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05/06/2024 | FRANCE | N°22/03240

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chbre des aff. familiales, 05 juin 2024, 22/03240


N° RG 22/03240 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LP7N



C6



N° Minute :



















































copie certifiée conforme délivrée

aux avocats le :









Copie Exécutoire délivrée

le :










aux parties (notifiée par LRAR)





aux avocats
















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES



ARRET DU MERCREDI 05 JUIN 2024





APPEL

Jugement au fond, origine tribunal judiciaire de Valence, décision attaquée en date du 28 septembre 2021, enregistrée sous le n° 17/00855 suivant déclarations d'appel du 26 août 2022 et du 15 septembre 2022





APPELANTS :

...

N° RG 22/03240 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LP7N

C6

N° Minute :

copie certifiée conforme délivrée

aux avocats le :

Copie Exécutoire délivrée

le :

aux parties (notifiée par LRAR)

aux avocats

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES

ARRET DU MERCREDI 05 JUIN 2024

APPEL

Jugement au fond, origine tribunal judiciaire de Valence, décision attaquée en date du 28 septembre 2021, enregistrée sous le n° 17/00855 suivant déclarations d'appel du 26 août 2022 et du 15 septembre 2022

APPELANTS :

M. [C] [V]

né le [Date naissance 1] 1933 à [Localité 20] (26)

de nationalité Française

[Adresse 28]

[Localité 17]

représenté par Me Mourad REKA, avocat au barreau de VALENCE substitué par Me Laurence, Yvette BUISSON, avocat au barreau de Valence

M. [R] [V]

né le [Date naissance 8] 1956 à [Localité 22] (26)

de nationalité Française

[Adresse 19]

[Localité 14]

représenté par Me Mourad REKA, avocat au barreau de VALENCE substitué par Me Laurence, Yvette BUISSON, avocat au barreau de Valence

Mme [B] [V] épouse [O]

née le [Date naissance 5] 1960 à [Localité 22] (26)

de nationalité Française

[Adresse 27]

[Localité 15]

représentée par Me Mourad REKA, avocat au barreau de VALENCE substitué par Me Laurence, Yvette BUISSON, avocat au barreau de Valence

M. [G] [V]

né le [Date naissance 12] 1965 à [Localité 22] (26)

de nationalité Française

[Adresse 18]

[Localité 14]

représenté par Me Mourad REKA, avocat au barreau de VALENCE substitué par Me Laurence, Yvette BUISSON, avocat au barreau de Valence

Mme [P] [V] épouse [I]

née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 22] (26)

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 14]

représentée par Me Mourad REKA, avocat au barreau de VALENCE substitué par Me Laurence, Yvette BUISSON, avocat au barreau de Valence

INTIMES :

M. [S] [E]

né le [Date naissance 9] 1961 à [Localité 21] (26) (26)

de nationalité Française

[Adresse 26]

[Localité 16]

représenté par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, et par Me Pierre-François GROS, avocat au barreau de Valence

Mme [J] [L] épouse née [E]

née le [Date naissance 11] 1962 à [Localité 13] (26) (26)

de nationalité Française

[Adresse 25]

[Localité 3]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, et par Me Pierre-François GROS, avocat au barreau de Valence

Mme [A] [E]

née le [Date naissance 6] 1963 à [Localité 13] (26) (26)

de nationalité Française

[Adresse 24]

[Localité 13]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, et par Me Pierre-Fançois GROS, avocat au barreau de Valence

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Mme Anne BARRUOL, Présidente,

Mme Martine RIVIERE, Conseillère,

M. Philippe GREINER, Conseiller honoraire,

DEBATS :

A l'audience publique du 14 février 2024,M. Philippe Greiner, conseiller, chargé du rapport, assisté de MC Ollierou, greffière a entendu les avocats en leurs conclusions les parties ne s'y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile. Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré.

[N] [T] [E] est décédé le [Date décès 4]/2012, laissant pour lui succéder sa soeur [F] [E] épouse [V] et ses neveux et nièces, [S], [J] et [A] [E], venant par représentation de leur père [D] [E] (les consorts [E]).

Par acte du 23/02/2017, ces derniers ont assigné devant le tribunal de grande instance de Valence [F] [V] aux fins de voir ordonner le partage de la succession de [N] [E].

Suite au décès d'[F] [V] le [Date décès 10]/2017, les consorts [E] ont appelé en la cause le 15/09/2017 ses héritiers, à savoir son mari [C] [V] et ses quatre enfants, [R] et [G] [V], [P] [V] épouse [I] et [B] [V] épouse [O] (les consorts [V]).

Par ordonnance du 15/09/2017, le juge de la mise en état a ordonné une expertise aux fins de voir dresser l'inventaire des placements mobiliers, des parts sociales, des avoirs bancaires en comptes d'épargne, comptes courants dépendant de la succession.

Dans son rapport du 31/12/2019, l'expert [W] a conclu à l'existence au jour du décès de [N] [E] d'un livret A de 22.670,21 euros et d'un compte CCP de 21.422,54 euros et a joint en annexe les relevés de compte et la copie des chèques débités après le décès.

Par jugement du 28/09/2021, le tribunal judiciaire de Valence a principalement :

- ordonné le partage de la succession de [N] [T] [E], commis Me [M], notaire, pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage, et désigné un magistrat pour surveiller les opérations de partage ;

- dit que les consorts [V] devront rapporter à la succession la somme de 37.000 euros ;

- débouté les consorts [E] de leur demande de requalification de ce rapport en recel successoral ;

- condamné les consorts [V] à payer aux consorts [E] la somme de 2.100 euros au total au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration du 26/08/2022, les consorts [V] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs conclusions récapitulatives, ils demandent à la cour de :

- déclarer les consorts [E] prescrits en leur action tendant à voir juger que l'actif net de la succession est de 40.431,38 euros ;

- déclarer que la somme de 44.092,72 euros correspondant aux avoirs bancaires sont leur propriété et n'entrent pas dans l'actif net, du fait de la libéralité rémunératoire ;

- débouté les consorts [E] de leur demande de rapport de la somme de 37.000 euros ainsi que celle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement déféré pour le surplus ;

- y ajoutant, condamner in solidum les consorts [E] au paiement de la somme totale de 3.500 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec distraction au profit de me Reka, avocat.

Ils font valoir en substance que :

- le 08/03/1973, [N] [E] a reçu au titre de la liquidation partage de son père une maison composée de trois appartements, à charge pour lui de s'acquitter d'une soulte de 99.266,70 francs envers son frère et sa soeur ;

- le 11/06/1985, il a vendu deux appartements au prix total de 190.000 francs à sa soeur [F] et au mari de celle-ci, [C] [V] ;

- en mars 1985, il est venu résider chez sa soeur à [Localité 23] ;

- le 05/04/1990, il a vendu le troisième appartement à sa soeur, avec réserve d'usufruit à son profit, au prix de 250.000 francs, converti en charge pour [F] [V] de le loger, l'entretenir, le soigner et lui fournir tout le nécessaire à son existence, les époux [V] se voyant attribuer l'ensemble de ses revenus et pensions pour sa participation à son entretien, tandis que [D] [E] est intervenu à l'acte pour renoncer à son droit de préférence et consentir à la vente ;

- le point de départ de la prescription doit être fixé au décès de [N] [E], le [Date décès 4]/2012, ou au plus tard au 05/09/2012, date du dernier prélèvement sur son compte ; plus de cinq années s'étant écoulées entre ces dates et l'assignation, la demande est prescrite ;

- la mise à disposition de ses revenus au profit de sa soeur et de son beau-frère par [N] [E] constitue une donation rémunératoire ;

- ses avoirs au jour du décès correspondent à ses revenus économisés et sont ainsi tombés dans le patrimoine de [F] [V] dès l'acte du 05/04/1990 au fur et à mesure de leur versement, peu importe qu'ils n'aient pas été tous appréhendés avant le décès ;

- en effet, ils ont le double caractère de règlement des frais d'entretien et de rémunération de [F] [V].

Dans leurs conclusions d'intimé, les consorts [E], pour conclure au débouté des appelants et à la confirmation du jugement attaqué et réclamer reconvention-nellement 1.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, répliquent que  :

- le tribunal a été saisi dans les cinq années du décès de [N] [E] et leur action n'est ainsi pas prescrite ;

- l'engagement pris par le défunt ne pouvait s'entendre que comme une contrepartie des soins prodigués et ne peut donc se concevoir au-delà de son décès ;

- au surplus, il n'est pas établi que les avoirs provenaient exclusivement de ses revenus ou pensions;

- en outre, cette clause n'est pas une disposition testamentaire ;

- dès lors, les sommes prélevées après le décès, soit 37.000 euros, doivent être rapportées à la succession.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription de l'action des consorts [E]

En vertu de l'article 2244 du code civil, l'action est soumise à la prescription quinquennale, qui court à compter du décès de [N] [E], intervenu le [Date décès 4]/2012. Dès lors, les consorts [E] avaient jusqu'au [Date décès 4]/2017 pour engager leur action.Or, l'assignation initiale a été délivrée à Mme [F] [V] le 03/02/2017, soit dans ce délai. Certes, les héritiers de [F] [V] ont été appelés en cause postérieurement à cette date, mais cette circonstance est sans incidence. En effet, l'article 370 du code de procédure civile dispose que l'instance est interrompue par le décès d'une partie, ce qui est le cas, puisque [F] [V] est décédée le [Date décès 10]/2017. Conformément à l'article 374 du même code, l'instance a repris son cours dans l'état au moment où elle a été interrompue, après délivrance d'une nouvelle citation aux héritiers de la défunte.

La demande est ainsi recevable.

Sur le rapport à succession de la somme de 44.092,72 euros

L'acte de vente du 05/04/1990 a converti le prix de 250.000 francs en la charge définie ainsi en sa page 3 que : 'Charge - Mme [V] acquéreur s'engage à recevoir dans sa maison, loger, chauffer, éclairer, nourrir à sa table avec elle et comme elle, entretenir, vêtir, blanchir, raccommoder et soigner tant en santé qu'en maladie le vendeur, en un mot lui fournir tout ce qui est nécessaire à l'existence, en ayant pour elle les meilleurs soins et bons égards, comme aussi, en cas de maladie, à lui faire donner tous les soins médicaux et chirurgicaux que sa position pourra réclamer et à lui faire administrer tous les médicaments prescrits. L'acquéreur, toutefois ne devra avoir à sa charge, en ce qui concerne les frais médicaux, chirurgicaux et pharmaceutiques, que la fraction de ces frais non remboursés au vendeur par la caisse de Sécurité Sociale à laquelle elle est affiliée. Cette charge devra s'exécuter à partir de ce jour jusqu'au décès du vendeur. Si son état de santé le nécessite, M. [E] vendeur pourra demander son hospitalisation ou son admission dans une maison de soins. M. et Mme [V] seront cependant toujours tenus d'avoir pour lui les meilleurs soins à son égard. Il est ici précisé que M. [E] laissera à M. et Mme [V] l'ensemble de ses revenus ou pensions pour sa participation à son entretien'.

Cette convention doit être qualifée de bail à nourriture puisque le bailleur à nourriture aliène un bien au profit du preneur, ce dernier s'engageant, en contrepartie, à lui fournir nourriture, logement, soins et entretien aussi longtemps que le bailleur vivra.

Il s'agit d'un contrat à titre onéreux, comportant pour le preneur l'obligation d'assurer en nature l'entretien du bailleur. Dès lors, chacune des parties se trouve en situation de recevoir de l'autre un avantage en contrepartie de celui qu'elle procure. En conséquence, le fait pour le pensionnaire, M. [E], d'abandonner à sa soeur et à son beau-frère l'intégralité de ses revenus et pensions a une contrepartie, à savoir son entretien au quotidien. Au décès du bailleur, les fonds et placements du défunt ne peuvent donc plus être appréhendés par les consorts [V], faute de prestation à accomplir en contrepartie.

Ainsi, les sommes placées sur le compte bancaire et le livret A constituaient une réserve de trésorerie et une épargne de précaution, permettant aux consorts [V] de pouvoir faire face à des dépenses imprévues pour le compte de [N] [E]. En aucun cas, elles ne pouvaient être dépensées dans le seul intérêt des preneurs. Même si ceux-ci ont fait preuve de bonne gestion en permettant à [N] [E] d'avoir toujours des liquidités, ils ne peuvent appréhender ces fonds pour leur compte personnel.

En conséquence, c'est exactement que le premier juge a dit que la somme de 37.000 euros devait être rapportée par les consorts [V] à la succession de [N] [E]. Le jugement sera donc confirmé.

Enfin, il y a lieu de faire une application modérée des dispositions de l'article 700 concernant les frais irrépétibles exposés par les intimés.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Déclare l'action des consorts [V] recevable comme non prescrite ;

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum MM. et Mmes [C] et [R] [V], [P] [V] épouse [I] et [B] [V] épouse [O] à payer à M. [S] [E], Mmes [J] [E] épouse [L] et [A] [E] ensemble la somme globale de 2.000 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile exposés en cause d'appel ;

Les condamne aux dépens ;

PRONONÇÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

SIGNÉ par la présidente Anne Barruol et par M.C. Ollierou, greffière présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière La Présidente

M.C. OLLIEROU, A. BARRUOL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chbre des aff. familiales
Numéro d'arrêt : 22/03240
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;22.03240 ?
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