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06/06/2024 | FRANCE | N°22/02258

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 06 juin 2024, 22/02258


C 2



N° RG 22/02258



N° Portalis DBVM-V-B7G-LM44



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL JOUBERT AVOCATS



la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKE

R

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 06 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG 20/00242)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Grenoble

en date du 02 juin 2022

suivant déclaration d'appel du 09 juin 2022





APPELANT :



Monsieur [L] [E]

né le 30 Juin 1979 à [Localité 6]

de nationalité...

C 2

N° RG 22/02258

N° Portalis DBVM-V-B7G-LM44

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL JOUBERT AVOCATS

la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 06 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG 20/00242)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Grenoble

en date du 02 juin 2022

suivant déclaration d'appel du 09 juin 2022

APPELANT :

Monsieur [L] [E]

né le 30 Juin 1979 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Florent JOUBERT de la SELARL JOUBERT AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

S.A.S. BYMYCAR AUTOMOTIVE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Laurent CLEMENT-CUZIN de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Aurélie LEGEAY, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

M. Jean-Yves POURRET, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 avril 2024,

Jean-Yves POURRET, conseiller chargé du rapport et Frédéric BLANC, conseiller faisant fonction de président, ont entendu les parties en leurs conclusions, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 06 juin 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 06 juin 2024.

EXPOSE DU LITIGE

M. [L] [E] a été embauché par la société par actions simplifiée Bymycar automotive suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 20 mai 2019 avec prise d'effet au 17 juin 2019 en qualité de manager de marque, statut cadre dirigeant, niveau IV, degré B de la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile.

Sa rémunération brute mensuelle a été fixée à 7 000 euros, outre une part variable, fonction de critères quantitatifs et qualitatifs et d'objectifs, avec une rémunération brute mensuelle garantie d'au moins 9'000 euros jusqu'au 31 décembre 2019.

La société Bymycar automotive est une entreprise spécialisée dans la distribution automobile en France et en Suisse. Elle représente dix-huit marques et emploie environ 2 500 collaborateurs répartis sur 90 concessions automobiles.

Les responsabilités de M. [E] concernaient cinq concessions des marques Volkswagen et Audi situées en Côte d'Or et dans les Vosges.

Une période d'essai de quatre mois a été contractuellement convenue entre les parties, éventuellement renouvelable une fois.

Par avenant en date du 1er octobre 2019, les parties ont renouvelé la période d'essai pour une nouvelle durée de quatre mois, soit jusqu'au 15 février 2020.

Il a été mis fin à la période d'essai par courrier remis en mains propres le 09 octobre 2019 avec dispense de travailler pendant le délai de prévenance d'un mois toutefois indemnisé.

Par courriel du 28 octobre 2019, M. [E] a indiqué à la société Bymycar automotive qu'il estimait que la rupture de sa période d'essai, et donc de son contrat de travail, était intervenue dans des conditions brutales, inexpliquées et vexatoires.

A défaut de règlement amiable du litige, par requête du 13 mars 2020, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins de contester la rupture de son contrat de travail et obtenir la condamnation de son employeur à lui payer les indemnités afférentes.

La société Bymycare automotive s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement du 2 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

Jugé que la rupture de la période d'essai intervenue ne comportait pas de caractère abusif';

Débouté M. [E] de l'intégralité de ses demandes';

Débouté la société Bymycar automotive de sa demande reconventionnelle';

Dit que chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception absent du dossier pour M. [E] et tamponné sans date pour la société Bymycare automotive.

Par déclaration en date du 9 juin 2022, M. [E] a interjeté appel.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2022, M. [E] sollicite de la cour de':

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la rupture de la période d'essai intervenue ne comportait pas de caractère abusif et débouté M. [E] de ses demandes indemnitaires ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Juger abusive la rupture de la période d'essai intervenue le 9 octobre 2019';

Condamner en conséquence la société Bymycar automotive à verser à M. [E] la somme de 27 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de la rupture abusive de sa période d'essai ;

Dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal';

Condamner la société Bymycar automotive à verser à M. [E] la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamner la même aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 décembre 2022, la société Bymycare sollicite de la cour de':

A titre principal,

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 2 juin 2022 en ce qu'il a débouté M. [E] de l'ensemble de ses réclamations ;

A titre infiniment subsidiaire,

Réduire considérablement le montant des dommages-intérêts sollicités par M. [E] ;

En tout état de cause,

Condamner M. [E] à verser à la société Bymycar automotive la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 1er février 2024.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 3 avril 2024, a été mise en délibéré au 6 juin 2024.

EXPOSE DES MOTIFS

Sur la rupture abusive de la période d'essai

Selon l'article L. 1220-20 du code du travail, la période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

Il résulte de l'article L. 1231-1 du code du travail que les dispositions du Titre III du livre I du code du travail relatif à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée ne sont pas applicables pendant la période d'essai.

Dans ces conditions, sauf abus de droit et sauf à réserver le cas des salariés protégés en raison soit de leur état de santé soit d'un mandat représentatif, la faculté de rompre la période d'essai par l'employeur présente un caractère discrétionnaire et celui-ci n'est pas tenu de se prévaloir d'une cause réelle et sérieuse.

La rupture est abusive lorsqu'elle intervient pour un motif qui n'est pas inhérent à la personne du salarié.

Il y a abus de droit chaque fois que l'appréciation des qualités professionnelles n'a pas pu être réalisée.

Constitue également un abus de droit le fait pour un employeur de rompre la période d'essai quelques jours après avoir décidé de la renouveler (Soc., 6 janvier 2010, pourvoi n° 08-42.826).

En l'espèce, le salarié soutient qu'il n'a pas été mis en mesure d'exercer pleinement les fonctions pour lesquelles il a été embauché dans la mesure où d'une part il n'a jamais été destinataire de l'annexe à laquelle renvoie son contrat de travail ayant pour objet de lister ses missions et activités et d'autre part, sa hiérarchie n'a fixé aucun objectif à sa rémunération variable.

Cependant, l'employeur verse aux débats un courriel du salarié en date du 24 juillet 2019 indiquant «'vous trouverez ci-joint le relevé de décision mis à jour pour le CODIR'» et le fichier Excel associé listant notamment des actions à mener, des objectifs à atteindre, un plan d'action et la situation à la date du 1er juillet 2019. La circonstance qu'il ait été renseigné par le salarié est indifférente dès lors qu'il matérialise les missions qu'il devait accomplir.

Dès lors, M. [E] ne démontre pas qu'il n'a pas été mis en mesure d'exercer ses fonctions puisqu'il avait bien un programme d'actions à mener précis et détaillé. L'absence d'annexe visée par son contrat de travail de la même manière que l'absence de définition des objectifs conditionnant sa rémunération variable ne permettent donc pas de qualifier d'abusive la rupture de la période d'essai.

En revanche, tout d'abord, le salarié justifie qu'alors que la période d'essai a été renouvelée par avenant en date du 1er octobre 2019 pour se terminer le 15 février 2020, l'employeur lui a remis en main propre le 9 octobre 2019 un courrier mettant un terme à la rupture de la période d'essai et par conséquent de son contrat de travail.

Il en ressort que l'employeur a décidé de mettre un terme à la période d'essai moins de huit jours après l'avoir renouvelée et avant que ce renouvellement ne prenne effet, sans qu'il ne résulte du dossier un quelconque événement intervenu durant ce bref délai pouvant justifier ce revirement.

A l'inverse les attestations de MM. [K] et [S] émanant directement de ses supérieurs hiérarchiques n'ont aucun caractère probant dans la présente instance alors qu'elles ne sont corroborées par aucune autre pièce.

L'affirmation de l'employeur dans ses conclusions selon lesquelles il avait déjà de sérieux doutes sur la possibilité de confirmer M. [E] sur son poste avant le séminaire d'entreprise qui s'est tenu à Malte du 3 au 6 octobre 2019 est indifférente puisque, à supposer que le renouvellement de la période d'essai ait été décidé eu égard à l'existence de ces doutes, la durée de la poursuite du contrat avant sa rupture, finalement décidée huit jours après, n'était pas suffisante pour permettre à l'employeur d'évaluer plus avant les compétences du salarié dans son travail d'autant que le récapitulatif de ses missions précédemment évoqué montre que ces dernières s'inscrivaient nécessairement dans le temps.

Ensuite, le salarié établit qu'il a été invité à une réunion de travail à [Localité 5] par son supérieur, dont le véritable objet lui a été caché puisqu'il lui a été remis en main propre, à cette occasion, le courrier de rupture et alors qu'il rentrait, avec son épouse, du séminaire d'entreprise à Malte s'étant achevé trois jours avant, au cours duquel il a notamment reçu en cadeau une montre de luxe de marque Breitling avec une gravure personnalisée «'By my car tous ensemble'».

Aussi, le renouvellement de sa période d'essai, la participation avec son épouse au séminaire avec remise de cadeau de luxe et l'annonce de la décision de mettre fin à la période d'essai sur une courte période de huit jours caractérisent des conditions de rupture brusques et vexatoires sans qu'un événement en particulier ne soit allégué pour l'expliquer.

La justification de l'employeur selon laquelle cet enchainement s'explique par le fait que le salarié avait été invité à ce séminaire dès le 2 mai est insuffisante pour retirer tout caractère brutal et vexatoire à l'annonce de la rupture de la période d'essai dans ces conditions.

En conséquence, la rupture de la période d'essai prononcée le 9 octobre 2019 est abusive et elle est intervenue dans des conditions brutales et vexatoires.

La société Bymycar automotive reconnaît dans ses écritures que M. [E] a quitté le groupe Volkswagen pour être embauché par elle, sans qu'il y ait lieu de rechercher si c'est le salarié ou l'employeur qui a démarché l'autre. Le salarié justifie également avoir perçu des indemnités d'aide au retour à l'emploi entre le 1er novembre 2019 et le 19 août 2021 d'un montant mensuel de l'ordre de 2'700 euros alors qu'il percevait un salaire brut mensuel de 9'000 euros de la société Bymycar automotive.

Infirmant le jugement déféré, il est dit que la rupture de la période d'essai intervenue le 9 octobre 2019 est abusive. En conséquence, la société Bymycar automotive est condamnée à payer à M. [L] [E] la somme de 18'000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les demandes accessoires

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement déféré et y ajoutant, la société Bymycar automotive, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande, infirmant le jugement entrepris et y ajoutant de condamner la société Bymycar automotive à payer à M. [L] [E] la somme de 2'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de premières instance et d'appel.

Les parties sont déboutées du surplus de leurs prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la société Bymycar automotive de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que la rupture de la période d'essai intervenue le 9 octobre 2019 est abusive,

CONDAMNE la société Bymycar automotive à payer à M. [L] [E] la somme de 18'000 euros (dix-huit mille euros) à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

CONDAMNE la société Bymycar automotive à payer à M. [L] [E] la somme de 2'500'euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

CONDAMNE la société Bymycar automotive aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 22/02258
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;22.02258 ?
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