La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2024 | FRANCE | N°22/01803

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 23 mai 2024, 22/01803


C 9



N° RG 22/01803



N° Portalis DBVM-V-B7G-LLIZ



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL FREDERIC MATCHARADZE



la SELARL SELARL AGNES MARTIN

A

U NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 23 MAI 2024





Appel d'une décision (N° RG 31/00848)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 12 avril 2022

suivant déclaration d'appel du 03 mai 2022





APPELANT :



Monsieur [Z] [M]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]



repré...

C 9

N° RG 22/01803

N° Portalis DBVM-V-B7G-LLIZ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL FREDERIC MATCHARADZE

la SELARL SELARL AGNES MARTIN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 23 MAI 2024

Appel d'une décision (N° RG 31/00848)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 12 avril 2022

suivant déclaration d'appel du 03 mai 2022

APPELANT :

Monsieur [Z] [M]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par Me Frédéric MATCHARADZE de la SELARL FREDERIC MATCHARADZE, avocat au barreau de [Localité 7]

INTIMEE :

S.A.S. ARVI'TRANS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Agnès MARTIN de la SELARL SELARL AGNES MARTIN, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

M. Jean-Yves POURRET, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 mars 2024,

Frédéric BLANC, conseiller chargé du rapport et Jean-Yves POURRET, conseiller, ont entendu les parties en leurs conclusions, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 23 mai 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 23 mai 2024.

EXPOSE DU LITIGE':

La société par actions simplifiée Arvi'trans est spécialisée dans les transports frigorifiques, relevant du secteur d'activité du transport routier.

M. [Z] [M] a travaillé en qualité d'intérimaire au sein de l'entreprise du 16 au 30 avril 2018 puis du 1er au 30 juin 2018.

Il a été embauché par la société Arvi'trans selon contrat de travail à durée indéterminée le 23 juillet 2018.

Du 13 au 23 août 2020, M. [M] a été en arrêt maladie.

Par courriel du 20 août 2020, M. [M] a sollicité de son employeur une rupture conventionnelle aux conditions suivantes : 3 000 euros d'indemnité de départ, 800 euros de prime d'intéressement, 1 000 euros de prime de fin d'année, soit une demande totale de 4 800 euros.

Par lettre du 22 août 2020, l'employeur a notifié à M. [M] une mise à pied à titre conservatoire.

Le 23 août 2020, l'arrêt maladie du salarié a été prolongé jusqu'au 4 septembre 2020, puis jusqu'au 26 septembre 2020.

Par lettre du 23 septembre 2020, M. [M] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par requête en date du 21 septembre 2021, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins de voir requalifier la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de prétentions afférentes à l'exécution de son contrat de travail, en particulier un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, le remboursement de frais de déplacement ainsi que d'une demande indemnitaire pour transmission tardive de l'attestation Pôle emploi.

La société Arvi'trans a conclu au rejet des prétentions adverses.

Par jugement en date du 12 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- requalifié la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [M] en démission

- débouté M. [M] de l'intégralité de ses demandes

débouté la société Arvi'trans de sa demande reconventionnelle

- laissé les dépens à la charge de M. [M].

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées dont les accusés de réception ont été signés le 13 avril 2022 par les parties.

Par déclaration en date du 03 mai 2022, M. [M] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Selon ordonnance en date du 17 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a':

- débouté la société Arvi'trans de sa demande de caducité de la déclaration d'appel de M. [Z] [M] ;

- condamné la société Arvi'trans à payer à M. [Z] [M] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [Z] [M] du surplus de ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Arvi'trans aux dépens de l'incident.

M. [M] s'en est rapporté à des conclusions transmises le 25 octobre 2023 et demande à la cour d'appel de':

Vu les dispositions de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires de transports,

Vu les articles L 1222-1, L 1235-3, R 1234-9, L 1234-19, R 1238-3 et R 1454-28 et suivants du code du travail,

DIRE ET JUGER l'appel et les demandes formés par M. [M] recevables et bien fondés ;

DÉBOUTER la société Arvi'trans de l'ensemble de ses fins, demandes, moyens et prétentions;

FIXER à 2 223,68 euros le salaire moyen de référence ;

RÉFORMER le jugement rendu le 12 avril 2022 par le conseil de prud'hommes de Grenoble dans l'intégralité de ses dispositions ;

STATUER A NOUVEAU ET :

CONDAMNER la société Arvi'trans à payer à M. [M] un rappel de frais de déplacement d'un montant de 4 194,27 euros ;

DIRE ET JUGER que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail du 23 septembre 2020 produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNER en conséquence la société Arvi'trans à payer à M. [M] les sommes suivantes :

- Une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 4 447,36 euros, outre 444,74 euros de congés payés afférents ;

- Un rappel de salaire d'un montant de 2 375,21 euros, outre 237,52 euros de congés payés afférents au titre de la mise à pied conservatoire abusive ;

- Une indemnité de licenciement d'un montant de 1 295,29 euros ;

- Une indemnité d'un montant de 13 350,00 euros au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNER par ailleurs la société Arvi'trans à payer à M. [M] une indemnité d'un montant 6670,00 euros au titre du retard dans la transmission de l'attestation Pôle emploi ;

CONDAMNER la société Arvi'trans à établir et à transmettre à M. [M] une attestation Pôle emploi rectifiée conformément au jugement à intervenir ;

DIRE ET JUGER que cette condamnation sera assortie d'une astreinte de 100,00 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours suivant le prononcé de l'arrêt ;

DIRE ET JUGER que la cour se réservera le droit de liquider ladite astreinte ;

CONDAMNER la société Arvi'trans à payer à M. [M] une somme de 2 160,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en première instance;

CONDAMNER la société Arvi'trans à payer à M. [M] une somme de 2 400,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en cause d'appel ;

CONDAMNER la société Arvi'trans aux entiers dépens de l'instance et d'exécution, dont notamment les éventuels droits proportionnels de recouvrement.

La société Arvi'trans s'en est rapportée à des conclusions transmises le 18 octobre 2022 et demande à la cour d'appel de':

Vu l'appel interjeté par M. [M],

Vu les pièces versées au débat

VOIR CONFIRMER la décision du conseil des prudhommes

Y ajoutant

VOIR CONDAMNER M. [M] à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 cpc et aux entiers dépens

En tout état de cause,

VOIR DEBOUTER purement et simplement Mr [M] de toutes ses demandes, fins et conclusions

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures su-visées.

La clôture a été prononcée le 25 janvier 2024.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur le rappel de frais professionnels':

Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC.

Il résulte de l'article 1353 du code civil que celui qui se prévaut d'une obligation doit la prouver et que le débiteur de celle-ci doit démontrer qu'il s'en est libéré.

En l'espèce, M. [M] démontre que son employeur s'est engagé à lui régler à tout le moins jusqu'au 13 août 2020 ses frais de déplacement entre son domicile à [Localité 6] et les différents lieux de stationnement du véhicule dont il avait la charge.

Ceci se déduit tout d'abord de l'article 5 du contrat de travail ainsi rédigé': «'le point d'attache habituel du salarié et du véhicule est situé à son domicile [Adresse 4]. Cependant et compte tenu des nécessités résultant de l'organisation de l'entreprise, le salarié pourra être amené à prendre son service dans les locaux Perrenot, située [Adresse 2] à [Localité 7] (Savoie) et/ou ponctuellement [Localité 8] (Haute-Savoie) sur le parc de la société RVI Trucks, situé [Adresse 11].'».

Par ailleurs l'article 6 du contrat de travail prévoit une modalité de remboursement des frais professionnels selon le barème fiscal en vigueur sur justificatif kilométrique.

M. [M] établi, par ses pièces n°4 et 5, que l'employeur a procédé, de décembre 2018 à juillet 2020, au remboursement de diverses indemnités kilométriques.

Il ne l'a pas fait en mars 2020. Une explication a été donnée aux salariés de l'entreprise dans un courriel du 09 avril 2020 que leur a adressé le dirigeant, M. [X], tenant à des résultats économiques qualifiés, pour ce mois, de catastrophiques. L'employeur a fait une exception pour un salarié, M. [R], se prévalant d'un engagement à son égard sans justifier du bien-fondé d'une telle différence de traitement entre des salariés placés dans ses situations similaires.

Cette correspondance de l'employeur permet d'en déduire l'existence de cet engagement de l'employeur à l'égard notamment de M. [M] de prendre en charge ses déplacements vers le lieu de stationnement du camion.

L'employeur a mis fin de manière définitive, toujours pour des motifs économiques, à ce remboursement dans un courriel adressé au salarié le 15 août 2020, précisant que cet engagement sera honoré jusqu'au 13 août 2020 et le camion sera stationné au [Localité 8] à partir du 24 août 2020.

L'employeur verse lui-même aux débats un courriel de son comptable du 07 juillet 2020 attirant son attention sur la problématique du remboursement de frais de déplacements de ses salariés importants, de nature à créer un risque de redressement par l'Urssaf, qui pourrait les considérer comme des compléments déguisés de salaire.

En conséquence de quoi, M. [M] établit bien qu'à tout le moins sur la période de décembre 2018 jusqu'au 13 août 2020, son employeur a pris l'engagement de lui régler des indemnités kilométriques au titre de ses déplacements entre son domicile et les lieux successifs de stationnement du camion, sans que la cessation provisoire en mars 2020 puisse être légitime eu égard à un traitement différencié non justifié entre deux salariés.

M. [M] verse, en pièce n°4, un tableau récapitulatif sur cette période du nombre de jours travaillés par mois, des sommes qui lui ont été versées et de celles qu'il estime lui être dû par l'employeur à hauteur de 4194,27 euros net.

L'employeur se prévaut de ses pièces n°35 à 39 pour soutenir qu'il s'est acquitté des indemnités kilométriques.

Or, ces éléments sont insuffisants pour conclure que M. [M] a été rempli de ses droits puisque l'employeur ne justifie pas des paiements mensuels qu'il met en avant, alors même que ce point est explicitement contesté par le salarié.

Celui-ci produit des éléments bancaires certes peu exploitables mais la preuve du non-paiement ne lui incombe pas, puisque l'employeur débiteur doit démontrer qu'il s'est libéré de sa dette.

Faute pour la société Arvi'trans de rapporter cette preuve, il convient, par infirmation du jugement entrepris, de la condamner à payer à M. [M] la somme de 4194,27 euros net à titre de reliquat de frais professionnels.

Sur la prise d'acte':

Premièrement, la prise d'acte est un mode de rupture du contrat de travail par lequel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des manquements qu'il reproche à son employeur.

Elle n'est soumise à aucun formalisme en particulier mais doit être adressée directement à l'employeur.

Elle met de manière immédiate un terme au contrat de travail.

Pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les manquements invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais ils doivent de surcroît être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

A défaut, la prise d'acte est requalifiée en démission.

Pour évaluer si les griefs du salarié sont fondés et justifient que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement, les juges doivent prendre en compte la totalité des reproches formulés par le salarié et ne peuvent pas en laisser de côté : l'appréciation doit être globale et non manquement par manquement.

Par ailleurs, il peut être tenu compte dans l'appréciation de la gravité des manquements de l'employeur d'une éventuelle régularisation de ceux-ci avant la prise d'acte.

En principe, sous la réserve de règles probatoires spécifiques à certains manquements allégués de l'employeur, c'est au salarié, et à lui seul, qu'il incombe d'établir les faits allégués à l'encontre de l'employeur. S'il n'est pas en mesure de le faire, s'il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués à l'appui de sa prise d'acte, celle-ci doit produire les effets d'une démission.

Lorsque la prise d'acte est justifiée, elle produit les effets selon le cas d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul de sorte que le salarié peut obtenir l'indemnisation du préjudice à raison de la rupture injustifiée, une indemnité compensatrice de préavis ainsi que l'indemnité de licenciement, qui est toutefois calculée sans tenir compte du préavis non exécuté dès lors que la prise d'acte produit un effet immédiat.

Par ailleurs, le salarié n'est pas fondé à obtenir une indemnité à raison de l'irrégularité de la procédure de licenciement.

Deuxièmement, il résulte de l'article L 1332-3 du code du travail que la mise à pied conservatoire doit intervenir de manière concomitante à l'engagement de la procédure de licenciement à titre personnel. (Soc., 30 septembre 2004, pourvoi n°02-43638'; Soc., 13 juin 2018, pourvoi n°16-27617).

Le délai de plusieurs jours entre la mise à pied à titre conservatoire et la convocation à l'entretien préalable au licenciement peut être justifié par la nécessité pour l'employeur de procéder à des investigations. (Soc., 13 septembre 2012, pourvoi n° 11-16.434)

Pour autant, l'employeur doit justifier de la nécessité d'un tel délai. (Soc., 14 avril 2021, pourvoi n° 20-12.920)

Il résulte des articles L. 1332-3 et L. 1332-4 du code du travail que lorsque les faits reprochés au salarié donnent lieu à l'exercice de poursuites pénales l'employeur peut, sans engager immédiatement une procédure de licenciement, prendre une mesure de mise à pied conservatoire si les faits le justifient. (Soc., 4 décembre 2012, pourvoi n° 11-27.508, Bull. 2012, V, n° 313'; Soc., 6 octobre 2016, pourvoi n° 15-15.465).

A défaut d'engagement concomitant de la procédure de licenciement disciplinaire à la mise à pied conservatoire ou de la justification par l'employeur d'un des motifs sus-énoncés expliquant un délai entre ces deux évènements, la mise à pied conservatoire est considérée comme étant une mise à pied disciplinaire.

En l'espèce, d'une première part, il a été vu précédemment que l'employeur n'a pas réglé la totalité des frais de déplacements professionnels qu'il s'était engagé à honorer et ce nonobstant le fait que le salarié a demandé le règlement par courriel du 15 août 2020 à tout le moins de ses indemnités kilométriques du mois.

D'une seconde part, outre que la mise à pied conservatoire notifiée le 22 août 2020 par l'employeur au salarié ne fait pas état de l'engagement prochain d'une procédure de licenciement disciplinaire mais uniquement d'une «'procédure'», force est de constater que la société Arvi'trans ne justifie pas de la raison pour laquelle elle n'avait toujours pas, au 23 septembre 2020, date de la prise d'acte, soit un mois après, engagé la moindre procédure de licenciement disciplinaire.

L'employeur ne peut en effet se prévaloir d'un délai d'un mois pour mener des investigations sur des faits allégués de consommation de produits stupéfiants et de trafic du salarié à l'occasion de son emploi, que M. [M] conteste, dès lors que la société Arvi'trans bénéficiait, le 28 août 2020, des attestations des salariés [R] et [V].

En outre, l'échange de courriels du 16 septembre 2020 entre M. [N], officier de police judiciaire à la gendarmerie de [Localité 10], et M. [X] dans lequel le premier a écrit au second «'je reviendrais vers toi pour avoir les horaires de livraison afin de pouvoir procéder au contrôle'» après avoir expliqué n'avoir pas eu «'le temps de gérer ton conducteur'» ne constitue ni l'engagement de poursuites pénales ni la justification de la nécessité que la mise à pied disciplinaire se poursuive, le fonctionnaire ne donnant aucun délai et employant au demeurant un conditionnel sur le retour vers son interlocuteur.

Il s'ensuit que cette mise à pied à titre conservatoire, même si elle devait être requalifiée en mise à pied disciplinaire, dès lors qu'elle n'énonce aucune faute reprochée au salarié, est parfaitement injustifiée.

La circonstance que le salarié ait pu être en arrêt de travail est indifférente dès lors qu'il s'agissait d'un arrêt maladie de droit commun n'empêchant aucunement la mise en oeuvre d'un licenciement disciplinaire.

Les moyens développés par la société Arvi'trans sur des fautes alléguées de M. [M] sont parfaitement inopérants dès lors que certains concernent d'autres employeurs précédents et que la société Arvi'trans ne forme aucune demande reconventionnelle au titre d'une éventuelle faute lourde, seule de nature à justifier la mise en 'uvre de la responsabilité pécuniaire d'un salarié et que d'éventuelles fautes du salarié ne sauraient minimiser les manquements de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, consistant à ne pas fournir le travail et payer le salaire convenus.

Les manquements retenus de l'employeur étaient suffisamment graves pour avoir empêché la poursuite du contrat de travail dès lors qu'au jour de la prise d'acte, la société Arvi'trans était toujours débitrice d'une somme substantielle à titre de remboursement de frais de déplacements et avait soumis le salarié à une mise à pied à titre conservatoire pendant un mois non justifiée.

La circonstance que le salarié ait pu être en arrêt maladie et indemnisé à ce titre par la caisse d'assurance maladie ne saurait atténuer la gravité de la faute de l'employeur.

Il convient en conséquence par infirmation du jugement entrepris de requalifier la prise d'acte par lettre du 23 septembre 2020 de la rupture du contrat de travail par M. [M] en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le rappel de salaire sur la mise à pied'à titre conservatoire :

L'inexécution par le salarié de toute prestation de travail durant une mise à pied prononcée à titre conservatoire par l'employeur prise à tort résulte cette mesure, de sorte qu'il est tenu de verser au salarié les salaires durant cette période, peu important que ce dernier ait pu être placé en arrêt maladie pendant cette même période. (Soc., 17 avril 2013, pourvoi n° 11-27.550).

Il convient en conséquence, peu important l'arrêt maladie et le versement d'indemnités journalières, de condamner la société Arvi'trans à payer à M. [M] la somme de 2375,21 euros brut à titre de rappel sur mise à pied conservatoire injustifiée, outre 237,52 euros brut au titre des congés payés afférents.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':

Premièrement, dès lors que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de condamner la société Arvi'trans, qui ne développe aucun moyen utile sur les montants retenus, à payer à M. [M] les sommes suivantes':

- 4447,36 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 444,74 euros brut à titre de congés payés afférents

- 1295,29 euros à titre d'indemnité de licenciement.

Deuxièmement, au visa des articles L 1235-3-2 et L 1235-3 du code du travail, au jour de la rupture injustifiée du contrat de travail, M. [M] avait plus de 2 ans d'ancienneté, un salaire de l'ordre de 2223 euros brut et justifie avoir exercé par la suite des missions intérimaires en octobre 2020, puis d'avoir été embauché en qualité d'agent technique par la commune de [Localité 9] du 1er février au 05 avril 2021 avant, de nouveau, de travailler en intérim sur les mois d'avril, juillet, août et septembre 2021. Il ne fournit pas de justificatifs ultérieurs au regard de sa situation relative à l'emploi.

Il met en évidence qu'il a un prêt immobilier avec des enfants à charge.

Au vu de ces éléments, il lui est alloué la somme de 7780 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le surplus de la demande étant rejeté, étant observé que le moyen relatif à l'inconventionnalité des barèmes de l'article L 1235-3 du code du travail est inopérant eu égard à l'appréciation souveraine du préjudice qui ne dépasse pas le plafond légal.

Sur le retard dans la transmission de l'attestation Pôle emploi':

Alors que M. [M] avait sollicité la transmission de ses documents de fin de contrat dès le 23 septembre 2020, la société Arvi'trans a conditionné par lettre du 12 octobre 2020 la remise de ceux-ci à la signature du solde de tout compte, position réitérée dans un échange de SMS.

La société Arvi'trans, à laquelle il a été rappelé l'obligation de transmettre lesdits documents dès la fin du contrat, les a en définitive remis le 16 octobre 2020.

Le salarié a incontestablement subi un préjudice moral à raison du fait que l'employeur a refusé pendant plus de trois semaines de remettre au salarié ses documents de fin de contrat en tentant de lui imposer une condition non prévue par la loi de signature du solde de tout compte susceptible d'avoir des conséquences juridiques pour M. [M] de nature à limiter sa possibilité de revendiquer des créances de nature salariale.

Infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société Arvi'trans à payer à M. [M] la somme de 500 euros net à titre de dommages et intérêts au titre de la remise tardive des documents de fin de contrat et de le débouter du surplus de la demande de ce chef.

Il y a lieu, par ailleurs, de condamner la société Arvi'trans à remettre à M. [M] une attestation France travail conforme au présent arrêt et ce, un mois après la signification ou l'éventuel acquiescement au présent arrêt, sous astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard pendant 30 jours, le contentieux de la liquidation étant réservé à la juridiction prud'homale.

Sur les demandes accessoires':

L'équité et la situation économique respective des parties commandent de condamner la société Arvi'trans à payer à M. [M] la somme de 2000 euros à titre d'indemnité de procédure.

Le surplus des prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société Arvi'trans, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS';

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';

INFIRME le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

REQUALIFIE la prise d'acte par M. [M] selon lettre du 23 septembre 2020 de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse

DEBOUTE la société Arvi'trans de sa demande de requalification de la prise d'acte en démission

CONDAMNE la société Arvi'trans à payer à M. [M] les sommes suivantes':

- quatre mille cent quatre-vingt-quatorze euros et vingt-sept centimes (4194,27 euros) net à titre de rappel de frais de déplacement

- deux mille trois cent soixante-quinze euros et vingt-et-un centimes (2375,21 euros) brut à titre de rappel sur mise à pied à titre conservatoire abusive

- deux cent trente-sept euros et cinquante-deux centimes (237,52 euros) brut à titre de congés payés afférents

- quatre mille quatre-cent quarante-sept euros et trente-six centimes (4447,36 euros) brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- quatre cent quarante-quatre euros et soixante-quatorze centimes (444,74 euros) brut à titre de congés payés afférents

- mille deux cent quatre-vingt-quinze euros et vingt-neuf centimes (1295,29 euros) net à titre d'indemnité de licenciement

Outre intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 23 septembre 2021

- sept mille sept cent quatre-vingt euros (7780 euros) brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- cinq cents euros (500 euros) net à titre de dommages et intérêts pour retard dans l'attestation Pôle emploi

Outre intérêts au taux légal sur ces deux sommes à compter du prononcé de l'arrêt

ORDONNE à la société Arvi'trans de remettre à M. [M] une attestation France travail rectifiée conformément au présent arrêt et ce, un mois après la signification ou l'éventuel acquiescement au présent arrêt, sous astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard pendant 30 jours, le contentieux de la liquidation étant réservé à la juridiction prud'homale

DÉBOUTE M. [M] du surplus de ses prétentions au principal

CONDAMNE la société Arvi'trans à payer à M. [M] une indemnité de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Arvi'trans aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Hélène Blondeau-Patissier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 22/01803
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;22.01803 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award