C1
N° RG 22/04470
N° Portalis DBVM-V-B7G-LTY4
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
la SELARL STEPHANIE BARADEL AVOCAT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 07 MAI 2024
Appel d'une décision (N° RG 21/00268)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE
en date du 14 novembre 2022
suivant déclaration d'appel du 14 décembre 2022
APPELANTE :
S.A.S. ITM LOGISTIQUE ALIMENTAIRE INTERNATIONAL (ITM LAI ), agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,
et par Me David CALVAYRAC de la SELEURL DAVID CALVAYRAC, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS, substituée par Me Nathan HUBERT, avocat au barreau de PARIS,
INTIME :
Monsieur [T] [N]
né le 22 Juin 1965 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Stéphanie BARADEL de la SELARL STEPHANIE BARADEL AVOCAT, avocat au barreau de LYON,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente
Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère,
M. Frédéric BLANC, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 mars 2024
Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère, en charge du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 07 mai 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 07 mai 2024.
EXPOSE DU LITIGE
M. [T] [N] a été embauché par la société par actions simplifiées (SAS) ITM Logistique Alimentaire Internationale (LAI) par contrat à durée indéterminée du 22 octobre 2001, en qualité d'agent d'entretien qualifié -Niveau III- échelon 1 sur le site de [Localité 6] (01).
La société ITM LAI a pour activité la logistique à vocation alimentaire pour l'ensemble du groupement Les Mousquetaires.
Le contrat est soumis à la convention collective du commerce de détails et de gros à prédominance alimentaire.
M. [N] occupait un mandat de délégué syndical d'établissement.
Depuis 2012, la SAS ITM LAI a entrepris de moderniser son activité et a élaboré un plan de transformation logistique (PTL) décliné sur plusieurs années, et appliqué sur la base de [Localité 6] en 2016-2017.
Ainsi, la SAS ITM LAI a décidé de regrouper les anciennes bases de [Localité 6] (01) et de [D] (01) sur un nouveau site situé à [Localité 7] (38). Ce regroupement s'est fait en deux étapes, [Localité 6] en 2018 et [D] en 2020.
L'ensemble des salariés de [Localité 6] s'est vu proposer une mutation sur le site de [Localité 7], constitutive d'une modification de leur contrat de travail, qui ouvrait droit en cas de refus, selon le plan de transformation logistique, à un plan de départ volontaire ou une procédure de licenciement pour motif économique.
Ceux qui l'ont acceptée (40 salariés) ont été transférés en conservant leur qualification, leur rémunération et leur ancienneté.
La base de [Localité 7] a ouvert le 1er octobre 2018, et l'activité de [Localité 6] y est transférée depuis le 3 novembre 2018.
Ceux qui ont refusé la modification de contrat de travail (148 salariés), soit sont partis en départ volontaire avant même la fermeture du site, soit ils ont fait l'objet d'un licenciement collectif pour motif économique (75 salariés) ' et dans ces deux cas en bénéficiant du plan de sauvegarde de l'emploi.
M. [N], salarié protégé, s'est vu proposer, comme les autres salariés, une modification de son contrat de travail, qu'il a refusée.
Il a alors été, de fait, dispensé d'activité à compter du 1er novembre 2018, date à laquelle l'employeur a fermé l'établissement.
Par décision du 30 novembre 2018, l'inspection du travail a refusé d'autoriser son licenciement, aux motifs d'une absence de justifications suffisantes pour vérifier la réalité du motif économique, et d'une absence de menace réelle et sérieuse sur la société.
Ce refus a été confirmé par le ministre du travail par décision du 25 juillet 2019.
Par jugement du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon, saisi en contestation de cette décision, a refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique de M. [N].
En parallèle, la SAS ITM LAI a formulé des offres de reclassement au salarié, jusqu'au mois de mai 2019, qu'il a refusées.
M. [N] a été autorisé, dans le cadre d'une dispense d'activité, par la société ITM LAI, à rester à son domicile tout en percevant sa rémunération mensuelle.
Au terme de sa période de protection, la SAS ITM LAI, par courrier du 1er décembre 2020, a proposé à M. [N] sa réintégration sur le site de [Localité 7] en qualité d'agent d'entretien et de maintenance du bâtiment.
Par courrier du 09 décembre 2020, M. [N] a refusé cette proposition de réintégration, aux motifs que ce n'était pas son poste d'origine, de sorte qu'il s'agissait d'une proposition de reclassement, et dans un autre secteur géographique.
Dans ce courrier, il a informé son employeur qu'il ne se présenterait pas aux sessions de formation organisées dans le cadre de sa réintégration.
Par courrier du 15 janvier 2021, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement, fixé au 01 février 2021, auquel il s'est présenté.
Par courrier du 16 février 2021, la SAS ITM LAI a notifié au salarié son licenciement.
C'est dans ces conditions que par requête en date du 29 juillet 2021, M. [N] a saisi le conseil des prud'hommes de Vienne, aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.
Par jugement du 14 novembre 2022, le conseil de prud'hommes de Vienne a :
- Dit et jugé que :
* le licenciement de M. [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
* la modification du contrat de travail de M. [N] repose sur un motif économique
* la société ITM LAI a violé le statut protecteur du salarié
- Condamné la SAS ITM LAI à verser à M. [N] les sommes de :
* 3905, 34 euros à titre d'indemnités compensatrice de préavis
* 390, 53 euros au titre des congés sur préavis
* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 3819, 45 euros au titre du congé de reclassement
* 26 619 euros au titre de l'indemnité supra légale prévue par le PSE
* 2492, 12 euros à titre de rappel d'intéressement 2019 et 2020
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la SAS ITM LAI aux entiers dépens de l'instance,
- Condamné la SAS ITM LAI à rembourser au Pôle Emploi les indemnités perçues par M. [N] dans la limite de deux mois,
- Débouté la SAS ITM LAI de l'ensemble de ses demandes
- Dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire de droit
La décision a été notifiée aux parties par courrier recommandé distribué le 17 novembre 2022 à M. [N] et inconnue pour la SAS ITM LAI.
Le 14 décembre 2022, la SAS ITM LAI en a interjeté appel.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 février 2023, la SAS ITM LAI demande à la cour d'appel de :
« - Déclarer la société ITM LAI recevable et bien fondée en son appel ;
- Réformer le jugement rendu le 14 novembre 2022 par le Conseil des Prud'hommes de VIENNE Section commerce en ce qu'il a :
* Dit et jugé que :
- Le licenciement de M. [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- La modification du contrat de travail de M. [N] repose sur un motif économique ;
- La société ITM LAI a violé le statut protecteur de la salariée ;
- Condamné la société ITM LAI à verser à M. [N] les sommes de :
* 3905, 34 euros à titre d'indemnités compensatrice de préavis
* 390, 53 euros au titre des congés sur préavis
* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 3819, 45 euros au titre du congé de reclassement
* 26 619 euros au titre de l'indemnité supra légale prévue par le PSE
* 2492, 12 euros à titre de rappel d'intéressement 2019 et 2020
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Aux entiers dépens de l'instance
A rembourser Pôle emploi les indemnités perçues par M. [N] dans la limite de 2 mois.
* Débouté la société ITM LAI de l'ensemble de ses demandes.
En conséquence, statuant à nouveau :
A Titre principal :
- Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes formulées en première instance ou en cause d'appel et notamment :
* Indemnité compensatrice de préavis
* Congés payés afférents
* Dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans CRS
* Congé de reclassement
* Dommages et intérêt réparant la perte de chance
* Indemnité supra-légale prévue par le PSE
* Rappel d'intéressement 2019 et 2020
* Article 700 du Code de procédure civile
- Confirmer pour le surplus la décision déférée en ses dispositions non contraires aux présentes ;
A Titre subsidiaire :
- Ramener à de plus justes proportions les demandes indemnitaires formulées par M. [N] ;
En tout état de cause :
- Débouter M. [N] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner M. [N] à payer à la Société la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner M. [N] aux entiers dépens. »
Par conclusions notifiées par voie électronique le 06 mars 2023, M. [N] demande à la cour d'appel de :
« - Confirmer les jugements du Conseil de Prud'hommes de VIENNE du 14 novembre 2022 en ce qu'ils ont :
* Dit et jugé que la modification du contrat de travail repose sur un motif économique
* Dit et jugé que la société ITM LAI a violé le statut protecteur des salariés
* Condamné la société ITM LAI à verser aux salariés les sommes suivantes :
o A Monsieur [T] [N]
3905,34 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
390,53 € au titre des congés sur préavis
3 819,45 € au titre du congé de reclassement
26 619 € au titre de l'indemnité supra légale prévue par le PSE
2 492,12 € à titre de rappel d'intéressement 2019 et 2020
1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
o A Monsieur [H] [I]
3 307,66 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
330,77 € au titre des congés sur préavis
3 234,92 € au titre du congé de reclassement
10 046 € au titre de l'indemnité supra légale prévue par le PSE
2 240,81 € à titre de rappel d'intéressement 2019 et 2020
1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
o A Monsieur [E] [V]
3 474,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
347,44 € au titre des congés sur préavis
3 394,72 € au titre du congé de reclassement
30 525 € au titre de l'indemnité supra légale prévue par le PSE
2 310,15 € à titre de rappel d'intéressement 2019 et 2020
1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
o A Monsieur [A] [C]
3 343,78 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
334,38 € au titre des congés sur préavis
3 256,87 € au titre du congé de reclassement
14 583 € au titre de l'indemnité supra légale prévue par le PSE
2 262,75 € à titre de rappel d'intéressement 2019 et 2020
1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
o A Monsieur [K] [B]
3 536,24 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
353,62 € au titre des congés sur préavis
3 455,33 € au titre du congé de reclassement
36 809 € au titre de l'indemnité supra légale prévue par le PSE
2 335,73 € à titre de rappel d'intéressement 2019 et 2020
1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
o A Madame [U] [S]
3300 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
430 € au titre des congés sur préavis
4 747,41 € au titre du congé de reclassement
25 029 € au titre de l'indemnité supra légale prévue par le PSE
2 666,75 € à titre de rappel d'intéressement 2019 et 2020
1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
o A Monsieur [L] [C]
3 474,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
347,44 € au titre des congés sur préavis
3478,75 € au titre du congé de reclassement
2865 € au titre de l'indemnité supra légale prévue par le PSE
2310,15 € à titre de rappel d'intéressement 2019 et 2020
1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
* Condamné la société ITM LAI à verser à Mme [S], Messieurs [N], [I], [V], [F], [B], et [C] des dommages et intérêts au titre du licenciement
- Infirmer les jugements du Conseil de Prud'hommes de VIENNE du 14 novembre 2022 en ce qu'ils ont :
* Débouté Mme [S], Messieurs [N], [I], [V], [F], [B], et [C] de leur demande d'indemnisation de la perte de chance de bénéficier des mesures d'aide à la reconversion prévues par le PSE,
* Débouté Mme [S] de sa demande de rappel de salaire au titre des primes sur objectifs,
- Et, statuant à nouveau, ajoutant aux jugements du Conseil de Prud'hommes de Vienne du 14 novembre 2022,
* Juger que les licenciements étant de nature économique, les salariés sont en droit de prétendre à toutes les mesures d'accompagnement du PSE,
* Juger que les salariés sont en droit de prétendre à toutes les mesures d'accompagnement du PSE a minima en application du principe d'égalité de traitement,
* Juger que les salariés doivent être indemnisés de la perte de chance de bénéficier des aides à la reconversion prévues par le PSE,
A titre principal,
- Prononcer la nullité du licenciement de Mme [S], Messieurs [N], [I], [V], [F], [B], et [C]
Subsidiairement,
- Confirmer que le licenciement de Mme [S], Messieurs [N], [I], [V], [F], [B], et [C] est sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamner la société ITM LAI à payer les sommes suivantes :
A Monsieur [T] [N]
* 38 195 € (18 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse
* 10 000 € à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier des aides à la reconversion
* 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A Monsieur [H] [I]
* 21 567 € (12 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse
* 10 000 € à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier des aides à la reconversion
* 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A Monsieur [E] [V]
* 33 949 € (18 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse
* 10 000 € à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier des aides à la reconversion
* 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A Monsieur [A] [C]
* 23 521 € (13 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse
* 10 000 € à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier des aides à la reconversion
* 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A Monsieur [K] [B]
* 38 393 € (20 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse
* 10 000 € à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier des aides à la reconversion
* 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A Madame [U] [S]
* 39 562 € (15 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse
* 10 000 € à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier des aides à la reconversion
* 4 300 € à titre de rappel de prime sur objectifs
* 430 € au titre des congés afférents
* 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A Monsieur [L] [C]
* 34 788 € (18 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse
* 10 000 € à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier des aides à la reconversion
* 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la société ITM LAI aux entiers dépens de première instance et d'appel, incluant les frais de recouvrement forcé éventuels. »
La clôture de l'instruction a été prononcée le 06 février 2024.
L'affaire a été appelée à l'audience du 04 mars 2024, lors de laquelle le conseil de M. [N] a déclaré que dans le cadre de cette instance, il n'y avait pas lieu de prendre en compte les demandes formulées par les autres salariés que M. [N].
L'affaire a été mise en délibéré au 07 mai 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI :
A titre liminaire, la cour relève qu'elle n'est pas saisie des demandes concernant les autres salariés non visés dans la déclaration d'appel de M. [N].
Sur la contestation du licenciement :
Moyens des parties :
La SAS ITM LAI affirme que :
- le poste de travail du salarié sur [Localité 6] a été supprimé du fait de la fermeture de cet établissement, ce qui implique nécessairement une obligation de réintégration en l'absence d'autorisation de licenciement délivrée par l'administration,
- elle a loyalement satisfait à son obligation de réintégration à l'égard de M. [N] en lui proposant des postes équivalents, qu'il a refusés, et ce malgré les formations proposées,
- le refus de participer aux stages et formations organisés par l'employeur dans l'intérêt de l'entreprise, peut justifier le licenciement du salarié,
- le licenciement d'un salarié protégé peut être prononcé en raison de son refus d'être réintégré sur un emploi équivalent, en l'absence d'autorisation préalable du licenciement,
- le licenciement de M. [N] ne relève pas d'un motif économique, mais d'un motif dit « sui generis », afin de faire face à une situation qui empêche la poursuite du contrat de travail du salarié, - admettre le contraire reviendrait à créer une situation de blocage définitive en cas de disparition du motif initial, alors que le poste demeure supprimé et que les salariés refusent d'être réintégrés à un poste équivalent,
- aujourd'hui, le salarié est malvenu de prétendre que la société aurait dû proposer un poste au sein de la société REXEL, soit un poste différent de celui qu'il occupait au sein de la société ITM LAI et ce, au sein d'une société étrangère au Groupement.
En réponse, M. [N] soutient que :
- le transfert de l'activité sur la nouvelle base de [Localité 7], a modifié les contrats de travail du personnel de [Localité 6], puisque les deux établissements n'étaient pas dans le même secteur géographique,
- la société ITM LAI a licencié pour motif économique tous les salariés qui refusaient la modification du contrat de travail impliquée par ce transfert, conformément aux articles L 1233-3 et L 1222-6 du code du travail,
- pour les 7 représentants du personnel ayant eux aussi refusé leur transfert, elle n'y a pas été autorisée par l'inspection du travail, puis le ministre du travail, puis le tribunal administratif, de sorte qu'elle a attendu l'expiration de la période de protection (fin du mandat + 6 mois) pour les licencier, non plus pour la cause économique d'origine, mais pour avoir refusé la réintégration sur Saint Quentin Fallavier,
- ce faisant, la société ITM LAI a contourné les règles d'ordre public qui s'appliquent aux titulaires de mandat, en les privant de l'accompagnement social auquel ils ont droit puisque c'est l'employeur qui a supprimé leur poste, au même titre que tous les autres salariés qui ont perdu leur emploi en raison des choix d'organisation du groupe,
- le motif « sui generis » de licenciement allégué par l'employeur n'existe pas,
- son licenciement est nécessairement économique, il est intervenu en violation du statut protecteur, et en tout cas de façon discriminatoire, puisqu'alors que tous les salariés de [Localité 6] qui ne voulaient pas d'un transfert à [Localité 7] ont été licenciés dans le cadre d'un PSE, pour un motif économique, avec des mesures d'accompagnement obligatoires, les salariés protégés sont licenciés pour motif personnel, sans préavis ni indemnités complémentaires de sorte que ce licenciement est nul,
- la société ITM LAI pouvait leur proposer un reclassement externe sur des postes équivalents, ce qu'elle n'a pas fait,
- subsidiairement, son licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse puisqu'il a été licencié pour avoir refusé une modification de son contrat de travail pour un motif non inhérent à sa personne, alors que ce droit a été reconnu aux autres salariés et à lui-même initialement.
Sur ce,
Sur les motifs du licenciement
Selon l'article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d'activité de l'entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise
La procédure de proposition de modification du contrat de travail d'un salarié pour un motif économique est régie par l'article L.1222-6 du code du travail.
Ce texte, dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2014, prévoit que lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception.
La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire. A défaut de réponse dans le délai d'un mois, ou de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée.
Il est de jurisprudence constante que le contrat de travail ne peut être modifié sans l'accord du salarié (Soc. 3 mars 1998, n° 95-43274, Bull. V n 109).
Dès lors, en cas de refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail proposée pour motif économique, l'employeur ne peut que poursuivre le contrat de travail aux conditions initiales ou diligenter une procédure de licenciement, le salarié étant fondé à exiger la poursuite du contrat aux conditions initiales et ne pouvant être tenu d'exécuter le contrat de travail aux conditions unilatéralement modifiées par l'employeur (Soc. 26 juin 2001, n° 99-42489).
Quand l'employeur décide d'engager une procédure de licenciement, la lettre de licenciement doit énoncer les raisons ayant conduit l'employeur à proposer la modification du contrat et le fait que le licenciement intervient à la suite du refus par le salarié de la modification de son contrat de travail (Soc. 13 juillet 1999, n° 97-42939). Il appartient ensuite au juge du fond de vérifier, non la légitimité de ce refus, mais le caractère réel et sérieux du motif économique invoqué et de son incidence sur l'emploi du salarié (Soc. 2 juin 2017 n° 16-13346).
Enfin, il convient de rappeler que si l'employeur peut proposer au salarié une modification de son contrat de travail pour un motif étranger à sa personne et ne reposant pas sur l'un des motifs économiques visés par l'article L 1233-3 du Code du travail, il doit obtenir son accord exprès, l'article L 1222-6 du Code du travail ne s'appliquant pas en l'absence de motif économique. À défaut d'un tel accord, il ne peut pas licencier le salarié.
Ainsi, un licenciement prononcé après le refus par un salarié de la modification de son contrat de travail, pour un motif non inhérent à sa personne, ne peut être qu'un licenciement pour motif économique. (Soc 1 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.380).
En l'espèce, il résulte des pièces produites que le 11 octobre 2017, la SAS ITM LAI a adressé à M. [N] une proposition de modification de son contrat de travail, impliquant un changement de lieu travail, refusée par le salarié.
Par la suite, M. [N] n'ayant pas été licencié, faute d'autorisation administrative accordée à l'employeur, il a été dispensé d'activité et rémunéré durant toute la période de protection.
Au terme de cette période, par courrier en date du 1er décembre 2020, la société a tenté de réintégrer M. [N] au sein des effectifs de la Société, sur l'établissement le plus proche de son ancien lieu de travail, en lui proposant le poste d'agent d'entretien et de maintenance de bâtiment, accompagné d'une proposition de formations pour une prise de poste sur le site logistique de [Localité 7].
Cette proposition a été refusée par le salarié.
Pourtant, par courrier du 16 février 2021, la SAS ITM LAI a notifié au salarié son licenciement, dans les termes suivants :
« par courrier en date du 09 décembre 2020, vous avez refusé la modification de votre contrat de travail qui aurait permis votre réintégration. Dans cet esprit d'opposition, vous avez également refusé de suivre les formations auxquelles vous étiez pourtant inscrit et ce, sans exprimer le moindre souhait d'accompagnement, ni même d'un retour au sein de nos effectifs ' ce qui renforce cette situation de blocage.
(') vous nous avez renouvelé votre opposition de réintégrer nos effectifs en dehors de l'établissement de [Localité 6].
Ce refus catégorique de modification de votre contrat de travail, nécessaire à votre réintégration, rend impossible la poursuite de votre contrat de travail.
Cette impossibilité est absolue dans la mesure où vous persistez à refuser la modification de votre lieu de travail, alors que vous avez parfaitement connaissance que l'établissement de [Localité 6] est fermé depuis le mois d'octobre 2018.
De même, votre refus de suivre les formations auxquelles vous étiez inscrit confirme l'impossibilité de poursuivre votre contrat de travail.
Ainsi compte tenu de cette impossibilité manifeste de poursuivre votre contrat de travail et de votre refus de participer aux formations nécessaires à votre retour et aux intérêts de l'entreprise, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement, pour cause réelle et sérieuse.
La date de première présentation de la présente lettre à votre domicile fixera la date de votre début de préavis, qui ne vous sera pas rémunéré, compte tenu de votre refus de réintégration qui rend impossible l'exécution du préavis. »
Or, comme le relève M. [N], la SAS ITM LAI ne peut sérieusement soutenir que le refus du salarié d'une réintégration proposée en 2020 sur [Localité 7], formulée dans les mêmes conditions que celles constituant trois années plus tôt une modification du contrat de travail, serait, trois années plus tard, un refus abusif.
En outre, la cour a rappelé qu'un licenciement prononcé après le refus par un salarié de la modification de son contrat de travail, pour un motif non inhérent à sa personne, ne peut être qu'un licenciement pour motif économique.
En effet, contrairement à l'affirmation de la SAS ITM LAI, il n'existe pas, en la matière, de troisième voie ou de licenciement sui generis, de sorte que le licenciement ne peut reposer sur une cause réelle et sérieuse en dehors de l'hypothèse où il est fondé sur l'un des motifs économiques visés par l'article L.1233-3 du code du travail.
Dès lors, la SAS ITM LAI ne pouvait pas procéder au licenciement de M. [N], au terme de la période de protection, sans justifier dans la lettre de licenciement d'un motif économique valable.
Sur la sanction du licenciement
Il est constant que le salarié protégé ne peut être licencié au terme de son mandat en raison de faits commis pendant la période de protection, qui auraient dû être soumis à l'inspecteur du travail (Soc., 23 novembre 2004, pourvoi n° 01-46.234).
De même, le licenciement ne peut intervenir pour les mêmes faits que ceux ayant donné lieu à un refus de l'inspecteur du travail (Soc, 26 janvier 1994, pourvoi n°92-41.978)
Enfin, le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Il en résulte que s'il n'a pas satisfait à cette obligation, l'employeur, qui ne justifie pas d'une impossibilité de réintégration, ne peut licencier le salarié en raison d'un refus de modification de son contrat de travail, et que le licenciement prononcé en raison de ce seul refus est nul. (Soc, 5 décembre 2018, pourvoi n° 16-19.912)
Dès lors, attendre volontairement l'expiration du délai de protection pour initier la procédure de licenciement et éviter ainsi le respect de la procédure spécifique de protection fait encourir à l'employeur le risque d'une requalification en licenciement nul.
En l'espèce, suite au refus d'autorisation de licenciement de l'autorité administrative, sur laquelle elle avait formulé un recours, la SAS ITM LAI a fait le choix de dispenser M. [N] d'activité jusqu'à la fin de la période de protection, puis, tout en maintenant le recours contentieux, elle a formulé une proposition de réintégration par courrier du 1er décembre 2020.
Or cette proposition de réintégration sur un poste équivalent, mais sur l'établissement de [Localité 7], a été faite en lien avec la fin de la période de protection et la fermeture du site de [Localité 6], puisque la SAS ITM LAI a fait valoir les mêmes motivations que lors de l'opération de fermeture de 2017-2018, laquelle a donné lieu à la mise en place d'un PSE pour les salariés ayant refusé la modification de leur contrat de travail.
Ainsi, compte tenu du refus de modification de son contrat de travail par le salarié, et faute de le licencier pour motif économique, la SAS ITM LAI était tenue de le réintégrer dans son emploi ou dans un emploi équivalent, ce qu'elle n'a pas fait, ni pendant la période de protection, ni après.
Et la SAS ITM LAI ne saurait se prévaloir d'une impossibilité de réintégration du salarié sur le site de [Localité 6], alors même qu'elle a choisi de fermer ce site le 1er novembre 2018, sans avoir encore obtenu l'autorisation de licenciement du salarié, dont le refus est intervenu le 30 novembre 2018.
Par conséquence, la SAS ITM LAI ne justifiant pas d'avoir satisfait à son obligation de réintégration, elle ne pouvait pas licencier M. [N] en raison de son refus d'une modification de son contrat de travail.
Par suite, la cour constate que le licenciement de M. [N] est nul, et ce par infirmation du jugement entrepris.
Sur les conséquences financières du licenciement nul
Moyens des parties :
La SAS ITM LAI affirme que :
- M. [N] formule des demandes indemnitaires exorbitantes alors qu'il n'apporte pas la preuve du préjudice invoqué ni de la justification du quantum de sa demande,
- les salariés ont bénéficié de près de 3 ans de salaire, sans la moindre contrepartie de travail,
- M. [N] a fermement contesté la nature économique de son licenciement, lorsque la société a sollicité l'autorisation de licenciement pour ce motif. Il ne peut donc, aujourd'hui, prétendre en pure opportunité qu'il aurait dû être licencié pour motif économique' à la seule fin de bénéficier des indemnités du plan de transformation logistique,
- il ressort d'une jurisprudence constante de la Chambre sociale de la Cour de cassation que si le salarié protégé ne demande pas sa réintégration, il a droit aux indemnités de rupture dues au salarié selon le droit commun en cas de licenciement, s'il en remplit les conditions. Or, M. [N] ne remplissait pas les conditions pour être éligible aux aides et indemnités prévues par le plan de transformation logistique,
- M. [N] ayant refusé d'être réintégré au sein de l'entreprise, il a été dans l'impossibilité d'effectuer son préavis, et est donc infondé à solliciter une indemnité compensatrice de préavis.
En réponse, M. [N] affirme que :
- il doit être indemnisé à hauteur de ce qui lui était dû au titre du plan de sauvegarde de l'emploi, afin d'assurer l'égalité de traitement avec les salariés non titulaires de mandat qui ont perdu leur emploi pour avoir, comme lui, refusé son transfert,
- il a droit à un congé de reclassement,
- le PSE ouvrait droit à une indemnité supra légale, s'ajoutant à l'indemnité de licenciement,
- la perte de chance de bénéficier des mesures d'aide à la reconversion doit lui être indemnisée,
Sur ce,
Il résulte de l'article L 1235-3-1 du code du travail, que l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;
Selon l'article L 1233-61 du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.
Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile.
En l'espèce, le licenciement de M. [N] étant nul, il a droit à une indemnité de préavis et à l'octroi de dommages et intérêts.
Il justifie d'une ancienneté de 19 années complètes dans l'entreprise et indique percevoir un salaire brut mensuel 2121, 92 euros, montant qui n'est pas discuté par l'employeur.
Il était âgé de 55 ans à la date de la rupture de son contrat de travail.
Il justifie être inscrit en qualité de demandeur d'emploi depuis le 18 février 2021.
Il a occupé un emploi dans le contrat d'un contrat à durée déterminée de trois mois, à temps complet, en 2021, et percevait toujours une allocation de retour à l'emploi au mois de février 2023.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient, par confirmation du jugement déféré, de condamner la SAS ITM LAI à payer à M. [N] les sommes de :
- 3905, 34 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 390, 53 euros au titre des congés payés sur préavis, étant observé que cette somme, inférieure à deux mois de salaire mensuel brut, est conforme à la demande du salarié,
- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Il résulte en outre des pièces produites que dans le cadre des licenciements économiques résultant de la fermeture du site de [Localité 6], la SAS ITM LAI avait établi un plan de sauvegarde de l'emploi, dans le cadre de la mise en 'uvre de la déclinaison 2016-2017 de plan de transformation logistique, pour éviter les licenciements et accompagner les salariés licenciés.
Au terme de l'article 1 de ce plan, ces mesures concernaient notamment l'ensemble des salariés du site de [Localité 6] concerné par une suppression de poste ou une modification de son contrat de travail, de sorte que M. [N] aurait bénéficié si la SAS ITM LAI avait obtenu l'autorisation administrative de procéder à son licenciement lorsqu'elle l'a demandé, en 2018, étant rappelé que son licenciement notifié le 16 février 2021 était fondé sur les mêmes motifs que ceux objets de la demande d'autorisation formulée en 2018.
Et c'est par un moyen inopérant que la SAS ITM LAI objecte que M. [N] contestait la réalité du motif économique, puisqu'en tout état de cause, tous les salariés ayant refusé la modification de leur contrat de travail ont fait l'objet d'un licenciement pour ce motif, ce qui par voie de conséquence, leur ouvrait le bénéfice aux indemnités du plan de transformation logistique.
Dans le cadre de ce plan, il était alors prévu pour les salariés faisant l'objet d'un licenciement économique :
- un congé de reclassement de droit, d'une durée de principe de 12 mois, et l'octroi une allocation de reclassement, correspondant à un pourcentage de la rémunération mensuelle
- une indemnité supra-légale s'ajoutant à l'indemnité de licenciement, équivalente à 0,65 mois de salaire moyen par année d'ancienneté
Par suite, il convient de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné la SAS ITM LAI à payer à M. [N] les sommes suivantes, sur le montant desquelles l'employeur ne formule aucune observation utile :
- 3819, 45 euros au titre du congé de reclassement,
- 26 619 euros au titre de l'indemnité supra-légale.
S'agissant de la demande formulée au titre de la perte de chance de bénéficier des aides à la reconversion, M. [N] rappelle qu'il aurait pu bénéficier des formations suivantes dans le cadre du plan de transformation logistique, et notamment :
- un budget formation compris entre 3000 et 12000, selon le type de formation
- une aide à la création ou à la reprise d'une entreprise,
- une prime de retour rapide à l'emploi
- un accompagnement de l'espace emploi pendant 12 mois
- la prise en charge de ses frais de déplacement
Il est admis que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Si une perte de chance même minime est indemnisable, il appartient au demandeur d'apporter la preuve de l'existence de son préjudice.
Or, la cour constate, comme l'ont relevé les premiers juges, que M. [N] a refusé les deux propositions de formation formulées par la SAS ITM LAI dans le courrier du 1er décembre 2020, soit une formation Caces 1 de trois jours, et une formation interne liée à la démarque, à l'hygiène et à la qualité de vie au travail.
Si ces deux formations avaient pour objet de préparer le retour du salarié dans l'entreprise, et de maintenir son niveau de compétence, et ne sauraient être comparées à celles dont il aurait pu bénéficier dans le cadre du plan de transformation logistique, la cour constate que M. [N] ne fait valoir aucun élément, et ne produit aucune pièce relative à d'éventuelles recherches d'emploi ni aucune démarche professionnelle, ni demandes de formation qu'il aurait pu engager depuis son licenciement.
Il ne justifie pas davantage de la réalité de l'avantage que lui aurait procuré le bénéfice des aides à la reconversion, ni d'élément de nature à établir un préjudice.
M. [N] sera donc débouté de sa demande en paiement d'une somme au titre de la perte de chance de bénéficier de mesures d'accompagnement, et ce par confirmation du jugement entrepris.
Sur le rappel d'intéressement au titre des années 2019 et 2020 :
La SAS ITM LAI affirme que :
- le dispositif d'intéressement a pour objet d'associer collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l'entreprise,
- il s'agit d'un dispositif facultatif et l'intéressement ne peut constituer un droit acquis, si les conditions pour en bénéficier ne sont plus remplies,
- du fait de leur refus de réintégrer un autre établissement que celui de [Localité 6], les salariés demeurent administrativement rattachés à ce dernier établissement ' qui n'entre pas dans le champ d'application de l'accord du d'intéressement au titre des années 2019-2020-2021,
En réponse, M. [N] affirme que :
- puisqu'il est toujours demeuré salarié d'ITM LAI, qu'il a bien plus de 3 mois d'ancienneté, et que son contrat de travail est resté en cours jusqu'au 16 février 2021, il aurait dû percevoir l'intéressement 2019 et 2020,
- d'autres salariés titulaires de mandat qui, comme eux, étaient dispensés d'activité en raison des décisions de l'administration qui s'opposait à leur licenciement, ont continué à percevoir l'intéressement.
Sur ce,
Au visa des dispositions des articles L. 1221-1 du code du travail et 1353 du code civil, la charge de la preuve du paiement des salaires incombe à l'employeur qui se prétend libéré de son obligation.
En l'espèce, alors que la SAS ITM LAI a dispensé M. [N] d'activité à compter du 1er novembre 2018, soit la date de fermeture de l'établissement de [Localité 6], elle a maintenu sa rémunération durant toute la période de dispense jusqu'à la notification de son licenciement, le 16 février 2021.
La SAS ITM LAI ne peut donc sérieusement soutenir que M. [N] demeurait rattaché à l'établissement de [Localité 6], lequel n'entre pas dans le champ d'application de l'accord d'intéressement au titre des années 2019-2020-2021, alors que ce site était fermé, que M. [N] était toujours salarié de la SAS ITM LAI et qu'elle ne conteste pas l'avoir assimilé aux salariés affectés sur le site de [Localité 7], en lui attribuant :
- des augmentations de salaire,
- la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat en février 2019,
- la prime Covid en mars 2020, laquelle avait pour objet de récompenser les salariés pour leur investissement pendant la période de confinement
Aussi, l'article 1 des accords d'intéressement triennaux versés aux débats mentionne que ces accords sont applicables à l'ensemble du personnel des établissements de la SAS ITM LAI présents et futurs, et bénéficient aux salariés justifiant d'au moins 3 mois d'ancienneté, titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée et déterminée, sans précision de leur lieu d'affectation.
Dès lors, c'est à tort que la SAS ITM LAI n'a pas versé à M. [N] ses primes et suppléments d'intéressement au titre des années 2019 et 2020, de sorte qu'elle sera condamnée, par confirmation du jugement entrepris, à lui payer une somme de 2492,12 euros, sur le montant de laquelle l'employeur ne formule aucune observation utile.
Sur le remboursement des allocations chômage :
Il conviendra, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, (dans la version issue de la loi du 5 septembre 2018 et applicable au 1er janvier 2019) d'ordonner d'office à l'employeur le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de deux mois, les organismes intéressés n'étant pas intervenus à l'audience et n'ayant pas fait connaître le montant des indemnités versés.
Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle emploi, devenu France travail, à la diligence du greffe de la présente juridiction.
Sur les demandes accessoires :
Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.
La SAS ITM LAI, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, devra payer à M. [N] la somme de 1000 euros au titre de ses frais irrépétibles engagés en appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
- Condamné la SAS ITM LAI à verser à M. [T] [N] les sommes de :
* 3905, 34 euros brut à titre d'indemnités compensatrice de préavis
* 390, 53 euros brut au titre des congés sur préavis
* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 3819, 45 euros brut au titre du congé de reclassement
* 26 619 euros brut au titre de l'indemnité supra légale prévue par le PSE
* 2492, 12 euros brut à titre de rappel d'intéressement pour les années 2019 et 2020
* 1 000 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la SAS ITM LAI aux dépens de l'instance,
- Condamné la SAS ITM LAI à rembourser au Pôle Emploi les indemnités perçues par M. [T] [N] dans la limite de deux mois,
L'INFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,
Y ajoutant,
DIT que le licenciement de M. [T] [N] est nul,
DIT qu'une copie de la décision sera adressée à France travail par les soins du greffe de la présente juridiction,
CONDAMNE la SAS ITM LAI aux dépens d'appel,
CONDAMNE la SAS ITM LAI à payer la somme de 1 000 euros net à M. [T] [N] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
DEBOUTE la SAS ITM LAI de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Hélène Blondeau-Patissier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,