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30/05/2024 | FRANCE | N°22/03768

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 30 mai 2024, 22/03768


C5



N° RG 22/03768



N° Portalis DBVM-V-B7G-LRUU



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :













AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIAL

E - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 30 MAI 2024





Appel d'une décision (N° RG 21/00441)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 20 septembre 2022

suivant déclaration d'appel du 19 octobre 2022





APPELANTE :



La CPAM DE L'ISÈRE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adres...

C5

N° RG 22/03768

N° Portalis DBVM-V-B7G-LRUU

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 30 MAI 2024

Appel d'une décision (N° RG 21/00441)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 20 septembre 2022

suivant déclaration d'appel du 19 octobre 2022

APPELANTE :

La CPAM DE L'ISÈRE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en la personne de Mme [S] [Y], régulièrement munie d'un pouvoir

INTIMEE :

Madame [H] [T]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Cécile GABION, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Laure ARNAUD, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

En présence de Mme [V] [R], juriste assistant,

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 mars 2024,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Elsa WEIL, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs observations,

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DU LITIGE

La CPAM de l'Isère a notifié à Mme [H] [T], par courrier du 23 décembre 2020, un indu d'indemnités journalières de 3.652,68 euros sur la période du 9 décembre 2019 au 11 décembre 2020, en raison d'un montant d'indemnité versée de 32,08 euros au lieu de 21,39 euros.

A la suite d'une demande de remise du 19 février 2021, la caisse a notifié par courrier du 4 mars 2021 un refus de la commission de recours amiable du 1er mars 2021.

Le Pôle social du Tribunal judiciaire de Grenoble, saisi d'un recours de Mme [T] contre la CPAM de l'Isère, a par jugement du 20 septembre 2022':

- déclaré le recours recevable,

- débouté Mme [T] de sa demande de nullité de la décision de la commission de recours amiable,

- dit que Mme [T] doit bénéficier d'une remise partielle de sa dette à hauteur de 2.152,88 euros,

- condamné Mme [T] au paiement du restant dû de 1.500 euros,

- débouté Mme [T] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Par déclaration du 19 octobre 2022, la CPAM de l'Isère a relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 21 février 2024 reprises oralement à l'audience devant la cour, la CPAM de l'Isère demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a accordé une remise partielle et condamné Mme [T] au paiement d'un solde de 1.500 euros.

La caisse fait valoir, sur le fondement des articles L. 133-4-1 et L. 256-4 du code de la sécurité sociale, que la commission de recours amiable a examiné les capacités de remboursement de l'appelante, et que le ratio des ressources mensuelles de 2.408 euros et la propriété du logement ne permettaient pas de démontrer une précarité de la situation financière de l'assurée. La caisse reprend le jugement selon lequel la jurisprudence de la Cour de cassation considère qu'un défaut de motivation d'une décision d'une commission de recours amiable ne permet pas d'annuler ladite décision.

Sur la demande de remise, la CPAM reconnaît que l'indemnisation journalière était erronée et constate que le montant de l'indu n'est pas contesté, qu'enfin Mme [T] apparaît solvable et peut rembourser l'indu dans le cadre d'un paiement échelonné dans le temps, aucune précarité ne justifiant une remise partielle.

Par conclusions déposées le 23 février 2024 et reprises oralement à l'audience devant la cour, Mme [T] demande':

- que l'appel soit déclaré recevable et que la CPAM soit déboutée de ses demandes,

- que son appel incident soit déclaré recevable,

- l'infirmation du débouté de la demande d'annulation de la décision de la commission de recours amiable et de la condamnation au paiement d'un solde de 1.500 euros,

- l'annulation de la décision de la commission de recours amiable,

- la remise totale de la créance et qu'il soit dit qu'elle n'est redevable d'aucune somme à quelque titre que ce soit dans le cadre de la présente instance,

- la condamnation de la caisse aux dépens et à lui verser 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [T] se prévaut des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration pour relever l'absence de motivation de la décision de la commission de recours amiable qui encourt de ce fait la censure, contrairement à la position adoptée par les premiers juges, l'obligation de motivation posée par les textes visés ne pouvant avoir d'obligation que le nom et rester sans aucune sanction.

Mme [T] se prévaut également de l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale pour demander une remise totale de l'indu. Elle rappelle avoir été présidente d'une SAS, en arrêt maladie à compter du 9 décembre 2019 et bénéficiaire d'indemnités journalières, mais seulement après un refus de prise en charge et la saisine de la commission de recours amiable et du médiateur de la caisse primaire. L'indu notifié un an après le début de l'indemnisation prouve selon elle le dysfonctionnement de la caisse alors que celle-ci disposait de toutes les informations nécessaires et n'a demandé aucune information nouvelle à son assurée, Mme [T] arguant de sa parfaite bonne foi. Elle précise avoir été placée dans une situation extrêmement délicate sur le plan financier et dans l'impossibilité de rembourser l'indu, après un dépôt de bilan et une liquidation judiciaire de la société qu'elle présidait.

Mme [T] fait état d'une situation financière très précaire, avec une retraite de 1.400 euros par mois depuis le 1er avril 2021, son conjoint n'ayant que 1.000 euros de ressources, et elle précise ses charges fixes mensuelles et une absence d'épargne.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIVATION

Sur l'annulation de la décision de la commission de recours amiable

Si l'article L. 142-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2020 au 28 décembre 2023, prévoit que les recours contentieux formés dans les matières mentionnées aux articles L. 142-1 , à l'exception du 7°, et L. 142-3 sont précédés d'un recours préalable, dans des conditions prévues par les articles R. 142-1 et suivant du même code, ces dispositions ne confèrent pas pour autant compétence à la juridiction judiciaire pour statuer sur le bien-fondé de la décision rendue à la suite du recours et qui revêt un caractère administratif.

Ainsi, au visa de l'article 5 du code de procédure civile qui dispose que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé, et de l'article 12 de ce code qui ajoute que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, une jurisprudence constante estime qu'il appartient à la juridiction de la sécurité sociale de se prononcer sur le litige dont elle est saisie, peu important les éventuelles irrégularités affectant la motivation des décisions de l'organisme de sécurité sociale au regard des dispositions du code des relations entre le public et l'administration': le défaut ou le caractère insuffisant ou erroné de la motivation de la décision de la caisse, à le supposer établi, permet seulement à son destinataire d'en contester le bien-fondé devant le juge sans condition de délai (Civ. 2, 3 juin 2021, 20-13.626'; 12 mars 2015, 13-25.599).

En l'espèce, il n'y a donc pas lieu de se prononcer sur la validité de la décision de la commission de recours amiable, mais de statuer sur le fond du litige, à savoir le bénéfice et l'étendue d'une remise d'indu. Le jugement doit donc être confirmé en ce qui concerne le débouté de la demande d'annulation de la décision de la commission.

Sur la remise de l'indu

L'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2018, prévoit que, à l'exception des cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l'application de la législation de sécurité sociale, notamment dans des cas mentionnés aux articles L. 244-8, L. 374-1, L. 376-1 à L. 376-3, L. 452-2 à L. 452-5, L. 454-1 et L. 811-6, peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée par la caisse, sauf en cas de man'uvre frauduleuse ou de fausses déclarations.

Selon une jurisprudence constante, il entre dans l'office du juge judiciaire de se prononcer sur le bien-fondé de la décision administrative d'un organisme de sécurité sociale déterminant l'étendue de la créance qu'il détient sur l'un de ses assurés résultant de l'application de la législation de sécurité sociale, et il appartient ainsi au juge d'apprécier si la situation de précarité du débiteur justifie une remise totale ou partielle de la dette en cause (Civ. 2, 28 mai 2020, 18-26.512).

En l'espèce, la bonne foi de Mme [T] n'est pas remise en cause, et il convient de rappeler que l'article 1302-1 du code civil dispose que celui qui reçoit par erreur ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

Le tribunal s'est prononcé en faveur d'une remise partielle au regard de ressources qui s'élevaient mensuellement en 2021 à 440 euros de revenus et 1043 euros de retraite pour Mme [T], et 1.564 et 119 euros de revenus pour son conjoint'; et pour mars 2022, 1.406 euros de retraite pour Mme [T] et 1.009 euros d'allocation de chômage pour son conjoint.

En appel, Mme [T] justifie le bénéfice de pensions de retraite à hauteur de 1.267 euros par mois (et d'une allocation de chômage de 1.188 euros par mois pour son conjoint), et de diverses charges fixes (électricité, téléphone, eau, chauffage, assurances, taxe foncière, mutuelle, crédits, prêt étudiant, frais de carburant à l'occasion d'une aide familiale) pour 1.562 euros par mois.

Les ressources sont donc équivalentes entre mars 2022 et 2024, et leur montant ainsi que leur diminution entre 2021 et 2024 caractérisent une précarité de la situation financière de Mme [T] qui, si elle justifie une remise partielle, ne permet pas de fonder une remise totale. Par ailleurs, aucun élément ne permet de considérer que les premiers juges ont insuffisamment apprécié cette situation en accordant une remise partielle de 2.152,88 pour laisser un solde à payer de 1.500 euros, les ressources de Mme [T] permettant un tel remboursement en prévoyant un échelonnement dans le temps que l'assurée pourra convenir avec la direction financière et comptable de la caisse primaire.

Par conséquent, le jugement doit être confirmé et la CPAM de l'Isère supportera les dépens de l'instance en appel.

Ni l'équité ni la situation des parties ne justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi':

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Pôle social du Tribunal judiciaire de Grenoble du 20 septembre 2022,

Y ajoutant,

Condamne la CPAM de l'Isère aux dépens de la procédure d'appel,

Déboute Mme [H] [T] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 22/03768
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.03768 ?
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