La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2024 | FRANCE | N°22/02969

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 21 mai 2024, 22/02969


N° RG 22/02969 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LPJP



N° Minute :





C1

























































Copie exécutoire délivrée

le :



à



la SCP DUNNER-CARRET-DUCHATEL-ESCALLIER



SCP SAUNIER-VAUTRIN LUISET















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'

APPEL DE GRENOBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 21 MAI 2024



Appel d'un jugement (N° R.G. 20/02042) rendu par letribunal judiciaire de Grenoble en date du 16 juin 2022, suivant déclaration d'appel du 28 juillet 2022





APPELANTES :



Mme [R] [N] épouse [F]

née le 26 Février 1978 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localit...

N° RG 22/02969 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LPJP

N° Minute :

C1

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SCP DUNNER-CARRET-DUCHATEL-ESCALLIER

SCP SAUNIER-VAUTRIN LUISET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 21 MAI 2024

Appel d'un jugement (N° R.G. 20/02042) rendu par letribunal judiciaire de Grenoble en date du 16 juin 2022, suivant déclaration d'appel du 28 juillet 2022

APPELANTES :

Mme [R] [N] épouse [F]

née le 26 Février 1978 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 8]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/007450 du 16/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

Mme [J] [N]

née le 15 Février 1980 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/007447 du 16/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

représentées par Me Laure DUCHATEL de la SCP DUNNER-CARRET-DUCHATEL-ESCALLIER, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉS :

M. [K] [E]

né le 26 Mai 1963 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

non représenté

Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier '[Adresse 10]' représenté par son Syndic en exercice, la SAS VECORS IMMOBILIER immatriculée au RCS de Grenoble sous le n° SIRET 341 983 476 000 76 dont le siège social est [Adresse 5] prise en la personne de son Président en exercice domicilié es qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 3]

représenté par Me Véronique LUISET de la SCP SAUNIER-VAUTRIN LUISET, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente,

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,

Mme Ludivine Chetail, conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 février 2024, Mme Ludivine Chetail, conseillère qui a fait son rapport, assistée de Mme Caroline Bertolo, greffière, en présence de Mme Tiffany Cascioli, greffière stagiaire, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [C] [O] épouse [E] et M. [K] [E] ont acquis un appartement situé dans un ensemble immobilier en copropriété dénommé '[Adresse 10]' à [Localité 3].

Mme [C] [O] est décédée le 22 mars 2008, laissant pour lui succéder ses enfants, Mme [R] [N] épouse [F], Mme [J] [N] et M. [D] [N], ce dernier étant également décédé le 26 décembre 2017.

M. [K] [E] a opté pour le bénéfice du droit viager au logement et a occupé l'appartement avec sa nouvelle compagne avant de le mettre en location.

Par jugement du 8 septembre 2014, le tribunal de grande instance de Grenoble a notamment ordonné le partage de la communauté [O]/[E] et de la succession de Mme [C] [O] et ordonné une expertise.

Par jugement du 20 mars 2017, le tribunal a notamment prononcé la déchéance du droit d'usage et d'habitation de M. [K] [E] à compter du 3 août 2012 et dit qu'il pourrait récupérer sur la succession le montant des charges acquittées depuis le 3 août 2012 afférentes au bien immobilier à charge pour lui d'en justifier.

Par ailleurs, par jugement du 1er septembre 2014, M. [K] [E] a été condamné à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10] la somme de 3 784,26 euros correspondant à des charges de copropriété impayées et dues selon l'assemblée générale du 5 décembre 2013.

Par courrier en date du 4 mars 2015, le syndicat des copropriétaires a mis en demeure M. [K] [E] de régler un arriéré de charges d'un montant de 5 331,01 euros arrêté au 28 janvier 2015.

Par courrier du 17 juillet 2017, le syndicat des copropriétaires a mis en demeure tous les co-indivisaires de régler un arriéré de charges d'un montant de 11 123,64 euros.

Par assignation en date du 24 et du 26 juillet 2018, le syndicat des copropriétaires, représenté par la socité Vercors immobilier, en qualité de syndic, a saisi le tribunal judiciaire de Grenoble aux fins de paiement des charges de copropriété.

Par jugement en date du 16 juin 2022, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

- condamné in solidum, M. [K] [E], Mme [R] [F] épouse [N] et Mme [J] [N] à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10]'la somme de 17 067,46 euros au titre des arriérés de charges grevant l'appartement situé dans l'ensemble immobilier en copropriété dénommé '[Adresse 10]' à [Localité 3] ;

- condamné in solidum M. [K] [E], Mme [R] [F] et Mme [J] [N] à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- débouté Mme [R] [F] et Mme [J] [N] de leur demande tendant à voir annuler les assemblées générales de la copropriété '[Adresse 10] de 2015 à 2021 ;

- débouté Mme [R] [F] et Mme [J] [N] de leur demande en délais de paiement ;

- condamné in solidum M. [K] [E], Mme [R] [F] et Mme [J] [N] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10]' la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [K] [E], Mme [R] [F] et Mme [J] [N] aux dépens ;

- rejeté les autres demandes.

Par déclaration d'appel en date du 28 juillet 2022, Mme [R] [F] épouse [N] et Mme [J] [N] ont interjeté appel du jugement dans toutes ses dispositions.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 novembre 2023, les appelantes demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau de :

- à titre principal :

annuler pour défaut de convocation les assemblées générales du 18 mars 2015, du 3 février 2016, du 20 janvier 2017, du 8 mars 2018, du 24 janvier 2019, du 23 janvier 2020, du 10 mars 2021, du 15 mars 2022 et du 25 mai 2023 ;

en conséquence, débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10]' de sa demande en paiement de l'arriéré de charges et fondées sur les assemblées générales de 2015 à 2023 ayant approuvé les comptes depuis l'exercice 2013/2014 jusqu'à l'exercice 2021/2022 ;

débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10]' de toutes ses autres demandes ;

- à titre subsidiaire : débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10]' de sa demande en paiement de l'arriéré de charges d'un montant injustifié de 21 310,73 euros ;

- à titre plus subsidiaire, si une condamnation devait intervenir à leur encontre :

débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10]' de sa demande de condamnation in solidum avec M. [K] [E] au titre des charges de copropriété ;

fixer à 3/16ème de la créance du syndicat des copropriétaires la quote-part due par Mme [J] [N] et à 3/16ème de la créance du syndicat des copropriétaires la quote-part due par Mme [R] [F], conformément à leurs droits dans le bien immobilier indivis ;

en conséquence, limiter la condamnation Mme [J] [N] à la somme de 3 200,15 euros, si une créance de 17 067,46 euros était retenue en faveur du syndicat, subsidiairement 3 349,14 euros si une créance de 17 862,08 euros était retenue en faveur du syndicat, et plus subsidiairement, 3 995,76 euros si une créance de 21 310,73 euros était retenue en faveur du syndicat ;

limiter la condamnation Mme [R] [F] à la somme de 3200,15 euros, si une créance de 17 067,46 euros était retenue en faveur du syndicat, subsidiairement 3 349,14 euros si une créance de 17 862,08 euros était retenue en faveur du syndicat, et plus subsidiairement 3 995,76 euros si une créance de 21 310,73 euros était retenue en faveur du syndicat ;

débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10]' de sa demande de condamnation sous astreinte à justifier de leurs droits dans la succession formée à leur encontre ;

leur accorder , à chacune, sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil, 24 mois de délais pour s'acquitter des de délais pour s'acquitter des condamnations mises à leur charge, si la vente du bien, amiable ou par licitation, n'était pas réalisée avant que la cour statue ;

débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande de condamnation in solidum avec M. [K] [E] à des dommages-intérêts pour résistance abusive ;

- En tout état de cause :

débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande de condamnation in solidum avec M. [K] [E] au paiement des frais irrépétibles et de toutes ses demandes formées dans le cadre de son appel incident ;

dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

laisser à chaque partie la charge des dépens de première instance et d'appel qu'elle aura exposés.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2023, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10]' demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

condamné in solidum M. [K] [E], Mme [R] [F] et Mme [J] [N] à lui verser la somme de 17 067,46 euros au titre des arriérés de charges grevant l'appartement situé dans l'ensemble immobilier en copropriété dénommé '[Adresse 10] ;

condamné in solidum M. [K] [E], Mme [R] [F] et Mme [J] [N] à lui verser la somme de 300 euros a titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

- confirmer le jugement déféré pour le surplus ;

- statuant à nouveau :

à titre principal :

condamner in solidum M. [E], Mme [F] et Mme [N] à lui verser la somme de 17 862,08 euros au titre des arriérés de charges grevant l'appartement situé dans l'ensemble immobilier en copropriété dénommé '[Adresse 10] selon décompte arrêté au 15 novembre 2021 ;

juger que le montant des sommes dues doit être actualisé et porté à la somme de 21 310,73 euros au titre de l'arriéré de charges actualisé au 1er septembre 2023 ;

condamner par conséquent in solidum M. [E], Mme [F] et Mme [N] à lui verser la somme de 21 310,73 euros au titre des arriérés de charges grevant l'appartement situé dans l'ensemble immobilier en copropriété dénommé [Adresse 10] selon décompte actualisé au 1er septembre 2023 ;

condamner in solidum M. [E], Mme [F] et Mme [N] à lui verser la somme de 900 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice incontestablement subi compte tenu de leur résistance abusive ;

à titre subsidiaire :

enjoindre à M. [E], Mme [F] et Mme [N] de lui communiquer les justificatifs des droits de chacun dans la succession, avec astreinte de 100 euros parjour de retard à compter de la décision à intervenir ;

condamner par part, M. [E], Mme [F] et Mme [N] à lui verser la somme totale de 17 862,08 euros au titre des arriérés de charges grevant l'appartement situé dans l'ensemble immobilier en copropriété dénommé '[Adresse 10] ;

juger que le montant des sommes dues doit être actualisé et porté à la somme de 21 310,73 euros au titre de l'arriéré de charges actualisé au 1er septembre 2023 ;

condamner par conséquent M. [E], Mme [F] et Mme [N] à lui verser la somme de 21 310,73 euros au titre des arriérés de charges grevant I'appartement situé dans l'ensemble immobilier en copropriété dénommé '[Adresse 10] selon décompte actualisé au 1er septembre 2023 ;

condamner par part, M. [E], Mme [F] et Mme [N] à lui verser la somme totale de 900 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice incontestablement subi compte tenu de leur résistance abusive, soit 300 euros chacun ;

en tout état de cause :

débouter M. [E], Mme [F] et Mme [N] de leurs demandes ;

condamner in solidum M. [E], Mme [F] et Mme [N] à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Les conclusions de Mme [J] [N] et Mme [R] [N] épouse [F] ont été signifiées à M. [K] [E], intimé défaillant, le 9 novembre 2022. Celles du syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10]' ont été signifiées le 5 octobre 2023.

Le conseiller-rapporteur a sollicité les observations des parties par note en délibéré concernant la recevabilité des demandes d'annulation des procès-verbaux d'assemblée générale des années 2022 et 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur l'étendue de la saisine de la cour d'appel

En application de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux dont ils dépendent.

Par suite, la cour n'est pas saisie d'une demande en paiement des charges de copropriété dues au titre des années 2022 et 2023, laquelle est irrecevable en cause d'appel.

Il en résulte que les demandes d'annulation des procès-verbaux d'assemblée générale des années 2022 et 2023 ne sont pas recevables.

2. Sur les demandes d'annulation des procès-verbaux d'assemblée générale

Moyens des parties

Mme [J] [N] et Mme [R] [F] font valoir que jusqu'au 20 mars 2017, où a été prononcée la déchéance du droit d'usage et d'habitation de M. [K] [E], il y avait un démembrement de la propriété et que seules sont applicables les dispositions de l'article 23 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 selon lequel 'en cas d'indivision ou de démembrement du droit de propriété, les intéressés doivent être représentés par un mandataire commun qui est, à défaut d'accord, désigné par le président du tribunal de grande instance à la requête de l'un d'entre eux ou du syndic'. Dès lors, le syndic aurait dû convoquer tous les titulaires de droits sur le lot, donc Mme [N] et Mme [F], en sus de M. [E] et la sanction du défaut de leur convocation est la nullité des assemblées générales.

A compter du 20 mars 2017, elles étaient en indivision avec M. [E] et le syndic en était parfaitement informé puisqu'il a adressé à chacun des quatre indivisaires une mise en demaure le 17 juillet 2017 et il ne pouvait légitimement penser que M. [E] avait reçu tacitement des autres indivisaires le mandat de les représenter et était gérant de fait.

Dès lors, le syndic aurait dû convoquer tous les titulaires de droits sur le lot, donc Mme [N] et Mme [F], en sus de M. [E] et la sanction du défaut de leur convocation est la nullité des assemblées générales.

Le syndicat des copropriétaires réplique que si les convocations aux assemblées générales ont été uniquement adressées à M. [E] à l'origine, c'est parce que le syndic n'était pas informé de l'existence de l'indivision, M. [E] habitant seul le bien et étant seul intervenu dans le cadre de la précédente procédure, et qu'il pouvait valablement estimer que M. [E] était gérant de fait de l'indivision. Il fait valoir que Mme [F] et Mme [N] ne peuvent solliciter l'annulation des assemblées générales à titre reconventionnel et plus de deux mois après la notification des décisions. Il souligne à titre subsidiaire que seules les assemblées générales à compter de 2017 pourraient être remises en cause, toute demande antérieure étant nécessairement prescrite.

Réponse de la cour

L'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 dispose :

« Les dispositions de l'article 2224 du code civil relatives au délai de prescription et à son point de départ sont applicables aux actions personnelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat.

Les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée, sans ses annexes. Cette notification est réalisée par le syndic dans le délai d'un mois à compter de la tenue de l'assemblée générale. »

Le délai de deux mois prévu par l'article 42, alinéa 2 précité constitue un délai de forclusion en application de l'article 2220 du code civil, dont la déchéance du droit d'agir sanctionne l'expiration.

Selon l'article 63 alinéa 1er du décret du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1965 fixant la statut de la copropriété des immeubles bâtis, toutes les notifications et mises en demeure prévues par cette loi, à l'exception de la mise en demeure visée à l'article 19 de ladite loi, sont valablement faites par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le délai qu' elles font, le cas échéant, courir a pour point de départ le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire.

L'article 64 du même décret prévoit :

« En vue de l'application de l'article précédent, chaque copropriétaire ou titulaire d'un droit d'usufruit ou de nue-propriété sur un lot ou une fraction de lot doit notifier au syndic son domicile réel ou élu soit en France métropolitaine si l'immeuble y est situé, soit dans le département ou le territoire d'outre-mer de la situation de l'immeuble.

Les notifications et mises en demeure prévues par l'article 63 du présent décret sont valablement faites au dernier domicile notifié au syndic. »

En l'espèce, M. [K] [E], Mme [R] [F] et Mme [J] [N] détenaient un lot de la copropriété en indivision antérieurement à l'année 2015. Cependant, Mme [R] [F] et Mme [J] [N] ne justifient ni n'allèguent avoir notifié au syndic leurs adresses respectives.

Par ailleurs, comme l'a relevé la juridiction de première instance, il n'est pas démontré que le syndic avait connaissance d'une indivision.

De surcroît, en application de l'article 815-3 du code civil, l'absence d'opposition de Mme [N] et de Mme [F], alors qu'elles avaient nécessairement connaissance de la gestion assumée par M. [E], confère à ce dernier un mandat tacite de gestion.

La notification des procès-verbaux des assemblées générales du 18 mars 2015, du 3 février 2016, du 20 janvier 2017, du 8 mars 2018, du 24 janvier 2020 et du 10 mars 2021, faite à M. [E] en sa qualité de co-indivisaire (et non de titulaire d'un droit d'usage et d'habitation) et mandataire tacite de l'indivision, a fait courir un délai de forclusion de deux mois.

Ces procès-verbaux ont été notifiés aux dates suivantes :

- le procès-verbal de l'assemblée générale du 18 mars 2015 : revenu le 13 août 2015 avec la mention 'pli avisé non réclamé' ;

- le procès-verbal de l'assemblée générale du 3 février 2016 : accusé de réception signé le 1er juin 2016 ;

- le procès-verbal de l'assemblée générale du 20 janvier 2017 : revenu le 4 avril 2017 avec le mention 'pli avisé non réclamé' ;

- le procès-verbal de l'assemblée générale du 8 mars 2018 : accusé de réception signé le 26 avril 2018 ;

- le procès-verbal de l'assemblée générale du 24 janvier 2019 : revenu le 20 février 2019 avec la mention 'destinataire inconnu à l'adresse' ;

- le procès-verbal de l'assemblée générale du 23 janvier 2020 : revenu le 20 février 2020 avec la mention 'destinataire inconnu à l'adresse' ;

- le procès-verbal de l'assemblée générale du 10 mars 2021 : accusé de réception signé le 21 avril 2021.

Par suite, au jour de la demande des parties, le délai de deux mois avait pris fin pour chacun des procès-verbaux d'assemblée générale dont l'annulation est demandée par Mme [N] et Mme [F], de telle sorte qu'elles sont irrecevables en leurs demandes de ce chef.

Le jugement déféré doit donc être infirmé sur ce point.

3. Sur le paiement des charges de copropriété

a) sur la demande en paiement

Moyens des parties

Le syndicat des copropriétaires sollicite la condamnation in solidum de M. [E], Mme [F] et Mme [N] à lui verser la somme de 21 310,73 euros au titre de l'arriéré de charges actualisé au 1er septembre 2023, les appelantes étant parfaitement conscientes des sommes dues et qu'il n'a pas reçu notification des quotes-parts de propriété constituant l'indivision.

Mme [F] et Mme [N] soutiennent que la somme demandée n'est pas justifiée en ce qu'il n'est pas produit un état récapitulatif détaillé de la créance et contestent les sommes réclamées. Elles estiment que le tribunal a prononcé à tort une condamnation solidaire alors que chacun d'eux doit s'acquitter de sa quote-part en fonction de ses droits dans l'indivision.

Réponse de la cour

Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Les charges exigibles en vertu de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 doivent être justifiées par le syndicat qui en réclame le paiement (Civ. 3ème, 3 décembre 2002, n° 01-12.006).

Ni la loi du 10 juillet 1965 ni le décret du 17 mars 1967 ne définissent les pièces que le syndicat des copropriétaires doit fournir lorsqu'il recouvre en justice les charges de copropriété impayées.

Ces pièces consistent le plus souvent en les procès-verbaux des assemblées générales approuvant les comptes de l'exercice correspondant ainsi que les documents comptables et le décompte de répartition des charges.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires produit les pièces suivantes à l'appui de sa demande :

- un courrier de mise en demeure adressé à M. [K] [E] le 17 juin 2013 pour un arriéré de charges s'élevant à 1 415,48 euros au 11 juin 2013 (pièce n° 4) ;

- un courrier de mise en demeure adressé à M. [D] [N] le 17 juillet 2017 pour un arriéré de charges de 11 121,63 euros au 12 juillet 2017 (pièce n° 5) ;

- un relevé de compte du 6 avril 2018 mentionnant un solde débiteur de 9 039,91 euros au 1er octobre 2016 et un solde de 9 346,31 euros au 6 avril 2018 (pièce n° 9) ;

- un décompte de charges pour la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 pour un montant de 6 393,63 euros au 15 mai 2015 (pièce n° 10) ;

- un décompte de charges pour la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015 pour un montant de 7 988,43 euros au 25 février 2016 (pièce n° 11) ;

- un décompte de charges pour la période du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016 pour un montant de 10 054,12 euros au 17 mars 2017 (pièce n° 12) ;

- des appels de fonds pour les périodes du 1er octobre 2016 au 31 décembre 2016, du 1er janvier 2017 au 31 mars 2017, du 1er avril 2017 au 30 juin 2017, du 1er avril 2017 au 30 juin 2017, du 1er juillet 2017 au 31 juillet 2017, du 1er juillet 2017 au 30 septembre 2017, du 1er octobre 2017 au 31 décembre 2017, du 1er janvier 2018 au 31 mars 2018, du 1er avril 2018 au 30 juin 2018, du 1er avril 2018 au 30 juin 2018, du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018 (pièces n° 13 et 14) ;

- un décompte de charges pour la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017 pour un montant de 8 402,03 euros au 30 mars 2018 (pièce n° 15) ;

- un décompte de charges pour la période du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018 pour un montant de 11 714,61 euros au 18 février 2019 (pièce n° 16) ;

- un appel de fonds pour la période du 1er octobre 2019 au 31 décembre 2019 (pièce n° 17) ;

- les procès-verbaux des assemblées générales du 5 décembre 2013 (pièce n° 18), du 18 mars 2015 (pièce n° 19), du 3 février 2016 (pièce n° 20), du 20 janvier 2017 (pièce n° 21), du 8 mars 2018 (pièce n° 22), et du 24 janvier 2019 (pièce n° 23), portant notamment approbation des comptes ;

- un relevé de compte du 11 janvier 2021 mentionnant un solde débiteur de 15 509,91 euros au 11 janvier 2021 (picèe n° 24) ;

- un décompte de charges pour la période du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2019 pour un montant de 13 574,16 euros au 20 février 2020 ;

- des appels de fonds pour les périodes du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2020, du 1er janvier 2020 au 31 mars 2020, du 1er avril 2020 au 30 juin 2020, du 1er juillet 2020 au 30 septembre 2020 (pièce n° 27) ;

- des appels de fonds pour les périodes du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2020 et du 1er janvier 2021 au 31 mars 2021 (pièce n° 28) ;

- le procès-verbal de l'assemblée générale du 23 janvier 2020 portant approbation des comptes (pièce n° 29) ;

- un décompte de charges pour la période du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2020 pour un montant de 16 041,55 euros au 8 avril 2021 (pièce n° 30) ;

- des appels de fonds pour les périodes du 1er octobre 2021 au 31 décembre 2021, du 1er janvier 2021 au 31 mars 2021, du 10 mars 2021 au 31 mars 2021, du 1er avril 2021 au 30 juin 2021, du 1er juillet 2021 au 30 septembre 2021 (pièce n° 31) ;

- le procès-verbal de l'assemblée générale du 10 mars 2021 portant approbation des comptes (pièce n° 32) ;

- un relevé de compte du 9 novembre 2021 mentionnant un solde débiteur de 17 067,46 euros (pièces n° 33 et 35).

La demande d'annulation portant sur les procès-verbaux des assemblées générales a été jugée irrecevable, de telle sorte que ces procès-verbaux ne sont plus contestables.

Comme l'a relevé la juridiction de première instance, la somme de 3 784,26 euros correspondant à la condamnation prononcée contre M. [K] [E] le 1er septembre 2014 a été déduite du décompte.

Il est ainsi établi que les coindivisaires doivent au syndicat des copropriétaires la somme de 17 067,46 euros au titre des charges de copropriété restant dues au 9 novembre 2021.

En application des articles 815-17 et 1202 du code civil, la solidarité ne se présume pas ; aussi des dettes nées du fonctionnement de l'indivision ne sont solidaires entre indivisaires que par l'effet de la loi ou celui d'une stipulation expresse (Civ. 1ère, 29 novembre 2005, n° 03-11.385).

Lorsque le règlement de copropriété ne prévoit pas de dispositions particulières, les dépenses doivent être réparties entre les indivisaires intéressés en fonction des droits de chacun dans l'indivision en application de l'article 815-10 alinéa 3 du code civil qui impose la répartition des frais et charges afférents à un bien indivis, proportionnellement aux droits de chacun dans l'indivision.

L'article 6 du décret du 17 mars 1967 sur la copropriété prévoit :

« Tout transfert de propriété d'un lot ou d'une fraction de lot, toute constitution sur ces derniers d'un droit d'usufruit, de nue-propriété, d'usage ou d'habitation, tout transfert de l'un de ces droits est notifié, sans délai, au syndic, soit par les parties, soit par le notaire qui établit l'acte, soit par l'avocat qui a obtenu la décision judiciaire, acte ou décision qui, suivant le cas, réalise, atteste, constate ce transfert ou cette constitution. »

C'est la notification de la mutation qui confère à l'acquéreur la qualité de copropriétaire tant à l'égard du syndicat que des autres copropriétaires et tant que la notification prescrite par l'article 6 n'est pas faite, le transfert de propriété du lot est inopposable au syndicat.

En l'espèce, il n'est ni justifié ni allégué que M. [E], Mme [N] et Mme [F] ont notifié au syndicat des copropriétaires le transfert de la propriété du lot compris dans la copropriété.

L'information délivrée par les appelantes aux termes de conclusions est insuffisante à satisfaire aux obligations fixées par l'article 6 précité.

Par suite, il y a lieu de condamner in solidum M. [E], Mme [N] et Mme [F] à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 17 067,46 euros et de débouter Mme [N] et Mme [F] de leur demande tendant à une condamnation par part.

Aussi le jugement déféré sera-t-il confirmé par substitution de motifs.

b) sur la demande de délais de paiement

En application de l'article 1343-5 alinéa 1er du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Le bien immobilier concerné fait l'objet d'une licitation selon jugement du 20 mars 2017 de telle sorte que celle-ci doit mettre en mesure les appelantes de s'acquitter de leur dette.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré de ce chef.

4. Sur la demande d'indemnisation pour résistance abusive

Moyens des parties

Le syndicat des copropriétaires sollicite la condamnation de M. [E], Mme [N] et Mme [F] à lui verser la somme de 900 euros à titre d'indemnisation de son préjudice pour résistance abusive aux motifs que les appelantes ont reçu des mises en demeure et n'ont effectué aucune proposition d'apurement de leur dette.

Mme [F] et Mme [N] demandent l'infirmation du jugement déféré de ce chef au motif qu'elles auraient pu solliciter la déchéance du droit d'usage et d'habitation de M. [E], ce dont elles ont été privées en raison de la carence du syndicat des copropriétaires.

Réponse de la cour

En application de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La simple résistance à une action en justice ne peut constituer un abus de droit (Civ. 3ème, 6 mai 2014, 13-14.407).

En l'espèce, il n'est pas démontré, en raison de la complexité de la situation familiale, que Mme [N] et Mme [F] ont commis un abus s'analysant en une résistance abusive, seul M. [E] ayant été destinataire des convocations en assemblée générale de copropriété et des notifications des décisions ainsi que des appels de fonds et relevés de compte.

Il convient donc d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Mme [N] et Mme [F] à indemniser le syndicat des copropriétaires à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a :

- débouté Mme [R] [F] et Mme [J] [N] de leur demande tendant à voir annuler les assemblées générales de la copropriété '[Adresse 10]' de 2015 à 2021 ;

- condamné in solidum M. [K] [E], Mme [R] [F] et Mme [J] [N] à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10]' irrecevable en sa demande tendant au paiement des charges dues pour les années 2021 et 2022 ;

Déclare Mme [R] [N] épouse [F] et Mme [U] [N] irrecevables en leurs demandes tendant à l'annulation des assemblées générales de copropriété de 2015 à 2023 ;

Déboute le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10]' de sa demande d'indemnisation pour résistance abusive en ce qu'elle est dirigée contre Mme [R] [F] et Mme [J] [N] ;

Condamne M. [K] [E] à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10] la somme de 300 euros à titre d'indemnisation pour résistance abusive ;

Condamne in solidum M. [K] [E], Mme [R] [N] épouse [F] et Mme [J] [N] à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 10] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne in solidum M. [K] [E], Mme [R] [N] épouse [F] et Mme [J] [N] aux dépens de la procédure d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE                                        LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/02969
Date de la décision : 21/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-21;22.02969 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award