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N° RG 22/04331 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LTMV
N° Minute :
C3
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la SELARL EUROPA AVOCATS
la SELARL CABINET ERICK ZENOU AVOCATS ET ASSOCIES
SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 04 JUIN 2024
Appel d'un jugement (N° R.G. 21/00769) rendu par le tribunal judiciaire de Vienne en date du 25 août 2022, suivant déclaration d'appel du 06 décembre 2022
APPELANTE :
S.A.R.L. FAB CONCEPT représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Alexandre BORDON, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉS :
M. [B] [T]
né le 21 Février 1942 à [Localité 7] (26)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Mme [E] [G] épouse [T]
née le 03 Décembre 1945 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentés par Me Erick ZENOU de la SELARL CABINET ERICK ZENOU AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de VIENNE substitué et plaidant par Me Brice MULLER de la SELARL CABINET ERICK ZENOU AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de VIENNE
S.A.R.L. G38 exercant sous l'enseigne GRANICO SARL prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me David ROGUET de la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Alban VILLECROZE, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle Cardona, présidente
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,
Mme Ludivine Chetail, conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 avril 2024, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Mme Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur et Madame [T] ont fait appel à la société Fab concept pour :
- l'aménagement de leur cuisine intégrée
- les travaux de peinture et de carrelage de la salle de bain
- l'installation d'une verrière entre la cuisine et le hall.
Par acte d'huissier en date du 14 janvier 2019, les époux [T] ont assigné la société Fab concept devant le juge des référés de Vienne aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 14 mars 2019, le juge des référés de Vienne a fait droit à cette demande et désigné Monsieur [V] en qualité d'expert.
Par ordonnance du 12 décembre 2019, le juge des référés a étendu les opérations d'expertise à la société G38, en sa qualité de sous-traitante de la société Fab concept.
L'expert a déposé son rapport le 23 mars 2021.
Par actes de commissaire de justice en date du 27 juillet 2021, les époux [T] ont fait assigner la société Fab concept et la société G38 devant le tribunal judiciaire de Vienne aux fins d'obtenir la réparation de leurs préjudices.
Par jugement rendu le 25 août 2022, le tribunal judiciaire de Vienne a :
-constaté le désistement d'instance et d'action de Monsieur et Madame [T] à l'encontre de la société G38 exerçant sous l'enseigne Granico,
-condamné la société Fab concept à verser à Monsieur et Madame [T] la somme de 17 603,28 euros au titre de la reprise des désordres identifiés par l'expert judiciaire,
-rejeté la demande formée par Monsieur et Madame [T] en réparation de leur préjudice moral,
-condamné la société Fab concept à verser à Monsieur et Madame [T] la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit,
-condamné la société Fab concept aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise,
-accordé à la SELARL Zenou le droit prévu à l'article 699 du code civil.
Par déclaration en date du 6 décembre 2022, la société Fab concept a interjeté appel du jugement.
Dans ses conclusions notifiées le 8 mars 2024, la société Fab concept demande à la cour de:
In limine litis,
Vu les articles 112 et suivants, 648 et 690 du code de procédure civile,
-prononcer la nullité de l'assignation en date du 27 juillet 2021 par laquelle les époux [T] ont sollicité la condamnation de la société Fab concept à leur payer la somme de 17 603,28 euros en principal ;
-prononcer par conséquent nécessairement la nullité du jugement subséquent rendu le 25 août 2022 par le tribunal judiciaire de Vienne,
A titre subsidiaire,
-infirmer intégralement le jugement dont appel ;
Statuant à nouveau,
-débouter les époux [T] de l'intégralité de leurs demandes ;
A titre très subsidiaire à tout le moins, réduire le montant des condamnations prononcées ;
En tout état de cause,
-condamner les époux [T] à payer à la société Fab concept la somme de 3 200 euros au titre du solde des sommes dues ;
Si des sommes devaient être mises à la charge de la société Fab concept,
-ordonner immédiatement la compensation de la somme de 3 200 euros avec les sommes qui seraient éventuellement dues par elle aux époux [T] ;
-condamner la société G38 à relever et garantir la société Fab concept de toute somme qui serait mise à sa charge relativement aux désordres 16, 17 et 18, portant sur la fourniture et pose d'un plan de travail en granit ;
-condamner la société G38 à relever et garantir la société Fab concept de toute somme mise à sa charge au titre des frais irrépétibles et des dépens de première instance et d'appel ;
-condamner les époux [T] et la société G38 à payer à la société Fab concept la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.
Au soutien de ses demandes, la société Fab concept conclut d'abord à la nullité de l'assignation, au motif qu'elle a été assignée à une adresse qui n'était plus celle du siège social depuis plus de deux ans, qu'au demeurant, cette nouvelle adresse avait été communiquée à l'expert judiciaire.
Elle énonce que la signification de conclusions ne saurait pallier les irrégularités de l'assignation initiale.
Sur le fond, elle conclut au rejet des demandes, énonçant que la quasi-intégralité des désordres allégués est constituée de difficultés de « finition » ou « d'esthétique », dont rien n'indique qu'ils n'auraient pas été apparents à la réception. Elle ajoute que l'expert même relève constate qu'aucun écrit antérieur à la date de réalisation d'un constat d'huissier de février 2019 ne vise les désordres 6, 7, 10, 11, 13 et 14.
Elle conteste le montant des préjudices fixés par l'expert .
Enfin, elle demande le cas échéant à être relevée et garantie par la société G38.
Dans leurs conclusions notifiées le 19 mars 2024, les époux [T] demandent à la cour de:
Vu les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil,
Vu les dispositions des articles 1224 et suivants du code civil,
Vu les pièces,
Vu le rapport d'expertise de Monsieur [V] en date du 23 mars 2021,
In limine litis,
-déclarer recevable l'acte introductif d'instance délivré le 27 juillet 2021 par les époux [T],
-confirmer le jugement rendu le 25 août 2022 par le tribunal judiciaire en toutes ses dispositions,
Par conséquent, débouter la société Fab concept de l'ensemble de ses demandes,
Y ajoutant, condamner la société Fab concept à la somme de 4 000,00 euros par application de l'article 700 et aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de la SELARL Zenou et associés, sur son affirmation de droit.
Les époux [T] concluent à la recevabilité de l'assignation, rappelant que l'huissier de justice a indiqué que l'acte a bien été remis à la SELARL Fab concept, à son siège social sis [Adresse 10], que de surcroît, la copie du présent acte avait été remis à Monsieur [S] [N], chef d'atelier ainsi déclaré, qui a affirmé être habilité à recevoir copie de l'acte, et confirmé que le domicile ou siège social du destinataire était toujours à cette adresse, qu'en outre, l'exactitude dudit siège social été confirmée par :
- La présence du nom du destinataire sur la boite aux lettres,
- La confirmation par la personne présente,
- La présence d'une enseigne commerciale sur l'immeuble.
Ils se fondent sur le rapport d'expertise judiciaire qui fait état de différents désordres, imputables à la société Fab concept.
Dans ses conclusions notifiées le 16 juin 2023, la société G38 exerçant sous l'enseigne Granico SARL demande à la cour de:
Vu les articles 4, 52, 53 et suivants du code de procédure civile
Vu l'article 1240 du code civil
Vu l'article 1792 du code civil
-juger recevable mais non fondé l'appel interjeté par la société Fab concept.
In limine litis
-juger que le jugement n'encourt aucune nullité compte-tenu de la signification des conclusions des parties à l'adresse actuelle de la société Fab concept.
A titre principal
-confirmer le jugement en ce qu'il a constaté le désistement d'instance et d'action de Monsieur et Madame [T] à l'encontre de la société G38, puisque ces derniers ne formaient aucune demande à son encontre.
A titre subsidiaire
-infirmer le jugement rendu.
-débouter la société Fab concept de sa demande de relever et garantie à l'encontre de la société G38.
-juger que la société G38 est intervenue en qualité de sous-traitante de la société Fab concept.
-juger que les désordres sont esthétiques.
-juger que les désordres allégués n'ont fait l'objet d'aucune réserve à réception.
-juger que les désordres étaient visibles à la réception et sont donc aujourd'hui très largement purgés.
-juger qu'aucun désordre n'a été dénoncé à la société G38 par l'entreprise principale, la société Fab concept.
-juger que les désordres ne rendent pas les plans de travail impropres à leur destination. rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Fab concept à l'encontre de la société G38.
A titre infiniment subsidiaire si la cour devait entrer en voie de condamnation à l'encontre de la société G38
-limiter les sommes demandées à titre de relever et garantie à la société G38 à 3 586,07 euros, s'agissant du stricte remplacement des plans de travail.
En tout état de cause
-condamner la société Fab concept à régler à la société G38 la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
-condamner la même aux entiers dépens de la présente instance qui comprendront notamment l'intégralité des frais d'expertise.
La société G38 souligne que les conclusions des époux [T] ont été signifiés le 24 janvier 2022 à la même adresse que celle dont se prévaut aujourd'hui la société Fab concept.
Sur le fond, elle rappelle être intervenue en qualité de sous-traitante de la société Fab concept. Elle déclare n'être concernée que par les désordres allégués affectant le plan de travail, à savoir les désordres 1, 17 et 18, et déclare que l'expert a estimé un préjudice sur la base de pièces illisibles ne permettant pas de savoir ce qui a été précisément commandé
Elle énonce que Monsieur [T] a donc accepté sans réserves les plans de travail, alors que les désordres allégués étaient apparents à réception.
Elle s'interroge sur le fait que l'expert a visé un second procès-verbal de réception, alors que la réception ne peut être qu'un acte unique.
Elle déclare que les désordres sont de simples défauts esthétiques et qu'il n'existe aucune impropriété à destination.
La clôture a été prononcée le 2 avril 2024.
Les observations des parties ont été recueillies s'agissant de l'irrecevabilité des conclusions des époux [T].
MOTIFS
Sur la recevabilité des conclusions des époux [T]
Selon l'article 909 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
En l'espèce, il est constant que les conclusions des époux [T] ont été notifiées plus de trois mois après les conclusions de l'appelante, elles seront donc déclarées irrecevables.
Selon l'article 906 du code de procédure civile alinéa 3, les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.
Il ressort de la procédure que les pièces n°27 à 30 ont été également communiquées le 9 mars 2024, elles sont donc irrecevables.
Sur la nullité de l'assignation
Selon l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Selon l'article 115 de ce même code, la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.
A titre liminaire, il sera précisé que la pièce n°27 des époux [T], à savoir l'assignation litigieuse, a été écartée des débats puisqu'elle est irrecevable.
En l'espèce, si l'assignation a été délivrée à l'ancien siège social à [Localité 9], les signification des conclusions postérieures des époux [T], en date du 24 janvier 2022, ont bien été signifiées à [Localité 4], et ont remises en personne à M. [M], gérant, habilité à recevoir l'acte.
En conséquence, l'irrégularité relative à l'adresse a été couverte, aucune nullité ne subsiste.
En revanche, et comme l'a à juste titre rappelé la société Fab concept, aux termes de l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 :
1° Les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ;
2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;
3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé;
4° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
L'assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.
Elle vaut conclusions.
Les conclusions en date du 24 janvier 2022 des époux [T] n'ont pas été versées aux débats, puisque seul l'acte de signification, avec la bonne adresse, a été communiqué. Or cette seule communication ne permet pas de s'assurer que les conclusions reprenaient les éléments de l'assignation, et notamment le 4° de l'article 56 précité.
En conséquence, il n'est pas démontré que la société Fab concept était informée de l'ensemble de ces éléments, ce qui est de nature à porter atteinte à ses droits.
Il convient en conséquence de prononcer la nullité de l'assignation et par voie de conséquence du jugement.
Du fait de celle-ci, l'effet dévolutif ne joue pas.
Les époux [T] qui succombent à l'instance seront condamnés aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi:
Déclare irrecevables les conclusions notifiées le 19 mars 2024 par les époux [T], ainsi que leurs pièces n°27à 30 ;
Prononce la nullité de l'assignation délivrée le 27 juillet 2021 à la SARL Fab concept ;
Prononce la nullité du jugement rendu le 25 août 2022 par le tribunal judiciaire de Vienne ;
Dit qu'il n'y a pas eu d'effet dévolutif de l'appel ;
Condamne les époux [T] à verser à la SARL Fab concept la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne les époux [T] aux dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE