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05/06/2024 | FRANCE | N°22/03963

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chbre des aff. familiales, 05 juin 2024, 22/03963


N° RG 22/03963 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LSIZ



C6



N° Minute :



















































copie certifiée conforme délivrée

aux avocats le :









Copie Exécutoire délivrée

le :










aux parties (notifiée par LRAR)





aux avocats
















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES



ARRET DU MERCREDI 5 JUIN 2024







APPEL

Jugement au fond, origine tribunal judiciaire de Valence, décision attaquée en date du 10 octobre 2022, enregistrée sous le n° 19/02319 suivant déclaration d'appel du 04 novembre 2022



APPELANTE :

Mme [V] [U] épouse [S]

...

N° RG 22/03963 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LSIZ

C6

N° Minute :

copie certifiée conforme délivrée

aux avocats le :

Copie Exécutoire délivrée

le :

aux parties (notifiée par LRAR)

aux avocats

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES

ARRET DU MERCREDI 5 JUIN 2024

APPEL

Jugement au fond, origine tribunal judiciaire de Valence, décision attaquée en date du 10 octobre 2022, enregistrée sous le n° 19/02319 suivant déclaration d'appel du 04 novembre 2022

APPELANTE :

Mme [V] [U] épouse [S]

née le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIME :

M. [W] [Z] [B] [S]

né le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 7]

de nationalité Française

Chaldas

[Adresse 5]

représenté par Me Naceur DERBEL de la SELARL DERBEL & PARET AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de Valence

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Mme Anne BARRUOL, Présidente,

Mme Martine RIVIERE, Conseillère,

M. Philippe GREINER, Conseiller honoraire,

DEBATS :

A l'audience publique du 10 avril 2024,M. Philippe Greiner, conseiller, chargé du rapport, assisté de Mc Ollierou, greffière a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile. Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

Le 08/07/1995, Mme [U] et M. [S] se sont mariés sous le régime de la séparation de biens.

Suite à une ordonnance de non-conciliation du 14/06/2006, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Valence a prononcé leur divorce par jugement du 07/02/2009 et a commis pour procéder aux opérations de partage le président de la chambre des notaires de la Drôme ou son délégataire.

Mme [U] a interjeté appel de cette décision le 10/04/2009, l'affaire étant radiée du rôle de la cour le 28/01/2010. Suite à une demande de M. [S] de réinscription au rôle du 01/04/2010, les parties se sont désistées de leur instance et action.

Par acte du 06/01/2010 reçu par Me [E], notaire à [Localité 9], Mme [U] et M. [S] ont convenu de renoncer de manière irrévocable au divorce et à la poursuite de la procédure en appel et de procéder au partage pur et simple des biens leur appartenant de manière indivise.

Il est indiqué dans l'acte que :

- les époux ont acquis en indivision une maison avec dépendances et jardin sise à [Localité 6] ;

- ils ont gagné au jeu 'le Millionnaire' la somme d'un million d'euros, utilisée en partie pour des dépenses communes, en partie par Mme [U] pour l'acquisition à titre personnel d'un bien immobilier sis à [Localité 6], l'indivision étant créditrice d'un solde de 235.000 euros ;

- les parties ont estimé la valeur de la maison à 235.000 euros ;

- est attribuée en conséquence à M. [S] la maison de [Localité 6] et à Mme [U] le solde du gain au jeu le Millionnaire.

Le 06/02/2013, M. [S] a déposé une nouvelle requête en divorce, pour s'en désister par la suite.

Le 19/06/2013, a été apposée sur l'acte de mariage la mention suivante : 'mariage dissous par jugement de divorce du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Valence (Drôme) rendu le 17/02/2009. Ordonnance de non-conciliation du 14/06/2006", étant observé que M. [S] avait déposé une nouvelle requête en divorce le 06/02/2013 pour s'en désister ensuite.

Saisi par Mme [U] le 19/06/2015 d'une demande de rectification des actes de mariage et de naissance des parties, le tribunal de grande instance de Valence par jugement du 19/12/2015, l'a déboutée, au motif que suite au désistement d'appel, la décision de divorce était passée en force de chose jugée.

Entre temps, le 13/07/2015, M. [S] s'est remarié.

Par arrêt du 31/05/2017, la cour d'appel de Grenoble a confirmé cette décision, prononçant en outre une amende civile de 2.000 euros, rappelant qu'en vertu de l'article 403 du code de procédure civile, le désistement d'appel avait emporté acquiescement au jugement.

Par arrêt du 27/09/2018, la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt, mais seulement concernant la condamnation à l'amende civile, disant n'y avoir lieu de statuer sur le moyen développé par Mme [U], consistant à soutenir que le jugement de divorce avait été anéanti par l'effet du désistement d'action.

Par acte du 21/08/2019, Mme [U] a assigné devant le tribunal de grande instance de Valence M. [S] ainsi que Me [E], notaire, et la Selarl [8] aux fins de voir déclarer illicite et nul l'acte de partage du 06/01/2010.

Par jugement du 10/10/2022, le tribunal judiciaire de Valence a constaté que les demandes de Mme [U] étaient prescrites, les a déclarées irrecevables, a rejeté la demande de dommages-intérêts de M. [S] et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 04/11/2022, Mme [U] a relevé appel de cette décision, intimant M. [S] seul.

Dans ses conclusions du 23/01/2024, elle demande à la cour de :

- débouter M. [S] de sa demande de prescription de son action ;

- prononcer l'annulation de l'acte de partage du 06/01/2020 ;

- ordonner la restitution à Mme [U] de la propriété indivise de la parcelle sise à [Localité 6] cadastrée section ZH n° [Cadastre 1] ;

- condamner M. [S] à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi par le versement de la somme de 400.000 euros de dommages-intérêts outre 5.000 euros au titre du préjudice moral et 5.000 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir en substance que :

- le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de l'arrêt de la Cour de cassation du 27/09/2018, date de la manifestation du dommage, et non à celle de la transcription du divorce ;

- l'acte de partage est nul pour objet illicite, Mme [U] ayant fait des concessions à M. [S] en contrepartie de l'engagement de celui-ci à ne pas divorcer, alors que le droit de divorcer est un droit extra-patrimonial indisponible;

- M. [S] a commis des manoeuvres ayant abouti à la sous-estimation de la valeur de la maison de [Localité 6] à hauteur de 50% ce qui est constitutif d'un dol, d'autant que le solde de gains au jeu 'le Millionnaire' de 235.000 euros a été affecté à des dépenses pour la famille ou pour l'acquistion d'un véhicule Porsche par M. [S] ;

- en tout état de cause, l'acte doit faire l'objet d'une résolution pour inexécution de ses obligations par M. [S].

Par conclusions du 30/03/2023, M. [S] conclut à la confirmation de la décision déférée et réclame reconventionnellement un euro de dommages-intérêts pour procédure abusive outre 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, répliquant que :

- le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de l'acte de partage du 06/01/2010 ou à défaut de celle de la découverte de la transcription du divorce en novembre 2013 ;

- l'action ayant été intentée le 21/09/2019, soit plus de cinq années après, est prescrite ;

- le désistement d'appel a emporté acquiescement au jugement déféré qui est devenu définitif le 28/02/2011 ;

- le bien de [Localité 6] avait été acquis le 31/07/1995 pour le prix de 500.000 francs, soit 76.224 euros ; son estimation en 2010 à 235.000 euros est ainsi correcte ;

- si un billet du jeu du Millionnaire s'est avéré gagnant, il a été acquis par des fonds provenant d'un compte indivis ;

- Mme [U] a ainsi pu acquérir un bien immobilier à [Localité 9] au prix de 320.000 euros;

- au jour du partage, l'indivision restait créditrice sur le million gagné de la somme de 235.000 euros ; le partage attribuant la maison de [Localité 6] à M. [S] pour 235.000 euros et le solde du gain du jeu à Mme [U] était ainsi équilibré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription de l'action en annulation du partage du 06/01/2010 pour objet illicite et dol

Aux termes de l'article 2224 du code civil, 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

L'acte de partage du 06/01/2010 comporte deux parties, un exposé de la procédure de divorce cn cours tout d'abord, puis les opérations de partage elles-mêmes.

L'acte rappelle en premier lieu les déclarations des parties, à savoir qu'elles renonçaient de manière irrévocable au divorce prononcé par le jugement du 17/02/2009 et par conséquent à en demander l'exécution et la retranscription, tout en renonçant à la procédure d'appel, ce qui était contradictoire; le divorce a néanmoins été retranscrit le 19/06/2013 sur les registres d'état-civil, car le désistement d'appel avait donné force de chose jugée au jugement de première instance, copie de l'acte de son acte de naissance rectifié étant délivrée à Mme [U] le 07/11/2013 . La nouvelle procédure de divorce engagée par l'intimé le 06/02/2013 ne pouvait donc en tout état de cause prospérer, en présence du jugement de divorce définitif. D'ailleurs, Mme [U] explique dans une requête en rectification judiciaire des actes de mariage et de naissance du 24/03/2015 (pièce appelante n° 9) qu'à l'occasion de cette nouvelle procédure, et après avoir été convoquée par le juge aux affaires familiales, elle avait appris qu'elle était divorcée.

L'appelante considère certes que le partage des biens indivis était la contrepartie de la renonciation par son époux au divorce prononcé, auquel cas le point de départ de la prescription devait être fixé au jour où il lui est apparu que le divorce était devenu définitif, soit, selon Mme [U] lors de l'arrêt de la Cour de cassation du 27/09/2018.

Toutefois , Mme [U] ne démontre pas qu'une transaction serait intervenue avec M. [S], selon laquelle, en contrepartie de la renonciation par son mari à la procédure de divorce, elle aurait accepté de limiter sa part dans l'actif indivis à la somme de 235.000 euros, l'acte ne faisant pas de lien entre le rappel de la procédure de divorce et les estimations du bien immobilier et du solde du gain au jeu Le Millionnaire.

Le notaire dans l'acte s'est contenté de retranscrire l'état de la procédure de divorce en préambule, en reprenant les dires des époux, sans que ce rappel ait une incidence sur le partage. Les époux, mariés sous le régime de la séparation de biens, pouvaient en effet partager leurs biens indivis, quelle que soit l'issue de la procédure de divorce. L'abandon de celle-ci par M. [S] ne peut être non plus analysé comme une condition résolutoire du partage, faute de stipulation expresse voire implicite dans l'acte à ce sujet.

Dès lors, pour contester le partage et les valeurs des biens en jeu, (étant observé du reste que dans ce cas les dispositions de l'article 889 régissant le partage lésionnaire étaient applicables, une lésion de plus du quart devant être établie et l'action en complément de part devant être engagée dans les deux ans), Mme [U] n'avait pas à attendre que sa procédure en rectification des actes de mariage et de naissance des parties arrive à son terme, puisqu'il n'est pas démontré que le partage était lié à l'abandon de la procédure de divorce.

En tout état de cause, même dans l'hypothèse où existerait un lien entre le partage et le renoncement au divorce, Mme [U] savait dès 2013 que le divorce prononcé par jugement du 07/02/2009 avait été retranscrit sur les registres d'état-civil. Elle était ainsi en mesure dès ce moment-là d'agir.

Dans ces conditions, l'action en annulation du partage est prescrite, pour avoir été engagée plus de cinq années après l'acte de partage et en tout état de cause depuis la connaissance de la retranscription du divorce sur les actes d'état-civil, intervenue au plus tard le 07/11/2013, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

Sur la prescription de l'action en dommages-intérêts contre M. [S]

L'appelante fait valoir que M. [S] a commis une faute lui ayant occasionné un dommage en ne respectant pas son engagement de renoncer à la procédure de divorce. Cette absence de renonciation s'est concrétisée le 19/06/2013, date de la restranscription sur les registres d'état-civil du divorce. C'est donc exactement que le premier juge a fixé cette date comme point de départ de la prescription. L'action ayant été engagée le 21/08/2019, elle est prescrite là encore.

Pour la moralité des débats, il sera observé que cette demande s'analyse en réalité en une demande de rescision pour lésion du partage, le montant des dommages-intérêts réclamés ayant été fixé en fonction de la valeur de la maison attribuée à M. [S], et que dès lors, ce sont les dispositions spéciales régissant la lésion en matière de partage qui sont applicables, avec un délai bref de deux ans.

Sur les autres demandes

L'abus du droit d'ester en justice n'étant pas suffisamment établi, la demande en paiement de la somme d'un euro pour procédure abusive sera rejetée.

Concernant les frais irrépétibles exposés par l'intimé, c'est à juste titre que le premier juge n'a pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche, en cause d'appel, il y a lieu de condamner Mme [U] à payer à M. [S] la somme de 2.000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [U] à payer à M. [S] la somme de 2.000 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel ;

Autorise Me Derbel, avocat, à recouvrer directement les dépens dont il a pu faire l'avance sans en avoir reçu provision ;

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile .

SIGNÉ par la présidente, Anne Barruol, et par la greffière, M.C. Ollierou, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chbre des aff. familiales
Numéro d'arrêt : 22/03963
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;22.03963 ?
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