N° RG 22/01516 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LKH3
N° Minute :
C2
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Christine GOUROUNIAN
la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 28 MAI 2024
Appel d'un jugement (N° R.G. 13/03667) rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble en date du 27 mai 2021, suivant déclaration d'appel du 13 avril 2022
Appelante :
Mme [H] [O] épouse [U]-[A]
née le [Date naissance 6] 1965 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 3]
représentée par Me Christine GOUROUNIAN, avocat au barreau de GRENOBLE
Intimées :
S.A. LA POSTE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 8]
S.A. XL INSURANCE COMPANY SE agissant par l'intermédiaire de sa succursale française, domiciliée [Adresse 5] '[Localité 9]s, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 419 408 927, venant aux droits d'AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE par suite d'une fusion absorption emportant transfert de portefeuille, représentée par ses représentants légaux en France Monsieur [T] [M] et Monsieur [F] [D]
[Adresse 10]
[Localité 7]
représentées par Me Laurence LIGAS de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE
CPAM DE L'ISERE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Service Contentieux Général
[Adresse 1]
[Localité 2]
non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle Cardona, présidente,
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,
Mme Ludivine Chetail, conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 18 mars 2024
Mme Emmanuèle Cardona, présidente, a été entendue en son rapport
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,
Mme Ludivine Chetail, conseillère,
assistées lors des débats de Mme Caroline Bertolo, greffière
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 29 septembre 2007, Monsieur [N] [U]-[A] est décédé suite à un accident de la circulation impliquant un véhicule de la SA La Poste, assuré par la SA AXA Corporate Solutions Assurance.
Par jugement du 28 octobre 2010, le Tribunal de Grande Instance de Grenoble a dit que le véhicule de la SA La Poste était impliqué dans l'accident et a constaté que la faute commise par la victime privait ses ayants droits de la moitié de leur droit à indemnisation. Le Tribunal a également condamné la SA La Poste et son assureur à verser à Madame [O] une somme de 10 000 euros au titre de son préjudice d'affection.
Madame [H] [O] épouse [U]-[A], mère de la victime, affirmant souffrir depuis le décès de son fils d'un état de stress post traumatique a saisi le 22 novembre 2011, le juge des référés de Grenoble (38) afin de voir ordonner une expertise médicale judiciaire.
Par ordonnance du 21 mars 2012, le juge des référés a désigné le Docteur [X] pour procéder à la mesure d'instruction sollicitée.
L'expert déposait son rapport le 18 avril 2013.
La SA La Poste et la SA AXA ont contesté les conclusions de l'expertise et les conditions dans lesquelles elle a été réalisée. Elles ont fait assigner Madame [H] [O] devant le Tribunal de Grande Instance, qui, par jugement du 18 février 2016, a notamment, ordonné une nouvelle mesure d'expertise judiciaire de cette dernière et désigné à cette fin le Docteur [G].
L'expert a déposé son rapport le 06 avril 2017
La SA AXA a versé à Madame [H] [O] une somme provisionnelle de 15 000,00 euros.
Par ordonnance du 6 novembre 2018, le juge de la mise en état a condamné in solidum la SA La Poste et la SA AXA à payer à Madame [H] [O] la somme provisionnelle complémentaire de 5 000,00 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices personnels, hors préjudices perte de revenus avant consolidation et professionnels et sans éventuelle majoration d'intérêts.
Par jugement du 28 juin 2020, le tribunal a :
- Ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture ;
- Ordonné la réouverture des débats ;
- Invité Madame [H] [O] à produire le jugement rendu le 28 octobre 2010 par le tribunal de grande instance de Grenoble ;
- Invité les parties à présenter leurs observations sur la recevabilité des demandes de Madame [H] [O] ;
- Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 3 septembre 2020
- Sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans cette attente.
Par jugement du 27 mai 2021 le tribunal judiciaire de Grenoble a :
- Rejeté comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée les demandes formées par Madame [H] [O] épouse [U]-[A] au titre des souffrances endurées ;
- Déclaré recevable l'ensemble de ses autres demandes;
- Condamné in solidum la SA La Poste et la compagnie XL Insurance Company SE venant aux droits de la société anonyme AXA Corporate Solutions Assurances à verser à Madame [H] [O] épouse [U]-[A] les sommes suivantes :
- au titre de ses préjudices patrimoniaux' temporaires':
perte de gains professionnels actuels : 4 106,83 euros;
- au titre des préjudices patrimoniaux permanents':
perte de gains professionnels: 32 873,08 euros
- au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires':
déficit fonctionnel temporaire ': 23 56,25 euros';
- au titre des préjudices extra-patrimoniaux permanents':
déficit fonctionnel permanent': 10 000 euros';
préjudice sexuel : 2 500 euros.
- Fixé la créance de la CPAM de l'Isère aux sommes suivantes:
-2 643,18 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels;
- 31 298,92 au titre de la perte de gains professionnels futurs.
- Débouté Madame [H] [O] épouse [U] [A] de toutes ses demandes plus amples ou contraires;
- Condamné in solidum la compagnie XL Insurance et la SA La Poste à verser à Madame [H] [O] épouse [U] [A] une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- Condamné in solidum la compagnie XL Insurance et la SA La Poste aux dépens qui comprendront les frais d'expertise;
- Autorisé Maître Gourounian à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Mme [O] a interjeté appel le 13 avril 2022, intimant les sociétés La Poste et Axa Corporate Solutions Assurances.
Aux termes de ses conclusions Mme [U]-[A] demande à la cour de :
Vu le Jugement rendu le 27.05.2021 par le tribunal judiciaire de Grenoble,
- Infirmer ledit jugement en ce qu'il a :
- rejeté sa demande au titre des souffrances endurées,
- condamné in solidum la SA La Poste et la compagnie XL Insurance Company SE venant aux droits de la société anonyme AXA Corporate Solutions Assurances à lui verser:
- au titre de ses préjudices patrimoniaux temporaires :
perte de gains professionnels actuels : 4 106,83 euros,
- au titre des préjudices patrimoniaux permanents :
perte de gains professionnels: 32 873,08 euros,
- au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires :
déficit fonctionnel temporaire : 2 356,25 euros,
- au titre des préjudices extra-patrimoniaux permanents :
préjudice sexuel : 2 500 euros,
- débouté Mme [U] [A] de ses demandes au titre :
. de son pretium doloris personnel,
. de l'incidence professionnelle,
. du préjudice d'agrément,
. de ses frais de déplacement,
. du doublement des intérêts,
. la résistance abusive,
- Débouter la société XL Insurance Company SE de l'intégralité de ses demandes et prétentions,
- Juger le barème de capitalisation 2018 applicable,
- Condamner solidairement la société XL Insurance Company SE et la SA La Poste à payer à Mme [H] [U] [A] en réparation de:
- ses frais de déplacement : 400,00 €,
- du déficit fonctionnel temporaire : 5 655,00 €,
- du pretium doloris : 15 000,00 €,
- du préjudice sexuel : 8 000,00 €,
- du préjudice d'agrément : 5 000,00 €,
- de la perte de gains professionnels : 32 591,18 €,
- de l'incidence professionnelle : 111 443,55 €,
- dont à déduire les règlements intervenus: 53 336,16 €,
- et application du taux de responsabilité à moitié,
- avec doublement des intérêts du taux légal :
. soit du 29.12.2007 (3 mois après l'accident),
. soit du 18.09.2013 (5 mois après connaissance par le rapport du Professeur [X] de la date de consolidation),
. soit du 23.02.2015 (5 mois après ses conclusions de liquidation signifiées le 23.09.2014), jusqu'au jugement à intervenir, devenu définitif.
- Condamner solidairement la société XL Insurance Company SE et la SA La Poste à payer à Mme [H] [U] [A] :
- au titre de la résistance abusive : 2 000 €,
- au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile : 4 000 €,
- Condamner les mêmes aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Gourounian, Avocat, sur son affirmation de droit.
Au soutien de ses prétentions elle expose que :
- si son préjudice d'affection a été indemnisé par le jugement de 2010, ce n'est pas le cas du choc émotionnel postérieur, dû aux conséquences pathologiques du deuil,
- l'incidence professionnelle est bien une conséquence de l'accident subi par son fils.
Elle développe les divers postes de préjudices sollicités.
Les sociétés XL Insurance Company SE et La Poste demande à la cour de :
- Réformer le jugement rendu le 27 mai 2021 en ce qu'il a :
- Déclaré recevable l'ensemble de ses autres demandes à l'exception de ses souffrances endurées cette dernière se heurtant à l'autorité de la chose jugée
- Condamné in solidum la société La Poste et la société XL Insurance Company SE à verser à Madame [U] [A] :
- Au titre de ses préjudices patrimoniaux temporaires :
Pertes de gains professionnels actuels : 4.106,83 €
- Au titre des préjudices patrimoniaux permanents :
Pertes de gains professionnels futurs : 32.873,08 €
- Au titre des préjudices extrapatrimoniaux permanents :
Déficit fonctionnel permanent : 10.000 €
- Rejeté le poste incidence professionnelle
- Fixé la créance de la CPAM de l'Isère aux sommes suivantes :
- 2.643,18 € au titre de la perte de gain professionnel actuel,
- 31.298,92 € au titre de la perte de gain professionnel futur,
- Rectifier le jugement rendu le 27 mai 2021 en ce qu'il a omis de prévoir la déduction des provisions versées sur l'indemnité allouée à Madame [U] [A] ;
Et statuant à nouveau :
- Juger irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée, les chefs de demande relatifs aux préjudices des pertes de gains professionnels avant et après consolidation, au titre de l'incidence professionnelle ainsi qu'au titre des souffrances endurées, ces chefs de demande ayant été rejetés par le tribunal de grande instance de Grenoble dans sa décision en date du 28.10.2010, laquelle n'a pas été frappée d'appel.
- Fixer les préjudices de Madame [U] [A] de la façon suivante après application du partage de responsabilité de 50 % :
- Préjudices extrapatrimoniaux
- Préjudice sexuel : 2 500 €
- Préjudice d'agrément : rejet
- Frais de déplacement : rejet
Subsidiairement, si la Cour rejetait l'autorité de la chose jugée invoquée par la concluante sur les préjudices patrimoniaux et les souffrances endurées :
- Dire et juger qu'il n'existe pas de lien de causalité direct et certain entre le décès du fils de Madame [U] [A] et le cancer du sein de cette dernière pour les motifs ci-dessus énoncés ;
- Fixer les préjudices de Madame [U] [A] de la façon suivante après application du taux de responsabilité et du privilège de la victime :
- Préjudices extrapatrimoniaux :
Souffrances endurées : Rejeter
Subsidiairement, si le Tribunal estimait que ce poste n'a pas d'ores et déjà été réparé : 6 000 €
- Préjudices patrimoniaux :
PGPF :
Revenant à Madame [U] [A] : 36.115, 58 €
Revenant à la Caisse : 13.241, 13 €
Incidence professionnelle :
Revenant à Madame [U] [A] : 0 €
Revenant à la Caisse : 5.000 €
DFP :
Revenant à Madame [U] [A] : 0 €
Revenant à la Caisse : 10.000 €
- Rejeter toute demande complémentaire de Madame [U] [A] comme non fondée ni justifiée pour les motifs ci-dessus énoncés.
Dans tous les cas,
- Rappeler que les préjudices de Madame [U] [A] doivent se voir appliquer le pourcentage de 50 % correspondant au taux de responsabilité mis à la charge de La Poste SA et de la Société XL Insurance Company SE
- Fixer la créance de la CPAM selon son décompte définitif du 25.05.2018 et y appliquer le taux de responsabilité de 50% ;
- Déduire du montant des sommes qui seront allouées, le montant des provisions versées de 20 000 € ;
- Condamner en tant que de besoin Madame [U] [A] à rembourser à la société XL Insurance Compagny l'éventuel trop perçu avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
- Débouter Madame [U] [A] de sa demande de tendant à obtenir le doublement des intérêts au taux légal pour les motifs ci-dessus énoncés et subsidiairement, limiter celui-ci à la période comprise entre la date d'expiration du délai donné à l'assureur et la date de l'offre intervenue ainsi que sur les seules sommes offertes conformément à la jurisprudence en vigueur;
- Débouter Madame [U] [A] de sa demande tendant à obtenir une somme au titre d'une résistance abusive comme non justifiée et non fondée.
- Débouter Madame [U] [A] de sa demande au titre de l'article 700 CPC.
- Condamner Madame [U] [A] à régler la somme de 3.500 € à la société XL Insurance Compagny SE au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel outre les entiers dépens.
Au soutien de leurs prétentions elles exposent que :
- les demandes de l'appelante au titre des pertes de gains professionnels, de l'incidence professionnelle et des souffrances endurées sont irrecevables, comme ayant fait l'objet de la décision de 2010,
- selon leurs calculs, l'appelante n'a pas subi de perte de revenus avant consolidation,
- le classement en invalidité 2 n'est pas lié à l'accident, mais à des pathologies distinctes et que la perte de revenu mensuelle doit être fixée à 394,16 euros,
- l'incidence professionnelle n'est pas démontrée,
- les délais de l'article L 211-9 dommages et intérêts code des assurances ne concernent pas les victimes par ricochet et il n'y a pas lieu à doublement des intérêts.
MOTIFS
I- sur la recevabilité des demandes de Mme [U]-[A]
Pour déclarer l'ensemble des demandes de Mme [U]-[A] recevables, à l'exception de la demande relative aux souffrances endurées, les premiers juges ont considéré que l'autorité de chose jugée attachée à la décision du 28 octobre 2010, ne concernait que ce poste de préjudice, le jugement ayant statué sur le préjudice moral de la mère de la victime, alors que les autres demandes n'avaient jamais été soumises à l'appréciation du tribunal.
La société XL Insurance Company soutient pour sa part l'irrecevabilité des demandes relatives aux pertes de gains professionnels actuels et futurs, à l'incidence professionnelle et au titre des souffrances endurées.
L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 1355 du code civil précise que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Dès lors, en application de ce texte, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif.
En l'espèce, le dispositif du jugement du 28 octobre 2010 n'a statué que sur le préjudice moral de Mme [U]-[A] et n'a pas 'rejeté les autres demandes', ce rejet ne figurant que dans les motifs de la décision.
Il en résulte, en confirmation du jugement attaqué sur ce point, que ses demandes relatives aux pertes de gains professionnels et à l'incidence professionnelle sont recevables.
S'agissant de la demande relative à son pretium doloris personnel, le fait que le jugement de 2010 ait déjà indemnisé le préjudice d'affection de Mme [U]-[A] du fait du décès de son fils au titre du préjudice moral, n'interdit pas d'indemniser les conséquences pathologiques de ce deuil et donc l'atteinte à son intégrité psychique que lui a causé ce décès.
Sa demande au titre des souffrances endurées à titre personnel est donc également recevable et le jugement sera infirmé sur ce point.
II- sur la liquidation des préjudices de Mme [U]-[A]
Le docteur [G], dont les conclusions ne sont pas contestées, a évalué le préjudice de l'appelante de la manière suivante :
Date de consolidation au 21 avril 2009
Déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % du 29 septembre 2007 au 29 mars 2008 et de 25 % du 30 mars 2008 au 21 avril 2009
Déficit fonctionnel permanent de 10 % du fait des perturbations psychiques chronicisées après la consolidation
Pas de besoin en tierce personne, ni de dépenses de santé futures
Incapacité d'exercer son activité du 29 septembre 2007 au 31 mars 2009
Classement en invalidité 1ère catégorie à compter du 21 avril 2009 justifié et imputable aux conséquences de l'évènement
Pas de préjudice esthétique
Préjudice sexuel correspondant à une diminution de la libido
Pas de préjudice d'agrément imputable.
Comme rappelé par le jugement, le préjudice subi par un tiers du fait des dommages causés à la victime directe d'un accident de la circulation est réparé en tenant compte des limitations ou exclusions applicables à l'indemnisation de ces dommages, conformément à l'article 6 de la loi du 5 juillet 1985, soit en l'espèce une réduction de 50 %.
Sur les préjudices patrimoniaux temporaires
sur les frais de déplacement
Le tribunal a rejeté la demande de Mme [U]-[A] pour défaut de justification. En cause d'appel l'appelante ne fournit aucun élément de nature à justifier le montant de 400 euros sollicité à ce titre et il convient donc de confirmer le jugement.
sur la perte de gains professionnels actuels
Il résulte de la déclaration d'appel et des conclusions de Mme [U]-[A] qu'elle sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné les sociétés XL Insurance et La Poste à lui payer la somme de 4 106,83 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels, mais qu'en appel elle ne formule aucune demande à ce titre.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
2. Sur les préjudices patrimoniaux permanents
sur la perte de gains professionnels futurs
Les premiers juges ont fixé le préjudice de Mme [U]-[A] à ce titre à une somme de 32 873,08 euros et la créance de la caisse primaire d'assurance maladie à la somme de 31 298,92 euros, en retenant que Mme [U]-[A] limitait sa demande à la période du 1er janvier 2010 au 1er mai 2013, date depuis laquelle elle perçoit une pension d'invalidité de catégorie 2 et en se basant sur l'offre formulée par l'assureur.
En appel Mme [U]-[A] demande l'infirmation de la décision de première instance et la condamnation des intimées à lui payer la somme de 32 591,18 euros, somme inférieure à celle qui lui a été allouée par le jugement, tout en maintenant le cantonnement de sa demande à 40 mois.
L'assureur sollicitant la fixation de la perte de gains professionnels futurs de Mme [U]-[A] à la somme supérieure de 36 115,58 euros, par un calcul tout à fait différent, portant sur une période allant jusqu'à la retraite de l'appelante, il convient de retenir la somme demandée de 32 591,18 euros, puisqu'elle est inférieure à la somme offerte par l'assureur.
Le jugement sera donc infirmé sur le quantum de la somme allouée.
Il résulte de la pièce 31 de l'appelante que la caisse primaire d'assurance maladie a versé 10 707,37 euros au titre des arrérages échus et 51 890,48 euros au titre du capital invalidité.
En application du privilège de la victime, il convient de fixer le solde revenant à la caisse primaire d'assurance maladie à la somme de :
partage de responsabilité : 98 713,43 X 50% = 49 356,71 euros (indemnité globale proposée par l'assureur et La Poste)
revenant à la victime : 98 713,43 - 62 597,85 = 36 115,58 euros, limités à 32 591,18 euros par la demande.
Solde revenant à la caisse : 62 597,43 - 49 356,71 euros = 13 241,13 euros.
Mme [U]-[A] cantonnant sa demande à la somme de 32 591,18 euros, il convient cependant de fixer le solde revenant à la caisse primaire d'assurance maladie à la somme de 16 765,53 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs.
sur l'incidence professionnelle
Ce poste indemnise les séquelles qui limitent les possibilités professionnelles ou rendent l'activité professionnelle antérieure plus fatigante ou plus pénible.
En l'espèce, le tribunal a rejeté ce chef de demande en estimant qu'il faisait double emploi avec le poste de perte de gains professionnels futurs.
En cause d'appel la société XL Insurance offre une somme de 10 000 euros à ce titre.
L'expert a exclu l'imputabilité directe certaine et exclusive du classement en invalité 2ème catégorie au décès du fils de Mme [U]-[A], expliquant qu'il faisait suite à une tumeur maligne du sein droit et à une algodystrophie du membre supérieur gauche.
Ainsi, si les troubles anxieux résultant du décès ont pu avoir un lien avec les pathologies postérieures, ils ne peuvent à eux seuls expliquer les difficultés rencontrées par Mme [U]-[A] dans son activité professionnelle et la somme de 10 000 euros proposée par l'assureur apparaît satisfaisante.
Imputation de la créance de la CPAM.
Reste à imputer à la caisse primaire d'assurance maladie :
62 597,85 (débours) - 16 765,53 = 45 832,32
partage de responsabilité de 50 % sur les 10 000 euros = 5 000 euros.
Reste pour la victime : 10 000 - 45 832,32 = 0
solde revenant à la caisse primaire d'assurance maladie : 5 000 euros.
3. Sur les préjudices extra-patrimoniaux
sur le déficit fonctionnel temporaire
Mme [U]-[A] n'explique pas en quoi l'indemnisation de 25 euros par jour retenue par le tribunal serait insuffisante et il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'assureur et la société La Poste à lui payer la somme de 2 356,25 euros à ce titre.
sur le pretium doloris
Ce poste a été fixé par l'expert à 4/7 pour tenir compte de la pénibilité dans laquelle Mme [U]-[A] a vécu jusqu'à la consolidation.
Il a déjà été indiqué que ces souffrances, liées au deuil pathologique vécu par l'appelante, étaient distinctes du préjudice d'affection déjà indemnisé.
La somme de 15 000 euros sollicitée apparaît correspondre aux souffrances psychologiques endurées et il convient de la réduire de 50 % pour tenir compte du partage de responsabilité, soit une somme de 7 500 euros revenant à Mme [U]-[A], en infirmation du jugement.
sur le déficit fonctionnel permanent
Les intimées sollicitent la réformation du jugement en ce qu'il a omis d'imputer la créance de la caisse primaire d'assurance maladie sur les sommes allouées à ce titre. Cependant, il résulte de la jurisprudence récente de la Cour de cassation que la pension d'invalidité ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.
Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande des intimées et le jugement sera confirmé sur ce point.
sur le préjudice sexuel
Il a été retenue par l'expert, du fait d'une perte de libido et indemnisé par le tribunal à hauteur de 5 000 euros soit 2 500 euros après partage de responsabilité.
Mme [U]-[A] ne démontre pas en quoi cette somme serait sous-évaluée et il ya a lieu à confirmation du jugement sur ce point.
sur le préjudice d'agrément.
L'expert ayant rejeté ce poste de préjudice, il convient de confirmer le jugement.
III- sur les intérêts
Il résulte des dispositions de l'article L 211-9 du code des assurances qu'en l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de huit mois suivant l'accident sous peine de doublement du taux de l'intérêt légal. Toutefois cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.
Cette offre d'indemnité doit également être présentée dans le délai légal à la victime par ricochet, dès lors qu'elle a demandé en justice la réparation de son préjudice personnel.
En l'espèce, alors qu'un jugement avait statué sur une partie du préjudice personnel de Mme [U]-[A] le 28 octobre 2010, sans qu'il soit frappé d'appel par celle-ci, elle n'a saisi le juge des référés en vue d'une expertise qu'en 2012.
C'est donc le délai de 5 mois après la connaissance par l'assureur de la consolidation qui doit être pris en compte en l'espèce, la première expertise ayant été déposée le 18 avril 2013, soit à compter du 18 septembre 2013.
Les intérêts au taux légal seront donc doublés du 19 septembre 2013 jusqu'au 2 septembre 2014, date de l'offre d'indemnisation formulée par voie de conclusions par AXA et la pénalité s'appliquera sur l'indemnité offerte par l'assureur.
IV- sur la résistance abusive
Le tribunal a rejeté la demande de Mme [U]-[A] à ce titre au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve de l'abus invoqué.
En appel elle soutient n'avoir reçu aucune proposition de l'assureur avant 2017.
Cependant, la sanction de l'absence de proposition est fixée par la loi dans le doublement du taux de l'intérêt et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, le simple fait de contester les demandes présentées par Mme [U]-[A] ne suffit pas à démontrer la volonté de lui nuire de l'assureur.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Le présent arrêt valant titre de rembouresment des sommes payées en exécution du jugement, il n'y pas pas lieu de faire droit à la demande de condamnation présentée par l'assureur pour l'éventuel trop-perçu.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- rejeté la demande au titre des frais de déplacement, du préjudice d'agrément et de la résistance abusive,
- condamné in solidum les sociétés La Poste et XL Insurance Company SE à verser à Mme [H] [O] épouse [U]-[A] les sommes de 2 356,25 euros au titre du DFT, 10 000 euros au titre du DFP, 2 500 euros au titre du préjudice sexuel,
- condamné in solidum les sociétés La Poste et XL Insurance Company SE à payer à Mme [U] [A] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Infirme le jugement pour le surplus et statuant de nouveau de ces chefs,
Déclare recevables les demandes de Mme [U]-[A], y compris au titre des souffrances endurées,
Condamne in solidum les sociétés La Poste et XL Insurance Company SE à payer à Mme [U] [A] :
- la somme de 32 591,18 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,
- celle de 7 500 euros au titre des souffrances endurées,
Fixe la créance de la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la perte de gains professionnels futurs à la somme de 16 765,53 euros,
Fixe l'incidence professionnelle de Mme [U]-[A] à 10 000 euros, soit lui revenant après partage de responsabilité et imputation de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie : 0 euros,
Fixe la créance de la caisse primaire d'assurance maladie au titre de l'incidence professionnelle à la somme de 5 000 euros,
Dit que les intérêts au taux légal sur les indemnités offertes par l'assureur seront doublés du 19 septembre 2013, jusqu'au 2 septembre 2014,
Rappelle que les sommes déjà payées à titre de provision ou d'exécution du jugement devront être déduites des montants ci-dessus,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne in solidum les sociétés XL Insurance Company et La Poste aux dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE