La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2024 | FRANCE | N°22/00683

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 30 avril 2024, 22/00683


C4



N° RG 22/00683



N° Portalis DBVM-V-B7G-LHU5



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SCP LOBIER & ASSOCIES



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
>AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A



ARRÊT DU MARDI 30 AVRIL 2024





Appel d'une décision (N° RG F 20/00091)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 17 janvier 2022

suivant déclaration d'appel du 16 février 2022





APPELANTE :



Madame [X] [G]

née le 28 Avril 1966 à

de nationalité Franç...

C4

N° RG 22/00683

N° Portalis DBVM-V-B7G-LHU5

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP LOBIER & ASSOCIES

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 30 AVRIL 2024

Appel d'une décision (N° RG F 20/00091)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 17 janvier 2022

suivant déclaration d'appel du 16 février 2022

APPELANTE :

Madame [X] [G]

née le 28 Avril 1966 à

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Delphine ANDRES de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES,

INTIMEE :

MUTUELLE SAINT-CHRISTOPHE ASSURANCES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Caroline CANAVESE, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Sarah JOOMUN, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 février 2024

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente en charge du rapport et Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

L'affaire a été mise en délibéré au 09 avril 2024, puis prorogé au 30 avril 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 30 avril 2024.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [X] [G], née le 28 avril 1966, a été embauchée le 15 juin 1992 par la société d'assurance à forme mutuelle Mutuelle Saint Christophe Assurances suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'attachée régionale de développement.

Le contrat de travail est soumis à la convention collective nationale de l'inspection d'assurance.

Suivant avenant en date du 12 juin 2009 elle a été promue à la fonction de responsable de développement prospecteur mixte, statut cadre.

Au dernier état de la relation contractuelle, elle exerçait les fonctions d'inspectrice commerciale de circonscription, statut cadre, et percevait une rémunération mensuelle de base de 4 045,43 euros brut.

Le 25 juillet 2019, la société Mutuelle Saint Christophe Assurances a convoqué Mme [X] [G] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave.

L'entretien s'est tenu le 2 août 2019 en présence de la salariée, assistée de M. [B] [V], délégué syndical.

Le 3 août 2019, Mme [X] [G] a sollicité la tenue d'un conseil de discipline selon la procédure prévue par l'article 66 de la convention collective de l'inspection de l'assurance, qui s'est réuni le 9 septembre 2019.

Par courrier recommandé du 19 septembre 2019, la société Mutuelle Saint Christophe Assurances a notifié à Mme [X] [G] une mise à pied disciplinaire privative de rémunération d'une durée de 15 jours ouvrés pour la période du 7 au 25 octobre 2019 pour les motifs suivants :

- incohérence entre les notes de frais et les rendez-vous clients ;

- absence de caractère professionnel de certains repas et abus manifeste ;

- non-respect de la politique de frais professionnels concernant les déplacements en train ;

- non-respect de la politique interne en matière de prise de carburant ;

- frais de fourniture anormalement élevés et contraires à la politique de frais.

Le 7 novembre 2019 Mme [X] [G] a été placée en arrêt de travail, renouvelé sans discontinuer jusqu'au 9 mai 2020.

A l'issue de la visite de reprise du 12 mai 2020, le médecin du travail a déclaré Mme [X] [G] inapte « à tous les postes au sein de la société Mutuelle Saint Christophe Assurances et du groupe AXA » en précisant que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».

Le 10 juin 2020, la société Mutuelle Saint Christophe Assurances a convoqué Mme [G] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 juin 2020.

Le 30 juin 2020 Mme [G] s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle avec impossibilité de reclassement.

Par courrier en date du 29 juillet 2020, Mme [G] a contesté cette mesure en faisant valoir que la rupture du contrat résultait du comportement fautif de l'employeur à compter de l'année 2019.

Suivant requête en date du 8 octobre 2020, Mme [X] [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Montélimar aux fins de contester son licenciement et la sanction disciplinaire, et obtenir paiement de différentes créances salariales et indemnitaires.

La société Mutuelle Saint Christophe Assurances s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 17 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Montélimar a :

- Débouté Mme [X] [G] de l'intégralité de ses demandes,

- Condamné Mme [X] [G] à payer 1 000 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société Mutuelle Saint Christophe Assurances,

- Condamné Mme [X] [G] aux entiers dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 29 janvier 2022 pour Mme [X] [G] et le 1er février 2022 pour la société Mutuelle Saint Christophe Assurances.

Par déclaration en date du 16 février 2022, Mme [X] [G] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 décembre 2023, Mme [X] [G] sollicite de la cour de :

« Vu l'article L 1232-2 du Code du travail,

Vu l'article L 1332-2 du Code du travail,

Vu l'article L 1332-4 du Code du travail,

Vu l'article L 4121-1 du Code du travail,

Vu la jurisprudence,

Vu les dispositions conventionnelles applicables,

Vu les pièces,

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Montélimar du 17 janvier 2022 en toutes ses dispositions,

Juger la mise à pied disciplinaire notifiée à Mme [G] le 19 septembre 2019 irrégulière et injustifiée,

Constater la violation par la société Mutuelle Saint Christophe de son obligation de sécurité de résultat,

Juger d'origine professionnelle l'inaptitude de Mme [G],

Juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement notifié à Mme [G] le 30 juin 2020.

En conséquence,

Annuler la sanction disciplinaire notifiée le 19 septembre 2019,

Condamner la société la société Mutuelle Saint Christophe Assurances au paiement des sommes suivantes :

276,57 euros à titre de reliquat de frais professionnels non remboursés afférents aux mois de juin et juillet 2019 ;

2.166,08 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied, outre 216,61 euros de congés payés afférents ;

10.000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée ;

20.000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat ;

17.581,75 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.758,18 euros de congés payés afférents ;

114.000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, représentant 19,5 mois de rémunération brute ;

13.235,38 euros nets à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement ;

3.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner la société Mutuelle Saint Christophe aux entiers dépens ».

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 29 janvier 2024, la société Mutuelle Saint Christophe Assurances sollicite de la cour de :

« Confirmer le jugement rendu le 17 janvier 2022 par le conseil de prud'hommes de « Paris » en ce qu'il a :

- « Débouté Mme [G] de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamné [W] [G] à payer 1.000 euros nets au titre de l'article 700 du code

de procédure civile à la société Mutuelle Saint-Christophe assurance ;

- Condamné Mme [G] aux entiers dépens. »

Y ajoutant :

Dire et juger que la mise à pied disciplinaire notifiée à Mme [G] était justifiée, proportionnée et régulière ;

Dire et juger que le licenciement pour inaptitude de Mme [G] est justifié et que son inaptitude n'a aucune origine professionnelle ;

Dire et juger que Mme [G] a été remplie de l'ensemble de ses droits.

En conséquence :

Débouter Mme [G] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

Condamner Mme [G] à verser à la société MSC la somme de 3.000 euros au titre

de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux éventuels dépens. »

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 30 janvier 2024.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 12 février 2024, a été mise en délibéré au 09 avril 2024, prorogé au 30 avril 2024.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1 ' Sur la contestation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 19 septembre 2019

L'article L. 1331-1 du code du travail énonce :

Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

En application des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail, en cas de litige, le juge peut, au vu des éléments que doit fournir l'employeur et de ceux que peut fournir le salarié à l'appui de ses allégations, annuler une sanction irrégulière en la forme, injustifiée, ou disproportionnée à la faute commise.

1.1 ' Sur les moyens tirés d'une irrégularité de procédure

En premier lieu l'article L.1232-2 du code du travail dispose que l'employeur qui envisage de licencier un salarié doit le convoquer, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

Selon l'article R1231-1 du code du travail, lorsque les délais prévus par les dispositions légales du présent titre expirent un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, ils sont prorogés jusqu'au premier jour ouvrable suivant, le salarié devant disposer d'un délai de cinq jours pleins pour préparer sa défense, le jour de la remise de la lettre de convocation ne compte pas dans le délai, de même que le dimanche qui n'est pas un jour ouvrable.

Au cas particulier la société Mutuelle Saint Christophe Assurances a convoqué Mme [X] [G] par courrier daté du 25 juillet 2019 pour se présenter à un entretien préalable fixé au 2 août 2019 en vue d'une éventuelle mesure de licenciement pour faute grave.

La mention de la date du 25 juillet 2019 sur le courrier de convocation ne permet d'établir ni la date d'expédition de cette lettre par l'employeur, ni la date de présentation du courrier à la salariée, la société Mutuelle Saint Christophe Assurances s'abstenant de verser aux débats les avis d'envoi et de réception de ce courrier sans s'expliquer sur le fait que la salariée soutient ne l'avoir réceptionné que le samedi 27 juillet 2019, alors que la charge de la preuve du respect du délai de convocation de cinq jours lui incombe, contrairement à ce qu'elle soutient (Soc., 10 juillet 2019, pourvoi n° 18-11.528).

Il s'en déduit que le délai de cinq jours, qui avait commencé à courir le lundi 25 juillet 2019, n'avait pas expiré à la date de l'entretien tenu le 2 août 2019.

Dès lors cette irrégularité de procédure est établie.

En second lieu selon le dernier alinéa de l'article L.1332-2 du code du travail, la sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.

L'employeur reste tenu de respecter ce délai dès lors qu'il a choisi de convoquer la salariée selon les modalités de l'article L. 1332-2 du code du travail, quelle que soit la sanction finalement prononcée, sous peine d'annulation de la sanction.

La mise en 'uvre de la procédure conventionnelle de consultation d'un organisme disciplinaire a pour effet d'interrompre ce délai d'un mois quand cette procédure conventionnelle est mise en 'uvre dans le délai d'un mois suivant l'entretien préalable.

L'article 66 de la convention collective nationale de l'inspection d'assurance énonce que :

« Lorsqu'un inspecteur confirmé dans ses fonctions dans l'entreprise est, conformément aux dispositions légales, convoqué par l'employeur et informé que le licenciement pour faute ou pour insuffisance professionnelle est envisagé à son égard, il a la faculté de demander la réunion d'un conseil constitué de trois représentants de l'employeur et de trois représentants du personnel de l'établissement (délégués du personnel, membres du comité d'entreprise, délégués syndicaux au comité d'entreprise ou d'établissement).

La lettre de convocation à l'entretien préalable doit mentionner expressément cette faculté, le délai dans lequel elle peut être exercée (cf. alinéa suivant), ainsi que celle de se faire assister pour cet entretien conformément aux dispositions légales.

La demande de réunion doit être formulée par écrit et communiquée à la direction ; compte tenu des spécificités inhérentes à la fonction, cette demande doit être communiquée à la direction au plus tard 6 jours francs après l'entretien prévu par le code du travail. A défaut, le salarié est considéré comme renonçant à la procédure du conseil.

Toutefois, le conseil est obligatoirement réuni à l'initiative de l'employeur lorsque celui-ci envisage, à l'issue de l'entretien préalable, un licenciement pour faute.

L'entreprise doit alors en informer l'intéressé par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre décharge. La réunion du conseil est cependant annulée si l'intéressé le demande par écrit dans les 48 heures de la réception de la lettre.

Les représentants du personnel siégeant au conseil sont choisis par l'intéressé parmi l'ensemble des élus du personnel titulaires ou suppléants du même collège électoral que lui et parmi les délégués syndicaux ou représentants syndicaux appartenant à ce même collège. L'employeur convoque le conseil au moins 48 heures à l'avance et informe le salarié qu'il peut être entendu, s'il le souhaite, par le conseil. Les éléments du dossier sont obligatoirement tenus 48 heures à l'avance, à la disposition du conseil et de l'intéressé.

Si le salarié est entendu, sur sa demande, pendant la réunion du conseil, son responsable hiérarchique doit l'être également.

L'un des représentants de l'employeur préside le conseil. Il établit à l'issue de la réunion un procès-verbal qui relate notamment les faits reprochés à l'inspecteur et consigne l'avis de chacun des membres ayant participé à la réunion du conseil ; ces derniers sont invités à émarger le procès-verbal et en reçoivent un exemplaire, également transmis au salarié concerné.

L'employeur ne prend sa décision qu'après avoir pris connaissance des avis exprimés au conseil et communique celle-ci à ses membres en même temps qu'à l'intéressé. »

En l'espèce, Mme [G] reproche à l'employeur de ne pas avoir mis en 'uvre la procédure disciplinaire conventionnelle dans le délai d'un mois prévu par l'article L 1332-2 du code du travail.

Or, il est établi que la procédure disciplinaire a été engagée par l'employeur le 25 juillet 2019, que l'entretien préalable s'est tenu le 2 août 2019, et que la salariée a fait usage de la faculté qui lui était ouverte par la convention collective en sollicitant, par courrier daté du 3 août 2019, la tenue d'un conseil de discipline.

Aussi par un courrier du 7 août 2019, la société a convoqué Mme [G] devant le conseil de discipline de sorte que la salariée a bien été informée de la saisine de l'instance disciplinaire dans le mois suivant l'entretien préalable.

Il s'en déduit que le délai d'un mois entre l'entretien préalable et la notification de la sanction a été interrompu par l'information donnée à la salariée de la saisine de la commission de discipline.

Au demeurant la société justifie de la saisine effective de cette commission par la production des courriers de convocation de ses membres le 23 août 2019, soit dans le délai d'un mois suivant l'engagement de la procédure disciplinaire.

S'agissant du délai écoulé entre l'information donnée à la salariée de la saisine de l'instance disciplinaire le 7 août 2019 et la réunion du conseil de discipline le 9 septembre 2019, il importe peu que la société ne démontre pas que la date du 9 septembre 2019 aurait été fixée en considération de la demande de Mme [G], aucun élément pertinent versé aux débats n'attestant d'une telle requête, au demeurant contestée par la salariée, dès lors que la saisine de la commission le 23 août 2019 a eu pour effet d'interrompre à nouveau ce délai d'un mois et de le suspendre pendant la durée de la saisine.

Enfin, il est établi que la sanction a été notifiée à la salariée par courrier du 19 septembre 2019, soit dans le délai d'un mois suivant la date à laquelle l'instance disciplinaire a rendu son avis, le conseil s'étant tenu le 9 septembre 2019 et le délai conventionnel de 48 heures précédant la tenue du conseil ayant été respecté.

En conséquence, l'irrégularité tirée d'un non-respect du délai de notification de la sanction n'est pas établie.

Il s'évince de ce qui précède que la seule irrégularité établie résulte du non-respect du délai de cinq jours avant l'entretien préalable, laquelle ne se révèle pas suffisamment grave pour justifier l'annulation d'une sanction irrégulière dès lors que les circonstances de l'espèce révèlent que la salariée a pu se présenter à l'entretien dûment assistée et présenter des explications précises et détaillées sur chacun des faits reprochés et bénéficier de la mise en 'uvre de la procédure disciplinaire conventionnelle.

1.2 ' Sur la contestation des griefs

Sur le fond, il est reproché à Mme [X] [G], dans la lettre de mise à pied disciplinaire, d'avoir établi des notes de frais constituant « un détournement constant et systématique de la politique de frais de la société, destiné à profiter de la prise en charge de frais par la mutuelle pour [ses] besoins personnels » au regard des faits suivants :

Incohérence entre les notes de frais et les rendez-vous clients,

Absence de caractère professionnel des repas et abus manifeste,

Non-respect de la politique de frais professionnels concernant les déplacements en train,

Non-respect de la politique en matière de prise de carburant,

Frais de fourniture anormalement élevés et contraires à la politique de frais,

1.2.1 ' Sur la prescription des griefs

Il résulte des dispositions de l'article L1332-4 du code du travail, qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a ou aurait dû en avoir connaissance.

Lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter lui-même la preuve qu'il n'a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés et de l'imputabilité des faits reprochés au salarié que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaires.

Si des vérifications ont été entreprises préalablement à l'engagement de poursuites disciplinaires, le point de départ du délai de prescription est fixé à la date à laquelle l'employeur a eu connaissance du résultat de ces investigations.

L'employeur peut sanctionner un fait fautif qu'il connaît depuis plus de deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai et s'il s'agit de faits de même nature.

En l'espèce, la lettre de sanction vise des faits de même nature en ce qu'ils sont tous fondés sur des manquements de la salariée à la politique de prise en charge des frais professionnels de la société, et détaille des dépenses engagées par la salariée sur une période courue entre le 7 décembre 2018 et le 1er juillet 2019, et plus particulièrement :

- s'agissant des incohérences entre les notes de frais et les rendez-vous clients, la lettre de sanction vise seize exemples au titre de frais engagés entre le 12 décembre 2018 et le 5 juillet 2019, espacés de moins de deux mois, sauf entre le 26 février 2019 et le 30 avril 2019.

- s'agissant de l'absence de caractère professionnel des repas et abus manifeste, la lettre de sanction vise dix exemples au titre des frais engagés entre le 7 décembre 2018 et le 1er juillet 2019, espacés de moins de deux mois, sauf entre le 25 janvier 2019 et le 27 juin 2019,

- s'agissant du non-respect de la politique de frais professionnels concernant les déplacements en train, la lettre de sanction vise deux voyages des 8 janvier et 10 janvier 2019,

- s'agissant du non-respect de la politique en matière de prise de carburant, la lettre de sanction vise trois exemples datés des 31 janvier 2019, 8 mars 2019 et 30 avril 2019,

- s'agissant du non-respect de frais de fourniture anormalement élevés et contraire à la politique de frais la lettre de sanction vise des achats de cartouches d'imprimantes réalisés depuis le mois de décembre 2018.

Aussi, la salariée justifie avoir enregistré le 1er mars 2019 des demandes de remboursements de frais du mois de février 2019.

Dès lors, et même si les parties ne développent pas d'autre élément quant à la date des demandes de prises en charge des autres frais litigieux, les dates de ces différentes dépenses et de cette demande de remboursement démontrent que les faits imputés à Mme [G] auraient été réitérés depuis décembre 2018, dans ce délai de deux mois et jusqu'à moins de deux mois avant l'engagement des poursuites.

En conséquence, les faits antérieurs au 25 mai 2019 ne sont pas atteints par la prescription.

1.2.2 ' Sur les faits reprochés

Mme [G] conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés de sorte qu'il convient d'examiner l'ensemble des faits au regard de la note interne en date du 1er avril 2018 relative à la politique des frais professionnels produite par l'employeur.

* S'agissant des incohérences entre les notes de frais produites et les rendez-vous clients, l'employeur reproche à la salariée d'avoir sollicité la prise en charge de frais révélant des incohérences avec son activité professionnelle au regard de son agenda.

- pour les frais engagés les 12, 13, 19 et 20 décembre 2018, 4 février 2019, 30 avril 2019, 18 juin 2019, 5 juillet 2019, et 22 juillet 2019, la société Mutuelle Saint-Christophe Assurances ne produit aucun élément, ni les justificatifs des dépenses, ni les demandes de remboursement de ces frais de sorte que le caractère fautif de ces faits n'est pas établi ;

- pour la note de frais de repas du 1er février 2018, la salariée justifie d'un rendez-vous situé à [Localité 15] à 11 heures de sorte que le caractère professionnel de ces frais, engagés à 13h30 dans un établissement situé au [Localité 12], est suffisamment démontré, et ce même si le rendez-vous enregistré dans l'agenda de Mme [G] le 1er février 2018 manque de respecter la norme de saisie des rendez-vous définie par la note interne en date du 12 janvier 2016 produite par l'employeur ;

- pour les frais du 26 février 2019, Mme [G] produit une facture d'un hôtel de [Localité 8], établie au nom de « M. [G] » sans produire aucun élément susceptible de justifier cette anomalie ; cependant les rendez-vous de son agenda établissent le caractère professionnel de cette nuitée dès lors que la salariée avait un rendez-vous à [Localité 8] le 25 février 2019 à 18h00 et un rendez-vous à [Localité 10] le 26 février 2019 à 8h30 ;

- pour les frais du 3 juin 2019, Mme [G] produit une facture établie par un hôtel de [Localité 13] au nom de « Sté M. [G] » suivie d'une facture rectifiée par l'établissement au nom de Mme [G] [X] ; aussi les rendez-vous fixés sur la région de [Localité 8] le 4 juin 2019 établissent le caractère professionnel de cette nuitée en conformité avec les recommandations émises par le médecin du travail dont l'employeur avait confirmé la mise en 'uvre en écrivant par courriel du 19 avril 2019 « Suite à notre entretien téléphonique, je te confirme que tu conserves ta circonscription actuelle avec une adaptation souhaitée par le médecin du travail pour trois mois. A savoir, pas plus de 200Kms de voiture par jour et la mise en place de nuit d'hôtel pour les trajets plus longs. Il est bien entendu nécessaire d'organiser des tournées sur plusieurs jours afin de ne pas faire d'aller-retour » ;

- il en est de même pour les frais de nuitée engagés à [Localité 9] le 25 juin 2019, la salariée justifiant de plusieurs rendez-vous fixés à [Localité 14] le 26 juin 2019.

- pour les frais de repas du 30 juin 2019 la salariée a remis un justificatif d'un déjeuner à [Localité 6] à 13h23 alors qu'elle avait planifié un rendez-vous à 13h30 à [Localité 8] distant de plus d'une heure de route, sans qu'il n'en résulte d'incohérence manifeste, la salariée indiquant pour sa part que le rendez-vous a eu lieu à 14h30 de sorte qu'en l'absence de tout autre élément probant, un doute subsiste au bénéfice de la salariée ;

Il en résulte que le grief tiré des incohérences entre les notes de frais produites et les rendez-vous clients n'est pas établi.

* S'agissant de l'absence de caractère professionnel des repas et des abus manifestes reprochés à la salariée, la note interne du 1er avril 2018 prévoit le remboursement des repas dans le cadre d'un déplacement professionnel sur présentation de justificatifs de restauration avec un plafond de 22 euros par repas et par personne, les invitations de personnes extérieures devant être justifiées par des raisons strictement professionnelles en précisant le nom et la qualité des invités, avec un accord préalable de la hiérarchie et dans la limite de 35 euros par personne, et les déjeuners sur [Localité 11] devant être pris au restaurant inter-entreprises.

A la lecture des pièces produites il apparaît que :

- pour les faits datés du 7 décembre 2018, 24 janvier 2019, et 25 janvier 2019 la société ne produit aucun élément justificatif,

- pour la note de frais du 12 décembre 2018, la société produit une facture d'achats de produits d'alimentation pour un montant total de 24,20 euros en critiquant le contenu des achats en ce qu'il inclut un poulet fermier rôti, sans toutefois caractériser aucun manquement de la salariée à la politique des frais professionnels,

- de même pour les faits datés des 13 décembre 2018, 20 décembre 2018, et 10 janvier 2019, les factures produites n'excèdent pas la limite de 22 euros sans que la commande de deux formules avoisinant 10 euros chacune ne puisse suffire à démontrer que la dépense aurait été faite pour plusieurs personnes, la salariée indiquant que ces dépenses portent sur sa consommation personnelle,

- pour les faits datés du 9 janvier 2019, Mme [G] a présenté un justificatif d'un repas pris à [Localité 11] sans que la salariée ne justifie d'un empêchement pour prendre ce repas au restaurant inter-entreprise ou d'une inégalité de traitement avec les autres salariés tel qu'elle le prétend,

- pour les faits datés du 27 juin 2019 Mme [G] a présenté un justificatif qui n'excède pas la limite de 22 euros sans que le contenu de la commande d'une salade et de trois sandwichs ne suffise à démontrer qu'il s'agirait d'une dépense faite pour plusieurs personnes,

- pour les faits du 1er juillet 2019, il est établi que Mme [G] a sollicité la prise en charge de frais de room service à hauteur de 1,50 euros alors qu'ils sont exclus de la politique de remboursement des frais professionnels.

Il en résulte que seules les demandes de remboursement des frais de restaurant du 9 janvier 2019 à hauteur de 22,50 euros et des frais de room service à hauteur de 1,50 euros engagés le 1er juillet 2019 ont été présentées en violation de la politique de remboursement des frais professionnels.

* S'agissant du non-respect de la politique de frais professionnels concernant les déplacements en train, l'employeur reproche à la salariée d'avoir manqué de respecter la note interne du 1er avril 2018 qui prévoit une prise en charge des déplacements en train effectués en seconde classe.

Or Mme [G] démontre d'une part que par courriel du 21 décembre 2018 elle avait reçu pour consigne de réserver elle-même ses billets sans passer par le logiciel internet de réservation, d'autre part qu'elle a remis les justificatifs d'achats de ses billets de 1ère classe en date des 8 et 10 janvier 2019 via l'outil interne Notilus et enfin que l'employeur a accepté la prise en charge de cette dépense par un remboursement reçu le 11 février 2019.

Si la salariée ne démontre nullement avoir obtenu une autorisation orale de sa hiérarchie, ni avoir obtenu un tarif équivalent à celui de la seconde classe tel qu'elle le prétend, en revanche l'obtention du remboursement de ces frais accrédite le fait qu'elle avait obtenu une telle autorisation, la note interne sur la politique des frais professionnels précisant que les demandes enregistrées dans l'outil Notilus sont préalablement validées par le responsable hiérarchique avant d'être transmise au service comptabilité pour paiement.

Le doute qui subsiste devant profiter à la salariée, ce grief n'est pas établi.

* S'agissant du non-respect de la politique de frais en matière de prise de carburant, la note interne prévoit que la carte carburant mise à disposition des titulaires d'un véhicule de fonction leur permet de prendre du carburant dans les stations Shell et Total.

La société produit les demandes de remboursement de carburant de Mme [G] précisant, pour les dépenses du 31 janvier 2019 (6,93 euros et 8,61 euros) et du 8 mars 2019 (36,32 euros) qu'elle disposait d'un véhicule de courtoisie et avait manqué de conserver la carte carburant laissée dans le véhicule de fonction, et pour la dépense du 30 avril 2019 (54,12 euros) : « absence de Total Shell sur le secteur » en concordance avec son courriel du 6 mai 2019 avisant sa supérieure « je me suis laissé piéger par mon réservoir et entre [Localité 7] et [Localité 5] je n'ai pas trouvé de station, j'ai dû faire comme j'ai trouvé ».

Or l'employeur justifie de trois rappels à l'ordre précédemment adressés à la salariée, concernant les dépenses de carburant pour lui indiquer, par courriel du 2 avril 2018 : « je te remercie de veiller à ce que cela ne se reproduise plus. Dorénavant les frais de carburant et/ou fourniture de bureau ne seront plus pris en charge par le service comptabilité, sauf cas très exceptionnel et avec mon accord préalable », puis par courriel du 13 avril 2018 « Je te remercie d'être vigilante dans tes frais au niveau des frais de carburant et fournitures de bureau. 1) Carburant : utilisation des cartes essences 2) Fourniture du bureau : commande via le bureau de [Localité 14] » et enfin par courriel du 3 mai 2018 : « c'est la dernière fois que je valide du carburant pris hors des stations agréées avec nos cartes essences ».

Dès lors, même si la salariée démontre que l'employeur a accepté la prise en charge des dépenses de carburant de janvier, mars et avril 2019 en lui adressant les remboursements sollicités, Mme [G] n'ignorait pas qu'elle contrevenait à la politique des frais de la société et aux rappels à l'ordre de sa hiérarchie en persistant à manquer de vigilance quant à la gestion du carburant de son véhicule pour solliciter la prise en charge de tels frais.

Il en résulte que ces trois demandes de remboursement des frais de frais de carburant représentant un montant total de 105,97 euros ont été présentées en violation de la politique de prise en charge des frais professionnels.

- S'agissant des frais de fourniture anormalement élevés et contraires à la politique de frais, l'employeur reproche à la salariée d'avoir commandé une quantité excessive de cartouches d'imprimantes révélant une utilisation abusive qui ne correspond pas à l'activité normale d'un inspecteur commercial, d'avoir commandé des cartouches qui ne sont pas compatibles avec son imprimante professionnelle et d'avoir persisté à se les faire livrer à son domicile alors qu'il lui avait été rappelé le 17 avril 2018 que les fournitures devaient être commandées via le bureau de [Localité 14].

Or Mme [G] conteste tout excès au titre de cette consommation en faisant valoir qu'elle opte pour des cartouches compatibles moins couteuses, qu'elle choisit un mode livraison à domicile pour éviter des déplacements à [Localité 14] et qu'elle dispose de deux imprimantes en raison des difficultés de fonctionnement de l'une d'elle. En tout état de cause l'employeur manque de justifier des commandes alléguées et s'abstient de produire tout élément pertinent susceptible d'établir un comportement abusif de la salariée à ce titre.

Il s'évince de ce qui précède que l'employeur n'établit des manquements de la salariée à la politique de prise en charge des frais professionnels que pour une demande de remboursement des frais de restaurant du 9 janvier 2019 à hauteur de 22,50 euros, une demande de frais de room service engagés le 1er juillet 2019 à hauteur de 1,50 euros et des demandes de prise en charge de frais de carburant représentant un montant total de 105,97 euros.

Ces seuls manquements, du fait de leur caractère très occasionnel, de leur modicité et de leur lien avec l'activité professionnelle de Mme [G], ne caractérisent nullement un détournement constant et systématique de la politique des frais de la société ni ne révèlent une intention d'obtenir une prise en charge par l'employeur de besoins personnels tel que mentionné dans la lettre de mise à pied disciplinaire.

Aussi, étant constaté que la salariée justifie d'une ancienneté de 27 ans sans avoir fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire, ces seuls manquements ne justifient nullement une mise à pied disciplinaire d'une durée de 15 jours.

Compte tenu de son caractère disproportionné et excessif, la sanction notifiée à Mme [G] le 19 septembre 2019 doit être annulée, par infirmation du jugement entrepris.

En conséquence, la société Mutuelle Saint Christophe Assurances, est condamnée à verser à Mme [G] la somme de 2 166,08 euros brut à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied, outre la somme de 216,61 euros brut au titre des congés payés afférents.

En outre, la notification à Mme [G] d'un avertissement que l'employeur a maintenu malgré les contestations circonstanciées qu'elle a élevées lui a, de manière certaine, causé un préjudice moral aggravé par la mise en cause de sa probité et qu'il convient, par infirmation du jugement entrepris de réparer, en lui allouant la somme de 3 000 euros net à titre de dommages et intérêts.

Le jugement déféré est donc infirmé de ces chefs.

2 ' Sur la demande au titre des frais professionnels

Mme [G] sollicite le remboursement d'un solde 276,57 euros au titre de frais litigieux engagés en juin et juillet 2019 dont elle a obtenu un remboursement partiel au mois de septembre 2019 en produisant un extrait de son compte bancaire.

Or il appartient à la salariée de prouver la réalité des frais exposés.

Les éléments versés aux débats ne permettant pas à la cour de constater à quels frais correspondent la somme revendiquée, ni de rechercher s'ils sont justifiés, Mme [G] est déboutée de ce chef de prétention par confirmation du jugement entrepris.

3 ' Sur la contestation du licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle avec impossibilité de reclassement en date du 30 juin 2020

Premièrement, l'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L. 4121-1 et L 4121-2 du code du travail.

L'article L.4121-1 du code du travail énonce que :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L.4121-2 du code du travail prévoit que :

L'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

En cas de litige, il appartient à l'employeur, tenu d'assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité et de prévention mise à sa charge par les dispositions précitées du code du travail, de justifier qu'il a pris les mesures suffisantes pour s'acquitter de cette obligation.

Deuxièmement, lorsque l'inaptitude du salarié trouve son origine dans un manquement préalable de l'employeur, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Il appartient au juge de rechercher lorsqu'il y est invité, si l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité et, dans une telle hypothèse de caractériser le lien entre la maladie du salarié et un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Troisièmement, les dispositions de l'article L.1226-10 du code du travail sur l'inaptitude d'origine professionnelle s'appliquent dès lors que, indépendamment de la prise en charge ou non de l'accident ou de la maladie par l'organisme social, l'inaptitude a au moins en partie une origine professionnelle et que l'employeur en était informé au jour du licenciement.

Le droit du travail étant autonome par rapport au droit de la sécurité sociale, l'application de ces dispositions protectrices n'est pas liée ou subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie ou un organisme de sécurité sociale, du caractère professionnel de l'accident d'où d'un lien de causalité entre ce dernier et l'inaptitude.

3.1 ' Sur le manquement à l'obligation de sécurité et de prévention

Mme [G] soutient que les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité sont à l'origine d'une dégradation de son état de santé et de la déclaration d'inaptitude.

Elle avance les faits suivants à l'encontre de la société Mutuelle Saint Christophe Assurances :

une dégradation de ses conditions de travail marquée par un changement de comportement de sa hiérarchie à son égard, dans un contexte de réduction des effectifs

la notification d'une sanction injustifiée dans des conditions procédurales irrégulières, élément déclencheur de la dégradation de son état de santé,

le fait de s'être vue reprocher des dépenses résultant de la mise en 'uvre les recommandations du médecin du travail,

la rupture de toute communication et de l'ensemble de ses accès informatiques,

l'absence de toute mesure d'accompagnement à sa reprise,

le délai pris par l'employeur pour lui notifier son licenciement alors que le médecin avait émis une dispense légale de reclassement.

D'une première part, Mme [G] développe un moyen hypothétique en invoquant le ressentiment de la société Mutuelle Saint Christophe Assurances à l'égard de son conjoint, M. [G], ancien salarié de la société, que cette dernière tiendrait pour responsable de la perte d'un client d'importance en janvier 2018, sans produire aucun élément relatif à un changement de comportement de sa hiérarchie.

Aussi la salariée s'appuie sur un échange de courriel de juin 2019 concernant le refus de prise en charge par la société Mutuelle Saint Christophe Assurances de factures d'hôtel établies au nom de son conjoint et faisant référence au dossier RH de la salariée, sans que ce message ne révèle d'intention de nuire, tel qu'elle le prétend, les vérifications faites par l'employeur étant justifiées par le nom du bénéficiaire des prestations facturées.

Il n'en ressort pas de lien avec un manquement de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité.

D'une deuxième part, Mme [G] soutient que la société Mutuelle Saint Christophe Assurances souhaitait son départ dans un contexte de réorganisation de l'entreprise et de suppression de postes d'inspecteurs commerciaux en produisant un projet d'évolution daté du 5 novembre 2020.

Pour autant la salariée invoque cet élément pour arguer de l'intention de l'employeur de réduire ses effectifs, sans alléguer ni a fortiori justifier d'un lien avec l'obligation de prévention et de sécurité de l'employeur.

D'une troisième part, la salariée reproche à son employeur l'irrégularité et le caractère injustifié de la décision de mise à pied disciplinaire.

Si l'irrégularité de la procédure disciplinaire et le caractère disproportionné de la sanction prononcée ne peuvent s'analyser en un manquement à l'obligation de sécurité, il a été vu précédemment que la société Mutuelle Saint Christophe Assurances a sanctionné le fait pour la salariée d'avoir demandé une prise en charge des nuitées des 3 et 25 juin 2019 au titre de frais professionnels, alors même que la salariée expliquait, par les rendez-vous enregistrés sur son agenda, qu'il s'agissait de frais justifiés par les préconisations émises par le médecin du travail et que l'employeur avait précisé, par courriel du 19 avril 2019, qu'il prenait en compte l'adaptation souhaitée par le médecin de travail concernant la mise en place de nuit d'hôtel pour les trajets plus longs afin de ne pas effectuer plus de 200 kms de voiture par jour, et ce jusqu'au 14 juillet 2019.

Or, l'employeur ne développe aucun élément pertinent concernant la mise en 'uvre des préconisations du médecin ni ne s'explique sur le maintien de ces frais dans les griefs retenus contre la salariée alors qu'il lui est interdit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés et qu'il lui incombe d'établir qu'il a pris en considération les propositions émises par le médecin du travail.

D'une quatrième part, la société Mutuelle Saint Christophe Assurances n'allègue ni a fortiori ne démontre avoir pris des mesures en vue de prévenir les risques d'atteinte à la santé physique et mentale de Mme [G].

L'employeur ne développe aucun moyen à ce titre, ni ne justifie de mesures d'accompagnement éventuel à l'égard de la salariée dans le contexte particulier du prononcé d'une sanction disciplinaire contestée, ni avant la mise en 'uvre de la sanction, ni après l'exécution de la mise à pied disciplinaire du 7 au 25 octobre 2019.

Il s'évince de ce qui précède que la société Mutuelle Saint Christophe Assurances échoue à justifier du respect de son obligation de sécurité et de prévention à l'égard de Mme [G] faute de preuve de toute mesure de prévention des risques psycho-sociaux et compte tenu des mesures prises en violation des préconisations du médecin du travail.

Aussi Mme [G] démontre avoir subi un préjudice moral résultant de ces manquements distincts de celui résultant de la sanction injustifiée d'ores et déjà réparé.

Au vu des circonstances décrites, par réformation du jugement entrepris, il convient de condamner la société Mutuelle Saint Christophe Assurances à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros net au titre du manquement à l'obligation de sécurité et de prévention.

3.2 ' Sur le lien de causalité avec l'inaptitude

Il ressort des circonstances de l'espèce que Mme [G] devait être placée en arrêt de travail dès le 7 novembre 2019, concomitamment à l'exécution de la mise à pied disciplinaire privative de rémunération pendant 15 jours.

Et Mme [G] produit la copie de son dossier médical auprès du service de santé au travail.

Celui-ci mentionne certes que l'arrêt de travail du 26 août 2019 au 5 octobre 2019 était lié à une opération d'ordre ophtalmologique et que l'arrêt de travail du 7 novembre 2019 au 12 janvier 2020 à une opération d'ordre gynécologique.

Pour autant, il mentionne également que l'arrêt de travail du 7 novembre 2019 et 9 mai 2020 était lié à un épuisement « dû aux éléments T73.2 » avec en commentaire « arrêt pour burn out ».

Encore, Mme [G] produit :

- un courrier du docteur [U], médecin généraliste, en date du 26 février 2020, relevant que la salariée présentait un épuisement professionnel avec syndrome dépressif depuis l'été 2019,

- des prescriptions médicales d'un antidépresseur depuis le 26 août 2019.

Il en ressort qu'elle s'est vu prescrire ce traitement concomitamment à la mise en 'uvre de la procédure disciplinaire contestée.

Enfin, si les commentaires du médecin du travail précisés lors de la visite du 12 mai 2020 rapportent des déclarations de la salariée, il demeure qu'à l'examen clinique le médecin a constaté, outre des éléments d'ordre ophtalmologique, que la salariée présentait un épisode dépressif.

Et à la même date, il a établi un avis d'inaptitude ne révélant aucun lien avec les éléments d'ordre ophtalmologiques puisqu'il concluait « Inapte à tous les postes au sein de la mutuelle Saint Christophe et du groupe AXA, l'état de santé ne permet pas d'envisager un reclassement ou un aménagement ».

Il est donc suffisamment démontré que l'inaptiture de la salarié est liée, au moins partiellement à l'état d'épuisement et la dégradation de l'état de santé de Mme [G] résultant, au moins pour partie, du non-respect des recommandations médicales limitant les trajets en voiture à 200 kms de voiture par jour et à l'absence de mesure de prévention des risques psychosociaux.

En conséquence l'inaptitude de la salariée trouvant au moins partiellement son origine dans un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse, par infirmation du jugement déféré.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse Mme [G] est fondée à obtenir paiement d'une indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L 1234-5 du code du travail, pour une durée de trois mois conformément aux dispositions conventionnelles, dont le montant ne fait l'objet d'aucune critique utile par l'employeur, soit 17 581,75 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 758,18 euros brut au titre des congés payés afférents.

Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs.

Par ailleurs l'article L. 1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.

Mme [G], âgée de 54 ans à la date du licenciement, disposait d'une ancienneté de vingt-huit ans et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre trois et dix-neuf mois et demi de salaire.

Elle justifie de son admission au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi depuis le 29 juillet 2020 jusqu'au 30 avril 2022.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, procédant à une appréciation souveraine des éléments de faits qui lui sont soumis, il convient de condamner la société Mutuelle Saint Christophe Assurances à lui payer la somme de 110 000 euros brut à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par infirmation du jugement entrepris.

3.3 ' Sur les prétentions au titre de l'indemnité spéciale de licenciement

A titre liminaire il convient de constater que la salariée se prévaut du caractère professionnel de l'inaptitude pour solliciter paiement du solde de l'indemnité spéciale de licenciement à hauteur de 13 235,38 euros par application des dispositions de l'article L 1226-14 du code du travail alors qu'elle n'a tiré aucune conséquence de l'application de ces dispositions pour solliciter paiement d'une indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L 1234-5 du même code.

En tout état de cause, Mme [G] échoue à démontrer que l'employeur était informé, lorsqu'il a mis en 'uvre la procédure de licenciement, notifié le 30 juin 2020, de l'origine professionnelle de cette inaptitude.

En effet, ni les arrêts de travail, ni les termes de l'avis d'inaptitude ne mentionnent une origine professionnelle.

Aussi les mentions faites par le médecin du travail dans son dossier médical n'ont pas été portées à la connaissance de l'employeur.

La salariée soutient, sans l'établir, que l'origine professionnelle aurait été évoquée lors de l'entretien préalable au licenciement du 24 juin 2020, aucun compte-rendu n'étant versé aux débats.

Par courriel adressé à l'employeur le 30 juin 2020 à 15h19 pour discuter du montant de l'indemnité conventionnelle, Mme [K] [Y], déléguée syndicale, a certes indiqué : « [X] et moi rappelons que cette inaptitude est consécutive à toutes les conséquences de l'entretien du 02/08/2019. En effet comme rappelé par [X] lors de notre dernier entretien du 24/6/2020, elle vit cette situation comme un préjudice important dans sa carrière professionnelle et dans sa vie personnelle » sans que ces affirmations ne suffisent à démontrer que l'employeur avait connaissance du fait que l'inaptitude de la salariée pouvait résulter au moins partiellement de ses propres manquements à l'obligation de sécurité.

En conséquence, Mme [G] n'est pas fondée à revendiquer l'application des dispositions de l'article L 1226-14 du code de travail.

Elle est donc déboutée de sa demande en paiement d'un solde de l'indemnité spéciale de licenciement, par confirmation du jugement déféré.

4 ' Sur les demandes accessoires

La société Mutuelle Saint Christophe Assurances, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens de première instance, par infirmation de la décision déférée, y ajoutant ceux exposés en cause d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mme [G] l'intégralité des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de condamner la société Mutuelle Saint Christophe Assurances à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel, la société intimée étant déboutée de sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles en première instance par infirmation du jugement entrepris et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- Débouté Mme [X] [G] de sa demande en remboursement d'un solde de frais professionnels et de sa demande en paiement d'un solde d'indemnité spéciale de licenciement ;

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant des chefs d'infirmation et y ajoutant,

ANNULE la mise à pied disciplinaire notifiée à Mme [X] [G] le 19 septembre 2019,

DIT que la société Mutuelle Saint Christophe Assurances a manqué à son obligation de sécurité et de prévention à l'égard de Mme [X] [G],

DIT que le licenciement notifié à Mme [X] [G] le 30 juin 2020 est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Mutuelle Saint Christophe Assurances à verser à Mme [X] [G]  les sommes de :

2 166,08 euros brut à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied,

216,61 euros brut au titre des congés payés afférents,

3 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour sanction injustifiée,

3 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

17 581,75 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

1 758,18 euros brut au titre des congés payés afférents,

110 000 euros brut à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

CONDAMNE la société Mutuelle Saint Christophe Assurances à verser à Mme [X] [G] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la société Mutuelle Saint Christophe Assurances de ses prétentions au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,

CONDAMNE la société Mutuelle Saint Christophe Assurances aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Hélène Blondeau-Patissier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 22/00683
Date de la décision : 30/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-30;22.00683 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award