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30/05/2024 | FRANCE | N°22/03794

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 30 mai 2024, 22/03794


C5



N° RG 22/03794



N° Portalis DBVM-V-B7G-LRXS



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







la SCP AGUERA AVOCATS



la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<

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COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 30 MAI 2024





Appel d'une décision (N° RG 21/00176)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry

en date du 26 septembre 2022

suivant déclaration d'appel du 21 octobre 2022





APPELANTE :



SNC [9], prise en la personne de son représentant légal en exercice ...

C5

N° RG 22/03794

N° Portalis DBVM-V-B7G-LRXS

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP AGUERA AVOCATS

la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 30 MAI 2024

Appel d'une décision (N° RG 21/00176)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry

en date du 26 septembre 2022

suivant déclaration d'appel du 21 octobre 2022

APPELANTE :

SNC [9], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 3]

représentée par Me Edith COLLOMB-LEFEVRE de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Marc MIGEON, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

L'URSSAF RHONE ALPES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Marie GIRARD-MADOUX de la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY substituée par Me Antoine GIRARD-MADOUX, avocat au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

En présence de Mme [V] [H], juriste assistant,

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 mars 2024,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Elsa WEIL, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie,

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DU LITIGE

L'URSSAF Rhône-Alpes a adressé à la SNC [9], gérant un hôtel-restaurant-bar à [Localité 3], une lettre d'observations du 13 novembre 2019 à la suite d'un contrôle portant sur les années 2016 à 2018, qui a conclu aux termes de 9 chefs de redressement à un rappel de 97.057 euros.

Par courrier du 16 janvier 2020, la SNC [9] a contesté les chefs de redressement n° 3 et 7, et l'inspectrice du recouvrement a répondu par courrier du 23 juillet 2020 qu'elle maintenait le rappel de 7.693 euros au titre du chef n° 3 et ramenait le rappel au titre du chef n° 7 de 7.877 à 3.917 euros.

Par courrier du 15 septembre 2020, la SNC [9] a sollicité une non-mise en recouvrement et a contesté les chefs de redressement n° 3 et 6.

L'URSSAF Rhône-Alpes a adressé à la société une mise en demeure du 18 novembre 2020, reçue à cette date, d'avoir à payer au titre de cette lettre d'observations et d'un dernier échange du 23 juillet 2020 une somme de 104.008 euros comprenant 93.097 euros de cotisations et 10.911 euros de majorations de retard.

La commission de recours amiable a rejeté le 28 mai 2021 la contestation de la société portant sur la nullité de la procédure et les chefs de redressement n° 3 et 6.

Le Pôle social du Tribunal judiciaire de Chambéry, saisi d'un recours de la SNC [9] contre l'URSSAF Rhône-Alpes, a par jugement du 26 septembre 2022':

- débouté la société de son recours,

- condamné la société à payer à l'URSSAF la somme de 104.008 euros au titre de la mise en demeure,

- condamné la société aux dépens et à payer à l'URSSAF une somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Par déclaration du 21 octobre 2022, la SNC [9] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions n° 2 déposées le 23 janvier 2024 et reprises oralement à l'audience devant la cour, la SNC [9] demande':

- l'infirmation du jugement en ce qu'il a':

* rejeté la demande d'annulation du redressement au motif que le défaut de mention des majorations et pénalités ne doit pas être mentionné dans la lettre d'observations,

* rejeté la demande d'annulation du chef de redressement n° 3 au motif que la société ne prouve pas le logement de ses salariés dans des dortoirs ou des chambres de 3 ou 4 personnes,

* rejeté la demande d'annulation du chef de redressement n° 6 au motif que la société ne démontre pas le rattachement de la dépense à son activité,

* rejeté sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société sur ce fondement à payer 1.200 euros à l'URSSAF,

- l'annulation du redressement et de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable,

- subsidiairement la réduction de la base de calcul de 6.100,77 euros pour le chef n° 3 et de 8.271 euros pour le chef n° 6,

- la régularisation du chef de redressement n° 9 en fonction des chefs n° 3 et 6,

- la condamnation de l'URSSAF à lui payer 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société fonde sa demande d'annulation du redressement sur le fait que les majorations ont la nature de cotisations, que le cotisant doit connaître la nature de ses sanctions et obligations avant la fin de la période de contrôle contradictoire et que ses droits doivent être respectés au regard du code des relations du public avec l'administration, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale qui exige que la lettre d'observations mentionne et précise les éventuelles majorations et pénalités retenues par l'URSSAF. Elle soutient que la lettre d'observations n'a précisé qu'un montant de rappel de cotisations de 97.057 euros et a prévu que des majorations de retard dues en application de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale seraient réclamées, en se dispensant de calculer ces majorations de retard, alors que la mise en demeure est intervenue plus d'un an après en visant 10.911 euros de majorations de retard, soit une majoration de plus de 7'%. La société estime que le jugement contrevient aux droits du cotisant lui permettant de contester les cotisations obligatoires et les pénalités et majorations afférentes, le principe du contradictoire devant s'appliquer sur l'ensemble du redressement, et le fait de pouvoir contester le montant ou demander une remise des majorations est inopérant. La société ajoute que la liste des majorations visées par l'article R. 243-18 n'est pas limitative, sauf à obtenir une situation paradoxale, et que la jurisprudence sanctionne l'augmentation des redressements. Enfin, elle souligne que la période contradictoire prenait fin à la date de l'envoi de la mise en demeure, ce qui fait que l'URSSAF restait maître du temps et de majorations de retard aggravées pour le cotisant, ici pendant plus d'un an, raison pour laquelle l'article R. 243-59 a été modifié par un décret du 11 octobre 2019.

Subsidiairement, la société critique le chef de redressement n° 3 relatif à des avantages en nature pour logement. Elle rappelle que l'hôtel [9] se situe à [Localité 3], loin de la vallée, et que les salariés devaient être logés dans un village à proximité, un hébergement à l'hôtel étant impossible au regard de leur nombre à l'époque contrôlée. La société faisait donc appel à un nombre de salariés et de stagiaires important (43 en janvier et en février 2018, 36 en mars 2018, 28 en avril 2018) et les hébergeait dans une annexe «'[8]'» à [Localité 6], bâtiment composé de 12 chambres, personne n'étant logé dans le «'Hangar'» qui était quant à lui un entrepôt de stockage. Dès lors qu'une chambre pour 3 ou 4 personnes est assimilée à un dortoir, le bénéfice de logements collectifs induit qu'aucune cotisation ne peut être exigée sur cet avantage en nature, sauf pour trois salariés hébergés hors saison, une réduction de 6.100,77 euros étant donc calculée par la société. Celle-ci critique le jugement qui a considéré qu'elle n'apportait pas la preuve que les salariés était logés en collectif, alors qu'elle a justifié d'un plan et d'une photo du bâtiment montrant 12 chambres, des photos du Hangar démontrant l'absence de possibilité de logement, le tribunal ayant par conséquent inversé la charge de la preuve au détriment de la cotisante. En effet, l'URSSAF elle-même a constaté que les conventions de stage indiquaient l'adresse d'hébergement à [8] et que des loyers étaient payés pour le Hangar et le [8], l'organisme avait en outre le nombre de salariés et stagiaires et la preuve que le bâtiment de taille modeste comportait 12 chambres.

La société conteste également le chef de redressement n° 6 se rapportant à des rémunérations non déclarées, sur le fondement des articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, en soulignant qu'une partie des archives de sa comptabilité a été perdue à l'occasion d'un changement d'expert-comptable. Elle reproche à l'URSSAF d'avoir soumis à charge des sommes comptabilisées dans un compte d'attente, en l'occurrence trois chèques pour un total de 15.573,30 euros. En effet, elle a pu à ce jour disposer de la copie des chèques, adressés au Trésor public qui ne peut pas être soumis à cotisations, et à la SELARL [5] et à [4] en lien avec un achat aux enchères pour la décoration de l'hôtel. Aucun salarié portant ces noms n'a été employé par la société et il ne s'agit donc pas d'avantages en nature, le tribunal ayant retenu à tort une absence de preuve sur facture des achats aux enchères et l'absence de preuve du rattachement direct du chèque au Trésor public à l'activité de la société. Celle-ci estime que le tribunal et l'URSSAF procèdent à un renversement de la charge de la preuve, l'organisme ayant à charge de démontrer que les sommes litigieuses devaient être soumises à cotisation.

Enfin, la société demande la régularisation des réductions générales des cotisations.

Par conclusions déposées le 20 février 2024 et reprises oralement à l'audience devant la cour, l'URSSAF Rhône-Alpes demande':

- la confirmation du jugement,

- le débouté des demandes de la société,

- la condamnation de la société aux dépens et à lui verser 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'URSSAF s'appuie sur l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale qui liste les mentions obligatoires des lettres d'observations et vise spécialement les majorations pour abus de droit de l'article L. 243-7-2, pour absence de mise en conformité de l'article L. 243-7-6 et en cas de travail dissimulé de l'article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale. Les majorations de retard ne sont donc pas concernées, et la lettre d'observations vise en conclusion l'article R. 243-18 concernant les majorations de retard de 5'% des cotisations non versées à la date d'exigibilité, et la majoration complémentaire de 0,2'% par mois à compter du 1er février de l'année suivant celle au titre de laquelle les régularisations sont effectuées, l'article R. 243-19 prévoyant les modalités de liquidation de ces majorations. La société contrôlée avait donc une connaissance précise et intelligible des majorations de retard prévues, qui dépendaient des cotisations éludées de sorte que ces majorations ne pouvaient pas être déterminées au cours de la phase contradictoire, mais seulement au moment de la mise en demeure.

En ce qui concerne le chef de redressement n° 3, l'URSSAF se fonde sur l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, l'arrêté du 10 décembre 2002 et une circulaire du 19 août 2005 pour estimer que les arguments portés par la société ne permettent pas de qualifier l'hébergement litigieux de dortoir. Le plan d'architecte ne permet pas de justifier la qualification de cet hébergement, la composition de salles communes ou une absence d'équipement de confort minimum comme le coin cuisine et les sanitaires, en sachant qu'une taxe d'habitation a été acquittée sur ces logements en 2018. L'URSSAF précise que le Hangar n'a pas été considéré comme constituant un logement par l'inspectrice du recouvrement.

En ce qui concerne le chef de redressement n° 6, l'URSSAF s'appuie sur les articles L. 242-1 et L. 316-1-1 du code de la sécurité sociale et estime que plusieurs règlements n'ont pas été justifiés par la société [9], de nouvelles pièces peu lisibles étant produites à l'appui du recours et devant être écartées puisqu'elles n'ont pas été produites avant la fin de la période contradictoire. En outre, il ne s'agit pas de factures d'achat et aucun élément ne permet de rattacher le versement au Trésor public à l'activité de la société.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIVATION

Sur l'annulation du redressement

1. - L'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans ses versions en vigueur du 28 septembre 2017 au 1er janvier 2020 disposait que': «'III.-A l'issue du contrôle ou lorsqu'un constat d'infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l'article L. 8271-6-4 du code du travail afin qu'il soit procédé à un redressement des cotisations et contributions dues, les agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant une lettre d'observations (')

Les observations sont motivées par chef de redressement. A ce titre, elles comprennent les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement et, le cas échéant, l'indication du montant des assiettes correspondant, ainsi que pour les cotisations et contributions sociales l'indication du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2 , L. 243-7-6 et L. 243-7-7 qui sont envisagés.'»

L'article R. 243-18 du même code, dans sa version en vigueur du 8 juillet 2019 au 1er janvier 2020, prévoyait que': «'Il est appliqué une majoration de retard de 5 % du montant des cotisations et contributions qui n'ont pas été versées aux dates limites d'exigibilité.

A cette majoration s'ajoute une majoration complémentaire de 0,2 % du montant des cotisations et contributions dues, par mois ou fraction de mois écoulé, à compter de la date d'exigibilité des cotisations et contributions.

Dans le cadre des contrôles mentionnés aux articles R. 243-59 et R. 243-59-3, la majoration complémentaire n'est décomptée qu'à partir du 1er février de l'année qui suit celle au titre de laquelle les régularisations sont effectuées. Le taux de cette majoration complémentaire est abaissé à 0,1 % en cas de paiement des cotisations et contributions faisant l'objet du redressement dans les trente jours suivant l'émission de la mise en demeure.'»

L'article R. 243-19, dans ses rédactions en vigueur du 24 novembre 2016 au 13 août 2022, précisait que': «'Elles doivent être versées dans le mois de leur notification par mise en demeure dans les conditions prévues aux articles L. 244-2 et L. 244-3 et sont recouvrées comme en matière de cotisations.'»

2. - En l'espèce, la lettre d'observations du 13 novembre 2019 se concluait par un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS de 97.057 euros, et «'en sus de ce montant, vous seront également réclamées les majorations de retard dues en application de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale.'»

Aucune disposition n'imposait le calcul des majorations de retard au sein de la lettre d'observations, l'article R. 243-59-III cité ci-dessus n'imposant que la mention des majorations pour abus de droit, pour absence de mise en conformité ou en cas de travail dissimulé, ces majorations n'ayant pas, par définition, la même nature que des majorations de retard découlant de l'avancée du temps, et non d'un fait caractérisant un abus, un refus ou une infraction.

Il ne peut pas être reproché à l'URSSAF une absence de calcul des majorations de retard lors de la rédaction de la lettre d'observations, ces majorations se calculant avec le temps passé à compter de la date d'exigibilité des cotisations auxquelles elles se rapportent, et seule la formule de calcul devait donc être mentionnée, par rappel des dispositions de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale.

La jurisprudence citée par la SNC [9] pour sanctionner les augmentations de redressements ne s'applique pas au présent cas de figure, aucun montant de cotisation n'ayant été augmenté, puisque seules les majorations pour le retard écoulé ont été ajoutées au stade de la mise en demeure.

Enfin, il ne peut pas être soutenu que l'URSSAF serait maître du temps et donc du montant des majorations de retard, dès lors qu'il appartient au cotisant de payer ses cotisations à leur date d'exigibilité, celles-ci étant portables et non quérables.

Il convient de préciser que la SNC [9] ne conteste pas le calcul des sommes réclamées au titre des majorations de retard ni ne demande de remise de ces majorations.

Sur le chef de redressement n° 3

3. - L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2016 au 1er septembre 2018, prévoyait que': «'Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.'»

L'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale prévoit dans son article 2 que': «'Sous réserve des dispositions de l'article 5 ci-dessous, pour les travailleurs salariés et assimilés auxquels l'employeur fournit le logement, l'estimation de l'avantage en nature est évaluée forfaitairement. Elle peut également être calculée, sur option de l'employeur, d'après la valeur locative servant à l'établissement de la taxe d'habitation dans les conditions prévues aux articles 1496 et 1516 du code général des impôts et d'après la valeur réelle pour les avantages accessoires.'»

4. - En l'espèce, le débat porte sur le caractère collectif ou non des logements mis à la disposition de ses salariés par la SNC [9], c'est-à-dire au fait que plus de deux personnes partageaient les chambres et que ces pièces constituaient alors des dortoirs.

L'inspectrice du recouvrement a retenu dans la lettre d'observations que l'entreprise mettait à la disposition des salariés et des stagiaires ne résidant pas en Savoie un logement à [Localité 6], de 2016 à 2018, dont les loyers étaient comptabilisés dans un compte intitulé «'Loyer Hangar et St Jean'», un avantage en nature étant mentionné sur les bulletins de paie sauf pendant une période allant d'aout 2017 à mai 2018, et alors que les salariés concernés étaient dans la même situation depuis plusieurs années, cet avantage n'étant pas décompté non plus, sur la même période, pour les stagiaires. Un avantage a donc été recalculé sur la base d'un logement d'une pièce selon des réintégrations et des modalités exposées dans la lettre d'observations.

5. - Il appartenait à la SNC [9] de justifier que l'avantage en nature fourni à ses employés devait être exclu de l'assiette des cotisations, d'autant plus qu'il n'est pas contesté que la société incluait l'avantage en nature, sous forme d'hébergement, dans la rémunération de ses salariés et stagiaires soumise à cotisation, mais ne l'a pas fait pendant une période de quelques mois': c'est donc à tort que la société, qui revendique une exclusion de certains avantages en nature de l'assiette de ses cotisations, critique une inversion de la charge de la preuve.

La société ne produit aucun élément permettant de connaître les conditions de logement de chaque salarié ou stagiaire pendant la période litigieuse': la liste des salariés et stagiaires n'est pas rapprochée de conditions de logement précises'; la photographie de la façade du bâtiment censé servir de lieu d'hébergement, et un plan des pièces comportant trois étages de quatre pièces, cinq toilettes et une douche, outre deux caves, ne prouvent pas les conditions précises de l'hébergement sur la période d'aout 2017 à mai 2018'; les trois photographies d'un vaste local encombré de multiples cartons ne sont pas utiles au débat en l'absence de datation et d'identification claire du lieu.

Ainsi, faute d'établir avec précision la nature de l'avantage fourni aux salariés et stagiaires sur la période d'aout 2017 à mai 2018, la particularité des hébergements sur cette période par rapport aux précédentes et suivantes, et au regard des éléments se rapportant à une douzaine de pièces avec sanitaires collectifs mis à la disposition des employés dans un bâtiment soumis à une taxe d'habitation, l'URSSAF a légitimement procédé au redressement au titre du chef n° 3.

Sur le chef de redressement n° 6

6. - Il est constant que le cotisant doit produire, lors des opérations de contrôle, les éléments nécessaires à la vérification du respect de la législation de sécurité sociale, et que les pièces versées aux débats à la suite d'un recours juridictionnel par une société doivent être écartées, dès lors que le contrôle est clos après la période contradictoire, telle que définie à l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, et que la société n'a pas, pendant cette période, apporté des éléments contraires aux constatations de l'inspecteur (Civ. 2, 7 janvier 2021, 19-19.395 et 19-20.035'; 19 décembre 2019, 18-22.912).

7. - En l'espèce, l'inspectrice du recouvrement a relevé dans la lettre d'observations que plusieurs règlements durant la période contrôlée avait été effectués sans aucun justificatif permettant d'en vérifier le destinataire et le motif, malgré des demandes par courriels, alors que ces sommes étaient comptabilisées dans des comptes d'attente ou débiteurs divers, comprenant des rémunérations intitulées «'salaires'» et versées à trois personnes, dont deux anciens salariés, qui n'ont fait l'objet d'aucune déclaration d'embauche ou comme travailleurs indépendants.

Il n'est pas contesté que les justificatifs relatifs aux trois chèques discutés par la SNC [9] n'ont pas été fournis pendant la phase de contrôle contradictoire, et ces pièces ne sauraient dès lors contredire les constatations faites par l'inspectrice du recouvrement dans la lettre d'observations au sujet d'un ensemble de dépenses de la société faites au bénéfice de diverses personnes.

Au surplus, le fait qu'un chèque soit libellé au bénéfice du Trésor public ne prouve pas qu'il s'agissait d'un paiement dû par la société, et l'usage des deux autres chèques n'est pas justifié en l'absence de facture ou de documents reliant des mobiliers et objets, figurant sur deux photographies produites au débat, à une vente aux enchères de la société de ventes [4] et des commissaires-priseurs de la SELARL [5].

8. - Compte tenu de ces éléments, le jugement sera confirmé et la SNC [9] supportera les dépens de la procédure d'appel.

L'équité et la situation des parties justifient que l'URSSAF ne conserve pas l'intégralité des frais exposés pour faire valoir ses droits et la SNC [9] sera condamnée à lui payer une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi':

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Pôle social du Tribunal judiciaire de Chambéry du 26 septembre 2022,

Y ajoutant,

Condamne la SNC [9] aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne la SNC [9] à payer à l'URSSAF Rhône Alpes la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 22/03794
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.03794 ?
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