N° RG 22/03159 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LPY7
N° Minute :
C2
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sarah IVANOVITCH
la SELARL CDMF AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 30 AVRIL 2024
Appel d'un jugement (N° R.G. 20/02552) rendu par le tribunal judiciaire de Valence en date du 12 juillet 2022, suivant déclaration d'appel du 12 août 2022
Appelants :
M. [W] [C]
né le [Date naissance 8] 1958 à [Localité 17]
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Adresse 12]
Mme [I] [P] épouse [C]
née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 21]
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Adresse 12]
M. [R] [C]
né le [Date naissance 2] 1995 à [Localité 25]
de nationalité Française
[Adresse 13]
[Adresse 13]
Mme [Z] [C]
née le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 22]
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Adresse 14]
représentés et plaidant par Me Sarah IVANOVITCH, avocat au barreau de VALENCE
Intimés :
M. [H] [O]
né le [Date naissance 9] 1986 à [Localité 19]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Adresse 11]
Mme [M] [A]
née le [Date naissance 10] 1986 à [Localité 24]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Adresse 11]
S.A. MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 18]
[Adresse 18]
représentés et plaidant par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle Cardona, présidente,
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,
Mme Ludivine Chetail, conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 février 2024
Mme Emmanuèle Cardona, présidente,entendue en son rapport,
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,
Mme Ludivine Chetail, conseillère,
Assistées lors des débats de Mme Caroline Bertolo, greffière, en présence de Tiffany Cascioli, greffière stagiaire,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour.
FAITS ET PROCEDURE
M. [W] [C] et Mme [I] [P] épouse [C] sont propriétaires d'un tènement immobilier cadastré section [Cadastre 16], [Cadastre 15], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7] lieu dit '[Localité 20]' et [Cadastre 23], lieu dit '[Adresse 3]'.
Ils ont fait édifier sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 23], au [Adresse 3], conformément à un permis de construire délivré le 26 juillet 1996, un batiment d'élevage de poules pondeuses.
Suivant permis de construire délivré le 17 juin 2004, ils ont obtenu le changement de destination du bâtiment et aménagé deux logements mitoyens :
- une maison d'habitation occupée par les propriétaires, d'une surface habitable d'environ 280 m² avec piscine intérieure et garage, située au Nord du bâtiment ;
- une maison d'habitation destinée à la location, d'une superficie d'environ 176 m² avec garage, située au Sud du bâtiment.
Les époux [C] ont installé des panneaux photovoltaïques sur le versant Ouest de la toiture de l'immeuble, répartis en trois zones de production indépendantes (zone 1 et 2 au-dessus de la cuisine et du débarras de la maison des propriétaires. Zone 3 au-dessus du garage de la maison des locataires).
Suivant acte sous signature privée en date du 23 décembre 2013, a effet du 1er janvier 2014, M. [W] [C] et Mme [I] [P] épouse [C] ont donné à bail à M. [H] [O] et Mme [M] [A] la maison située au [Adresse 3] (un logement de 176 m2 et un garage de 48 m², le tout sur un terrain d'environ 1 000m² cloturé avec portail, 4 chambres, une salle de bains-WC, un cellier, une cuisine meublée à neuf, un salon-séjour), moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 857.00 € outre charges.
M. [H] [O] était titulaire, pour la période comprise entre le 23 décembre 2013 et le 31 décembre 2014, d'un contrat d'assurance 'Résidenceprincipale -Tempo Habitation', souscrit auprès de la société MAAF ASSURANCES, garantissant notamment les dommages aux biens immobiliers et mobiliers dont il est détenteur et les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu'i1 peut encourir en raison des dommages matériels causés aux voisins ou aux tiers, à la suite d'incendie, d'explosion ou de fuite d'eau, de bris de glace et d'autres évènements prévus au contrat survenant dans le logement.
Le 30 mai 2014, un incendie s'est produit dans 1e batiment, détruisant les deux maisons d'habitation occupées par les consorts [C] et [O]-[A].
Les sapeurs-pompiers, alertés à 18 heures 07, sont arrivés sur place à 18 heures 21.
Le procès-verbal de synthèse n° 2053/2014 établi par les gendarmes de la brigade de [Localité 26] conclut que l'incendie, dont la cause est indéterminée, est d'origine accidentelle.
La procédure pénale a été classée sans suite le 29 juin 2014.
Par jugement en date du 19 décembre 2014, la juridiction de proximité de Valence a déclaré Mme [M] [A] irrecevable en sa demande de restitution du dépôt de garantie et a débouté M. [H] [O] de cette même demande et a rejeté les autres demandes principales et reconventionnelles des parties.
Par ordonnance du 5 mars 2015, le juge des référés du tribunal judiciaire de Valence a débouté les époux [C] de leurs demandes dirigées contre leurs locataires et la société MAAF Assurances, fondées sur les dispositions de l'article 1733 du code civil.
Par arrêt en date du 15 décembre 2015, la cour de céans a confirmé l'ordonnance.
Par nouvelle ordonnance du 13 avril 2016, le juge des référés, saisi par les époux [C], a ordonné une expertise judiciaire, confiée à M. [J] [Y], afin notamment de déterminer les causes de l'incendie du 30 mai 2014 et d'indiquer le lieu précis de naissance de l'incendie.
M. [Y] a déposé son rapport le 11 mai 2020.
Par actes des 9 et 20 octobre 2020, M. [W] [C], Mme [I] [C], M. [R] [C] et Mme [Z] [C] (les consorts [C]) ont fait assigner M. [H] [O], Mme [M] [A] et la société MAAF Assurances devant le tribunal judiciaire de Valence, aux fins de voir dire les locataires responsables de leurs préjudices et de les condamner avec leur assureur la MAAF, à les indemniser.
Par jugement du 12 juillet 2022 ladite juridiction a :
débouté les consorts [C] de l'intégralité de leurs demandes dirigées tant à l'encontre de M. [O] et de Mme [A], qu'à l'encontre de la MAAF,
débouté M. [O], Mme [A] et la MAAF de leurs demande reconventionnelles,
condamné in solidum les consorts [C] à payer à M. [O], Mme [A] et la MAAF, unis d'intérêts, la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
M. [W] [C], Mme [I] [C], M. [R] [C] et Mme [Z] [C] ont interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles.
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives, dont le dispositif doit être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des demandes mais reprennent les moyens soutenus dans les motifs, ils demandent à la cour de :
- infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté M. [O], Mme [A] et la MAAF de leurs demandes reconventionnelles,
- rejeter les conclusions de l'expert, selon lequel le débarras [C] est le point d'origine du sinistre,
- juger les locataires sont pleinement responsables des préjudices qu'eux-mêmes et leurs enfants ont subi,
- rendre exécutoire le protocole d'accord intervenu entre les époux [C] et les experts d'assurance le 5 septembre 2017,
- condamner M. [O], Mme [A] et leur compagnie d'assurance LA MAAF à indemniser les époux [C] sur des sommes évaluées par les experts d'assurance, les époux [C] et le cabinet BEAL EXPERTISE par le protocole d'accord du 05 septembre 2017 quant à la reconstruction du tènement immobilier, à savoir :
- La reconstruction des deux habitations 859.819,74 € T.T.C., indexée sur
l'évolution de l'indice de la construction depuis la date de l'évaluation jusqu'à la
date de la décision définitive,
- La démolition et le déblai 38.847,60 € T.T.C.,
- Les honoraires de l'architecte, SPS et bureau d'étude : 85.981,97 € T.T.C.,
- Diagnostic amiante avant travaux : 220,00 euros T.T.C.,
- Réfection des abords : 2.000 euros T.T.C.,
- Le contenu du bien immobilier : 66.574,00 €
- La location d'une camionnette pour le sauvetage du mobilier: 100,00 €,
- Les honoraires du cabinet BEAL 5% du montant réglé sur le fondement du PV d'évaluation des dommages imputables au sinistre à réévaluer au jour de l'exécution de la décision,
- La perte de revenus mensuelles :
' La perte de loyers : 857,00 € par mois à compter du 1 er juin 2014 jusqu'à quatorze mois après l'exécution de la décision judiciaire, quatorze mois étant la durée nécessaire pour la réalisation des travaux,
' La perte d'usage : 1.200 € par mois à compter du 1 er juin 2014 jusqu'à quatorze mois après l'exécution de la décision judiciaire, quatorze mois étant la durée nécessaire pour la réalisation des travaux,
' La perte de la production d'électricité à compter du 1 er juin 2014 jusqu'à quatorze mois après l'exécution de la décision judiciaire, quatorze mois étant la durée nécessaire pour la réalisation des travaux, laquelle est évaluée
' Sur le logement [C] à 1.654,78 € par mois
' Sur le logement loué à 161,78 € par mois.
- indexer le montant de l'ensemble des indemnisations sollicitées ici (reconstruction et démolition) sur l'évolution de l'indice de construction (ICC de l'INSEE) au jour du prononcé de la décision définitive du tribunal de céans, puisqu'à la date du 1 er trimestre 2022 depuis l'accord par PV du 05/09/2017, celui-ci est à présent de 2037 au 16.12.2022,
- condamner M. [O], Mme [A] et leur compagnie d'assurance LA MAAF à verser aux époux [C] les postes de préjudices suivants :
' Les frais d'expertises, d'huissier de justice et d'avocat à hauteur de 18.292,00 euros
' L'édification du hangar de stockage : 4.977,60 €
' Le remboursement des frais d'assurances et des intérêts pour les prêts que les époux [C] ont été obligés de souscrire : 2.919,20 €
' Les frais de relogement : 44.247,27 €
' Les frais de relogement chez leur fille [Z]
1. Pour M. [C] : 9.368,21 €
2. Pour Mme [C] : 4.734,56 €
3. Pour le couple [C] : 1734,80 €
' Les frais de rééquipement par l'achat de biens : 16.368,77 €
' Le maintien des fluides sur la propriété incendiée : 1.948,85 €
' Le préjudice moral
1. De M. [W] [C] : 30.000 €
2. De Mme [I] [C] : 30.000 €
- condamner M. [O], Mme [A] et leur compagnie d'assurance LA MAAF à verser à [Z] et [R] [C], les enfants du couple [C], les postes de préjudices suivants :
' Le préjudice moral :
1. Pour [Z] [C] : 15.000 €
2. Pour [R] [C] : 25.000 €
' Les frais de relogement chez [Z] par [R] [C] : 4.345,08 €
- condamner M. [O], Mme [A] et leur compagnie d'assurance LA MAAF à verser la somme de 9.000 € pour les frais de de justice de première instance et d'appel, et la somme de 4.000,00 € au titre du remboursement des frais de première instance des consorts [O]/ [A] et de leur compagnie d'assurances réglée par les consorts [C] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers dépens.
- debouter les consorts [O] & [A] de leur demande à titre d'appel incident d'indemnisation par les époux [C],
- debouter les consorts [O] & [A] de l'ensemble de leurs demandes.
Au soutien de leurs prétentions ils exposent :
- qu'il contestent les conclusions de l'expert judiciaire sur le point de départ de l'incendie, à la suite de l'analyse qui en a été faite par deux experts privés,
- qu'ils n'étaient couverts qu'au titre de la responsabilité civile au jour du sinsitre et n'ont toujours pas été indemnisés,
- que les expertises privées qu'ils produisent démontrent que le départ de feu se trouve dans le garage des locataires et que le fait à l'origine de l'incendie est la mauvaise extinction d'un instrument de fumeur par M. [O] un jour de grand vent, dans un garage où s'amoncelait de la sciure,
- que dès lors qu'ils démontrent que l'incendie a pris naissance dans la partie louée, la présomption de responsabilité des articles 1733 et 1734 du code civil retrouve à s'appliquer,
- que les intimés doivent indemniser tant les dommages subis par les époux [C], que ceux subis par leurs enfants,
- qu'à défaut, il convient de retenir la responsabilité de M. [O] sur le fondement de l'article 1241 du code civil, pour imprudence,
- ils détaillent les préjudices subis et les indemnisations sollicitées.
Aux termes de leurs conclusions les intimés demandent à la cour de :
A titre principal :
Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les appelants de l'intégralité de leurs demandes et les dire infondées.
Debouter les demandeurs de l'intégralité de leurs demandes,
Faire doit à l'appel incident :
Condamner in solidum Monsieur [W] [C] et Madame [I] [C] à verser la somme de 30 240, 05 euros à la société MAAF en remboursement des sommes par elle avancées pour indemniser Monsieur [H] [O] et Madame [M] [A] de la perte de leurs biens par le fait de l'incendie,
Condamner in solidum Monsieur [W] [C] et Madame [I] [C] à verser la somme de 10 000 euros à Monsieur [H] [O] en réparation de son préjudice moral
Condamner in solidum Monsieur [W] [C] et Madame [I] [C] à verser la somme de 10 000 euros à Madame [M] [O] en réparation de son préjudice moral.
Subsidiairement, si la Cour devait dire que le point d'origine de l'incendie reste indéterminé :
Débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes,
Très subsidiairement si par impossible la Cour devait établir que le point d'origine de l'incendie est situé dans la partie occupée par les locataires :
Débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes sauf en ce qu'elles tendent à obtenir l'indemnisation du dommage causé au bien donné à bail,
Condamner Monsieur [H] [O], Madame [M] [A] et leur assureur la société MAAF à indemniser les époux [C] pour le dommage causé à ce bien,
Ordonner une expertise pour établir le montant du préjudice subi concernant ce seul bien,
En tout état de cause,
Condamner in solidum Monsieur [W] [C], Madame [I] [C], Madame [Z] [C] et Monsieur [R] [C] à verser la somme de 10 000 euros à Monsieur [O], Madame [A] et la société MAAF sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner in solidum Monsieur [W] [C], Madame [I] [C], Madame [Z] [C] et Monsieur [R] [C] aux dépens.
Ils soutiennent :
- que la conclusion de l'expert judiciaire est claire : les causes de l'incendie n'ont pas été déterminées et le lieu de naissance de l'incendie se situe dans le débarras [C],
- que malgré les critiques énoncées à l'encontre de l'expert ou de son rapport, aucune demande de nullité ou de contre-expertise n'est formée,
- que l'article 1733 ne peut fonder que la réparation des dommages survenus dans le cadre locatif et non les demandes des tiers que sont les enfants [C],
- que l'article 1733 du code civil ne peut fonder qu'une demande en réparation concernant le bien loué,
- que seul l'article 1242 alinéa 2 est applicable pour les dommages subis par le local voisin des lieux loués et que dans ce cadre, la faute doit être prouvée, ce qui n'a jamais été le cas en l'espèce,
- que les conclusions des experts mandatés par les consorts [C] ne sont étayées par aucune constatation, aucun départ de feu n'ayant été constaté dans le garage [O].
Ils discutent les postes de préjudices allégués par les appelants et estiment que ces derniers ont engagé leur responsabilité à leur encontre, sur le fondement des dispositions de l'article 1734 du code civil.
MOTIVATION
Il convient au préalable de noter que le dispositif des conclusions des consorts [C] contient deux pages de 'juger que' qui ne constituent pas de réelles prétentions, mais reprennent leurs moyens et visent à voir retenir la responsabilité de leurs locataires dans la survenance de l'incendie et à obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.
I- Sur les demandes des consorts [C]
Il résulte des dispositions de l'article 1733 du code civil que le preneur répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve :
Que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction.
Ou que le feu a été communiqué par une maison voisine.
L'article 1734 du même code précise que s'il y a plusieurs locataires, tous sont responsables de l'incendie, proportionnellement à la valeur locative de la partie de l'immeuble qu'ils occupent ; à moins qu'ils ne prouvent que l'incendie a commencé dans l'habitation de l'un d'eux, auquel cas celui-là seul en est tenu.
La Cour de cassation décide, en application de ces textes (Civ.3e, 14 nov.1990, n°89-12.798 P) que si le propriétaire habite lui-même une partie de l'immeuble incendié, il ne peut, quand la cause de l'incendie et le lieu où il a commencé restent inconnus, invoquer les dispositions des articles 1733 et 1734 , sauf à prouver que le feu n'a pas commencé dans la partie qu'il occupait ou que l'incendie est dû à la faute du preneur.
Les appelants doivent donc démontrer que l'incendie a pris naissance dans les lieux loués ou qu'il résulte de la faute des locataires.
En l'espèce, l'expert judiciaire [Y] a conclu, dans son rapport du 11 mai 2020, après avoir longuement et précisément répondu aux dires et aux contestations diverses des parties, que :
- les causes de l'incendie n'avaient pu être déterminées,
- le lieu de naissance de l'incendie se situe dans le débarras [C], au fond du local et proche du sol. À ce sujet il précise en page 6 de son rapport que 'les investigations menées ont permis d'écarter un départ de feu dans le garage [O]' et en page 11 que 'les investigations ont permis de déterminer le lieu de départ du feu dans le débarras de la cuisine [C], à proximité du sol, au fond du local à proximité de l'installation du tableau électrique et de la centrale d'alarme. Les éléments relevés sont de nature à écarter de la cause de l'incendie, le tableau électrique de ce local. Si le lieu d'éclosion de l'incendie a pu être déterminé, la cause n'a pas été définie.'
Ces conclusions de l'expert sont détaillées dans son pré-rapport du 16 novembre 2017, dans lequel il indique en page 23 que 'dans le débarras (de la cuisine [C]), l'examen et le déblai des étagères a mis en évidence une combustion à partir du sol, au fond du local à proximité de l'installation du tableau électrique et de la centrale d'alarme. La dégradation des murs par la chaleur dans le tiers supérieur du volume indique une concentration de fumée en partie haute qui ne peut se produire qu'avec la présence du plafond. Il ne fait aucun doute que le plafond a été détruit après l'éclosion du feu dans le débarras.
La propagation du feu s'est produite du débarras vers les combles.
Les investigations menées ont permis de mettre en évidence un sens de propagation du débarras [C] vers les combles [C], des combles [C] vers les panneaux photovoltaïques et du garage [O] vers le garage [C].(page 27 du pré-rapport).
Il affirme ainsi en page 27 de son pré-rapport que 'les caractéristiques d'un départ de feu constatées dans le débarras [C] et le sens de propagation de l'incendie ne permettent que de retenir le débarras [C] à l'origine du feu', ces conclusions étant reprises dans son rapport final.
Pour combattre les conclusions de l'expert judiciaire et démontrer que l'incendie n'aurait pas pris naissance dans la partie du bâtiment qu'ils occupaient, mais dans la partie louée aux intimés, depuis une cigarette mal éteinte dans le garage de ces derniers, les consorts [C] s'appuient, comme en première instance sur les analyses non contradictoires qu'ils ont faites réaliser et notamment sur le rapport qu'ils ont confié à MM. [L] et [F] et sur le rapport de M. [G].
Or, outre le fait que ces opérations d'expertise n'ont pas eu lieu contradictoirement, il résulte du rapport de MM. [L] et [F] que leurs investigations ont eu lieu plus de 6 ans après les faits et après les opérations d'expertise amiable et judiciaire, au cours desquelles il avait déjà été noté que les lieux n'avaient pas été protégés des intempéries et que les parties étaient revenues pour récupérer certains objets mobiliers.
De plus, M. [G] indique en postulat de son rapport (pièce 140 des appelants) que 'ce document est réalisé à partir d'éléments fournis par M. [C]'.
Il en résulte que ces documents, sollicités par les appelants seusl, ne sauraient avoir la même valeur que le rapport d'expertise judiciaire déposé par M. [Y], après qu'il ait pris le temps de répondre aux nombreux dires et contestations élevées par les époux [C].
Comme l'ont rappelé les premiers juges, ces rapports sollicités tardivement après les faits 'ne présentent pas les garanties d'impartialité suffisante pour remettre en cause le travail sérieux et méticuleux effectué par l'expert judiciaire, à la suite de visites approfondies des lieux, en présence des parties et de leurs conseils, dans le respect du principe du contradictoire et des droits de chacun.'
Cette appréciation bien fondée, justifie d'être confirmée.
Dès lors, aucun élément ne démontre de manière certaine que le feu aurait pris dans la partie louée, ni qu'il résulterait de la faute de M. [O], du fait d'une cigarette mal éteinte, cette affirmation n'étant corroborée par aucune pièce nouvelle.
Il y a donc lieu, en confirmation du jugement, de retenir les conclusions de l'expert judiciaire et de dire que les causes du sinistre sont indéterminées, mais que le lieu de naissance de l'incendie se situe dans le débarras de la maison d'habitation des consorts [C], au fond du local et proche du sol.
Dès lors, le feu n'ayant pas son origine dans les lieux loués et aucune faute des locataires n'étant démontrée, les consorts [C] ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes, tant sur le fondement des article 1733 et 1734 du code civil que des articles 1241 et 1242 du même code.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
II- sur l'appel incident
Les consorts [O] et la MAAF fondent leurs demandes incidentes sur les dispositions des articles 1242 et 1734 du code civil, rappelées ci-dessus estimant que les consorts [C] étaient à la fois bailleurs et locataires et doivent se voir appliquer une presomption de responsabilité et réparer les dommages subis.
Cependant, l'article 1242 dispose que les rapports entre propriétaires et locataires demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil.
En outre, une telle présomption de responsabilité au profit du locataire, contre le bailleur occupant d'une partie de l'immeuble n'est prévue par aucun texte et il appartient au contraire au locataire de prouver la faute qu'aurait commise le bailleur (Civ.3e, 13 nov. 1073 n°72-12.274).
Les consorts [O] semblent mettre en cause la mauvaise qualité de l'installation des panneaux photovoltaïques par M. [C], qui s'en est chargé lui-même.
Cependant, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, l'expertise judiciaire n'a pas permis de déterminer la cause de l'incendie et l'installation des panneaux photovoltaïques n'a pas pu être incriminée.
Dès lors, les intimés échouent, comme en première instance, à démontrer la faute qu'auraient commise leurs bailleurs et le jugement sera confirmé en ce qu'ils ont été déboutés de leurs demandes reconventionnelles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum MM. [W] et [R] [C] et Mmes [I] et [Z] [C] à payer à M. [H] [O], Mme [M] [A] et à la société MAAF Assurances unis d'intérêts la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum MM [W] et [R] [C] et Mmes [I] et [Z] [C] aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE