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04/06/2024 | FRANCE | N°23/01467

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 04 juin 2024, 23/01467


N° RG 23/01467 - N° Portalis DBVM-V-B7H-LY7H



N° Minute :





C3

























































Copie exécutoire délivrée

le :



à



la SELARL CABINET ERICK ZENOU AVOCATS ET ASSOCIES



la SELARL GPS AVOCATS















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



CO

UR D'APPEL DE GRENOBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 4 JUIN 2024



Appel d'un jugement (N° R.G. 20/00378) rendu par le tribunal judiciaire de Vienne en date du 02 mars 2023, suivant déclaration d'appel du 12 avril 2023





APPELANT :



M. [M] [E]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par Me Erick ZENOU de la SELARL C...

N° RG 23/01467 - N° Portalis DBVM-V-B7H-LY7H

N° Minute :

C3

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SELARL CABINET ERICK ZENOU AVOCATS ET ASSOCIES

la SELARL GPS AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 4 JUIN 2024

Appel d'un jugement (N° R.G. 20/00378) rendu par le tribunal judiciaire de Vienne en date du 02 mars 2023, suivant déclaration d'appel du 12 avril 2023

APPELANT :

M. [M] [E]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Erick ZENOU de la SELARL CABINET ERICK ZENOU AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de VIENNE

INTIMÉE :

Mme [K] [G]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Stéphanie PIOGER de la SELARL GPS AVOCATS, avocat au barreau de VALENCE, postulant, et Me Jérôme BOUCHET, avocat au barreau de PRIVAS

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,

Mme Ludivine Chetail, conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 mai 2024, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [M] [E] et Madame [K] [G] se sont pacsés le 24 août 2010.

Pendant la vie commune, Madame [K] [G], bénéficiant d'une donation de son père, a acquis le 22 juin 2011 une parcelle de terrain à bâtir située à [Localité 1].

Monsieur [E] et Madame [G] ont érigé une maison en ossature en bois en auto-construction.

Le couple s'est séparé et a rompu le pacte civil de solidarité le 7 février 2014.

Mme [G], selon acte d'huissier en date du 22 juillet 2016, a assigné M. [E] sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile aux fins de solliciter une expertise.

Par ordonnance de référé en date du 08 septembre 2016, il était fait droit à la demande.

L'expert a déposé son rapport le 31 juillet 2017.

Par acte d'huissier en date du 13 mai 2020, Mme [G] a fait assigner M. [M] [E] aux fins de, à titre principal :

- dire et juger que Monsieur [M] [E] est tenu à garantie décennale, ce dernier s'étant comporté pendant la construction de la maison d'habitation indivise, comme locateur d'ouvrage

À titre subsidiaire :

- dire et juger que la responsabilité contractuelle de Monsieur [M] [E] est engagée du fait de la mauvaise exécution des prestations réalisées par ce dernier, les travaux qu'il a effectués n'étant pas conformes aux règles de l'art et rendant le bien immobilier impropre à sa destination

En tout état de cause :

- condamner Monsieur [M] [E] à lui verser à Madame [K] [G] différentes sommes en réparation de son préjudice.

Par jugement en date du 02 mars 2023, le tribunal judiciaire de Vienne a :

- dit que Monsieur [M] [E] est responsable des désordres constatées sur la maison construite par le couple qu'il formait avec Madame [K] [G], à [Adresse 6] dans le lotissement Bellevue, parcelle [Cadastre 5], sur le fondement de l'article 1792-1 3° du code civil, propriété actuelle de la seule [K] [G],

- condamné Monsieur [M] [E] à indemniser Madame [K] [G] et à lui régler en conséquence :

- 14 778,00 euros TTC au titre des travaux de démolition,

- 14 026,72 euros au titre de son préjudice de jouissance,

- 3 000,00 euros au titre de son préjudice moral,

- 3 780,00 euros de remboursement de la facture d'honoraires du bureau d'études l'ETIC

- débouté Madame [G] du surplus de ses prétentions,

- condamné Monsieur [E] à payer à Madame [G] la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [E] aux dépens de l'instance comprenant le coût du rapport d'expertise judiciaire, avec distraction des dépens au profit de la SCP Beraud - Lecat-Bouchet,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

Monsieur [E] a interjeté appel du jugement par déclaration du 12 avril 2023.

Dans ses conclusions notifiées le 22 décembre 2023, M. [E] demande à la cour de:

Vu les articles 1792 et suivants du code civil,

Vu l'article 1710 du code civil,

Vu les articles L.242-1 et L.242-3 du code des assurances,

- infirmer le jugement rendu le 02 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Vienne en ce qu'il a :

- dit que Monsieur [E] est responsable des désordres constatés sur la maison construite par le couple qu'il formait avec Madame [G], sur le fondement de l'article 1792-1 3° du code civil,

- condamné Monsieur [E] à indemniser Madame [G] et à lui régler en conséquence :

- 14 778,00 euros TTC au titre des travaux de démolition,

- 14 026,72 euros au titre de son préjudice de jouissance,

- 3 000,00 euros au titre de son préjudice moral,

- 3 780,00 euros de remboursement de la facture d'honoraires du bureau d'études l'ETIC

- condamné Monsieur [E] à payer à Madame [G] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [E] aux dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Statuant derechef,

- dire et juger Madame [G] maître d'ouvrage de la construction,

- dire et juger que Madame [G] a commis les fautes de non-souscription de l'assurance dommage ouvrage et de démolition du bien, au préjudice de Monsieur [E],

Par conséquent, débouter Madame [G] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Madame [K] [G] à payer à Monsieur [M] [E] la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamner Madame [K] [G] à payer à Monsieur [M] [E] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [K] [G] aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, M. [E] affirme que Mme [G] se contente d'affirmations reprises par ses interlocuteurs et fait valoir que la qualité de constructeur est incompatible avec la notion de vie de couple, la construction de la maison étant un projet commun. Il réfute avoir accompli une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage, puisqu'aux aux termes de l'article 1710 du code civil le louage d'ouvrage se définit comme un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles.

Il déclare que Mme [G] est responsable de l'absence d'étude de sol, de l'absence d'implantation de la maison sur la parcelle par un géomètre, de l'absence d'intervention d'un bureau d'étude, qu'elle ne peut contester sa double qualité de maître d''uvre et maître de l'ouvrage en ce qu'elle a ouvert un compte bancaire spécifique pour le suivi des travaux et réaliser les dépenses liées à la construction de la maison.

Il souligne que l'expert judiciaire a précisé que Mme [G] n'a pas conservé les factures, de sorte qu'il n'y a aucune traçabilité, alors qu'elle avait été informée lors de l'achat de matériel de son obligation de conserver ces factures pendant une durée minimum de 5 ans.

Il énonce que les mêmes fautes peuvent être reprochées aux deux membres du couple lors de l'édification de la maison.

Dans ses conclusions notifiées le 9 octobre 2023, Mme [G] demande à la cour de:

Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Vienne le 02 mars 2023

- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Vienne le 02 mars 2023, en ce qu'il a condamné Monsieur [M] [E] à verser à Madame [K] [G] les sommes de :

- 14 778, 00 euros T.T.C au titre des travaux de démolition ;

- 14 026, 72 euros au titre de son préjudice de jouissance ;

- 3 000, 00 euros en réparation de son préjudice moral ;

- 3 780, 00 euros de remboursement de la facture d'honoraires du bureau d'études l'ETIC ;

- 1 500, 00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- outre les entiers dépens d'instance.

En conséquent :

A titre principal :

Vu les articles 1 792 et suivants du code civil.

Vu l'article 1 792-1 du même code.

- dire et juger que Monsieur [M] [E] est tenu à garantie décennale ; ce dernier s'étant comporté, pendant la construction de la maison d'habitation indivise, comme locateur d'ouvrage.

A titre subsidiaire :

Vu l'article 1 103 et 1 231-1 et 1 984 du code civil.

- dire et juger que la responsabilité contractuelle de Monsieur [M] [E] est engagée du fait de la mauvaise exécution des prestations réalisées par ce dernier, les travaux qu'il a effectués n'étant pas conforme aux règles de l'art et rendant le bien immobilier impropre à sa destination.

En tout état de cause :

- condamner Monsieur [M] [E] à verser à Madame [K] [G] les sommes de :

- 14 778 euros T.T.C au titre des travaux de réfection ;

- 14 026, 72 euros au titre de son préjudice de jouissance ;

- 3 000, 00 euros au titre de son préjudice moral ;

- 3 780, 00 euros en remboursement de la facture d'honoraires du Bureau d'Etude Structure Bois L'ETIC ;

- 2 420, 64 euros correspondant à l'intervention de la société Ardelect pour corriger les désordres électriques, mais qui s'est révélée être purement inutile ;

- 3 000, 00 euros au titre de la résistance abusive ;

- 1 500, 00 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

Au titre de l'appel incident :

- réformer le jugement entreprise en ce qu'il a débouté Madame [K] [G] de sa demande :

- au titre du remboursement de la facture d'intervention de la société Ardelect pour corriger les désordres électriques ;

- du paiement de la somme de 3 000, 00 euros au titre de la résistance abusive.

- condamner Monsieur [M] [E] au paiement de la somme de 2 420, 64 euros au titre de la facture Ardelect du 29 Août 2014.

- condamner Monsieur [M] [E] au paiement d'une somme de 3 000, 00 euros au titre de la résistance abusive.

- condamner Monsieur [M] [E] à verser à Madame [K] [G] la somme de 3 500, 00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître [O] [I] pour ceux dont il en aura fait l'avance sans en avoir eu provision et en ceux compris les honoraires de l'expert judiciaire, Monsieur [R] [W].

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Mme [G] fonde sa demande à titre principal sur la garantie décennale, M. [E] s'étant comporté selon elle comme un locateur d'ouvrage en la construisant et rappelle que les désordres et malfaçons affectant le bien rendent la maison impropre à sa destination.

Subsidiairement, elle excipe de la responsabilité contractuelle de M. [E], défaillant selon elle dans le cadre de sa mission.

Elle souligne que ce dernier ne s'est pas rendu aux opérations expertales malgré sa convocation et n'a pas formulé d'observations.

Elle déclare que la garantie décennale est une garantie d'ordre public et ne nécessite aucun lien contractuel, d'autant qu'il résulte de l'article 1792-1 du code civil, qu'est réputé constructeur de l'ouvrage toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un constructeur.

Elle réfute toute faute de sa part et indique avoir été contrainte de procéder à la démolition du bâtiment litigieux.

La clôture a été prononcée le 30 avril 2024.

MOTIFS

Sur le fondement de la responsabilité

M. [E] et Mme [G] se sont pacsés le 24 août 2010.

Selon l'article 515-5-1 du code civil, les partenaires peuvent, dans la convention initiale ou dans une convention modificative, choisir de soumettre au régime de l'indivision les biens qu'ils acquièrent, ensemble ou séparément, à compter de l'enregistrement de ces conventions. Ces biens sont alors réputés indivis par moitié, sans recours de l'un des partenaires contre l'autre au titre d'une contribution inégale.

Il résulte des dispositions des articles 515-5-2 et suivants du code civil, ainsi que l'a rappelé le CRIDON au notaire en charge de la rédaction de l'acte de partage d'indivision conventionnelle que si les biens acquis au moyen de deniers reçus par donation demeurent la propriété exclusive de chaque partenaire, à défaut de déclaration d'emploi dans l'acte d'acquisition, le bien est réputé indivis par moitié et ne donne lieu qu'à une créance entre partenaires.

En l'absence de déclaration d'emploi par Mme [G] des sommes reçues par son père, c'est à juste titre que le notaire a considéré que la maison était un bien indivis, appartenant tant à Mme [G] qu'à M. [E].

Selon l'article 1710 du code civil, le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles.

Le contrat d'entreprise est une forme particulière du contrat de louage d'ouvrage.

Dès lors que les deux parties étaient propriétaires indivis du bien, aucun contrat moyennant rémunération n'a pu être conclu entre elles, peu important les dispositions de l'article 1360 du code civil, qui ne concernent que l'impossibilité d'obtenir un écrit, mais n'enlèvent pas au contrat d'entreprise son caractère onéreux.

Par ailleurs, il convient de noter que Mme [G] et M. [E] n'ont pas conclu comme ils auraient pu le faire de convention d'indivision, en application de l'article 515-5-3 du code civil, convention qui aurait dû être publiée au fichier immobilier s'agissant d'un bien soumis à publicité foncière.

En conséquence, en l'absence de contrat, aucune disposition fondée sur la garantie décennale ni la responsabilité contractuelle n'est applicable.

Toutefois, il appartient au juge, conformément à l'article 12 du code de procédure civile, de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Or en l'espèce, la responsabilité de M. [E] pourrait le cas échéant être soulevée sur un fondement délictuel.

Les parties n'ayant toutefois pas conclu sur ce point, il sera procédé à une réouverture des débats afin de leur permettre de faire valoir leurs observations en application de l'article 16 du code de procédure civile.

Les dépens sont réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt avant dire droit, après en avoir délibéré conformément à la loi:

Révoque l'ordonnance de clôture ;

Ordonne la réouverture des débats ;

Fait injonction aux parties de conclure sur une éventuelle responsabilité de M. [E] sur un fondement délictuel ;

Renvoie l'affaire à l'audience du 5 novembre 2024, 14h ;

Fixons la nouvelle clôture au 15 octobre 2024, 9h ;

Réserve les dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE                                        LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/01467
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;23.01467 ?
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