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05/06/2024 | FRANCE | N°22/02992

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chbre des aff. familiales, 05 juin 2024, 22/02992


N° RG 22/02992 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LPLU



C6



N° Minute :



















































copie certifiée conforme délivrée

aux avocats le :









Copie Exécutoire délivrée

le :










aux parties (notifiée par LRAR)





aux avocats
















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES



ARRET DU MERCREDI 05 JUIN 2024







APPEL

Jugement au fond, origine tribunal judiciaire de Grenoble,décision attaquée en date du 30 mai 2022, enregistrée sous le n° 20/02364 suivant déclaration d'appel du 29 juillet 2022



APPELANTE :

Mme [F] [OS] [PC] [GE]

née ...

N° RG 22/02992 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LPLU

C6

N° Minute :

copie certifiée conforme délivrée

aux avocats le :

Copie Exécutoire délivrée

le :

aux parties (notifiée par LRAR)

aux avocats

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES

ARRET DU MERCREDI 05 JUIN 2024

APPEL

Jugement au fond, origine tribunal judiciaire de Grenoble,décision attaquée en date du 30 mai 2022, enregistrée sous le n° 20/02364 suivant déclaration d'appel du 29 juillet 2022

APPELANTE :

Mme [F] [OS] [PC] [GE]

née le [Date naissance 9] 1983 à [Localité 46]

de nationalité Française

[Adresse 27]

[Localité 46]

représentée par Me Johanna ABAD de la SELAS ABAD & VILLEMAGNE - AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de GRENOBLE postulante et par la SARL ARNAUD AVOCATS ASSOCIES au barreau de MARSEILLE

INTIMES :

M. [UC] [J]

né le [Date naissance 12] 1960 à [Localité 47] (Isère)

de nationalité Française

[Adresse 49]

[Localité 20]

représenté par Me Cédric LENUZZA de la SCP LSC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substituée et plaidant par Me Nahida YAKOUBEN, avocat au barreau de GRENOBLE

M. [G] [P]

[Adresse 8]

[Localité 22]

représenté par Me Cédric LENUZZA de la SCP LSC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substituée et plaidant par Me Nahida YAKOUBEN, avocat au barreau de GRENOBLE

Mme [H] [O]

née le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 43] (Savoie)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 23]

représentée par Me Cédric LENUZZA de la SCP LSC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substituée et plaidant par Me Nahida YAKOUBEN, avocat au barreau de GRENOBLE

Mme [A] [RS]

[Adresse 19]

[Localité 31]

représentée par Me Cédric LENUZZA de la SCP LSC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substituée et plaidant par Me Nahida YAKOUBEN, avocat au barreau de GRENOBLE

M. [UM]. [RS]

[Adresse 29]

[Localité 28]

représenté par Me Cédric LENUZZA de la SCP LSC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substituée et plaidant par Me Nahida YAKOUBEN, avocat au barreau de GRENOBLE

Mme [I]. [IZ]

[Adresse 36]

[Localité 24]

représentée par Me Cédric LENUZZA de la SCP LSC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substituée et plaidant par Me Nahida YAKOUBEN, avocat au barreau de GRENOBLE

Mme [AD] [SM]

née le [Date naissance 7] 1943 à [Localité 51] (Isère)

de nationalité Française

[Adresse 17]

[Localité 25]

représentée par Me Cédric LENUZZA de la SCP LSC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substituée et plaidant par Me Nahida YAKOUBEN, avocat au barreau de GRENOBLE

M. [GZ] [EZ]

né le [Date naissance 13] 1954 à [Localité 52] (Bas Rhin)

de nationalité Française

[Adresse 49]

[Localité 20]

représenté par Me Cédric LENUZZA de la SCP LSC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substituée et plaidant par Me Nahida YAKOUBEN, avocat au barreau de GRENOBLE

M. [SC] [RS]-[K]

de nationalité Française

[Adresse 50]

[Localité 3]

représenté par Me Cédric LENUZZA de la SCP LSC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substituée et plaidant par Me Nahida YAKOUBEN, avocat au barreau de GRENOBLE

S.A. [42] société anonyme prise en la personne de son représentant légal domicilié cpte rendu audition siège, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro [N° SIREN/SIRET 32], dont le siège social est situé

[Adresse 4]

[Localité 33]

représentée par Me Laurence LIGAS de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Véronique FONTAINE de la SCP BCF AVOCATS, avocat au barreau de LYON

S.A. [40] société anonyme, prise en la personne de son représentant

légal domicilié en cette qualité audit siège immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 402 630 826 et ayant son siège social

[Adresse 53]

[Adresse 53]

[Localité 37]

représentée par Me Maxime ARBET, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant

et par Me Jefferson LARUE, avocat au barreau de PARIS

S.A. [41] société anonyme immatriculée au RCS de Strasbourg sous le numéro B [N° SIREN/SIRET 16], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 26]

[Localité 52]

représentée et plaidant par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me ZIEGLER, avocat au barreau de STRASBOURG

S.A. [45] société anonyme inscrite au RCS de PARIS n° [N° SIREN/SIRET 30] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 11]

[Localité 33]

représentée par Me Laurianne ASTIER-PERRET, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et par Me Yann PLACAIS avocat au barreau de PARIS

G.I.E. GROUPEMENT D'INTERET ECONOMIQUE [39] Immatriculé au R.C.S de PARIS sous le numéro [N° SIREN/SIRET 15] agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 18]

[Localité 33]

représentée par Me Michel DE GAUDEMARIS de la SELARL RIONDET, avocat au barreau de GRENOBLE substituée et plaidant par Me Simon PLOTTIN, avocat au barreau de GRENOBLE

et représentée par Me Françoise CHAROUX, avocat au barreau de PARIS

Mme [U]. [NC]

[Adresse 35]

[Localité 46]

Non représentée

Mme [GO] [EO] [UX]

[Adresse 50]

[Localité 3]

Non représentée

M. [TH]. [L]

[Adresse 5]

A [Localité 48] - QUEBEC - CANADA

Non représenté

M. Et Mme [FU] [X]

[Adresse 34]

[Localité 21]

Non représentés

Mme [GO] [SX] épouse [M].

[Adresse 10]

[Localité 46]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Mme Anne BARRUOL, Présidente,

Mme Martine RIVIERE, Conseillère,

M. Philippe GREINER, Conseiller honoraire,

DEBATS :

A l'audience publique du 14 février 2024,M. Philippe Greiner, conseiller, chargé du rapport, assisté de MC Ollierou, greffière a entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile. Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré.

[YP] [K] est décédée le [Date décès 14]/2019, laissant pour lui succéder sa petite-fille [F] [GE], fille de [Z] [GE], décédée le [Date décès 1]/2004.

Après avoir rédigé deux testaments olographes les 15/09/2018 et 04/04/2019, elle avait, par testament authentique du 17/05/2019 :

- révoqué les testaments antérieurs ;

- légué la quotité disponible de sa succession à ses arrières petits-enfants ([D] [C], [HJ] [E], [S] [GE]) à parts égales entre eux, les représentants de l'étude de Me [DJ] et [T], étant désignés administrateurs des biens hérités, durant la minorité des légataires, avec pour mission d'évaluer le patrimoine reçu en héritage, de procéder à tous arbitrages, de placer les fonds de manière à ce qu'ils produisent des intérêts et de gérer au mieux les biens hérités, les fonds placés devant servir en priorité aux études des arrières petits-enfants ;

- institué bénéficiaires de ses contrats d'assurance-vie [UM], [SC] et [A] [RS] (contrat [40]), [H] [O] ([42]), [P] ([45]), [UC] [J] et [GZ] [EZ] ([44]), [UC] [J] et [GZ] [EZ] ([39]) ;

- institué pour légataires particuliers de divers tableaux et meubles meublants se trouvant à son domicile, Mmes et MM. [A], [UM] et [SC] [RS], [IZ], [J], [EZ], [SX], [NC], [P], [O], [L], [UX], [SM] et [X].

Enfin, elle a rédigé un testament daté du 20/05/2019 libellé ainsi : 'j'écris mes dispositions relatives à mes obsèques. Ma petite fille ne devra être prévenue que le lendemain de mon décès. Je confie les clès de mon appartement à Mme [H] [O] et M. [UC] [J]. Ils feront le nécessaire auprès des PFI de [Localité 46] (il existe un contrat obsèque). L'appartement ne pourra être ouvert qu'en présence de Me [NM], chargé de la succession, de Mme [H] [O] et M. [UC] [J]. Me [NM] est titulaire d'un testament pour exécuter ma succession'.

Les fonds liquidés au titre des contrats d'assurances vie s'élèvent aux sommes suivantes :

- 70.126,55 euros ([42])

- 694.901,89 euros ([40])

- 152.449,02 euros ([38])

- 28.553,34 euros ([45])

- 43.745,14 euros ([39]).

Saisi par Mme [GE] le 29/05/2020, le tribunal judiciaire de Grenoble a, par jugement du 30/05/2022, débouté Mme [GE] de sa demande d'annulation du testament authentique du 17/05/2019, dit que les bénéficiaires des contrats d'assurance-vie sont les personnes physiques désignées dans le corps de ce testament, dit que les personnes physiques désignées légataires tant universels que particuliers au titre de ce testament pourront demander la délivrance de leur legs aux héritiers de droit, et a condamné Mme [GE] au paiement de 500 euros à tous les défendeurs ainsi qu'aux dépens, avec distraction au profit des avocats en la cause, l'exécution provisoire étant écartée.

Par déclaration du 29/07/2022, Mme [GE] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses conclusions d'appelant récapitulatives, elle demande à la cour de réformer le jugement déféré, de prononcer la nullité du testament du 17/05/2019, de dire que l'arrêt à intervenir sera opposable aux compagnies d'assurance-vie en la cause, et que les frais de procédure seront supportés par la succession.

Elle fait valoir en substance que :

- les énonciations d'un testament authentique constatant que le testateur était sain d'esprit ne font pas obstacle à ce que les intéressés prouvent par tous moyens son insanité ;

- le testament authentique est en contradiction avec les deux précédents, malgré la proximité de leurs dates ;

- dans les mois précédant le décès de Mme [K], l'état de santé de celle-ci s'était fortement dégradé, Mme [GE] étant contrainte en juin 2019 de solliciter la mise sous protection de sa grand-mère ;

- c'est ainsi que le docteur [N], neuropsychiatre a été désigné et a établi un certificat le 26/07/2019, qui fait état d'un affaiblissement mental et physique très important, une sauvegarde de justice étant indispensable en raison du risque d'abus de faiblesse ;

- les attestations produites montrent un déficit cognitif et mnésique important ;

- elles témoignent aussi de pressions exercées par les amis de la testatrice concernant sa succession ;

- Mme [K] n'a donc pu donner un consentement éclairé lors de la rédaction du testament authentique qui doit être annulé.

Dans leurs conclusions du 09/02/2024, les légataires, pour conclure au débouté de l'appelante de ses demandes ainsi qu'au rejet de la pièce n° 45, à la confirmation du jugement et réclamer reconventionnellement 2.500 euros pour chacun des intimés, répliquent que :

- le testament authentique ne revient pas sur la désignation des petits-enfants comme légataires universels, et n'est donc pas en contradiction avec les testaments antérieurs ;

- le certificat du docteur [N] a été établi deux mois après l'acte litigieux et quatre jours avant le décès alors que la testatrice était mourante ;

- son insanité d'esprit au jour du testament n'est pas démontrée ;

- Mme [K] avait pleine confiance en MM. [J] et [SC] [RS], qu'elle avait désignés comme mandataire et contrôleur de gestion dans un mandat de protection future du 14/04/2011 ;

- les notaires ont vérifié son consentement libre et éclairé ;

- de nombreuses attestations font état de la santé mentale de la testatrice.

La société [40] s'en rapporte à justice concernant la demande de nullité du testament, ainsi que sur celle de la détermination des bénéficiaires du contrat d'assurance-vie, conclut à la confirmation du jugement en ce que lui a été allouée la somme de 500 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile et réclame reconventionnellement 3.000 euros au titre de ce même article.

Le GIE [39] s'en rapporte à justice sur la nullité du testament, ainsi que sur celle de la détermination des bénéficiaires du contrat d'assurance-vie, et dans l'hypothèse d'une annulation de l'acte, conclut au débouté de l'appelante au motif qu'elle s'est libérée valablement des fonds entre les mains de MM. [W] et [EZ] pour les sommes de 21.872,57 euros chacun, et à titre subsidiaire, réclame à ceux-ci la restitution des sommes versées. Enfin, elle sollicite le paiement par tout succombant de 1.500 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile en sus de celle allouée en première instance.

La société [42] conclut, en cas d'annulation du testament, à la désignation d'un bénéficiaire du contrat Triplan, les bénéficiaires devant alors communiquer les documents nécessaires au paiement, dont l'auto-certification Aeoi, et réclame reconventionnellement 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile exposés en cause d'appel, le jugement étant confirmé en ce que lui avait été allouée une somme de 500 euros à ce titre en première instance.

La compagnie [45] s'en rapporte à justice sur la nullité du testament, ainsi que sur celle de la détermination des bénéficiaires du contrat d'assurance-vie, demande à la cour de juger qu'elle était fondée à suspendre le paiement des capitaux décès du contrat 'France Haute Performance' dans l'attente de la décision définive sur l'éventuelle nullité du testament du 17/05/2019, et qu'en tout état de cause, le paiement ne pourra intervenir qu'à réception des pièces nécessaires, notamment les questionnaires Facta complétés par les bénéficiaires, conclut à la confirmation du jugement en ce que lui a été allouée la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et réclame reconventionnellement 1.500 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en cause d'appel.

Enfin, la société [41] demande à la cour de juger ce que de droit quant à la nullité du testament, qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle ne détient plus le capital décès, consigné entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations, demande que soit ordonné le déblocage des fonds au profit des bénéficiaires, désignés soit par l'avenant du 11/06/2019 soit au terme de la clause figurant à la demande d'adhésion du 26/06/1998. Enfin, elle solicite la confirmation du jugement en ce que lui a été allouée la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et réclame reconventionnellement 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en cause d'appel avec distraction au profit de Me Dauphin.

MOTIFS DE LA DECISION

Au préalable, l'attestation de M. [R] (pièce appelante n° 45), datée du 1er janvier 2024, sera retenue comme exacte, le fait que dans une plainte pénale déposée par l'appelante, cette pièce soit mentionnée comme datant du 15/06/2023 étant inopérant, l'erreur provenant de la rédaction de la plainte et non de celle de l'attestation. Du reste, il n'est pas démontré en quoi cette erreur de date vicierait cette pièce. Celle-ci sera déclarée recevable.

Aux termes de l'article 901 du code civil, 'pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence', l'article 414-1 ajoutant que 'pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte'.

Pour conclure à l'insanité d'esprit de Mme [K], l'appelante produit un certificat médical du docteur [N], du 26/07/2019 libellé ainsi :

' Elle (Mme [K]) présente un état d'affaiblissement mental et physique très important. Elle ne marche plus. Les échanges verbaux sont de courte durée. Elle est constamment alitée. Elle ne se nourrit plus normalement. Elle est dépendante pour tous les actes de la vie quotidienne. Elle est dans l'incapacité de gérer les actes de la vie civile ordinaire ainsi que ses biens. Elle a donc besoin d'une mesure de protection judiciaire de type représentation pour les actes à caractère patrimonial et pour les actes à caractère personnel (..)'.

Toutefois, il s'agit d'un constat dressé quatre jours avant le décès, à un moment où effectivement, Mme [K], en fin de vie, très affaiblie, recevait des soins palliatifs.

Or, il convient d'apprécier l'insanité d'esprit de la testatrice au jour de l'acte litigieux, c'est à dire au 17/05/2019.

L'appelante fait valoir que l'état de santé du point de vue mental de Mme [K] était déjà dégradé bien avant, dès le dernier trimestre 2018 ou janvier 2019. Ainsi, une commerçante, Mme [B], déclare avoir à cette époque constaté que la testatrice lui avait demandé dans quelle rue elle se trouvait, tandis que M. [PM] expose qu'elle avait renoncé à passer un Noël en famille, contrairement à ses habitudes, et qu'elle semblait ne plus le reconnaître. Un antiquaire, M. [FJ] ajoute qu'il n'avait pas été reconnu alors qu'il s'était rendu à sa demande chez elle en mai 201. M. [EE], qui avait été à plusieurs reprises en affaire avec Mme [K], explique que celle-ci avait vendu des murs commerciaux à un prix inférieur à l'offre qu'il lui avait présentée, alors qu'elle était d'habitude 'avide d'argent'. De même, Mme [DU], locataire de murs commerciaux appartenant à la défunte, s'étonne de ne pas avoir eu de réponse quant à une proposition d'achat des murs, Mme [K] lui ayant répondu qu'elle était très fatiguée et avait interrompu brutalement la conversation.

Il sera relevé que ces témoignages émanent de personnes qui n'ont vu Mme [K] que brièvement, alors que son état de santé ne lui permettait pas d'avoir une discussion prolongée.

En revanche :

- lors de l'établissement de l'acte authentique, les deux notaires présents, officiers ministériels, habitués à recueillir des actes et à apprécier le consentement de leurs clients, ont déclaré que la testatrice était en possession de ses moyens intellectuels ;

- l'auxiliaire de vie de la testatrice, Mme [V], entrée en fonction en juillet 2019, déclare que Mme [K] avait toutes ses facultés mentales, ce qui est confirmé par Mme [AH], infirmière, ayant pratiqué quotidiennement des soins de juin 2019 jusqu'à son décès ;

- suite à un dégât des eaux ayant endommagé l'appartement du dessous en juin 2019, l'occupante de celui-ci, Mme [RH], médecin, indique que si Mme [K] était déjà un peu asthénique, il n'existait aucun indice de confusion ou perte de mémoire, M. [IE], le plombier étant intervenu le 03/06/2019, étant d'un avis identique ;

- sa famille, ses amis proches (sa nièce [A] [RS], M. [Y], Mme [NC]), son ancienne secrétaire, Mme [O], s'accordent pour dire que si Mme [K] était très affectée par un cancer du sein, elle avait conservé sa lucidité et une bonne élocution.

Parce que ces attestations ont été établies par des personnes ayant eu des contacts fréquents avec la testatrice, qu'elles sont concordantes pour dire que, malgré sa faiblesse physique, Mme [K] avait conservé toute sa lucidité, hormis ses derniers jours, la cour considère que l' appelante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, d'une insanité d'esprit lors du testament litigieux.

C'est donc exactement que le premier juge a débouté Mme [GE] de sa demande d'annulation du testament du 17/05/2019. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Il en ira de même pour ses dispositions relatives à la délivrance des legs et du versement des capitaux des contrats d'assurance vie, les demandes de l'appelante concernant la restitution des capitaux déjà versés ne pouvant prospérer.

Il appartiendra aux bénéficiaires désignés dans le testament de procéder à toute démarche utile pour recouvrer les capitaux d'assurance-vie leur ayant été légués, notamment auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations pour obtenir le versement des fonds consignés par la compagnie [38].

Enfin, concernant les frais irrépétibles exposés en première instance, le jugement déféré sera confirmé. Pour ce qui est de l'appel, l'appelante sera condamnée à verser à chacune des compagnies d'assurance-vie la somme de 500 euros et aux légataires, qui ont un conseil commun, celle de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Déclare recevable la pièce de l'appelante n° 45 ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit que les bénéficiaires des contrats d'assurance vie devront faire leur affaire pour obtenir le règlement des capitaux de ces contrats ;

Condamne Mme [GE] à payer aux sociétés [42], [40], [38], [45] et au GIE [39], la somme de 500 euros chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [GE] à payer à Mmes et MM. [UM], [SC] et [A] [RS], [H] [O], [P], [UC] [J] et [GZ] [EZ] , [UC] [J] et [GZ] [EZ], la somme globale de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel ;

Autorise les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer directement les dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision ;

PRONONÇÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

SIGNÉ par la présidente Anne Barruol et par M.C. Ollierou, greffière présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière La Présidente

M.C. OLLIEROU,A.. BARRUOL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chbre des aff. familiales
Numéro d'arrêt : 22/02992
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;22.02992 ?
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