La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2024 | FRANCE | N°22/03223

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 30 mai 2024, 22/03223


C3



N° RG 22/03223



N° Portalis DBVM-V-B7G-LP5S



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :





La SELARL [7]



La CPAM DE L'ISERE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE
>

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 30 MAI 2024





Appel d'une décision (N° RG 20/00506)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 28 juillet 2022

suivant déclaration d'appel du 24 août 2022





APPELANT :



Monsieur [I] [X]

né le 30 juillet 1975 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Localité 5]



représenté par Me...

C3

N° RG 22/03223

N° Portalis DBVM-V-B7G-LP5S

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

La SELARL [7]

La CPAM DE L'ISERE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 30 MAI 2024

Appel d'une décision (N° RG 20/00506)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 28 juillet 2022

suivant déclaration d'appel du 24 août 2022

APPELANT :

Monsieur [I] [X]

né le 30 juillet 1975 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Localité 5]

représenté par Me Hervé GERBI de la SELARL GERBI, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Margaux DEBAURE, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEES :

SARL [8], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Aude BOUDIER-GILLES de la SELARL ADK, avocat au barreau de LYON

La CPAM DE L'ISERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Service Contentieux Général

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparante en la personne de Mme [G] [H], régulièrement munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

En présence de Mme [O] [S], juriste assistant,

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 mars 2024,

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président chargé du rapport, M. Pascal VERGUCHT, Conseiller et Mme Elsa WEIL, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries,

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 1er décembre 2016 vers 10h, M. [I] [X], agent de fabrication depuis le 2 octobre 2006 au sein de la SARL [8] ci-après dénommée la SARL [8], a été victime d'un accident du travail survenu dans les circonstances ainsi décrites dans la déclaration afférente, établie le lendemain par l'employeur :

« Activité de la victime : le salarié exécutait des opérations habituelles sur la passerelle devant la chaîne de traitement.

Nature de l'accident : le salarié était assis au fond de la passerelle avec des tremblements.

Nature et siège des lésions : pas de lésions ».

Le certificat médical initial établi le 2 décembre 2017 par le centre hospitalier de [Localité 12] mentionne : « Toux chronique sur inhalation de substances volatiles irritatives, probable syndrome de Brooks (ndr : asthme faisant suite à une exposition professionnelle accidentelle). Lipothymie (ndr : sensation de malaise sans perte de connaissance) ».

Le caractère professionnel de cet accident a été reconnu par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de l'Isère suivant notification du 25 janvier 2017 adressée à M. [X] et à son employeur.

L'état de santé de l'assuré a été déclaré consolidé par le médecin-conseil au 28 février 2020, date du certificat médical final mentionnant les séquelles suivantes : « syndrome MCS (ndr : sensibilité aux odeurs chimiques) ou SIOC (Syndrome d'Intolérance aux Odeurs Chimiques) avec malaises, céphalées, toux, douleurs thoraciques, hyperosmie (ndr : sensibilité accrue aux odeurs) ».

Le 18 mars 2020, la caisse primaire a notifié à M. [X] taux d'Incapacité Permanente Partielle (IPP) de 20 %, en l'état de « séquelles de l'accident du 01.12.2016 consistant en des troubles neurologiques chroniques ». Ce taux a été porté à 25 % dont 5 % à titre socio-professionnel par la commission de recours amiable de la caisse puis à 30 % dont 10 % à titre socio-professionnel par arrêt de la présente cour du 24 novembre 2022, dans le litige opposant l'assuré à la CPAM de l'Isère.

Le 21 mai 2020, M. [X] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur à l'origine de son accident du travail.

Par jugement du 28 juillet 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a :

- débouté M. [X] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la SARL [8] ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision.

Le 24 août 2022, M. [X] a interjeté appel de cette décision.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 6 février 2024 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 30 mai 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [I] [X] selon ses conclusions d'appelant n° 3 notifiées par RPVA le 4 mars 2024 reprises oralement à l'audience demande à la cour de :

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a :

- débouté M. [X] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la SARL [8] ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens ;

Statuant à nouveau par l'effet dévolutif de l'appel,

- juger l'accident du travail du 1er décembre 2016 imputable à la faute inexcusable de l'employeur ;

- fixer au maximum la majoration de la rente ;

- commettre tel médecin-expert qu'il plaira, lui impartir une mission d'évaluation conforme au droit commun ;

- lui allouer une provision de 85.000 euros, outre une provision ad litem de 2.500 euros ;

- condamner la SARL [8] au paiement de la somme de de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance ;

- juger que la CPAM fera l'avance de ces sommes.

Il soutient qu'il présente un syndrome d'intolérance aux produits chimiques (SIOC, MCS) consécutif à l'utilisation de produits dont le caractère dangereux est établi par la documentation produite. Il prétend que la SARL [8] qui avait connaissance de ce risque, n'a pas pris toutes les mesures prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale. Il affirme que ce syndrome est en lien direct et certain avec son travail qui l'a exposé quotidiennement à des produits classés cancérogène, mutagène ou reprotoxique (Ecotri nf, Permapass immunox 3k) et a été reconnu par l'ensemble des professionnels de santé consultés :

- son médecin traitant, le Dr [P] ;

- le médecin conseil de la CPAM, le Dr [W] (pièce 18) ;

- le Pr [J], lequel a procédé aux constatations médicales bien qu'il ne se soit pas rendu sur le lieu de travail.

- le médecin du travail, le Dr [Z], pièce 14 dont il ressort :

« Contraintes de travail : (') - Produits chimiques utilisés avec risque cancérogène, mutagène, repro-toxique et aussi des irritants ou allergisants pour les poumons, la peau, les yeux, le nez ; risque d'intoxication par inhalation de certains produits.(') Il présente un syndrome d'intolérance aux odeurs chimiques (') Je pense qu'une démarche pour une déclaration de cette pathologie en maladie professionnelle par rapport aux CMR utilisés au travail est bien justifiée ».

Il prétend que les locaux ne présentent pas toutes les garanties exigées, que les photographies produites ne font que confirmer l'absence de ventilation suffisante puisqu'aucun système clos de capotage des bains n'apparaît et que, faute de preuve en ce sens, la société [8] n'a pas respecté son obligation de procéder annuellement à un contrôle technique des valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP).

Il relève que le médecin du travail intervenu le 16 décembre 2016 a constaté qu'un seul masque à cartouche était à l'utilisation de tout le personnel et que l'employeur ne justifie pas de l'achat régulier de filtres devant être changés tous les mois.

Il fait valoir enfin qu'il a bien suivi des formations depuis 2011 mais aucune formation spécifique en lien avec son exposition à l'action d'agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.

La SARL [8] selon ses conclusions d'intimée n° 2 notifiées par RPVA le 15 février 2024 reprises oralement à l'audience demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement du 28 juillet 2022,

- juger que M. [X] ne rapporte pas la preuve que la société [8] avait ou aurait dû avoir conscience du risque, et qu'elle n'a pas respecté son obligation de sécurité de moyen, dans la survenance de l'accident du travail du 1er décembre 2016 ;

- débouter M. [X] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [X] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- juger que l'action récursoire de la CPAM ne s'exercera que dans la limite du taux d'IPP opposable à son égard,

- ordonner une expertise médicale dans la limite des postes suivants : les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément, le déficit fonctionnel temporaire, l'assistance par tierce personne temporaire, les frais de logement ou de véhicule adapté, le préjudice sexuel, le préjudice d'établissement, le déficit fonctionnel permanent en précisant l'incidence d'un état antérieur éventuel ;

- ramener à de plus justes proportions la demande de provision ;

- juger que la caisse fera l'avance de la provision et des indemnités allouées à M. [X].

La SARL [8] soutient que M. [X] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu'elle avait ou aurait dû avoir conscience du risque de développer un SIOC et de ce qu'elle n'a pas respecté son obligation de sécurité de moyens dans la survenance de l'accident du travail du 1er décembre 2016.

Contrairement à M. [X], elle affirme tout d'abord qu'il ressort de la documentation sur le sujet que « la maladie est quasiment totalement inconnue en France (...) A ce jour, il n'existe pas en France de prise en charge de la maladie ».

Elle fait valoir ensuite que les locaux dans lesquels le salarié était affecté présentent les garanties exigées, que suite à l'accident litigieux, elle a fait procéder à une nouvelle campagne de mesures et de contrôle du risque chimique sur son site effectué le 14 mars 2017 et à l'issue duquel la société [11] intervenante a conclu en ces termes : « au vu de ses résultats, les salariés de l'entreprise [8] ne semblent pas être confrontés à une exposition pénalisante concernant les paramètres mesurés ». Elle soutient que cette campagne de mesure n'a fait que confirmer les mesures précédentes et ainsi l'absence de risque ce qui accrédite également l'efficacité des systèmes de captation à la source des cuves et leur dimensionnement pour assurer la protection de la santé des salariés.

Surtout elle relève que M. [X] n'a pas déclaré une irritation des voies respiratoires mais une intolérance aux odeurs qui ne peut avoir comme origine une exposition à des produits toxiques selon la concluante. Elle expose qu'aucun lien de causalité n'est établi entre les produits utilisés dans son établissement et la pathologie déclarée par le salarié, lequel a bénéficié de nombreuses formations portant sur l'ensemble des postes et chaînes de l'atelier, d'une sensibilisation aux risques chimiques et a eu à sa disposition les équipements de protection individuelle (gants, masques, masque à cartouche).

Concernant les deux courriers du docteur [J], elle relativise leur portée dans la mesure où il ne s'agit que d'une retranscription des déclarations de M. [X], ce que ce docteur a fini par devoir préciser après saisine de sa part du conseil de l'ordre des médecins.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère par ses conclusions déposées le 8 mars 2024 et reprises à l'audience s'en rapporte sur les demandes de M. [X] et, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, demande condamnation de l'employeur à lui rembourser les sommes dont elle aura fait l'avance, ainsi que les frais d'expertise, outre les intérêts au taux légal à compter de leur versement.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

M. [X] employé de la société [8] depuis 2006 a saisi la juridiction de première instance et désormais la cour à raison de l'effet dévolutif de son appel, d'une action en reconnaissance d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail survenu le 1er décembre 2016 et non d'une maladie professionnelle, même si de nouvelles lésions sont survenues avant consolidation, ne nécessitant pas de nouvelle procédure d'instruction pour aboutir au certificat médical final du 28 février 2020 (pièce Mercent n° 6) faisant état d'un syndrome MCS ou SIOC avec malaise, céphalées, toux, douleurs thoraciques, hyperosmie, alors que le certificat médical initial du 2 décembre 2016 établi trois années auparavant le lendemain de l'accident décrivait une toux chronique sur inhalation de substances volatiles irritatives, probable syndrome de Brooks, lipothymie.

La matérialité de cet accident du travail survenu au temps et sur le lieu de travail n'est pas contestée et, partant, les lésions qui lui sont rattachées sont présumées imputables au travail.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité et de protection de la santé, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et maladies professionnelles. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

La conscience du danger doit s'apprécier compte-tenu de l'importance de l'entreprise considérée, de son organisation, de la nature de son activité et des travaux auxquels était affecté son salarié.

Pour déterminer si l'employeur a commis une faute inexcusable, seule l'attitude de l'employeur préalable à l'accident du travail doit être examinée.

Il appartient au salarié, demandeur à l'instance en reconnaissance de faute inexcusable, de rapporter la preuve que son employeur avait conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Cette preuve n'est pas rapportée lorsque les circonstances de l'accident dont il a été victime demeurent indéterminées, en considération des pièces versées aux débats par l'appelant à qui incombe cette preuve.

- Sur la conscience du danger

La société [8] a pour activité le chromage zingage de pièces métalliques par trempage dans des bains successifs dont elle reconnaît qu'ils contiennent de l'acide chlorhydrique, de l'acide nitrique, de la soude microperle, du primion purifier et primion base, du metex, du permapass immunox 3 k et de l'ecotri (page 11 de ses conclusions).

Indépendamment des rapports de consultation du professeur [J] qui n'a fait que consigner les déclarations de son patient, M. [X] n'a pas justifié aux débats de l'emploi par la SARL [8] d'autres produits.

Le médecin du travail le Dr [Z] qui s'est rendu après l'accident sur place le 16 décembre 2016 a mentionné dans son rapport l'utilisation de produits chimiques irritants ou allergisants pour les poumons, mais sans préciser lesquels (pièce appelant n° 14).

Selon la fiche de l'Institut National de Recherche Scientifique (INRS) produite par l'appelant (pièces 12 et 19), le chlorure d'hydrogène et ses solutions aqueuses (acide chlorhydrique) sont pour l'homme caustiques et peuvent provoquer, en cas d'exposition à une concentration suffisante, des brûlures chimiques de la peau, des yeux et des muqueuses respiratoires et digestives. Les effets d'une exposition chronique sont également de type irritatif.

Le pictogramme de l'acide chlorhydrique [!] correspond aux produits susceptibles d'empoisonner à forte dose, d'être irritant pour les yeux, la peau et les voies respiratoires, de provoquer des allergies cutanées ou des somnolences et vertiges.

De même pour l'acide nitrique (fiche INRS pièce appelant n° 13), les vapeurs et aérosols d'acide nitrique sont caustiques et peuvent provoquer, en cas d'exposition à une concentration suffisante, des brûlures chimiques de la peau, des yeux et des muqueuses respiratoires et digestives. Dans une récente évaluation le Centre International de Recherche sur le Cancer a classé les brouillards d'acides inorganiques forts dans le groupe 1 des substances cancérogènes pour l'homme.

D'après le document intitulé « Aide à l'évaluation du risque chimique » (pièce appelant n° 15) élaboré par le service médical inter-entreprise de [Localité 10] et le Dr [Z] à partir des fiches de données de sécurité des produits :

* le permapass immunox 3K est classé H 334 et peut provoquer des symptômes allergiques ou d'asthme ou des difficultés respiratoires par inhalation, peut nuire à la fertilité, irriter les voies respiratoires, provoquer le cancer ou des anomalies génétiques ;

* l'ecotri NF est susceptible de provoquer des anomalies génétiques ou le cancer en cas d'inhalation, peut nuire à la fertilité ;

* l'acide chlorhydrique à 30-32 % peut irriter les voies respiratoires ;

* le metex M 629 au contact d'un acide dégage un gaz très toxique.

Par ailleurs les travaux de chromage électrolytique des métaux sont susceptibles de provoquer aux moins maladies professionnelles que sont :

- les ulcérations nasales, cutanées, lésions eczématiformes (tableau n° 10) ;

- la rhinite récidivante (tableau 10 bis).

La pathologie présentée par M. [X] a été une toux irritative lipothymiante (ndr : source de malaises) constatée lors de son admission à l'hôpital (cf pièce appelant n° 3 : compte-rendu d'hospitalisation du 02/12/2016 page 2) qui a ensuite évolué vers un syndrome d'intolérance aux odeurs qui peuvent certes ressortir de la vie courante (parfums, produits d'entretien, lessives, gaz d'échappement, moisissures, peintures, vernis, journaux...), mais aussi être des odeurs chimiques présentes sur le lieu de travail, même à des concentrations inférieurs aux valeurs limites d'exposition selon les trois études citées dans le rapport de consultation du Docteur [R], pneumologue et allergologue qui s'est investi dans le domaine de l'hypersensibilité chimique (cf pièces M. [X] n°s 29-30).

De part la nature même de l'activité chromage et traitement de métaux et les produits chimiques employés, la SARL [8] avait nécessairement conscience d'exposer ses salariés au risque de développer des pathologies d'irritation ou d'allergies et intolérances à certains des produits chimiques utilisés, que ces maladies soient déjà inscrites ou non dans un tableau de maladies professionnelles.

Pour autant, la faute inexcusable de l'employeur n'est caractérisée comme indiqué précédemment que s'il avait conscience du risque et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver son salarié de ce risque.

- Sur les mesures prises pour préserver le salarié

L'article L. 4121-1 du code du travail dispose de façon générale que l'employeur doit prendre les mesures nécessaires selon les principes généraux de prévention indiqués à l'article L. 4121-2 du même code pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés, mesures qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels, d'information et de formation, ainsi que la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés et que ces mesures doivent être adaptées pour tenir compte des changements de circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

* S'agissant des consignes et formations, le règlement intérieur de l'entreprise affiché dans l'atelier (cf pièces [8] n°s 2 et 3) prévoit en son article 11-1 que l'usage des gants et du masque est obligatoire lors de rajouts de produits chimiques, opération qui est réalisée environ toutes les trois semaines selon les déclarations de M. [X] à l'enquêteuse de la caisse (pièce CBC n° 7).

Il a suivi en 2011 des formations sur l'ensemble des postes de travail en vue d'être habilité sur les chaînes Nickel chimique, Zinc, Argenture et Multichaîne (pièce CBC n°33) et le document unique d'évaluation des risques professionnels mis à jour en 2014-2015-2016, répertorie bien le risque lié à la manutention de produits chimiques avec comme moyens mis en oeuvre le port d'équipements de protection (gants, lunettes, masques) lors de la manipulation des produits chimiques et une formation dispensée par une entreprise extérieure sur les risques chimiques.

M. [X] s'est donc vu dispenser une information et une formation appropriées aux agents chimiques dangereux et portait bien un masque le jour de l'accident selon ses propres déclarations.

Il oppose que cette formation n'a pas été périodiquement actualisée, conformément aux dispositions de l'article R. 4412-38 du code du travail, mais cette absence éventuelle de mise à jour ne peut avoir de lien de causalité avec la survenance de l'accident qu'en cas de modification du process de production ou des produits utilisés, ce qui n'a pas été soutenu ni démontré.

Au demeurant cette actualisation était initialement prévue puisque le 29 novembre 2016, deux jours avant l'accident, il avait été convoqué à un stage de sensibilisation au risque chimique devant avoir lieu le 9 décembre, à destination de lui et sept autres participants « déjà sensibilisées au risque chimique » selon ce document (pièce CBC n°35).

* Concernant l'organisation de l'atelier de production, le médecin du travail qui s'est rendu sur place (Dr [Z] ; pièce appelant n° 14) a décrit le poste de travail de M. [X] et mentionné qu'il doit prendre des pièces métalliques posées sur le sol, les accrocher sur des montages puis au pont roulant pour les emmener vers les différents bains et, une fois les bains terminés, les vérifier et les ranger en palettes ou cartons.

Les photographies versées aux débats par l'intimée (pièces 27 à 30) justifient de la présence de systèmes d'extraction d'air à proximité des bains de trempage des pièces métalliques.

Les rapports de contrôle de l'APAVE et de la société [11] réalisés en juin 2014, août 2016, juillet 2018 et juillet 2019, ont confirmé l'existence de cinq systèmes d'extraction de l'air des ateliers dans l'atmosphère extérieure après filtrage, conforme aux normes pour les rejets aériens extérieurs après filtrage (pièces CBC n°s 45-46-47-43).

M. [X] soutient que les bains au sein des ateliers auraient dû en plus être clos par des capots mais n'a apporté à ce sujet aux débats aucun élément tangible, sauf sa pièce n° 5 qui n'est que le recueil de ses déclarations au professeur [J], médecin et non technicien du traitement de surface des métaux, quant à une éventuelle norme technique qui l'imposerait, ni quant à la faisabilité technique d'un tel capotage fermé puisque les pièces métalliques doivent pouvoir être plongées et retirées de ces bains à l'issue de leur temps de traitement.

La SARL [8] a fait procéder après l'accident dès le 14 mars 2017 par la société [11] à un contrôle du respect des valeurs limites d'exposition professionnelle aux agents chimiques dans l'atmosphère des lieux de travail, dont il est ressorti dans les ateliers préparation nickel chimique, argenture, multi-chaîne et zingage que pour le nickel, l'acide sulfurique, l'acide nitrique, l'argent, la soude, le cuivre le nickel, l'acide chlorhydrique, le chrome, le monoxyde de carbone et le dioxyde de carbone, les valeurs d'exposition étaient inférieures à plus de dix fois moins la valeur limite d'exposition (pièce CBC n° 37).

Le procédé de production employé par la SARL [8] n'ayant pas changé dans l'intervalle, cette mesure vaut également pour la date de l'accident du 1er décembre 2016 intervenu trois mois auparavant.

Les valeurs limites n'étant pas atteintes, la SARL [8] n'était donc pas contrainte de procéder à des contrôles annuels comme prescrit par l'article R. 4412-76 du code du travail invoqué par l'appelant et, en tout état de cause, l'absence de réalisation de contrôle antérieur n'a pas de relation de causalité directe ou indirecte avec l'accident dès lors qu'il s'est avéré que ces valeurs d'exposition étaient très en deçà de celles limites prévues à l'article R. 4412-149 du code du travail pour les agents chimiques présents dans cette entreprise.

* En troisième lieu les pièces versées aux débats par l'intimée justifient que M. [X] disposait de gants de protection (cf pièce 32 : facture d'achat du 30 juin 2016 et attestation de remise du 11 juillet 2016).

Lors de l'accident M. [X] a déclaré à l'enquêtrice de la caisse (pièce CBC n° 7 précitée) qu'il était en train de remettre de l'acide chlorhydrique dans un bain.

Il a précisé à son arrivée à l'hôpital qu'il avait respiré des vapeurs acides malgré son masque (cf sa pièce n° 3).

Il est donc établi qu'il disposait bien d'un équipement de protection individuel adapté aux dangers d'inhalations toxiques lorsque l'accident est survenu.

Il soutient tout à la fois et non sans contradiction, avoir dû acheter à ses frais un masque personnel, sans en justifier, et que la cartouche du masque mis à disposition par la SARL [8] à son personnel était périmée, faute pour l'intimée de produire des factures d'achat de cartouches récentes.

Le médecin du travail lors de sa visite sur les lieux le 16 décembre 2016 a pu constater qu'un masque à cartouche était à disposition du personnel (pièce M. [X] n° 14) dont la photographie a été versée aux débats par la société [8] (sa pièce n° 41) et qui représente un masque pourvu d'un écran de protection oculaire intégré servant de lunettes protectrices contre des projections.

La SARL [8] a également versé aux débats une note de l'INRS d'août 2019 (sa pièce n° 40) selon laquelle, pour des raisons de commodité et confort de travail, ce type de masque ne pouvait être porté continuellement et devait être employé lors des situations exceptionnelles type nettoyage, transvasement, évacuation d'urgence. En l'espèce son port était prescrit par le règlement intérieur lors de l'ajout de produits dans les bains, opération entreprise par M. [X] porteur d'un masque le matin de l'accident.

Exiger de la part de M. [X] que la SARL [8] rapporte la preuve de ce que la cartouche de ce masque n'était pas périmée, ce qui n'a pas été relevé par le médecin du travail lors de sa visite le 16 décembre 2016 immédiatement après l'accident, équivaut à inverser la charge de la preuve pesant sur le salarié des circonstances propres à caractériser l'existence d'une faute inexcusable de son employeur, en relation de causalité avec l'accident.

En conséquence et en considération des motifs qui précèdent, il sera retenu que la SARL [8] avait certes conscience du danger mais avait pris les mesures nécessaires et envisageables pour prévenir ses salariés des risques connus liés à l'emploi des produits chimiques qu'elle utilisait et ce compte-tenu des procédés technologiques disponibles.

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

L'appelant succombant supportera les dépens.

Il ne parait pas inéquitable de laisser à la SARL [8] la charge de ses frais irrépétibles d'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement RG n° 20/00506 rendu le 28 juillet 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble.

Condamne M. [I] [X] aux dépens d'appel.

Déboute la SARL [8] de sa demande par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 22/03223
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.03223 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award