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28/05/2024 | FRANCE | N°19/00534

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 28 mai 2024, 19/00534


N° RG 19/00534 - N° Portalis DBVM-V-B7D-J3VI



N° Minute :





C3



































































Copie exécutoire délivrée



le :

à :



Me André MAUBLEU



la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GREN

OBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 28 MAI 2024





Appel d'un jugement (N° R.G. 13/04867) rendu par le tribunal de grande instance de Grenoble en date du 13 décembre 2018, suivant déclaration d'appel du 30 janvier 2019





Appelants :



M. [I] [H]

né le 08 Avril 1968 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]



(bénéfi...

N° RG 19/00534 - N° Portalis DBVM-V-B7D-J3VI

N° Minute :

C3

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me André MAUBLEU

la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 28 MAI 2024

Appel d'un jugement (N° R.G. 13/04867) rendu par le tribunal de grande instance de Grenoble en date du 13 décembre 2018, suivant déclaration d'appel du 30 janvier 2019

Appelants :

M. [I] [H]

né le 08 Avril 1968 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 19/2101 du 28/03/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

M. [O] [T]

né le 15 Octobre 1963 à [Localité 8] (73)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentés et plaidant par Me André MAUBLEU, avocat au barreau de GRENOBLE

Intimée :

SASU ICADE PROMOTION prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Ronald LOCATELLI de la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, substitué par Me GAUTHIER, et Maître Stéphane BONNET de la SELAS LEGA-CITE, avocat au barreau de LYON, substitué et plaidant par ME SOMMER, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente,

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,

Mme Ludivine Chetail, conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 mars 2024

Mme Emmanuèle Cardona, présidente,

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, entendue en son rapport,

Mme Ludivine Chetail, conseillère,

assistées lors des débats de Mme Caroline Bertolo, greffière

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour.

EXPOSE DU LITIGE

Un projet de construction d'immeubles a été porté par les sociétés Dauphilogis et OPAC 38. Ce projet prévoyait la construction de trois bâtiments de 45 logements (30 logements OPAC et 15 logements Dauphilogis), à [Localité 5], d'une hauteur de 22 mètres, entre la [Adresse 10], la [Adresse 11] et l'ouest de la [Adresse 9], à proximité des habitations de MM. [H] et [T].

Un second projet de construction d'immeubles, en continuité de celui de Dauphilogis et OPAC 38, a été porté par la société Icade promotion prévoyant la construction de trois bâtiments de 48 logements, d'une hauteur de 22 mètres à ce même endroit.

Un permis de démolir deux villas a été délivré le 12 décembre 2012 à Dauphilogis OPAC 38 et celles-ci ont été démolies le 03 décembre 2013.

Un permis de démolir deux villas a été délivré le 12 décembre 2012 à Icade promotion et celles-ci ont été démolies le 3 décembre 2013.

Les sociétés Dauphilogis et OPAC 38 ont obtenu le 14 janvier 2013 un permis de construire (N°PC 038 151 12 10027) les trois bâtiments de 45 logements.

La société Icade promotion a obtenu le 14 janvier 2013 un permis de construire les trois bâtiments de 48 logements. Ce permis de construire a été transféré à la société EDIFIM Dauphiné par arrêté du maire en date du 14 mars 2019 puis il a été annulé et un nouveau permis à été délivré à EDIFIM Dauphiné le 23 janvier 2020.

Monsieur [H] a déposé le 14 mars 2013 une requête devant le tribunal administratif de Grenoble demandant l'annulation du permis de construire accordé aux sociétés Dauphilogis et OPAC 38.

Monsieur [T] a également déposé une requête au tribunal administratif de Grenoble demandant l'annulation du permis de construire accordé aux sociétés Dauphilogis et OPAC 38.

Par jugement du 11 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a joint d'office les deux requêtes et a débouté M. [H] et M. [T] de leurs deux requêtes contre Dauphilogis et OPAC 38.

Des requêtes similaires ont été déposées à l'encontre de permis de construire accordés à la société Icade.

Par un autre jugement en date du 11 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a joint d'office les deux requêtes et a débouté M. [H] et M.[T] de leurs deux requêtes contre Icade.

M. [H] seul a interjeté appel des deux jugements devant la cour administrative d'appel de Lyon.

La cour administrative d'appel, par arrêt du 27 décembre 2016, a confirmé le jugement mais débouté les sociétés Dauphilogis et OPAC 38 de leurs demandes contre M. [H] de dommages-intérêts pour recours abusif.

La cour administrative d'appel, par un autre arrêt du 27 décembre 2016 a confirmé le jugement mais débouté la société Icade de ses demandes contre M.[H] de dommages-intérêts pour recours abusif.

Par actes d'huissier du 14 octobre 2013, les sociétés Dauphilogis et OPAC 38 ont fait assigner M. [H] d'une part et M.[T] d'autre part devant le tribunal de grande instance de Grenoble en sollicitant une somme de 555.000 euros globalement pour ces deux sociétés, outre intérêts légaux et capitalisés à compter de l'assignation, outre 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs préjudices, pour recours abusif, cette instance faisant l'objet d'une autre procédure.

Par actes d'huissier du 14 octobre 2013, la société Icade a fait assigner M.[H] d'une part et M.[T] d'autre part devant le tribunal de grande instance de Grenoble en sollicitant une somme de 247.113 euros, outre intérêts légaux et capitalisés à compter de l'assignation, outre 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses préjudices, pour recours abusif.

Par jugement du 13 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Grenoble a:

-déclaré la juridiction compétente pour connaître du litige,

-dit que les recours exercés par Messieurs [I] [H] et [O] [T] devant les juridictions administratives sont constitutifs d'une faute,

-dit cependant que la SASU Icade promotion ne justifie pas d'un préjudice en lien avec les fautes commises,

-débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

-ordonné l'exécution provisoire du jugement,

-condamné in solidum Messieurs [I] [H] et [O] [T] à verser à la SASU Icade promotion la somme de mille cinq cent euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamné in solidum Messieurs [I] [H] et [O] [T] aux dépens, en ceux compris les frais d'incident, avec distraction au profit des avocats en la cause.

Par déclaration en date du 31 janvier 2019, MM.[H] et [T] ont interjeté appel du jugement.

Dans leurs conclusions notifiées le 4 juillet 2023, MM.[H] et [T] demandent à la cour de:

-dire recevable et fondé les appels de Messieurs [H] et [T] contre le jugement du 13 décembre 2018.

-constater que la société Icade promotion a abandonné toutes ses demandes de dommages intérêts.

-infirmer le jugement du 13 décembre 2018 en ce qu'il a :

-dit que les recours exercés par Messieurs [I] [H] et [O] [T] devant les juridictions administratives sont constitutifs d'une faute,

-débouté les parties de toutes autres demandes plus ample ou contraire,

-ordonné l'exécution provisoire du jugement,

-condamné in solidum Messieurs [I] [H] et [O] [T] à verser à la SASU Icade promotion la somme de mille cinq cent euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamné in solidum Messieurs [I] [H] et [O] [T] aux dépens, en ceux compris les frais d'incident, avec distraction au profit des avocats en la cause.

-confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la SASU Icade promotion ne justifie pas d'un préjudice et l'a déboutée de ses demandes, en rajoutant qu'elle y a renoncé .

-constater que les recours de M. [H] et de M. [T] contre le permis de construire n'étaient pas collectifs mais individuels.

-constater que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 24 décembre 2016 a jugé que M. [H] avait intérêt à contester le permis de construire et que son action n'excédait pas ses intérêts légitimes et que la société Icade promotion a été déboutée de ses demandes de dommages intérêts pour préjudice causé par le recours contre le permis de construire.

-constater que l'arrêt de la cour administrative du 24 décembre 2016 a autorité et force de la chose jugée sur l'intérêt légitime de M. [H] de contester le permis de construire, donc qu'il n'y a pas eu abus de droit de sa part, et sur le débouté des sociétés de leurs demandes de dommages intérêts.

Vu l'arrêt de la cour administrative d'appel du 24 décembre 2016 et l'arrêté du maire en date du 14 mars 2019 pourtant transfert du permis de construire du 14 janvier 2013 de Icade promotion à la société Edifim Dauphiné et la péremption et annulation dudit permis le 27 octobre 2019 et le nouveau permis accordé à Edifim Dauphiné le 23 janvier 2020.

-dire qu'étaient irrecevables les demandes de dommages-intérêts de la société Icade promotion vu l'autorité de chose jugée par l'arrêt du 24 décembre 2016 l'en déboutant et le transfert du permis à la société Edifim Dauphiné.

-constater que malgré la fin des recours contre le permis depuis 7 ans la société Icade promotion n'a jamais commencé les constructions mais transféré (vendu) son permis à Edifim Dauphiné, démontrant ainsi qu'elle ne voulait pas construire.

-dire que le tribunal de grande instance puis actuellement la cour restent compétents pour statuer sur les demandes reconventionnelles de M. [H] en dommages intérêts pour procédure et assignation abusives, mémoire abusif à la cour administrative d'appel de Lyon, ainsi que pour statuer sur ses demandes au titre des troubles possessoires et anormaux de voisinage si Icade promotion persiste à vouloir construire.

-dire que le tribunal de grande instance puis actuellement la cour restent compétents pour statuer sur les demandes reconventionnelles de M. [T] en dommages intérêts pour procédure et assignation abusives.

-constater que les recours de M. [H] et M. [T] devant le tribunal administratif contre le permis de construire du 14 janvier 2013 n'étaient pas suspensifs d'exécution et que Icade promotion n'était donc pas empêché de construire.

-s'il est jugé que Icade promotion n'est pas irrecevable en ses demandes de faire juger « que l'action abusive exercée par les appelants devant la juridiction administrative a causé un préjudice direct et certain à la société Icade Promotion », dire et juger que le recours de M. [H] contre le permis de construire n'est pas constitutif d'un abus de droit, ni d'une faute et qu'en toute hypothèse il n'a pu entraîner aucun préjudice pour la société Icade promotion.

-s'il est jugé que Icade promotion n'est pas irrecevable en ses demandes de faire juger que l'action abusive exercée par les appelants devant la juridiction administrative a causé un préjudice direct et certain à la société Icade Promotion, dire et juger que le recours de M. [T] contre le permis de construire n'est pas constitutif d'un abus de droit, ni d'une faute et qu'en toute hypothèse il n'a pu entraîner aucun préjudice pour la société Icade promotion.

-constater que les assignations délivrées par Icade promotion contre M. [H] et M. [T] sont en date du 14 octobre 2013 soit deux mois avant qu'elle puisse être en possibilité de construire, les villas à démolir ne l'étant pas, de sorte qu'aucun préjudice n'était possible à cette date, le retard éventuel invoqué étant manifestement inexistant et impossible à imputer à M.s [H] ou [T].

-constater que malgré l'arrêt de la cour administrative d'appel du 27 décembre 2016 refusant d'annuler le permis, la société Icade promotion n'a jamais commencé ses constructions démontrant ainsi que le recours du concluant n'était pas un obstacle à construire et que la société Icade promotion ne voulait pas construire, ce que confirme le transfert (vente) du permis à Edifim Dauphiné.

-constater encore que M. [T] avait renoncé le 5 novembre 2013 sans condition à son recours contre le permis de construire du 14 janvier 2013, qu'il n'a pas fait appel du jugement du tribunal administratif du 11 décembre 2014 et que la société Icade promotion n'a jamais commencé à construire alors que rien ne l'empêchait du fait de M. [T].

-constater qu'avant le 3 décembre 2013 (soit un mois après le désistement de M. [T] du 5/11/2013) aucune construction n'était encore possible du fait des non démolitions des villas par Icade promotion et des travaux non réalisés par la ville d'[Localité 5].

-constater que l'arrêté de permis du 14 janvier 2013 a fait l'objet d'un recours devant la cour administrative d'appel de Lyon uniquement par M. [H].

-débouter la société Icade promotion de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de M. [H] et de M. [T].

En toutes hypothèses confirmer le jugement du 13 décembre 2018 en ce qu'il a dit que la société Icade promotion ne justifiait pas d'un préjudice et l'a déboutée de ses demandes indemnitaires et parce qu'elle y a présentement renoncé.

-condamner la société Icade promotion à payer à M. [H] la somme de trente mille euros de dommages intérêts pour assignation et procédures abusives et mémoire abusif.

-condamner la société Icade promotion à payer à M. [T] la somme de vingt mille euros de dommages intérêts pour assignation et procédures abusives.

Si Icade promotion n'indique pas ne pas vouloir construire, lui interdire, à la demande de M. [H], les constructions prévues par le permis de construire du 14 janvier 2013, pour cause de transfert du permis puis de sa caducité, de troubles possessoires et troubles anormaux de voisinage qui seront causés si les constructions sont édifiées ou condamner la société Icade promotion à lui payer la somme de 100.000 euros de dommages-intérêts pour les préjudices subis ou à subir par lui du fait des constructions accordées par ledit permis du 14 janvier 2013, ou la somme de 300 euros pour chaque jours de construction et de maintien des bâtiments, sauf à ordonner une expertise pour les chiffrer.

-condamner la société Icade promotion à payer à M. [H] la somme de cinq mille euros (5.000 euros) en vertu de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et la somme de 10.000 euros en vertu du même article en cause d'appel.

-condamner la société Icade promotion à payer à M. [T] la somme de cinq mille euros (5.000 euros) en vertu de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et la somme de 10.000 euros en vertu du même article en cause d'appel.

-condamner la société Icade promotion aux entiers dépens de première instance et d'appel lesquels seront distraits au profit de Me André Maubleu, avocat, sur son affirmation de droit en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.

M.[H] déclare que la société Icade promotion a par ses conclusions n°5 du 06 décembre 2023 devant la cour, renoncé à toute demande de dommages-intérêts réclamant seulement de dire et juger que l'action abusive exercée par les appelants devant la juridiction administrative a causé un préjudice direct et certain à la société Icade Promotion.

Il énonce qu'en conséquence, il renonce à invoquer l'incompétence du tribunal judiciaire et de la cour.

S'il est jugé que cette demande de la société Icade est recevable, il excipe de l'autorité et force de la chose déjà jugée par la cour administrative d'appel de Lyon, ainsi que de l'irrecevabilité des demandes de la société par suite du transfert du permis du 14 janvier 2013 à EDIFIM dauphiné.

Il déclare qu'un élément nouveau est intervenu depuis le jugement, à savoir le fait que le permis de construire à Icade a été transféré (vendu) à la société EDIFIM Dauphiné par arrêté du maire en date du 14 mars 2019 mentionnant qu'il était valable jusqu'au 27 octobre 2019.

Il allègue que le permis s'est périmé le 27 octobre 2019 faute de commencement des constructions qui ne sont même pas engagées à ce jour, qu'en outre, la société Icade n'est plus titulaire du droit de construire qu'elle a transféré et donc plus en possibilité de prétendre à un préjudice pour cause de recours contre le permis qui appartient désormais à un tiers.

Il en conclut que la société Icade promotion n'a ainsi plus de droit et d'intérêt, ni qualité pour invoquer un préjudice pour un retard de construction ou perte de frais de constitution de dossier de permis puisqu'elle n'est plus titulaire dudit permis de construire qu'elle a transféré à EDIFIM Dauphiné.

Il rappelle que la cour administrative d'appel de Lyon dans son arrêt du 27 décembre 2016 intervenu entre les mêmes parties ([H] et Icade) au sujet du même litige du permis de construire, concernant les mêmes demandes (dommages intérêts de 247 113 euros pour les préjudices causés par le recours abusif contre le permis) a jugé que son recours contre le permis de construire n'était pas abusif.

A titre subsidiaire il réfute toute faute et tout abus de droit puisqu'il habite en location dans une maison sise dans un quartier de maisons, à une dizaine de mètres du petit terrain où il était prévu par la société Icade, en collaboration avec les sociétés Dauphilogis et OPAC 38 sur le petit terrain voisin à une quinzaine de mètres, la démolition de quatre maisons et à la place la construction d'une longue et haute barre de six immeubles (haute de 22 mètres et longue de 200 mètres) pour 93 logements.

Il déclare que le jugement a ainsi fait une mauvaise appréciation de la situation car les deux maisons anciennes qui ont été détruites étaient beaucoup plus éloignées de l'habitation [H] (40 et 60 mètres), beaucoup plus petites, plus étroites et trois fois moins hautes que les 3 bâtiments de la société Icade plus nombreux et créant une très haute barre obstacle au surplus avec encore les trois bâtiments Dauphilogis en prolongement, qu'elles n'apportaient aucun préjudice, ne cachaient pas le soleil et n'étaient pas en surplomb.

Il énonce que les recours au tribunal administratif contre le permis du 14 janvier 2013 n'était pas suspensif d'exécution et ne suspendait pas la possibilité de construire, que la société Icade pouvait donc construire à tout instant malgré le recours.

Il fait valoir que la société réclamait 191.668,38 euros correspondant à des pertes d'honoraires d'architecte, d'études et plans qui correspondaient à l'établissement du dossier de demande de permis, lesquelles ne pouvaient en réalité pas être perdues puisque faits pour obtenir le permis du 14 janvier 2013 accordé et pouvaient être utilisés à n'importe quel moment, que de surcroît, cette demande de Icade promotion est irrecevable, qu'en effet les premières conclusions de Icade devant la cour, page 18 paragraphe 5, demandent la condamnation des appelants à verser ces sommes à «l'Opac 38 et Dauphilogis». La demande de condamnation n'était donc pas faite au profit de Icade et se trouve irrecevable dans les deuxièmes conclusions présentées plus de trois mois après les premières conclusions des appelantes.

Il forme une demande à titre reconventionnel pour procédure abusive, énonçant que l'assignation qui lui a été délivrée ne visait qu'à l'intimider et lui faire peur par menaces et pressions sans fondement ainsi que de tenter d'obtenir indûment des sommes.

Bien que formulées dans une partie distincte, les observations sont les mêmes s'agissant de M.[T].

Dans ses conclusions notifiées le 6 décembre 2022, la société Icade promotion demande à la cour de:

- Vu les dispositions de l'article 1240 du code civil,

- Vu les dispositions des articles 699 et 700 du code de procédure civile,

- Vu la jurisprudence visée,

- Vu la notion d'abus du droit d'agir en justice,

- Vu la notion de troubles anormaux du voisinage,

- Vu les pièces produites,

-confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

-déclaré la juridiction judiciaire compétente pour connaître du présent litige ;

-dit que les recours exercés par messieurs [H] et [T] à l'encontre du permis de construire obtenu par la société Icade promotion le 14 janvier 2013, sont constitutifs d'une faute;

-débouté monsieur [I] [H] et monsieur [O] [T] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

-condamné in solidum messieurs [I] [H] et [O] [T] à verser à la société Icade Promotion la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

-condamné in solidum messieurs [I] [H] et [O] [T] aux dépens, en ce compris les frais d'incident ;

Et statuant à nouveau :

-dire et juger que l'action abusive exercée par les appelants devant la juridiction administrative a causé un préjudice direct et certain à la société Icade promotion ;

En conséquence :

-débouter monsieur [I] [H] et monsieur [O] [T] de leurs entières demandes, fins et prétentions,

-condamner in solidum monsieur [I] [H] et monsieur [O] [T] à verser à la société Icade Promotion une somme de 5 000,00 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner les mêmes, sous la même solidarité, aux entiers frais et dépens de la présente instance et autoriser la SCP Robert Deniau Locatelli en la personne de Maître Locatelli, avocat, sur son affirmation de droit qu'elle en a fait l'avance, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

La société Icade conclut à la compétence de la juridiction judiciaire sur le fondement de l'article L.600-7 du code de l'urbanisme qui ne prive pas le détenteur d'un permis de construire de solliciter des dommages et intérêts devant le juge judiciaire, ce dernier étant traditionnellement ' et restant ' compétent pour sanctionner les recours abusifs au visa de l'article 1240 du code civil (anciennement numéroté 1382).

Elle souligne que l'ordonnance du juge de la mise en état du 3 mars 2015, qui a retenu la compétence de la juridiction judiciaire dans l'affaire les opposants à la société Icade Promotion, tout comme l'arrêt confirmatif rendu par la cour d'appel en date du 15 décembre 2015, sont des décisions définitives.

Elle déclare que les appelants ont commis un abus de droit du fait de l'absence initiale de vue dégagée de M.[H] et de l'absence de qualité à agir de M.[T] dont les demandes étaient dès lors manifestement irrecevables.

Elle fait état de son préjudice financier et moral, déclarant que les recours contre les permis de construire lui ont causé du tort, en écornant son image, et en semant le doute sur sa capacité à mener une opération immobilière dans des délais conformes.

Elle déclare que par la suite, elle a été contrainte d'abandonner l'opération immobilière projetée, et de fermer son agence de [Localité 6], ayant été dans l'impossibilité, suite aux difficultés créées par le comportement abusif des appelants, de développer son activité dans le secteur.

Elle conclut au rejet des demandes en dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'à celui de la demande en interdiction de construire pour trouble anormal de voisinage et indemnisation de préjudices subis ou à subir de ce fait.

La clôture a été prononcée le 10 janvier 2024.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera rappelé que les demandes tendant à 'dire' ou 'constater' ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 455 du code de procédure civile.

Il sera en outre rappelé que le contestations portant sur la délivrance des permis de construire relèvent du juge administratif.

Sur la compétence du juge judiciaire

Selon l'article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4.

Selon l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

En l'espèce, par arrêt du 15 décembre 2015, la cour d'appel de Grenoble a statué sur la compétence du tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire, cette décision est revêtue de l'autorité de la chose jugée.

Sur la faute de M.[H] et de M.[T]

Même si en cause d'appel la société Icade promotion ne formule plus de demande de dommages-intérêts, elle conclut à la confirmation du jugement s'agissant de la faute des appelants, des frais irrépétibles et des dépens de première instance, il ne peut donc être indiqué comme l'allèguent les appelants qu'elle a renoncé à ses demandes.

La société Icade énonce que la faute de M.[H] est caractérisée par un abus du droit d'agir.

Toutefois, par arrêt du 27 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a statué sur les demandes présentées par la société Icade promotion construction, sur le fondement de l'article L.600-7 du code de l'urbanisme.

Elle a indiqué: 'considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'action introduite par M.[H], qui dispose d'un intérêt à contester le permis de construire délivré à la société Icade promotion construction portant sur un projet de construction de trois immeubles d'habitation assez importants de quarante-huit logements à proximité immédiate du logement qu'il occupe en qualité de locataire, excéderait, en l'espèce, la défense de ses intérêts légitimes; qu'en conséquence les conclusions présentées par la société Icade promotion construction sur le fondement de l'article L.600-7 du code de l'urbanuisme doivent être rejetées'.

Les demandes présentées par la société Icade promotion sont les mêmes et se heurtent à l'autorité de chose jugée.

Pour M.[T], la situation est différente puisqu'il n'a pas interjeté appel et qu'aucune demande n'avait donc été formée à son encontre sur le fondement de l'article L.600-7 du code de l'urbanisme.

Il est vrai que M.[T] habite dans un logement plus éloigné des parcelles sur lesquelles les immeubles litigieux ont été construits. Pour autant, la distance entre son habitation et lesdites parcelles conduit à ce qu'il soit concerné, même si c'est de manière différente de M.[H], dès lors que l'édification des immeubles et du nombre de logements concernés a nécessairement des conséquences sur le trafic routier à proximité de son domicile.

Au demeurant, il convient de relever que le tribunal administratif de Grenoble, tout en rejetant la demande, a très longuement motivé sa décision et que le président du tribunal administratif n'a pas fait usage de l'article l'article R222-1 4° du Code de justice administrative permettant de rejeter les requêtes manifestement irrecevables.

En outre, M.[T] n'a pas interjeté appel du jugemernt.

La preuve n'est donc pas rapportée qu'il a commis un abus de droit, le jugement sera infirmé.

Sur les demandes de dommages intérêts pour assignation et procédures abusives et mémoire abusif.

MM.[H] et [T] ne rapportent pas la preuve que la société Icade promotion a engagé une instance de manière abusive, sachant que les deux procédures administratives et judiciaires ont été formées en parallèle et qu'il convient de rappeler qu'ils ont été déboutés de leurs demandes par le tribunal administratif de Grenoble puis la cour administrative d'appel de Lyon pour M.[H].

Ces demandes sont rejetées.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M.[H], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale.

M.[T] se verra allouer la somme globale de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

La société Icade promotion qui succombe principalement à l'instance sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré et statuant de nouveau,

Dit que l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 15 décembre 2015 est revêtu de l'autorité de la chose jugée s'agissant de la compétence du juge judiciaire,

Dit que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 27 décembre 2016 est revêtu de l'autorité de la chose jugée s'agissant de la demande présentée par la société Icase promotion à l'encontre de M.[H] sur le fondement de l'article L.600-7 du code de l'urbanisme,

Déboute la société Icade promotion de sa demande tendantà retenir un abus de droit constitutif d'une faute de la part de M.[T],

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Icade promotion à payer à M.[T] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Icade promotion aux dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/00534
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;19.00534 ?
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