La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2024 | FRANCE | N°22/01717

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 30 mai 2024, 22/01717


C 9



N° RG 22/01717



N° Portalis DBVM-V-B7G-LLB6



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Jean EISLER



SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET

AU N

OM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 30 MAI 2024





Appel d'une décision (N° RG 21/00033)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN JALLIEU

en date du 05 avril 2022

suivant déclaration d'appel du 27 avril 2022





APPELANT :



Monsieur [K] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par Me Jean E...

C 9

N° RG 22/01717

N° Portalis DBVM-V-B7G-LLB6

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Jean EISLER

SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 30 MAI 2024

Appel d'une décision (N° RG 21/00033)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN JALLIEU

en date du 05 avril 2022

suivant déclaration d'appel du 27 avril 2022

APPELANT :

Monsieur [K] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Jean EISLER, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A.S.U. MIDIS représentée par ses dirigeants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant au barreau de LYON

et par Me Christel-Marie CHABERT de la SCP CEFIDES, avocat plaidant au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

M. Jean-Yves POURRET, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 mars 2024,

Frédéric BLANC, conseiller faisant fonction de président chargé du rapport et Jean-Yves POURRET, conseiller, ont entendu les parties en leurs conclusions et observations, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 30 mai 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 30 mai 2024.

EXPOSE DU LITIGE':

Le 19 mars 2018, suite à un entretien, Monsieur [K] [B] a reçu une promesse d'embauche récapitulant les conditions d'emploi proposées puis il a été recruté selon contrat à durée indéterminée le 26 mars 2018 par la société par actions simplifiée Discolombe en qualité de directeur de magasin à l'enseigne Super U à [Localité 3], statut cadre, niveau 7 de la convention collective du commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire.

Les parties ont régularisé une convention de forfait jours à hauteur de 216 jours annuels.

M. [B] s'est vu mettre à disposition un véhicule de fonction, une veste et une doudoune.

La mise à disposition d'un téléphone professionnel est en revanche discutée entre les parties.

Le salaire de base initial est de 3500 euros, porté à 3700 euros brut au 01er novembre 2018.

Au 1er octobre 2019, le contrat de travail a été transféré à la société par actions simplifiée Midis.

A compter du 31 octobre 2019, M. [B] a été en arrêt de travail.

Par courriel du 27 novembre 2019, M. [B] a écrit à M. [X], nouveau dirigeant, pour lui reprocher d'avoir bloqué la carte essence qui lui avait été remise et d'avoir exigé pendant son arrêt maladie la restitution du véhicule de fonction.

Le Dr [H], dans le cadre d'une contre-visite demandée par l'employeur le 05 décembre 2019, a considéré, le 12 décembre 2019, que l'arrêt de travail du salarié était médicalement justifié.

Par courrier en date du 03 décembre 2019, le salarié a mis en demeure son employeur de lui régler son salaire et ses primes, se prévalant d'un maintien de salaire à taux plein pendant l'arrêt maladie et faisant référence à un précédent courriel du 31 octobre 2019 aux termes duquel il s'était prévalu d'avoir travaillé 270 jours à cette date. Il a également évoqué le fait que la dégradation de son état de santé résultait d'agissements de la part du nouveau dirigeant, M. [X].

Dans un courriel du 04 décembre 2019, M. [B] a reproché à M. [X] d'annoncer aux salariés de l'entreprise qu'il ne reviendrait pas à son poste.

Le 06 décembre 2019, l'employeur a déposé plainte pour vol d'un document récapitulant les jours de travail au 31 octobre 2019 de M. [B], en mettant en cause ce dernier.

Par courrier en date du 09 décembre 2019, l'employeur a répondu au salarié que le maintien de salaire était conditionné à la production du relevé d'indemnités journalières, a contesté le nombre de jours allégués comme travaillés, a indiqué que les remboursements de carburant étaient conditionnés à la production de tickets de la station-service du magasin et a contesté tout agissement ayant eu pour effet une dégradation de son état de santé.

Ensuite d'une ordonnance sur requête du 29 mars 2021 de la présidente du tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu, la société Midis a fait dresser un constat d'huissier en date du 15 avril 2021, sur lequel elle s'appuie pour indiquer que M. [B] a été embauché par la société Albisser le 06 décembre 2019 pour exercer les fonctions de directeur dans un magasin E. Leclerc situé à [Localité 4], en Alsace.

Par courrier en date du 03 février 2020, M.[B] a notifié à la société Midis la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant divers manquements à son employeur.

Par lettre du 10 février 2020, l'employeur a écrit au salarié pour contester les manquements visés dans le courrier de prise d'acte, lui indiquer que le contrat s'était terminé le 06 février 2020 et lui a demandé de se présenter à diverses dates possibles (13, 14 ou 15 février 2020) pour la restitution du véhicule, du téléphone portable, des clés du magasin et des badges.

L'employeur a également procédé à la levée de la clause de non-concurrence éventuellement prévue au contrat.

M. [B] a restitué le véhicule mis à disposition par la société le 14 juin 2020, la société Midis ayant déposé une plainte pénale pour abus de confiance le 25 février 2020.

Par courrier en date du 19 juin 2020, la société Midis a sollicité de M. [B] le règlement de la somme de 7785,50 euros correspondant au solde restant dû selon elle à raison du kilométrage indûment parcouru avec le véhicule de fonction et à divers frais et réparations.

Par lettre du 27 juin 2020, M. [B] a refusé de procéder à tout paiement.

Par courrier du 22 juillet 2020, le conseil de M. [B] a écrit à la société Midis, relatant les difficultés alléguées rencontrées par son client au cours de la relation de travail, et sollicitant le règlement de son solde de tout compte pour un montant de 4278,50 euros.

Le conseil de la société Midis lui a répondu, le 30 juillet 2020, que cette dernière n'était pas prête à une issue amiable du litige.

La société Midis a adressé à M. [B] un courrier de rappel le 24 juillet 2020 et une mise en demeure par lettre du 02 octobre 2020.

Par lettre du 15 octobre 2020, le conseil de M. [B] a écrit à l'avocat de la société Midis pour lui confirmer son refus de régler la facture de 3507 euros TTC.

Par requête en date du 05 février 2021, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins de voir requalifier la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'obtenir diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail et s'est ultérieurement opposé aux prétentions adverses.

La société Midis a soulevé une exception d'incompétence de la section commerce, s'est prévalue de la prescription de l'action de M. [B], a conclu au débouté des prétentions du demandeur à l'instance, a demandé que la prise d'acte soit requalifiée en démission et a sollicité, à titre reconventionnel, une indemnité de préavis, outre un solde de 3507 euros au titre de la facture sus-visée ainsi que des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par jugement en date du 05 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu, section encadrement, a':

- dit et jugé que l'action intentée n'est pas prescrite

- dit et jugé que la société Midis a respecté les engagements qu'elle a pris dans sa promesse d'embauche à l'égard de M. [B]

- débouté M. [B] de ses demandes : à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de la non prise en charge des frais de carburant par l'employeur à hauteur d'un plein par semaine, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de l'absence d'octroi d'un téléphone portable professionnel, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de l'absence de respect des engagements pris

- débouté M. [B] de ses demandes à titre de rappel d'indemnité d'astreinte, et au titre des congés payés afférents

- débouté M. [B] de ses demandes à titre de rappel de salaire sur les jours travaillés au-delà de sa convention de forfait jours, et au titre des congés payés afférents

- débouté M. [B] de ses demandes à titre d'indemnité pour travail dissimulé'

- dit et jugé que la société Midis n'a pas manqué à ses obligations d'exécution loyale de la relation de travail, la prévention des risques professionnels et de sécurité de résultat à l'égard de M. [B]

- débouté M. [B] de ses demandes à titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait du manquement aux obligations précitées

- requalifié la prise d'acte de la rupture de contrat de travail M. [B] en démission

- débouté M. [B] de ses demandes': à titre d'indemnité légale de licenciement à titre d'indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés afférents à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral financier et professionnel subi du fait de cette prise d'acte prenant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- dit et jugé que M. [B] n'est débiteur d'aucune somme envers la société Midis s'agissant de la remise en état du véhicule de fonction

- dit et jugé que la société Midis a opéré à tort une retenue sur le solde de tout compte de M. [B]

En conséquence,

- condamné la société Midis à verser à M. [B] la somme de 4 278,50 euros net à titre de rappel sur le solde de tout compte

Sur les demandes reconventionnelles :

- condamné M. [B] au paiement de la somme nette de 11100 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- condamné M. [B] au paiement de la somme à 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, tant principales, que subsidiaires, qu'infiniment subsidiaire, que reconventionnelles ;

- condamné chaque partie à supporter ses propres dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 06 avril 2022 pour la société Midis et le 07 avril 2022 pour M. [B].

Par déclaration en date du 27 avril 2022, M. [B] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

M. [B] s'en est remis à des conclusions transmises le 26 juillet 2022 et demande à la cour d'appel de':

- le déclarer recevable et bien fonde en son appel du jugement rendu le 5 avril 2022 par le conseil de prud'hommes de Bourgoin-jallieu section encadrement

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que M. [B] n'était débiteur d'aucune somme envers la société Midis s'agissant de la prétendue remise en état du véhicule de fonction, qu'il avait été à tort effectuée une retenue sur le solde de tout compte et que la société Midis devait verser à M. [B] la somme de 4 278,50 euros à titre de rappel sur le solde de tout compte avec intérêt de droit à compter de la demande en justice le 02 février 2020

Le jugement sera totalement reformé pour le surplus.

Et M. [B] demande à la cour de condamner la société Midis à lui payer avec intérêts de droit à compter du 02.02.2021 :

- au titre de 1'engagement contractuel de pleins de carburant 5'920 euros.

- à titre d'indemnité pour non-respect de la clause de fourniture d'un téléphone portable 1455 euros

- à titre de l'indemnité pour non-respect de la clause de participation aux bénéfices et primes de bilan': 10'000 euros

En rémunération des astreintes 24/24 et 7/7 : 18 563,18 euros

Congés payés afférents : 1 856,32 euros

Au titre de la rémunération du dépassement du forfait-jours soit 90 jours excédentaires du 1er janvier au 31 octobre 2019': 22 704,54 euros

Congés payés afférents : 2 270,45 euros

A titre d'indemnité pour travail dissimulé sur le dépassement forfait-jours : 33'300 euros

Dire et juger que la prise d'acte justifiée par les manquements avérés de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamner en conséquence la société Midis à payer à M. [B] avec intérêts de droit à compter de la demande :

- préavis 3 mois : 11'100 euros

- congés payés afférents : 1110 euros

- indemnité légale de licenciement : 1 692,75 euros

- dommages intérêts : 2 mois : 7'400 euros

Condamner la société Midis à payer à M. [B] une indemnité de 5'000 euros en application de l'article 700 CPC.

Débouter la société Midis de ses demandes reconventionnelles au titre du préavis et au titre de l'article 700 CPC.

Condamner la société Midis aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Midis s'en est rapportée à des conclusions transmises le 26 octobre 2022 et demande à la cour d'appel de':

Vu les textes et la jurisprudence visés,

Vu les pièces versées aux débats et visées au bordereau de communication joint aux présentes écritures,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

- DIT ET JUGER que la société Midis a respecté les engagements qu'elle a pris dans sa promesse d'embauche à l'égard de M. [B],

- DEBOUTE M. [B] de ses demandes :

De dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de la non prise en charge des frais de carburant par l'employeur à hauteur d'un plein par semaine,

De dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de l'absence d'octroi d'un téléphone portable professionnel,

De dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de l'absence de respect des engagements pris.

- DEBOUTE M. [B] de ses demandes à titre de rappel d'indemnité d'astreinte et au titre de congés payés afférents ;

- DEBOUTE M. [B] de ses demandes à titre de rappel de salaire sur les jours travaillés au-delà de sa convention de forfait jours, et au titre des congés payés afférents ;

- DEBOUTE M. [B] de ses demandes au titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- DIT ET JUGE que la société Midis n'a pas manqué à ses obligations d'exécution loyale de la relation de travail, des préventions des risques professionnels et de sécurité de résultat à l'égard de M. [B];

- DEBOUTE M. [B] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait du manquement aux obligations précitées ;

REQUALIFIE la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [B] en démission;

- DEBOUTE M. [B] de ses demandes :

- A titre d'indemnité légale de licenciement,

- A titre d'indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés afférents,

- A titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, financier et professionnel subi du fait de cette prise d'acte prenant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- CONDAMNE M. [B] au paiement de la somme nette de 11.100,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

- CONDAMNE M. [B] au titre du paiement de la somme de 1.500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

INFIRMER le jugement en ce qu'il a :

- DIT ET JUGE que M. [B] n'est débiteur d'aucune somme envers la société Midis s'agissant de la remise en état du véhicule de fonction,

- DITE ET JUGE que la société Midis a opéré à tort une retenue sur le solde de tout compte de M. [B] et a en conséquence condamné la société Midis à verser à M. [B] la somme de 4.278,50 euros net à titre de rappel sur solde de tout compte,

- DEBOUTE la société Midis de ses demandes en condamnation de M. [B] au versement d'une somme de 3507,00 euros au titre du solde de la facture n° B 202032.

STATUANT A NOUVEAU

CONSTATER QUE M. [B] est débiteur d'une somme de 3'507,00 euros au titre du solde de la facture n° B 202032

CONSTATER que la retenue opérée par la société Midis était légitime

CONDAMNER M. [B] à la somme de 3507 euros au titre du solde de la facture n°B202032,

CONDAMNER M. [B] au paiement d'une somme de 3000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et escroquerie au jugement.

CONDAMNER Monsieur [K] [B] aux entiers dépens.

Il est par ailleurs demandé à la cour de débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions telles qu'indiquées dans le dispositif liant la cour.

CONDAMNER M. [B] au versement d'une somme de 5000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.

La clôture a été prononcée le 25 janvier 2024.

EXPOSE DES MOTIFS':

A titre liminaire, il est observé, par application de l'article 954 du code de procédure civile, que la demande formulée par M. [B] dans le corps de ses conclusions de 15000 euros de dommages et intérêts au titre de l'exécution fautive du contrat de travail/manquement à l'obligation de sécurité ne figure pas au dispositif des conclusions qui seul lie la cour d'appel de sorte que la cour d'appel n'est saisie d'aucune prétention de ce chef.

La disposition du jugement l'ayant débouté de sa demande à ce titre est dès lors définitive par application des articles 542, 562 et 954 du code de procédure civile.

Sur la demande au titre des pleins de carburants':

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, quoique cet engagement ne soit pas repris dans le contrat de travail du 26 mars 2018, la société Midis, qui entend fournir la preuve qu'elle s'est libérée de son obligation contractuelle de fournir au moins un plein de carburant par semaine à M. [B] dans ses conclusions d'appel, admet ainsi nécessairement le principe de cet avantage en nature prévu par la lettre d'embauche du 19 mars 2018.

Il ressort d'un échange de correspondances entre les parties des 27 novembre 2019 et 04 décembre 2019 ainsi que des écritures des parties que l'employeur avait remis au salarié une carte carburant utilisable à la station-service du magasin.

M. [B] se prévaut du fait que sur la période d'emploi, il n'aurait bénéficié que de 17 pleins alors qu'il a été employé 97 semaines.

Or, s'agissant d'un avantage en nature, le salarié est libre d'y recourir ou non.

Une difficulté est apparue entre les parties uniquement à compter du 27 novembre 2019, le salarié se prévalant du blocage par l'employeur de sa carte carburant et sollicitant le règlement de deux factures de gazole de 73,98 euros du 16 novembre 2019 et de 74,69 euros du 24 novembre 2019, les factures étant éditées par la station U de [Localité 3] pour la première et l'Intermarché d'[Localité 2] pour la seconde.

L'employeur, qui conteste certes avoir bloqué la carte de carburant, n'allègue et encore moins ne justifie avoir proposé la remise d'une autre carte ou d'avoir tenté de remédier au dysfonctionnement de celle en possession de M. [B] et ce, jusqu'à ce que M. [B] prenne acte de la rupture du contrat de travail.

Sa demande, dans le courrier du 03 décembre 2019, faite à M. [B] de lui fournir des justificatifs en original des achats de gazole faits uniquement à la station du magasin apparait en conséquence injustifiée puisque le salarié n'était plus en capacité, à compter de fin novembre 2019, de procéder au retrait de carburant à la station-service du magasin dont il était le directeur avec un paiement pris en charge par l'employeur.

La circonstance que le salarié ait pu détourner la carte carburant de l'usage convenu en effectuant quelques pleins pour un véhicule autre que celui de fonction est sans conséquence dès lors que l'employeur ne sollicite aucune répétition de l'indu à ce titre, le cas échéant par compensation.

M. [B] ne fournit que les deux justificatifs précités de sorte qu'infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société Midis à payer à M. [B] la somme de 148,67 euros net au titre de l'avantage en nature concernant le plein hebdomadaire de gazole, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.

Sur la demande au titre de la non-fourniture d'un téléphone portable':

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, outre que M. [S], le responsable du rayon bazar du magasin, a attesté avoir remis un téléphone portable au salarié, il ressort du constat d'huissier du 14 juin 2020 que M. [B] a restitué un téléphone portable.

Il s'ensuit que l'employeur rapporte la preuve qui lui incombe qu'il avait bien remis, comme il s'y était engagé dans la lettre d'embauche, un téléphone portable à M. [B], contrairement à ce que soutient ce dernier.

Il s'ensuit qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande indemnitaire au titre de la non-remise alléguée par l'employeur d'un téléphone portable professionnel.

Sur la prime de bilan et la participation':

Premièrement, concernant la prime de participation, l'employeur a versé aux débats l'accord d'entreprise du 18 mars 2002 prévoyant l'octroi aux salariés de l'entreprise d'une participation proportionnelle à leur salaire, prélevée sur une réserve de participation dont le calcul est défini par l'accord.

La lettre d'embauche du 19 mars 2018 mentionne également la participation aux bénéfices de l'entreprise.

L'employeur établit qu'il a versé à M. [B] une participation de 1115,07 euros en avril 2019 pour l'exercice comptable du 01avril 2018 au 30 septembre 2018.

Il est constant qu'il n'a plus ensuite versé de participation jusqu'à la rupture du contrat de travail.

S'agissant de la période du 01 octobre 2018 au 30 septembre 2019, l'employeur a produit une attestation de son expert-comptable ne donnant lieu de la part de M. [B] à aucun moyen critique aux termes de laquelle il est indiqué que le résultat était négatif de 36241,15 euros'; ce qui effectivement empêche de dégager une réserve de participation au vu de la formule mathématique figurant à l'accord d'entreprise.

Il n'est en revanche versé aucune pièce comptable pour la période ultérieure jusqu'à la rupture du contrat de travail, étant observé qu'une note de service de l'employeur indiquant que la réserve de participation est à 0 euro pour la période du 01 octobre 2019 au 30 septembre 2020 n'est aucunement une preuve suffisante que celle-ci n'était pas due.

Pour autant, il ne ressort pas de l'accord de participation précité que les arrêts de travail pour maladie de droit commun sont assimilés à du temps de travail effectif, alors que M. [B] a été en arrêt à compter du 31 octobre 2019.

Tout au plus, le préjudice ne concerne donc que la présence du salarié au mois d'octobre 2019.

Deuxièmement, s'agissant de la prime de bilan, l'employeur se prévaut du fait que les résultats de l'entreprise n'ont cessé de diminuer et que le salarié n'a pas atteint ses objectifs, étant relevé que la lettre d'embauche prévoyait également que la prime de bilan était fonction «'des résultats aux objectifs qui vous seront dictés en cours de l'année'».

Pour autant, la société Midis n'explicite et encore moins n'établit quels objectifs ont été fixés au salarié et à quel moment elle l'a fait, étant observé que ceux-ci doivent être définis préalablement à un exercice.

La dénomination de la prime est également indifférente sur la période où le résultat net a été négatif dans la mesure où la prime de bilan peut être liée à des objectifs reposant sur d'autres indicateurs comptables à l'instar d'un montant de chiffre d'affaires et qui sont en définitive ignorés.

L'employeur a dès lors manqué à ses obligations relatives à la prime de bilan.

Eu égard aux manquements retenus, il est alloué par réformation du jugement entrepris la somme de 1000 euros net à titre de dommages et intérêts, le surplus de la demande étant rejeté, M. [B] ne justifiant tout au plus que d'un préjudice moral dès lors qu'il n'apporte aucun élément sur son préjudice financier.

Sur les astreintes':

L'article L 3121-9 du code du travail qui a succédé à l'article L 3121-5 du même code à compter du 10 août 2016 dispose que':

Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.

L'article L 3121-11 du code du travail prévoit que':

Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut mettre en place les astreintes. Cette convention ou cet accord fixe le mode d'organisation des astreintes, les modalités d'information et les délais de prévenance des salariés concernés ainsi que la compensation sous forme financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu.

L'article L 3121-12 du même code énonce que':

A défaut d'accord prévu à l'article L. 3121-11 :

1° Le mode d'organisation des astreintes et leur compensation sont fixés par l'employeur, après avis du comité social et économique, et après information de l'agent de contrôle de l'inspection du travail ;

2° Les modalités d'information des salariés concernés sont fixées par décret en Conseil d'Etat et la programmation individuelle des périodes d'astreinte est portée à leur connaissance quinze jours à l'avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve qu'ils en soient avertis au moins un jour franc à l'avance.

Les durées d'intervention lors des astreintes, trajets compris, étant considérées comme du temps de travail effective, elles sont donc soumises au régime probatoire de l'article L 3171-4 du code du travail.

L'article L 3171-4 du code du travail prévoit que':

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En conséquence, il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures accomplies non rémunérées, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

L'existence d'une astreinte suppose la démonstration d'une contrainte imposée par l'employeur et non une initiative propre du salarié. (Soc., 8 septembre 2016, pourvoi n° 14-26.825, Bull. 2016, V, n° 158)

Dans certaines hypothèses, les temps d'astreinte peuvent être, au regard des sujétions significatives imposées au salarié, considérés comme du temps de travail effectif, y compris les périodes d'attente, hors intervention.

Vu l'article L. 3121-1 du code du travail et l'article L. 3121-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

7. Aux termes du premier de ces textes, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

8. Selon le second, constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif .

9. La Cour de justice de l'Union européenne juge que relève de la notion de " temps de travail effectif ", au sens de la directive 2003/88, l'intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d' astreinte , au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d'une nature telle qu'elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d'une période de garde déterminée n'atteignent pas un tel degré d'intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d'une telle période constitue du "temps de travail", aux fins de l'application de la directive 2003/88 (CJUE 9 mars 2021, C-344/19, D.J. c/Radiotelevizija Slovenija, points 37 et 38).

(Soc., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-14.178).

En l'espèce, contrairement à ce que soutient l'employeur, M. [B] rapporte la preuve suffisante qu'il était soumis contractuellement à un système d'astreintes dès lors que son contrat de travail prévoit expressément à l'article 6 qu'il peut être amené à effectuer des missions entre 21 heures et 6 heures, le dimanche et les jours fériés, la notion de missions impliquant nécessairement que celles-ci sont spécifiquement demandées par l'employeur en sus de ses fonctions habituelles relevant du forfait-jours instauré à raison du degré d'autonomie dont M. [B] bénéficie dans l'organisation de son emploi du temps.

Le fait que le contrat de travail prévoit expressément qu'il peut être confié des missions au salarié en large partie sur des périodes de fermeture du magasin au public permet sans conteste d'en déduire que l'employeur a entendu imposer au salarié à tout le moins des astreintes.

Au demeurant, la fiche de fonction signée du salarié le 26 mars 2018 prévoit comme tâche celle de «'gérer les interventions des équipes de maintenance dans la limite des budgets définis avec votre direction'».

Il ressort également des propres conclusions de la société Midis que le magasin était équipé d'une alarme et il ne ressort aucunement de l'attestation de M. [O], détaché de la direction commerciale de la centrale U Enseigne [Localité 5], pendant la période de vacance entre les deux dirigeants du 31 mars 2019 au 1er octobre 2019, que celui-ci ait pu être chargé de recevoir les appels en cas de besoin de la part du prestataire de sécurité et ce d'autant moins que M. [O] n'a été présent sur le magasin qu'une partie de la période du 25 mars au 23 août 2019.

M. [B], qui verse de son côté un courriel qu'il a adressé à la société de sécurité le 10 avril 2019 avec la liste actualisée des astreintes sur le magasin super U de [Localité 3], établit en conséquence qu'il a bien assumé ces astreintes liées à l'alarme du magasin et qu'il ne s'agissait aucunement, quoiqu'il soit l'auteur du courriel, d'une initiative de sa part, mais au vu des éléments contractuels sus-rappelés et des contraintes inhérentes à l'existence d'une alarme dont le magasin était pourvu, d'une sujétion qui lui a été imposée par son employeur.

M. [B] entend obtenir le paiement en heures supplémentaires de la totalité des périodes d'astreintes qu'il dit avoir réalisées chaque semaine d'avril 2019 au 30 octobre 2019 à hauteur de 103 heures par semaine en comptabilisant les deux jours de repos hebdomadaire et les temps de repos journalier comme du temps de travail effectif.

Or, il n'allègue et encore moins ne justifie que les contraintes qui lui étaient imposées étaient d'une nature telle qu'elles affectaient objectivement et très significativement la faculté, pour lui, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts.

Il s'ensuit que M. [B] n'est pas fondé à solliciter que l'ensemble des temps d'astreinte, y compris hors interventions, soient qualifiés de temps de travail effectif.

En outre, au vu de la seule copie d'un écran d'appels téléphoniques allégués en septembre/octobre 2019 de la société de surveillance au salarié, dont certains ont d'ailleurs eu lieu en journée, M. [B] ne produit pas un décompte suffisamment précis des temps d'intervention, à l'occasion des astreintes, susceptibles de devoir lui être rémunérés.

M. [B] n'indique pas même les jours au cours desquels il a dû effectivement intervenir au titre de l'alarme dans le magasin.

Il ne met dès lors pas l'employeur en situation de justifier des horaires effectivement réalisés.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [B] de ses demandes de rappel de salaire, outre congés afférents, au titre des astreintes.

Sur les jours excédant le forfait-jours':

Le mécanisme probatoire de l'article L 3171-4 du code du travail s'applique en cas de différend entre les parties sur le nombre de jours travaillés par un salarié dans le cadre d'un forfait-jours. (Soc., 23 septembre 2009, pourvoi n° 08-41.377, Bull. 2009, V, n° 200).

En l'espèce, M. [B] affirme avoir travaillé, au 31 octobre 2019, 270 jours alors qu'il était soumis à un forfait-jours de 216 jours. Il fournit ainsi d'un décompte suffisamment précisé.

De son côté, l'employeur justifie des horaires effectivement réalisés par le décompte produit en pièce n°7 par le salarié mentionnant 216 jours pour la totalité de l'année quoiqu'il soit en date du 23 octobre 2019 et que M. [B] a été en arrêt maladie à compter du 31 octobre 2019 dès lors que les parties ont pu par anticipation s'entendre dans le cadre du contrôle des jours travaillés sur le fait que le forfait jours ne serait pas dépassé, la mention manuscrite 'faux' figurant sur ce document à l'initiative du seul salarié n'étant pas de nature à remettre en cause son caractère probant.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [B] de ses demandes de rappels de salaire, outre congés payés afférents, au titre des jours excédant le forfait-jours annuel.

Sur le travail dissimulé':

Au visa des articles L 8223-1 et L 8221-5 du code du travail, dès lors qu'il n'est pas fait droit à la demande présentée par M. [B] de rappels de salaire sur des jours excédant le forfait annuel, l'élément matériel du travail dissimulé fait défaut si bien que, par confirmation du jugement entrepris, M. [B] est débouté de sa demande à ce titre.

Sur la prise d'acte':

La prise d'acte est un mode de rupture du contrat de travail par lequel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des manquements qu'il reproche à son employeur.

Elle n'est soumise à aucun formalisme en particulier mais doit être adressée directement à l'employeur.

Elle met de manière immédiate un terme au contrat de travail.

Pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les manquements invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais ils doivent de surcroît être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

A défaut, la prise d'acte est requalifiée en démission.

Pour évaluer si les griefs du salarié sont fondés et justifient que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement, les juges doivent prendre en compte la totalité des reproches formulés par le salarié et ne peuvent pas en laisser de côté : l'appréciation doit être globale et non manquement par manquement.

Par ailleurs, il peut être tenu compte dans l'appréciation de la gravité des manquements de l'employeur d'une éventuelle régularisation de ceux-ci avant la prise d'acte.

En principe, sous la réserve de règles probatoires spécifiques à certains manquements allégués de l'employeur, c'est au salarié, et à lui seul, qu'il incombe d'établir les faits allégués à l'encontre de l'employeur. S'il n'est pas en mesure de le faire, s'il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués à l'appui de sa prise d'acte, celle-ci doit produire les effets d'une démission.

Lorsque la prise d'acte est justifiée, elle produit les effets selon le cas d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul de sorte que le salarié peut obtenir l'indemnisation du préjudice à raison de la rupture injustifiée, une indemnité compensatrice de préavis ainsi que l'indemnité de licenciement, qui est toutefois calculée sans tenir compte du préavis non exécuté dès lors que la prise d'acte produit un effet immédiat.

Par ailleurs, le salarié n'est pas fondé à obtenir une indemnité à raison de l'irrégularité de la procédure de licenciement.

En l'espèce, alors que le salarié s'était plaint auprès de son employeur d'un problème portant sur un avantage en nature concernant la carte carburant et de difficultés relatives à son salaire, il apparaît que ces manquements, qui concernent des obligations essentielles du contrat de travail, persistaient au jour où M. [B] a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur le 03 février 2020.

Par ailleurs, quoique la prétention financière relative à l'obligation de prévention et de sécurité soit hors du périmètre de l'appel, M. [B], qui développe pour autant un moyen à ce titre dans la partie discussion de ses conclusions d'appel, a clairement reproché à son employeur une dégradation de son état de santé à raison de ses agissements par lettre du 03 décembre 2019'; ce à quoi la société Midis s'est limitée à répondre, le 09 décembre 2019, qu'elle ne voyait absolument pas à quoi il faisait référence alors même que l'employeur admet l'existence d'un contexte conflictuel avec le nouveau dirigeant et que le médecin qu'il a missionné dans le cadre d'une contre-visite a conclu, le 12 décembre 2019, que l'arrêt maladie du salarié était médicalement justifié, les motifs médicaux figurant sur l'exemplaire du service médical des arrêts de travail étant ceux de surmenage et de syndrome anxiodépressif réactionnel.

Il est également particulièrement significatif que les difficultés dans la relation de travail se sont manifestées de manière concomitante au changement de direction à compter du 01 octobre 2019 et au transfert du contrat de travail du salarié, l'échange de courriels des 12 et 24 août 2019 entre M. [O], délégué par la centrale U et M. [B], avec d'ores et déjà M. [X] en copie dans le mail de réponse du salarié, a certes mis en évidence des demandes de rectification et d'amélioration dans la gestion du magasin de la part du premier au second mais a aussi et surtout d'ores et déjà été l'occasion pour le salarié de se plaindre de la dégradation significative de ses conditions de travail à raison d'une carence managériale lui imposant une surcharge significative de travail sur laquelle la société Midis qui doit mettre en 'uvre une organisation adaptée et fournir les moyens suffisants au salarié n'apporte aucune pièce utile, l'attestation de M. [O] sur sa période d'intérim restant très générale et imprécise quant aux missions qu'il a pu accomplir en soutien de M. [B]. Le témoin indique tout au plus qu'il était présent du 25 mars au 23 août 2019 et qu'il faisait le relais auprès du futur repreneur suite au départ de M. [V] le 31 mars 2019, l'ancien dirigeant.

La circonstance que M. [B] aurait manqué à son obligation contractuelle d'exclusivité en se mettant au service d'un autre employeur dès le 09 décembre 2019 alors qu'il était en arrêt maladie de sorte que son contrat de travail à l'égard de la société Midis était suspendu est sans incidence dès lors qu'un manquement du salarié n'est pas de nature à atténuer la gravité des manquements préalables de l'employeur et ce d'autant, que celui-ci n'a appris l'entrée de M. [B] en qualité de directeur d'un magasin en Alsace au service de l'enseigne Leclerc que le 12 novembre 2020, soit plusieurs mois après la rupture du contrat de travail et n'en a tiré aucune conséquence particulière en ne se prévalant aucunement d'une éventuelle faute lourde dans des conditions susceptibles d'engager la responsabilité pécuniaire du salarié.

Il s'ensuit que les manquements retenus à l'encontre de l'employeur qui n'avaient pas cessé au jour de la prise étaient suffisamment graves pour avoir empêché la poursuite du contrat de travail de sorte que sans qu'il soit davantage nécessaire d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, il y a lieu, par réformation du jugement entrepris, de requalifier la prise d'acte du 03 février 2020 en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de débouter la société Midis à la fois de sa demande de requalification de la prise d'acte en démission et de celle subséquente de paiement d'une indemnité de préavis.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':

Dès lors que la prise d'acte est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [B] a droit aux sommes suivantes auxquelles la société Midis est condamnée':

-11100 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis

-1110 euros brut à titre de congés payés afférents

-1692,75 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.

Au visa des articles L 1235-3-2 et L 1245-3-1 du code du travail, au jour de la rupture injustifiée du contrat de travail, M. [B] avait 1 an et 10 mois d'ancienneté et un salaire de base de 3700 euros brut.

Son préjudice est particulièrement modéré dès lors qu'il avait retrouvé un emploi avec un salaire supérieur de 4000 euros brut dès le 09 décembre 2019, soit avant même la rupture de son contrat de travail.

Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 3700 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le débouter du surplus de sa demande à ce titre.

Sur la demande de paiement de la facture relative au véhicule de fonction':

Seule la faute lourde impliquant la démonstration d'une intention de nuire permet à l'employeur d'engager la responsabilité pécuniaire du salarié. (Soc., 11 avril 1996, pourvoi n° 92-42.847, Bull. 1996, V, n° 152'; Soc., 6 mai 2009, pourvoi n° 07-44.485, Bull. 2009, V, n° 126'; Soc., 25 janvier 2017, pourvoi n° 14-26.071, Bull. 2017, V, n° 15).

Il n'est en revanche pas nécessaire qu'un salarié ait commis une faute lourde pour être condamné, à l'occasion de son licenciement, à verser à son employeur des sommes qu'il avait encaissées pour le compte de ce dernier et qu'il devait lui restituer conformément à son obligation contractuelle. (Soc., 19 novembre 2002, pourvoi n° 00-46.108, Bull. 2002, V, n° 344).

Par ailleurs l'article L 1331-2 du code du travail prohibe les amendes et autres sanctions pécuniaires.

En l'espèce, l'employeur a compensé une créance alléguée à hauteur de 7785,50 euros TTC selon une facture du 19 juin 2020 qu'il a lui-même établie à raison du coût de la location d'un véhicule entre la prise d'acte et la restitution d'un véhicule, de frais de révision, de remise en état, d'usure anormale de pneus, d'un plein d'essence/adblue, de frais d'huissiers, d'une veste, d'une doudoune, d'un forfait clés de magasin, d'une télécommande et d'un forfait de téléphonie mobile avec le solde de tout compte du salarié de 5540,19 euros brut, soit 4278,59 euros net.

Or, la société Midis n'explicite aucunement le fondement juridique de sa demande, n'alléguant et encore moins ne prouvant l'existence d'une faute lourde du salarié à raison de la restitution tardive du véhicule de fonction et de la non restitution alléguée de divers autres équipements de travail remis préalablement.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Midis de sa demande au titre du règlement d'une facture et a condamné cette dernière à verser à M. [B] la somme de 4278,50 euros net à titre de solde de tout compte.

Sur la demande indemnitaire pour procédure abusive et escroquerie au jugement':

Au visa des articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil, dès lors que M. [B] voit certaines de ses prétentions accueillies, la présente procédure ne saurait être jugée abusive.

La société Midis ne rapporte aucunement la preuve d'une quelconque escroquerie au jugement ne procédant que par affirmation sans fondement.

Il s'ensuit que le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a débouté la société Midis de ce chef de demande.

Sur les demandes accessoires':

Infirmant le jugement entrepris, l'équité commande de condamner la société Midis à payer à M. [B] une indemnité de procédure de 2000 euros.

Le surplus des prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société Midis, perdant à l'instance, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS';

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a':

- débouté M. [B] de ses prétentions indemnitaires au titre de la participation et de la prime de bilan et de sa demande au titre du remboursement des frais de carburant

- requalifié la prise d'acte en démission et débouté M. [B] de ses demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamné M. [B] à payer à la société Midis la somme de 11100 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- condamné M. [B] à payer à la société Midis une indemnité de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné chaque partie à supporter ses propres dépens

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

REQUALIFIE la prise d'acte par lettre du 03 février 2020 en licenciement sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la société Midis à payer à M. [B] les sommes suivantes':

- cent quarante-huit euros et soixante-sept centimes (148,67 euros) net à titre de remboursement de frais de carburant

- mille euros (1000 euros) net à titre de dommages et intérêts pour non-respect des engagements contractuels au titre de la participation et de la rémunération variable

- trois mille sept cents euros (3700 euros) brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- onze mille cents euros (11100 euros) brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- mille cent dix euros (1110 euros) brut à titre de congés payés afférents

- mille six cent quatre-vingt-douze euros et soixante-quinze centimes (1692,75 euros) à titre d'indemnité légale de licenciement

DÉBOUTE M. [B] du surplus de ses prétentions au principal

DÉBOUTE la société Midis de sa demande de requalification de la prise d'acte en démission et de sa demande subséquente d'indemnité compensatrice de préavis

CONDAMNE la société Midis à payer à M. [B] une indemnité de procédure de 2000 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Midis aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 22/01717
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.01717 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award