. 131-6, il est pris en compte d'après l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale pour les auto-entrepreneurs pour le calcul de l'assiette de leurs cotisations sous forme de forfait social, le montant de leur chiffre d'affaires.

La classe de cotisation dont ils dépendent et le nombre de points attribués doit par conséquent se faire en application du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 en fonction de leur chiffre d'affaires, non de leur revenu imposable estimé, après application d'un abattement forfaitaire de 34 % sur ce chiffre d'affaires comme opéré à tort par la CIPAV pour les années antérieures à 2016.

De plus cet article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale issu de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 précitée spécifie que ce forfait social dont sont redevables les auto-entrepreneurs est fixé « de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et des contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants ne relevant pas du régime prévu au présent article ».

Le principe de proportionnalité entre les droits attribués et le montant des cotisations versées dépendant d'un forfait social fixé par l'Etat dans le cadre d'un dispositif simplifié de création d'entreprise individuelle voulu attractif, n'est donc pas opposable à son bénéficiaire.

Ainsi l'absence de compensation de l'Etat depuis 2016 ne concerne que les rapports entre l'Etat et la CIPAV et n'est pas opposable aux affiliés auto-entrepreneurs de la CIPAV.

La CIPAV ne peut non plus se prévaloir de l'article 3-12 bis de ses statuts, approuvés par arrêté ministériel, de valeur juridique inférieure selon lequel : « Le nombre de points attribués au bénéficiaire du régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale qui est exclu de la compensation de l'Etat prévue à l'article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale est proportionnel aux cotisations effectivement réglées ».

Elle ne peut non plus opposer l'article 3-12 de ses mêmes statuts, faute de demande expresse de Mme [E] en ce sens selon lequel :

« La cotisation peut, sur demande expresse de l'adhérent, être réduite de 25, 50 ou 75 %, en fonction du revenu professionnel de l'année précédente (..) L'adhérent, qui conserve la faculté de s'acquitter de la cotisation à taux plein, ne bénéficie, en cas de réduction, que du nombre de points proportionnel à la fraction de cotisation réglée.

Cette demande de réduction doit être formulée à peine de forclusion dans les trois mois suivant l'exigibilité de la cotisation telle que définie à l'article 3-7 (....)

L'adhérent qui justifie avoir perçu, au titre de l'année précédente, un revenu professionnel inférieur à 15 % du plafond de la sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de l'année en cours, peut, à sa demande expresse, être dispensé de cette cotisation ».

Au cas d'espèce il n'est pas contesté que Mme [E] a déclaré :

- en 2013 un revenu de 885 euros inférieur au plafond de la classe A (41 050 euros) donnant normalement lieu à l'attribution de 36 points de retraite complémentaire ;

- en 2014, 2015 des revenus de 1 135 euros et 7 925 euros respectivement inférieurs au plafond de la classe A (26 580 euros) donnant normalement lieu à l'attribution de 36 points de retraite complémentaire.

Le jugement sera donc infirmé et la CIPAV enjointe de rectifier les points de retraite complémentaire de Mme [E] sur cette base pour les années 2013 à 2015 soit 36 points pour chaque année et de procéder à la rectification correspondante de son relevé de situation individuelle.

3. Sur la comptabilisation des points de la retraite de base (années antérieures à 2016).

Les parties ne sont pas en opposition sur le mode de calcul du nombre de points attribués en fonction du revenu soit :

- en 2013 : un point pour 69,94 euros de revenus en tranche I et un point pour 1 536,83 euros de revenus en tranche II ;

- en 2014 : un point pour 70,92 euros de revenus en tranche I et un point pour 1 558,25 euros de revenus en tranche II ;

- en 2015 : un point pour 72,45 euros de revenus en tranche I et un point pour 7 608 euros de revenus en tranche II ;

En revanche, la CIPAV entend pour déterminer les droits de Mme [E] opérer sur ses revenus 2013 à 2015 qui ont été de 885 euros, 1 135 euros, 7 921 euros respectivement, un abattement de 34 % applicable aux professions libérales pour reconstituer son bénéfice non commercial et ainsi calculer ses points de retraite de base sur une assiette réduite à 584 euros en 2013 (885 x 0,66), 749 euros en 2014 (1 135 x 0,66) et 5 227 euros en 2015 (7 921 x 0,66).

Il a cependant déjà été répondu à ce moyen au § 2 précédent de sorte que, l'assiette des droits à retraite de base doit être le chiffre d'affaires déclaré par l'assuré et non un bénéfice non commercial reconstitué après déduction de 34 %, étant rappelé que les auto-entrepreneurs bénéficient également d'un forfait fiscal consistant en un prélèvement libératoire de 2,2 % de leur chiffre d'affaires pour le paiement de l'impôt sur le revenu (article 151-0 du code général des impôts).

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a enjoint la CIPAV à rectifier les points de retraite de base de Mme [E] sur la base de :

- 12,7 points en 2013,

- 16,0 points en 2014,

- 110,4 points en 2015,

et à procéder à la rectification correspondante de son relevé de situation individuelle.

4. Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à l'absence de renseignements sur les années 2016 à 2019 dans le relevé de situation individuelle

Il ressort des textes précités du code de la sécurité sociale que :

- Article L. 161-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2017 :

« I.-Les assurés bénéficient gratuitement d'un droit à l'information sur le système de retraite par répartition, qui est assuré selon les modalités suivantes (...)

III.-Toute personne a le droit d'obtenir, dans des conditions précisées par décret, un relevé de sa situation individuelle au regard de l'ensemble des droits qu'elle s'est constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires.

Les régimes de retraite légalement obligatoires et les services de l'Etat chargés de la liquidation des pensions sont tenus d'adresser périodiquement, à titre de renseignement, un relevé de la situation individuelle de l'assuré au regard de l'ensemble des droits qu'il s'est constitués dans ces régimes.

L'assuré bénéficie d'un service en ligne lui donnant accès à tout moment à son relevé actualisé, l'informant sur les régimes dont il relève et lui permettant de réaliser certaines démarches administratives et d'échanger avec les régimes concernés des documents dématérialisés ».

- Article R. 161-10 du code de la sécurité sociale :

« Les organismes ou services en charge des régimes de retraite dont relèvent ou ont relevé les bénéficiaires du droit à l'information sur leur retraite prévu par l'article L. 161-17 et qui sont autorisés à collecter et conserver le numéro d'inscription des intéressés au répertoire national d'identification des personnes physiques pour la mise en 'uvre des droits à l'information sur la retraite prévus à l'article précité sont (...) :

- 6° Le groupement d'intérêt public institué par l'article L. 161-17-1 ».

- Article D. 161-2-1-5 du code de la sécurité sociale :

« Le relevé de situation individuelle mentionné au premier alinéa du III de l'article L. 161-17 est délivré, à la demande du bénéficiaire, soit par courrier au plus tous les ans, soit par tout moyen de communication électronique sécurisé.

Le délai d'un an fixé au premier alinéa du présent article est décompté de date à date à partir de la réception de la précédente demande par l'organisme ou le service y ayant répondu.

Le relevé est accessible en ligne pour l'assuré.

La demande est adressée à l'un des organismes ou services mentionnés à l'article R. 161-10 parmi ceux en charge de la gestion de l'un des régimes dont le bénéficiaire relève ou a relevé et dont il n'a pas obtenu, à la date laquelle il adresse sa demande, la liquidation ou, en cas de retraite progressive, la liquidation provisoire de la ou des pensions dont cet organisme ou service a la charge ».

- Article D. 161-2-1-4 :

« Sous réserve de l'application des dispositions des 3° et 4° de l'article 3 du décret n° 2006-708 du 19 juin 2006 relatif aux modalités et au calendrier de mise en oeuvre du droit des assurés à l'information sur leur retraite et modifiant le code de la sécurité sociale (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat), le relevé de situation individuelle mentionné au III de l'article L. 161-17 comporte, pour chacun des régimes dont relève ou a relevé le bénéficiaire :

1° Les données mentionnées à l'article R. 161-11 connues par les organismes ou services en charge de la gestion de ces régimes à la date à laquelle le relevé est établi, compte non tenu, s'il y a lieu, des cotisations dont l'assuré est redevable à cette date;

2° La désignation de chacune des catégories de périodes, situations ou événements non pris en compte dans les données mentionnées au 1° du présent article et susceptibles d'affecter l'âge de liquidation ou le montant des droits à pension dans chacun des régimes.

L'indication de la délivrance du relevé à titre de renseignement, le caractère provisoire des données figurant sur le relevé et l'absence d'engagement de l'organisme ou du service ayant délivré le relevé ou en charge de la gestion du ou des régimes concernés de calculer la pension sur la base de ces données sont mentionnés sur le relevé ».

Mme [E] a obtenu le 26 avril 2020 sur le site en ligne INFO RETRAITE du Groupement d'Intérêt Public UNION RETRAITE un relevé de situation individuelle ne comportant ses droits acquis auprès de la CIPAV que pour les années 2013 à 2015.

Manifestement, la CIPAV a manqué sans s'en expliquer à ses obligations de mise à jour des informations disponibles pour Mme [E] sur l'étendue de ses droits à retraite constitués année par année en contrepartie des cotisations versées, la mettant tout à la fois dans l'impossibilité de les vérifier et d'exercer utilement un recours immédiat et la plaçant dans l'incertitude quant à l'étendue et au montant de ses droits futurs à pension.

Cette omission fautive lui cause donc un préjudice ouvrant droit à dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun de l'article 1240 du code civil qui seront évalués à la somme de 2 000 euros par année manquante soit 8 000 euros au total, somme que la CIPAV sera condamnée à lui verser.

5. Sur les autres demandes de dommages et intérêts

Mme [E] n'a pas justifié d'un préjudice moral spécifique distinct des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer lié à la minoration de ses droits comptabilisés pour les années 2013 à 2015 dont elle obtient la rectification par le présent arrêt et sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

6. Sur les autres demandes

La CIPAV sera condamnée à remettre à Mme [E] un nouveau relevé de situation conforme au présent d'arrêt. Le prononcé d'une astreinte n'apparaît pas indispensable à l'exécution de cette condamnation.

Les dépens seront supportés par la CIPAV qui succombe.

Il parait équitable d'allouer à l'appelante la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel à la charge de la CIPAV qui succombe aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement RG n° 21/00277 rendu le 26 septembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable le recours de Mme [M] [E] pour les années 2016 à 2019.

Statuant à nouveau,

Condamne la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par Mme [M] [E] sur la période 2013-2015 selon le détail suivant :

* 36 points en 2013,

* 36 points en 2014,

* 36 points en 2015.

Condamne la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis par Mme [M] [E] sur la période 2013-2015 selon le détail suivant :

* 12,7 points en 2013,

* 16,0 points en 2014,

* 110,4 points en 2015.

Condamne la CIPAV à transmettre à Mme [M] [E] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme au présent arrêt.

Condamne la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse (CIPAV) à verser à Mme [M] [E] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de renseignements sur ses droits acquis à la retraite de base et complémentaire pour les années 2016 à 2019.

Déboute Mme [M] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral lié à la minoration de ses droits enregistrés pour les années 2013 à 2015 et de sa demande d'astreinte.

Condamne la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse (CIPAV) aux dépens d'appel.

Condamne la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse (CIPAV) à verser à Mme [M] [E] la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. DELAVENAY, Président et par M. OEUVRAY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 22/03914
Date de la décision : 07/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-07;22.03914 ?
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