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30/04/2024 | FRANCE | N°22/04175

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 30 avril 2024, 22/04175


C4



N° RG 22/04175



N° Portalis DBVM-V-B7G-LS34



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Lionel THOMASSON



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

AU N

OM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 30 AVRIL 2024





Appel d'une décision (N° RG F19/00150)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 27 octobre 2022

suivant déclaration d'appel du 23 novembre 2022





APPELANT :



Monsieur [Z] [F]

né le 19 Janvier 1988 à [Localité 5]

de nationalit...

C4

N° RG 22/04175

N° Portalis DBVM-V-B7G-LS34

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Lionel THOMASSON

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 30 AVRIL 2024

Appel d'une décision (N° RG F19/00150)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 27 octobre 2022

suivant déclaration d'appel du 23 novembre 2022

APPELANT :

Monsieur [Z] [F]

né le 19 Janvier 1988 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Lionel THOMASSON, avocat au barreau de VIENNE,

INTIMEE :

S.A.S. AMAZON FRANCE LOGISTIQUE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Cécile FOURCADE, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS, substitué par Me Guillaume MANGAUD, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 février 2024,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente en charge du rapport et Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

L'affaire a été mise en délibéré au 09 avril 2024, puis prorogé au 30 avril 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 30 avril 2024.

EXPOSE DU LITIGE

M. [Z] [F] a été embauché par la société par actions simplifiée (SAS) Amazon France Logistique à compter du 2 mai 2011 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'agent d'exploitation confirmé, statut employé, niveau 2 de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires.

La SAS Amazon France Logistique a appliqué la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires jusqu'au mois d'août 2019, puis, à compter du 1er septembre 2019, la convention collective du transport routier.

Le 20 décembre 2019, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins d'obtenir sa reclassification à un niveau supérieur et la condamnation de la SAS Amazon France Logistique à lui payer un rappel de salaire à ce titre.

Par jugement du 27 octobre 2022, le conseil de prud'hommes de Montélimar a :

- Dit et jugé que M. [F] n'apporte aucune preuve, ni aucun justificatif de tâches, ni aucun élément, faisant apparaître qu'il exerçait de telles fonctions qui le ferait relever du niveau 5, ni même du niveau 4,

- Débouté en conséquence M. [F] de l'ensemble de ses demandes,

- Débouté la SAS Amazon France Logistique de sa demande reconventionnelle faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [F] aux dépens de l'instance.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception.

M. [F] en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 23 novembre 2022.

Par conclusions transmises par voie électronique le 17 février 2023, M. [F] demande à la cour d'appel de :

« Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Montélimar du 27 octobre 2022 en ce qu'il a débouté M. [F] de ses demandes et de son argumentation et, statuant à nouveau :

Dire et juger que M. [F] doit être classé au niveau 5 de la convention collective nationale du commerce de détail non-alimentaire et au niveau T3 de la classification Amazon,

Condamner, en conséquence, la SAS Amazon France Logistique à verser à M. [F] la somme de 19850,96 euros à titre de rappel de salaire sur classification, outre la somme de 1985,09 euros au titre des congés payés afférents, à parfaire à la date de la décision à intervenir,

Condamner la SAS Amazon France Logistique à verser à M. [F] la somme de 1561,97 euros à titre de rappel de salaire sur treizième mois, outre celle de 156,19 euros au titre des congés payés afférents, à parfaire à la date de la décision à intervenir,

Subsidiairement,

Dire et juger que M. [F] doit être classé au niveau 4 de la convention collective nationale du commerce de détail non-alimentaire et au niveau T1 de la classification Amazon,

Condamner, en conséquence, la SAS Amazon France Logistique à verser à M. [F] la somme de 858,48 euros à titre de rappel de salaire sur classification, outre la somme de 85,84 euros au titre des congés payés afférents, à parfaire à la date de la décision à intervenir,

Condamner la SAS Amazon France Logistique à verser à M. [F] la somme de 83,22 à titre de rappel de salaire sur treizième mois, outre celle de 8,32 au titre des congés payés afférents, à parfaire à la date de la décision à intervenir,

En tout état de cause,

Condamner, en outre, la SAS Amazon France Logistique à remettre à M. [F] quatre actions de la société, au besoin sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la juridiction se réservant la faculté d'en prononcer la liquidation,

Condamner la SAS Amazon France Logistique à verser à M. [F] la somme nette de 2500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

Condamner la SAS Amazon France Logistique, outre aux entiers dépens, à verser à M. [F] la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ».

Par conclusions transmises par voie électronique le 12 mai 2023, la SAS Amazon France Logistique demande à la cour d'appel de :

« Déclarer mal fondé M. [F] en son appel, son action et en l'ensemble de ses demandes,

En conséquence,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 octobre 2022 par le conseil de prud'hommes de Montélimar,

Débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Y ajoutant,

Condamner M. [F] aux entiers dépens,

Condamner M. [F] à verser à la société la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

Limiter le quantum des demandes formulées par M. [F], compte tenu de ses absences au cours des périodes correspondant aux rappels de salaire sollicités, aux sommes de :

- 18260,89 euros brut, et 1826,08 euros brut au titre des congés payés afférents (niveau T3), à titre de rappel de salaire sur classification,

- 1436,85 euros brut, et 143,68 euros brut au titre des congés afférents au titre du prétendu niveau T3, à titre de rappel de salaire sur treizième mois ».

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 janvier 2024.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 12 février 2024, a été mise en délibéré au 9 avril 2024, prorogé au 30 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande de reclassification et la demande de rappel de salaire afférente :

Moyens des parties,

M. [F] fait valoir que :

- Un accord d'entreprise ne peut pas déroger aux stipulations des conventions de branche en matière de rémunération et de classification (article L. 2253-3 du code du travail),

- Les stipulations des conventions collectives dont relève un employeur s'imposent aux contrats de travail conclus avec lui, lesquels ne peuvent contenir que des stipulations plus favorables que celles prévues par lesdites conventions collectives (article L. 2254-1 du code du travail),

- Les conventions collectives applicables dans l'entreprise doivent être exécutées de bonne foi et loyalement à l'égard de tous les salariés qui en dépendent,

- La SAS Amazon France Logistique applique un système de classification de ses salariés reposant sur une adaptation de la convention collective nationale du commerce de détail non alimentaire : à chaque niveau de la classification prévue par la convention collective, la SAS Amazon France Logistique fait correspondre ses propres niveaux de classification,

- La mise en 'uvre de cette classification propre à la SAS Amazon France Logistique ne résulte pas d'un accord d'entreprise, mais d'un engagement unilatéral de l'employeur,

- Les salariés placés au même niveau de la classification conventionnelle ne se voient pas appliquer le même coefficient de classement dans la grille de classification de la SAS Amazon France Logistique, et ainsi ne sont pas rémunérés de la même manière selon cette classification,

- Tous les salariés relevant du même niveau conventionnel au titre de la convention collective sont fondés à prétendre à la même rémunération, en application du principe « à travail égal, salaire égale »,

- La SAS Amazon France Logistique ne peut exciper du fait que tous les salariés perçoivent une rémunération supérieure aux minima conventionnels pour opérer des distinctions entre des salariés qui sont classés au même niveau selon la convention collective,

- Il réalisait en tant qu'agent d'exploitation confirmé des fonctions impliquant des tâches multiples et relevait à ce titre du niveau 5 ou, à tout le moins, du niveau 4, de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires,

- Il aurait donc dû être classé au niveau T3 de la classification propre à la SAS Amazon France Logistique et non au niveau T1,

- Il a droit à un rappel de salaire à ce titre, outre un rappel au titre de la prime de treizième mois, et qu'il lui soit octroyé un nombre d'actions de la SAS Amazon France Logistique correspondant à sa classification.

La SAS Amazon France Logistique fait valoir pour sa part que :

- La SAS Amazon France Logistique possède une classification professionnelle interne distincte de la classification professionnelle de branche en raison de sa présence dans de nombreux pays, qui ne sont pas tous dotés de conventions collectives,

- Les tâches effectuées par M. [F] correspondent à un poste de préparateur de commandes et correspondent ainsi au niveau 2 de la classification conventionnelle de branche anciennement applicable dans l'entreprise,

- La classification professionnelle de la convention collective apparaît sur son contrat de travail et ses bulletins de salaire,

- M. [F] a perçu un salaire mensuel brut de base supérieur au salaire minimum conventionnel correspondant au niveau 5 de la convention de branche,

- Il n'est pas possible de se prévaloir d'un niveau de classification professionnelle de branche pour solliciter l'application d'un niveau de classification interne à la société, les deux classifications étant distinctes,

- La classification propre à l'entreprise n'est pas une transposition de la classification professionnelle de branche, mais une classification supplémentaire distincte, sans correspondance avec la convention collective de branche,

- De nombreuses décisions de conseils de prud'hommes et de cours d'appel ont débouté les salariés de demandes de reclassification similaires,

- La demande de rappel de salaire de M. [F], qui est fondée sur l'application de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaire, est devenue sans objet du fait que son contrat de travail est soumis à la convention collective nationale du transport routier et activités connexes depuis le mois de septembre 2019,

- Le rapport produit par le salarié (rapport Syndex) repose sur des analyses approximatives et ne tient pas compte des critères de classification retenus par la convention collective,

- Les fonctions exercées par M. [F] ne peuvent pas correspondre à un autre poste que celui de préparateur de commandes, de sorte que la classification conventionnelle retenue (niveau 2) est correcte,

- M. [F] ne communique aucun élément de nature à justifier des tâches qui permettraient, selon lui, de relever d'un niveau 5, et ne démontre pas qu'il remplit l'ensemble des critères classants cumulatifs (quatre critères) correspondant au niveau 5 de la classification professionnelle de la convention collective nationale de commerce de détail non alimentaire,

- M. [F] ne dispose notamment pas du diplôme exigé par la convention collective pour prétendre au niveau 5,

- M. [F] ne se compare à aucun salarié relevant du niveau T3 de la grille salariale interne et ne fait donc la démonstration d'aucune atteinte au principe de l'égalité de traitement,

- M. [F] n'exerce aucune des missions et tâches d'un salarié relevant du niveau T3,

- Dans tous les cas, il est faux de soutenir que le niveau 5 de la classification professionnelle de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaire anciennement applicable correspondrait au niveau T3 de la classification interne de la SAS Amazon France Logistique,

- En tout état de cause, le calcul du rappel de salaire est erroné.

Sur ce,

Premièrement le salaire minimum conventionnel, qui revêt un caractère obligatoire, résulte de la classification du salarié dans la convention collective applicable. L'employeur peut y déroger dans un sens plus favorable au salarié.

Deuxièmement, la qualification professionnelle d'un salarié s'apprécie en considération des fonctions qu'il remplit effectivement au sein de l'entreprise, cette appréciation devant se faire par ailleurs au regard de la classification conventionnelle applicable à la relation contractuelle de travail entre les parties.

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure à titre principal, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

La classification d'un salarié dépend des fonctions effectivement exercées que le juge apprécie.

Les fonctions réellement exercées, qui sont prises en compte pour déterminer la qualification d'un salarié, sont celles qui correspondent à son activité principale, et non celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel.

En cas de sous-classement, le salarié doit être replacé de manière rétroactive au niveau auquel son poste correspond.

Troisièmement, il résulte du principe « à travail égal, salaire égal » que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L. 3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l'article 1353 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Selon l'article 1er (« Présentation de la classification conventionnelle ») du chapitre XII (« Classification ») de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012 :

« (') Le système de classification conventionnelle intègre un système mixte fondé sur des critères définis de façon rigoureuse et objective comportant un nombre significatif d'emplois repères assorti de « niveau de classement » permettant de concrétiser les écarts hiérarchiques.

Les partenaires sociaux ont choisi cette méthode en tenant compte des spécificités de la branche : le commerce de détail non alimentaire qui regroupe au moins dix activités économiques différentes. Cette classification est applicable à tout type d'entreprise, d'établissement et à tout type de fonction. Elle repose sur l'utilisation de critères classants qui permettent d'analyser les fonctions indépendamment de la personnalité d'un salarié et de toute appellation d'emploi utilisée dans l'entreprise.

a) Notion de critères classants

Chaque niveau hiérarchique repose sur des critères explicites (compétences et connaissances, complexité du poste et multiactivité, autonomie et responsabilité, communication et dimension relationnelle).

Pour les emplois non répertoriés dans les emplois repères, le classement effectif des postes est laissé à l'entreprise qui évalue le degré de qualification nécessaire à l'emploi en fonction des éléments déterminés par la branche (voir art. 3 « Emplois repères »).

b) Emplois repères

Les emplois repères illustrent concrètement des emplois de la branche. Ils sont destinés à faciliter la mise en 'uvre du classement dans les entreprises.

Le système de classement peut être ainsi utilisé dans toutes les filières de l'entreprise.

La nouvelle classification doit encourager la progression personnelle du salarié et son évolution professionnelle dans l'entreprise ou dans les entreprises de la branche. Elle doit permettre la reconnaissance de l'engagement du salarié dans l'exercice de son métier au sein de l'entreprise.

Les partenaires sociaux attirent l'attention des entreprises sur l'importance de la classification et sur l'obligation de l'appliquer dans l'entreprise :

- la classification doit faire le lien entre le niveau de qualification nécessaire à l'emploi et la rémunération minimale de base en dehors de toute partie variable en vigueur dans l'entreprise. Ainsi la classification assure la relation avec la rémunération et permet d'appliquer le principe selon lequel toute progression de niveau de classification est associée à une progression de la rémunération ;

- la classification de l'emploi doit figurer sur le bulletin de paie (emploi, niveau) ;

- la classification des emplois est aussi un élément qui permet à la branche d'élaborer le rapport annuel présentant la situation professionnelle comparée des femmes et des hommes et les indicateurs propres aux secteurs d'activité couverts (situation économique et sociale). L'élaboration de ce rapport permet la négociation en toute connaissance de cause et favorise ainsi la négociation dans la branche. (...) ».

Selon l'article 2 (« Système des critères classants ») :

« Les critères classants sont les références qui permettent de distinguer les niveaux d'exigence des différents emplois ou compétences. Ils permettent de hiérarchiser les emplois les uns par rapport aux autres et d'établir l'adéquation entre le contenu des emplois et les capacités nécessaires pour les exercer. Ainsi qu'il est précisé à l'article 3, les employeurs doivent se référer aux critères classants qui viennent en appui des emplois repères.

2.1. Définition des critères retenus

Quatre critères classants ont été retenus : compétences et connaissances, complexité du poste et multiactivité, autonomie et responsabilité, communication et dimension relationnelle.

a) Compétence et connaissances :

La compétence est un critère qui tient compte de la somme des connaissances nécessaires pour exercer la fonction et en avoir la maîtrise.

Les connaissances sont déterminées soit par :

- un niveau d'éducation nationale minimal requis ou non selon la nature de l'emploi ;

- la maîtrise opérationnelle acquise par un diplôme, un titre professionnel ou technique ou un certificat de qualification professionnelle (CQP) ;

- la maîtrise opérationnelle acquise par expérience professionnelle ;

- la formation continue ;

- la validation des acquis de l'expérience (VAE) selon les dispositions légales et réglementaires dispensée par les organismes agréés.

b) Complexité du poste et multiactivité :

La complexité du poste se définit selon le degré et la difficulté des tâches à accomplir, les informations à collecter, les réflexions à mener et les objectifs communs à atteindre.

La multiactivité est une richesse pour les salariés et les entreprises du commerce de détail non alimentaire. Elle se caractérise par la faculté soit d'assurer de façon habituelle plusieurs fonctions de nature différente au sein d'une même filière ou dans le cadre d'une même spécialité.

La multiactivité exercée habituellement se matérialise par le classement et la rémunération minimum afférente au moins au niveau le plus élevé des fonctions assurées conformément aux emplois repères définis.

Toutefois, selon la structure des entreprises, la nature même de certaines fonctions implique que les salariés peuvent être amenés à exercer occasionnellement une fonction d'un statut hiérarchique supérieur (employés et ouvriers, agents de maîtrise, cadres). Dans ce cas, les salariés qui se voient confier la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur à leur niveau, pendant au moins 3 semaines consécutives, bénéficieront, proportionnellement au temps passé, sous forme de prime différentielle, du salaire minimum garanti à ce niveau.

c) Autonomie et responsabilité

L'autonomie, c'est la faculté d'effectuer des choix sur les actions et les moyens à mettre en 'uvre pour l'exercice de l'activité en vue de la réalisation d'objectifs. Ce critère évolue selon :

- la nécessité, la fréquence, l'étendue et la distance du contrôle ;

- le degré d'autonomie que requiert l'emploi ;

- les missions spécifiques confiées ;

- le degré de délégation pour l'animation et/ou le contrôle d'équipe, de représentation, de négociation, de gestion, de signature... ;

- la contribution aux performances de l'entreprise par des actions internes ou externes.

L'autonomie évolue selon le degré de latitude d'action dont dispose le salarié dans l'emploi liée à sa complexité et aux difficultés des situations rencontrées.

La responsabilité est le fait d'apporter dans l'exercice de la fonction une contribution aux performances de l'entreprise par des actions internes ou des actions internes et externes à celle-ci (clients, fournisseurs').

d) Communication et dimension relationnelle

Ce critère concerne l'exigence de contact nécessaire à l'exercice de la fonction selon le niveau hiérarchique dans la situation relationnelle avec les acteurs externes de l'entreprise.

Selon le niveau, la dimension relationnelle s'analyse comme l'aptitude à s'insérer dans la vie de l'entreprise, à coopérer, participer au sein d'une équipe, ou animer une équipe afin de répondre aux besoins de la clientèle ».

Selon l'article 3 (« Emplois repères ») :

« Les emplois repères ne représentent nullement une liste exhaustive des emplois et de leur évolution dans les différents métiers couverts par le champ d'application de ladite convention collective nationale. Ils ont été jugés significatifs et donc « repères » pour deux raisons :

- ils sont présents dans de nombreuses entreprises ;

- ils concernent le plus grand nombre de salariés.

Ainsi qu'il est précisé à l'article 1 b, les employeurs doivent se référer aux emplois repères.
Ces emplois repères figurent en annexe du présent chapitre. Dans le cas où l'emploi ne serait pas référencé dans les emplois repères, les critères classants permettent de déterminer le niveau de l'emploi occupé.

En cas d'appellation d'emploi dans une langue étrangère, le contrat de travail et la fiche de paie mentionneront la correspondance en langue française ».

Selon l'article 4 (« Rémunération minimale mensuelle ») :

« Le classement détermine le montant de la rémunération minimale mensuelle de base garantie au salarié en dehors de toute partie variable en vigueur dans l'entreprise.

Sauf à justifier toute disparité de salaire, les employeurs doivent assurer une égalité de rémunération entre les salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

L'employeur doit tenir compte des fonctions réellement exercées dans l'entreprise par le salarié ».

Selon l'avenant du 5 juin 2008 relatif à la classification des emplois de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires :

« Employés et ouvriers, niveau 2 :

Critères classants :

Compétences et connaissances :

Emploi qui requiert un minimum de connaissances professionnelles correspondant à un niveau de formation CAP ou BEP (niveau V de l'éducation nationale) ou équivalent ou résultant d'une expérience professionnelle équivalente telle que définie à l'article 3. 1 de l'accord du 5 juin 2008.

Compétences simples mais permettant de tenir plusieurs postes de niveau 1.

Complexité du poste et multiactivité :

Exécute des tâches simples, répétitives et variées concernant plusieurs filières (vente, administration, services, ateliers) ou activités limitées à deux postes ou exécute des tâches relatives à une seule activité mais plus complexes qu'au niveau 1.

Adaptation à l'emploi ne dépassant pas une semaine

Autonomie et responsabilités :

Fait preuve d'initiative, applique des consignes générales nécessitant des adaptations occasionnelles, dans la limite des directives et des procédures.

Communication et dimension relationnelle :

Emploi qui nécessite de savoir communiquer sur des sujets courants et coopérer (travailler en équipe à la réalisation d'objectifs communs) ».

« Employés et ouvriers, niveau 4 :

Compétences et connaissances :

Emploi qui requiert un minimum de connaissances professionnelles correspondant un niveau de formation équivalent au moins à bac + 2 (niveau III de l'éducation nationale) ou résultant d'une expérience professionnelle équivalente telle que définie à l'article 3. 1 de l'accord du 5 juin 2008.

Compétences globales sur l'ensemble de l'activité (vente, caisse, secrétariat...) relatives au poste occupé et complétées par une spécialisation.

Complexité du poste et multiactivité :

Effectue des opérations qualifiées nécessitant une bonne technicité et une spécialisation ou effectue des opérations qualifiées nécessitant une polyvalence sur plusieurs postes de niveaux inférieurs.

Autonomie et responsabilités :

Fait preuve d'initiative dans la résolution des problèmes.

Responsabilité limitée aux décisions d'adaptation prises dans le respect des directives et des procédures.

Communication et dimension relationnelle :

Emploi qui nécessite de savoir communiquer sur des sujets propres à leur métier, coopérer, former (transmettre des connaissances ou de l'expérience) dans son domaine de compétences ».

« Employés et ouvriers, niveau 5 :

Compétences et connaissances :

Emploi qui requiert des connaissances professionnelles reconnues par un diplôme d'étude supérieure de niveau BTS, DUT, DEUG ou équivalent (niveau III de l'éducation nationale) ou une expérience professionnelle confirmée, équivalente telle que définie à l'article 3. 1 de l'accord du 5 juin 2008.

Emploi exigeant des compétences générales d'animation d'équipe ou des compétences spécialisées dans une filière ou une activité.

Complexité du poste et multiactivité :

Effectue des opérations complexes liées à l'animation d'une équipe ou à un poste spécialisé dans une activité nécessitant la connaissance et l'expérience professionnelles correspondantes.

Autonomie et responsabilités :

Autonomie dans les tâches confiées.

Aide à l'animation et à la coordination de l'activité de plusieurs salariés (de niveaux 1 à 4) sous la responsabilité d'un salarié de niveau supérieur.

Responsabilité étendue à l'organisation des tâches et la fixation des priorités.

Communication et dimension relationnelle :

Emploi qui nécessite de savoir communiquer sur des sujets complexes, coopérer, former (transmettre des connaissances ou de l'expérience) dans son domaine de compétences ».

Par ailleurs, s'agissant des « critères classants », il est précisé : « Quelle que soit la filière, les 4 critères classants viennent en appui de l'emploi repère. Ils permettent d'apprécier les exigences minimales auxquelles l'emploi doit répondre concomitamment pour pouvoir y être classé (voir art. 3) ».

Et s'agissant de la « multiactivité » : « La multiactivité (ou polyvalence) exercée habituellement se matérialise par le classement et la rémunération minimum afférente au moins au niveau le plus élevé des fonctions assurées conformément aux emplois repères définis. Toutefois, selon la structure des entreprises, la nature même de certaines fonctions implique que les salariés puissent être amenés à exercer occasionnellement une fonction d'un statut hiérarchique supérieur (employés et ouvriers, agents de maîtrise, cadres). Dans ce cas, les salariés qui se voient confier la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur à leur niveau, pendant au moins 3 semaines consécutives, bénéficieront, proportionnellement au temps passé, sous forme de prime différentielle, du salaire minimum garanti à ce niveau (voir art. 3. 1 b) ».

Enfin, le contrat de travail de M. [F] ne définit pas les fonctions qui lui sont confiées, le contrat précisant uniquement : « Le détail des fonctions du salarié et ses attributions spécifiques seront déterminés par la société en fonction du développement de l'activité et des besoins de la société ».

A titre liminaire, le fait que la SAS Amazon France Logistique ne relève plus de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012 depuis le mois de septembre 2019, mais de la convention collective du transport routier et activités connexes, n'a pas pour effet de rendre les demandes de M. [F] sans objet, dès lors que, M. [F] alléguant qu'il n'a pas bénéficié de la classification prévue par la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires correspondant aux fonctions qu'il exerçait effectivement, formule, outre une demande de reclassification à compter du mois de juin 2017, une demande de rappel de salaire à ce titre.

En outre, une demande de reclassification sur une période révolue n'est pas dépourvue d'objet, même en l'absence de demande de rappel de salaire afférente, dès lors que tout salarié a un intérêt à pouvoir établir vis-à-vis d'un autre employeur que le sien les fonctions qu'il a effectivement exercées au cours d'une période donnée en se prévalant de la classification qui était la sienne au cours de ladite période d'emploi.

Par ailleurs, le fait que M. [F] aurait perçu durant cette période une rémunération supérieure à la rémunération minimale prévue par la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012 pour la classification à laquelle il prétend n'a pas non plus pour effet de rendre sa demande de reclassification sans objet, dès lors que le salarié fonde également sa demande de rappel de salaire pour la période non prescrite, soit à compter du mois de juin 2017, sur le fait qu'il aurait dû bénéficier d'une classification interne à la SAS Amazon France Logistique lui ouvrant droit à une rémunération supérieure, dont l'application résulterait elle-même du niveau de classification conventionnelle auquel il prétend sur le fondement de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires.

Aucune des demandes formulées par M. [F] n'étant sans objet, le moyen soulevé par la SAS Amazon France Logistique visant à ce que M. [F] soit débouté de l'ensemble de ces demandes à ce titre n'est pas fondé.

S'agissant de la classification conventionnelle revendiquée, il ressort des bulletins de paie versés aux débats que M. [F] a occupé entre les mois de janvier 2017 et de juin 2019 le poste d'agent d'exploitation confirmé, classé au niveau ouvrier et employé niveau 2 de la convention nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012.

La cour relève que les bulletins font mention du salaire minimum conventionnel et du salaire perçu par le salarié pour un temps plein, en l'occurrence 1505 euros pour le salaire minimum et 1741,17 euros pour le salaire de base perçu par le salarié pour le mois de juin 2019, bulletin de paie le plus récent versé aux débats.

Le salarié, sur lequel repose la charge de la preuve des fonctions effectivement exercées à titre principal justifiant sa classification à un niveau supérieur, apporte des éléments établissant qu'il aurait dû bénéficier de la qualification d'employés et ouvriers de niveau 4 de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires sur la période de janvier 2017 à août 2019.

En premier lieu, M. [F] démontre qu'il effectuait de manière régulière des tâches relevant de la classification employé de niveau 4.

En effet, le salarié verse aux débats :

- Plusieurs messages rédigés par ses soins au cours des années 2017 et 2018, sa signature et sa photographie apparaissant en bas de chacun desdits messages, dans une interface de travail intitulée « Trouble ticketing » dont tous les champs sont en langue anglaise, dans lesquels M. [F] fait part de problèmes rencontrés dans le traitement d'une commande, la cour relevant que certains des messages produits font partie d'une conversation en langue anglaise avec plusieurs correspondants visant à résoudre le problème initialement identifié ;

- Des courriels internes envoyés par le salarié entre 2017 et 2019 portant sur l'« état des lieux solving outbound » ;

- Une liste d'un grand nombre d'entrées des « tickets » dans lequel le salarié est intervenu, une recherche des tickets ayant été faites avec comme mot clé le nom du salarié.

A l'examen de ces éléments, il n'apparaît pas que les tâches de résolution des problèmes liés au traitement d'une commande correspondent à celles pouvant être dévolues à un préparateur de commande de niveau 2, telles qu'elles sont mentionnées sur la fiche dit ROME « N1103 ' Magasinage et préparation de commandes » produite par la SAS Amazon France Logistique, ces tâches nécessitant manifestement certaines compétences techniques qui ne sont pas requises pour les tâches confiées aux employés de niveau 2, mais sont en revanche nécessaires pour effectuer les tâches confiées à des employés de niveau 4.

Par ailleurs, la SAS Amazon France Logistique ne fournit aucune explication sur le processus de résolution des problèmes liés au traitement d'une commande permettant d'établir que ces tâches, qui impliquent l'utilisation d'une interface particulière, ne nécessitent pas « une bonne technicité et une spécialisation ».

En revanche, il n'est pas démontré par le salarié que les tâches de résolution des problèmes de commande, telles qu'elles ressortent des pièces produites par le salarié, relèveraient d'un « poste spécialisé dans une activité nécessitant la connaissance et l'expérience professionnelles correspondantes ».

En outre, M. [F] ne démontre pas qu'il était amené, dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, à animer une équipe.

Ainsi, il ne peut être retenu que ces tâches correspondent à des « opérations complexes liées à l'animation d'une équipe ou à un poste spécialisé dans une activité nécessitant la connaissance et l'expérience professionnelles correspondantes », et relèvent ainsi du niveau 5.

En conséquence, les éléments produits susvisés, pris ensemble, sont suffisants pour retenir que M. [F], qui intervenait, en collaboration avec d'autres intervenants dans le processus de résolution des difficultés rencontrées dans la préparation d'une commande, effectuait de manière régulière, au moins depuis l'année 2017, des « opérations qualifiées nécessitant une bonne technicité et une spécialisation ou (des) opérations qualifiées nécessitant une polyvalence sur plusieurs postes de niveaux inférieurs » relevant du niveau 4 de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires.

En deuxième lieu, si M. [F] ne démontre pas qu'il détenait les diplômes ou le niveau d'étude nécessaire pour prétendre à une classification de niveau 4 ou de niveau 5, il ne peut être contesté que le salarié, embauché en mai 2011, disposait au début de l'année 2017, compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise, une « maîtrise opérationnelle acquise par expérience professionnelle » au sens des dispositions de l'article 3. 1 de l'accord du 5 juin 2008.

En troisième lieu, il s'évince des courriels et messages internes produits par le salarié, que celui-ci fait preuve « d'initiative dans la résolution des problèmes », tout en voyant « sa responsabilité limitée aux décisions d'adaptation prises dans le respect des directives et des procédures », et qu'ainsi les fonctions de résolution des problèmes dans le traitement des commandes relèvent, au titre du critère de l'autonomie, du niveau 4 de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012.

En quatrième lieu, il ressort des éléments produits par le salarié que celui-ci savait « communiquer sur des sujets propres à (son) métier et coopérer dans son domaine de compétences », la résolution des problèmes de commande faisant intervenir plusieurs protagonistes avec lesquels M. [F] avait à échanger, parfois en langue anglaise.

En outre, M. [F] produit plusieurs messages internes démontrant qu'il a été amené à former d'autres salariés dans son domaine de compétence (résolution des problèmes liés au traitement des commandes) au cours de l'année 2017.

En considération de ces éléments, il y a lieu de retenir que M. [F] démontre que les tâches qu'il effectuait à titre principal relevaient du niveau 4 de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires.

Dès lors, il y a lieu de procéder à sa reclassification à cet échelon à compter du mois de janvier 2017, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.

S'agissant de la classification interne définie au sein de la société, M. [F] sollicite l'application du niveau T3 de la classification interne à la SAS Amazon France Logistique et la rémunération versée aux salariés classés à ce niveau, au motif que le niveau de classification interne T3 devrait correspondre au niveau de classification conventionnelle employé de niveau 5, le salarié soutenant que la SAS Amazon France Logistique n'était pas fondée à appliquer à différents niveaux de la classification conventionnelle (employé niveau 1 à niveau 5) un même niveau de sa classification interne (T1) et réciproquement à classer à des niveaux différents de sa classification interne des salariés relevant du même niveau de la classification conventionnelle.

Il n'est pas contesté par la SAS Amazon France Logistique qu'elle applique une classification interne, et que cette classification ne se superpose pas aux échelons de la classification conventionnelle qu'elle est tenue d'appliquer.

Mais dès lors qu'il a été retenu que M. [F] ne démontrait pas qu'il aurait dû se voir appliquer la classification conventionnelle employé niveau 5, il n'y a pas lieu de statuer sur le point de savoir si le niveau 5 devrait correspondre au niveau T3 de la classification interne à la SAS Amazon France Logistique et non au niveau T1, et si les niveaux internes appliqués par l'employeur étaient moins favorables que la classification définie par la convention collective, ces moyens étant inopérants.

S'agissant de la demande de rappel de salaire au titre de la reclassification au niveau 4 de la convention nationale des commerces de détail non alimentaires sur la période de janvier 2017 à août 2019, selon l'avenant n° 6 du 26 janvier 2017 relatif aux salaires minima pour l'année 2017, le salaire minimal conventionnel pour le niveau 2 est fixé à 1 505 euros et il est fixé à 1549 euros pour le niveau 4.

Et selon l'avenant n° 7 du 28 mars 2019 relatif aux salaires minima, le salaire minimal pour le niveau 2 est fixé à 1560 euros pour le niveau 2 et il est fixé à 1605 euros pour le niveau 4.

Il ressort des bulletins de paie produits par le salarié que celui-ci a toujours perçu un salaire de base supérieur au salaire minimum conventionnel fixé pour le niveau 4, de sorte qu'il ne peut prétendre à aucun rappel de salaire à ce titre.

La SAS Amazon France Logistique conteste la demande de rappel de salaire formulé par M. [F] au titre de la rémunération maximale du niveau T1 de la classification Amazon, à laquelle le salarié prétend en raison de sa reclassification au niveau 4 de la convention nationale des commerces de détail non alimentaires, alléguant d'une part que le salarié, classé en niveau T1, a perçu la rémunération afférente à ce niveau de classification, d'autre part qu'il ne justifie pas du quantum de la somme demandée à ce titre.

Selon le principe d'égalité de traitement, des salariés placés dans une situation identique ou similaire doivent en principe pouvoir bénéficier des mêmes droits individuels et collectifs qu'il s'agisse des conditions de rémunération, d'emploi, de travail ou de formation.

Seules sont présumées justifiées, pour autant qu'elles résultent d'un accord collectif et à condition qu'elles ne relèvent pas d'un domaine où est mis en oeuvre le droit de l'Union Européenne, les différences de traitement entre catégories professionnelles, collaborateurs appartenant à des établissements distincts, ou s'agissant d'une entreprise de prestation de services, entre salariés affectés à des sites ou des établissements différents ou enfin, entre ceux exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes.

S'agissant des premières, c'est au salarié d'apporter non seulement des éléments de preuve de la réalité de l'inégalité, laquelle résulte le plus souvent des termes même de l'accord collectif, mais il lui faut aussi démontrer que cette différence de traitement est étrangère à toute considération de nature professionnelle.

En revanche, s'agissant du régime de la preuve des autres inégalités de traitement, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal» de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité et ensuite, le cas échéant, à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.

Or, M. [F] échoue à matérialiser des éléments de faits susceptibles de caractériser que des salariés exerçant des fonctions identiques aux siennes seraient soit classés à un niveau supérieur de la convention collective soit classé à un niveau supérieur de la classification interne et bénéficieraient à ce titre d'une rémunération supérieure à la sienne, ou, bien que classés au même niveau conventionnel ou interne que lui, ils bénéficieraient d'une rémunération supérieure à la sienne.

En effet, le salarié se limite à produire des extraits du rapport Syndex dont il ressort que « depuis la suppression du T2, il n'existe donc qu'un seul niveau pour les employés-ouvrier d'Amazon France Logistique : le T1 qui recouvre donc la totalité des niveaux conventionnels de cette catégorie socio-professionnelle. Nous ignorons si les salaires garantis de ces 5 niveaux conventionnels sont respectés et ce n'est pas l'objet de cette étude » (page 87).

Toutefois, cette analyse, bien que non contestée par la SAS Amazon France Logistique s'agissant du classement dans la même catégorie interne T1 de l'ensemble des salariés classés conventionnellement aux niveaux 1 à 5, n'est pas à elle seule, faute d'être corroborée par des éléments de fait pertinents, susceptible de caractériser une inégalité de traitement entre des salariés placés dans une situation identique.

Le salarié demande, outre un rappel de salaire au titre de la reclassification, un rappel de prime de treizième mois, alléguant qu'il percevait chaque année en juin et en novembre une prime de treizième mois, ainsi que la condamnation de son employeur à lui allouer des actions de la SAS Amazon France Logistique dont le nombre a été calculé en fonction des actions perçues par un salarié classé au niveau T3 depuis son embauche par comparaison avec un salarié classé au niveau T1.

Dès lors, il y a lieu de débouter M. [F] de sa demande de reclassification au niveau T3 de la classification interne à la SAS Amazon France Logistique, et de sa demande de rappel de salaire formulée à ce titre, de sa demande à titre subsidiaire de rappel de salaire au titre de la rémunération maximale perçue par un salarié de niveau T1, de sa demande de rappel de prime de treizième mois, et de sa demande d'allocation d'actions de la SAS Amazon France Logistique, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail :

Moyens des parties,

M. [F] fait valoir que :

- En transposant de manière unilatérale la convention collective nationale sans respecter les critères de classification définis par les partenaires sociaux, la SAS Amazon France Logistique n'a pas exécuté de manière loyale et de bonne foi la convention collective,

- La SAS Amazon France Logistique a manqué au principe « A travail égal salaire égal »,

- Il a subi un manque à gagner important chaque mois, ayant des incidences sur son niveau de vie,

- Il a droit à la réparation du préjudice subi en conséquence de ce manquement.

La SAS Amazon France Logistique fait valoir pour sa part que :

- M. [F] ne fait la démonstration d'aucune exécution déloyale de la convention collective,

- Il ne fait la démonstration d'aucun préjudice distinct.

Sur ce,

Il résulte de l'article L. 1222-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié.

Il a été précédemment jugé que M. [F] devait être classé au niveau 4 de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012 pour la période de janvier 2017 à août 2019.

Pour autant, il a été constaté que le salarié a perçu durant cette période une rémunération supérieure au salaire minimum conventionnel fixé pour le niveau 4.

Et M. [F] ne présente pas d'élément de fait susceptible de caractériser un manquement au principe « à travail égal, salaire égal ».

Aussi il convient de constater qu'il ne se prévaut d'aucun autre préjudice susceptible de résulter de l'application de la classification interne mise en cause.

En conséquence, M. [F] est débouté de sa demande de dommages et intérêts formulée à ce titre, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement entrepris est infirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

La SAS Amazon France Logistique, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et à verser à M. [F] la somme sollicitée de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette condamnation emportant nécessairement rejet de la demande reconventionnelle de la SAS Amazon France Logistique formulée à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Débouté M. [Z] [F] de sa demande à titre de rappel de salaire sur classification, et des congés payés afférents,

- Débouté M. [Z] [F] de sa demande à titre de rappel de prime de treizième mois, et des congés payés afférents,

- Débouté M. [Z] [F] de sa demande de remise d'actions de la SAS Amazon France Logistique sous astreinte,

- Débouté M. [Z] [F] de sa demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,

- Débouté la SAS Amazon France Logistique de sa demande reconventionnelle faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté M. [Z] [F] des prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [Z] [F] aux dépens ,

L'INFIRME en ce qu'il a dit et jugé que M. [F] n'apporte aucune preuve, ni aucun justificatif de tâches, ni aucun élément, faisant apparaître qu'il exerçait de telles fonctions qui le ferait relever du niveau 5, ni même du niveau 4 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

JUGE que M. [Z] [F] doit être reclassé au niveau 4 de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012 pour la période de janvier 2017 à août 2019,

DEBOUTE la SAS Amazon France Logistique de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS Amazon France Logistique à verser à M. [Z] [F] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS Amazon France Logistique aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Hélène Blondeau-Patissier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 22/04175
Date de la décision : 30/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-30;22.04175 ?
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