C3
N° RG 20/02253
N° Portalis DBVM-V-B7E-KPTN
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
La CAF DE L'ISERE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU JEUDI 06 JUILLET 2023
Ch.secu-fiva-cdas
Appel d'une décision (N° RG 18/696)
rendue par le Pôle social du tribunal judiciaire de GRENOBLE
en date du 02 juillet 2020
suivant déclaration d'appel du 17 juillet 2020
APPELANTE :
Mme [L] [V]
née le 20 mars 1973 à [Localité 6] (TURQUIE)
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Audrey NAVAILLES, avocat au barreau de GRENOBLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/004621 du 02/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
INTIMEE :
La CAF DE L'ISERE, n° siret : [N° SIREN/SIRET 5], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparante en la personne de M. [O] [Y], régulièrement muni d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 avril 2023
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président, en charge du rapport et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller, ont entendu les représentants des parties en leurs observations, assistés de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, en présence de Mme Laëtitia CHAUVEAU, juriste assistant, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 22 juin 2023, délibéré prorogé au 6 juillet 2023 au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 22 juin 2023.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [L] [V] est connue des services de la Caisse d'Allocations Familiales (CAF) de l'Isère comme étant mariée avec trois enfants à charge.
Suite au dépôt de sa demande en 2004, un droit à l'Allocation de Logement Familiale (ALF) lui a été ouvert, à compter du 18 décembre 2004, au titre du logement qu'elle a déclaré louer auprès de la Société Civile Immobilière (SCI) [7] au [Adresse 1].
A la suite d'un contrôle effectué le 18 octobre 2016 au domicile de l'allocataire, la CAF de l'Isère a mis en récupération les ALF versées du mois d'octobre 2013 au mois de juin 2016 pour un montant de 11 493,12 euros au motif que l'aide au logement versée au titre de la location n'était pas due.
L'agent assermenté a constaté que les époux [V] sont propriétaires de leur logement. Ils sont en accession à la propriété et remboursent un prêt pour l'achat d'une maison partagée en plusieurs lots comprenant la partie habitation et la mise en location de trois logements indépendants par le biais de la SCI [7] dont M. [V] est gérant majoritaire.
L'intention frauduleuse pour fausse déclaration ayant été retenue par la commission des fraudes le 20 février 2017, une pénalité administrative de 950 euros a été notifiée aux époux [V] le 26 avril 2017.
Le 2 juillet 2017, Mme [V] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble aux fins de contestation de la décision de la commission de recours amiable de la CAF de l'Isère notifiée le 19 juin 2018 maintenant l'indu d'allocation de logement familiale d'un montant de 11 493,12 euros.
Par jugement réputé contradictoire du 2 juillet 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a :
- déclaré le recours de Mme [V] recevable mais mal fondé,
- condamné Mme [V] à payer à la CAF de l'Isère la somme de 11 185,12 euros au titre du solde d'indu d'allocation de logement familiale pour la période d'octobre 2013 à juin 2016,
- condamné Mme [V] aux dépens nés après le 1er janvier 2019.
Le 17 juillet 2020, Mme [V] a interjeté appel de cette décision.
L'affaire fixée pour être plaidée le 8 septembre 2022 a fait l'objet d'un renvoi au 6 avril 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 22 juin 2023, délibéré prorogé au 6 juillet.
Mme [V] a été autorisée à remettre une note en délibéré avant le 30 avril pour répondre aux dernières observations de la caisse d'allocations familiales quant au fait qu'elle n'aurait eu fonction de sa situation patrimoniale aucuns droits ouverts au titre de l'accession à la propriété, faculté dont elle n'a pas usé.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme [L] [I] épouse [V] selon ses conclusions d'appel notifiées par RPVA le 7 mars 2023 reprises à l'audience demande à la cour de :
- juger son appel interjeté contre le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble (RG n° 18/00696) du 2 juillet 2020 tant recevable que fondé.
- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
« Condamné Mme [V] à payer à la CAF de l'Isère la somme de 11 185,12 euros au titre du solde d'indu d'allocation de logement familiale pour la période d'octobre 2013 à juin 2016,
Condamné Mme [V] aux dépens. »
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- constater que la décision du 27 février 2017 n'est pas suffisamment motivée.
- annuler la décision du 27 février 2017 lui notifiant l'indu d'allocation de logement familiale d'un montant de 11 493,12 euros.
A titre subsidiaire,
- juger que l'indu notifié par la CAF de l'Isère est injustifié.
- annuler l'indu d'allocation de logement familiale d'un montant de 11 493,12 euros qui lui a été notifié.
- annuler la décision du 27 février 2017 en ce qu'elle a retenu son intention frauduleuse.
En tout état de cause,
- débouter la CAF de l'Isère de l'intégralité de ses demandes.
- condamner la CAF de l'Isère aux entiers dépens de l'instance.
A titre principal, elle soutient que la décision d'indu du 27 février 2017 et la décision de la commission de recours amiable du 19 juin 2018 sont imprécises puisqu'elles mentionnent un montant global sans détail de sorte qu'elle n'a pas pu avoir connaissance de l'étendue de son obligation. Elle reproche ainsi à la CAF de l'Isère de ne pas avoir précisé le montant des ALF versées indûment chaque mois.
A titre subsidiaire, sur l'annulation de l'indu litigieux, elle fait valoir qu'elle pouvait bénéficier de l'allocation de logement familiale dans la mesure où bien que propriétaire de son logement, elle n'était que gérante minoritaire de la SCI.
Elle soutient qu'autre part qu'en qualité d'accédante à la propriété, elle aurait pu être bénéficiaire de cette prestation.
La caisse d'allocations familiales de l'Isère au terme de ses conclusions additionnelles en réponse parvenues au greffe le 31 mars 2023 reprises à l'audience demande à la Cour de :
- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble du 2 juillet 2020,
- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses prétentions,
- condamner Mme [V] au paiement des entiers dépens de première d'instance et d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La CAF de l'Isère soutient que l'indu d'ALF est justifié dès lors que Mme et M. [V] n'avaient pas droit à ces prestations au titre d'une location pour la période litigieuse.
Elle explique que les époux [V] jouissaient de la propriété du logement pour lequel ils bénéficiaient de l'ALF en qualité de locataires par l'intermédiaire d'une société dont ils sont les propriétaires.
Elle ajoute que les époux [V] n'ayant pas déclaré être propriétaires de la SCI [7] faisant office de bailleur pour leur logement et ce, sur une période conséquente ayant débuté en 2004, l'existence d'une dissimulation d'informations caractérisant une intention frauduleuse ne peut être contestée.
Enfin elle considère que le recours est manifestement dilatoire au motif que le recouvrement de sa créance est une nouvelle fois reporté.
Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
1. Le litige se rapporte à une notification de fraude du 27 février 2017 visant en pièce jointe une notification d'indu du même jour, le tout adressé à Mme [V] dans une même lettre recommandée avec demande d'avis de réception retirée le 3 mars 2017 par sa destinataire.
L'appelante au soutien de son moyen d'annulation de la notification de l'indu pour défaut de motivation se prévaut des dispositions de l'article R. 142-1-A du code de la sécurité sociale qui n'a été introduit dans ledit code qu'à compter du 1er janvier 2019.
L'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale applicable au litige dispose lui que :
'L'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur par le directeur de l'organisme compétent d'une notification de payer le montant réclamé par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette lettre précise le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements donnant lieu à répétition. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées et les modalités selon lesquelles les indus de prestations pourront être récupérés, le cas échéant, par retenues sur les prestations à venir. Elle indique les voies et délais de recours ainsi que les conditions dans lesquelles le débiteur peut, dans le délai mentionné au deuxième alinéa de l'article R 142-1 présenter ses observations écrites ou orales.
A l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l'organisme créancier compétent, en cas de refus du débiteur de payer, lui adresse par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception une mise en demeure de payer dans le délai d'un mois qui comporte le motif, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, les voies et délais de recours et le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées'.
La notification d'indu mentionne qu'elle se rapporte à un indu d'aide au logement familial (ALF) de 11 493,12 euros pour la période du 1er octobre 2013 au 30 juin 2016, tandis que la notification de fraude qui vise comme pièce jointe cette notification d'indu précise qu'une demande d'aide au logement en tant que locataire a été déposée en décembre 2004, qu'un contrôle a été réalisé à domicile le 18 octobre 2016, qu'il s'est avéré que le logement était propriété d'une société civile immobilière dont M. [V] était gérant majoritaire et que, partant, une fausse déclaration avait été faite.
Cette notification du 27 février 2017 satisfait donc pleinement aux exigences de motivation de l'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale précité et a permis à Mme [V] d'avoir connaissance de la cause, de la nature et du montant des sommes que la caisse d'allocations familiales estime lui avoir été versées indûment.
Enfin les juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale visées à l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire ne sont pas les juridictions d'appel des décisions de la commission de recours amiable des organismes sociaux et, en tout état de cause en cas d'annulation de la décision rendue par la commission de recours amiable et ce, quelle que soit sa régularité formelle, ces tribunaux restent saisis du litige et doivent statuer sur le fond de la demande, tout comme la présente cour à raison de l'effet dévolutif de l'appel.
En conséquence le moyen selon lequel la décision de la commission de recours amiable de la caisse d'allocations familiales du 21 juin 2018 serait insuffisamment motivé est sans portée pour soutenir l'annulation de l'indu de ce seul chef.
2. Le litige dévolu à la cour concerne un indu faisant suite au dépôt le 3 décembre 2004 par Mme [V] d'une demande d'aide au logement en tant que locataire.
Il n'y a donc pas lieu d'envisager d'éventuels droit de Mme [V] en tant qu'accédante à la propriété dont au demeurant elle n'a pas démontré qu'elle aurait pu y avoir droit.
Mme [V] reconnaît elle même dans ses écritures (page 6) que le principe est qu'un propriétaire ne peut pas percevoir d'allocation logement s'il a constitué une société civile immobilière (SCI), sauf indique-t-elle si ses parts dans ladite SCI en pleine propriété ou en usufruit sont inférieures à 10 % du capital social.
Effectivement, l'article L. 542-2-VIII du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige dispose que :
'L'allocation de logement n'est pas due aux personnes qui sont locataires d'un logement dont elles-mêmes, leurs conjoints, concubins ou toute personne liée à elles par un pacte civil de solidarité, ou l'un de leurs ascendants ou descendants, jouissent d'une part de la propriété ou de l'usufruit de ce logement personnellement ou par l'intermédiaire de parts sociales de société, quels que soient leurs formes et leurs objets. Par dérogation, cette aide peut être versée si l'ensemble des parts de propriété et d'usufruit du logement ainsi détenues est inférieur à des seuils fixés par décret. Ces seuils ne peuvent excéder 20 %'.
Il n'a pas été contesté ni établi la preuve contraire après le contrôle opéré que M. [K] [V], mari de l'appelante, est gérant majoritaire de la SCI - [7], propriétaire du bien loué par madame pour lequel l'allocation logement a été sollicitée.
Cette dernière n'a pas non plus estimé devoir verser aux débats les statuts de cette SCI pour établir la répartition du restant du capital.
En conséquence, Mme [V] a perçu une allocation à laquelle elle n'avait pas droit et l'indu ne peut donc qu'être confirmé.
3. Selon l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2018 applicable à l'espèce, peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales ou des prestations d'assurance vieillesse, au titre de toute prestation servie par l'organisme concerné :
1° L'inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations ;
2° L'absence de déclaration d'un changement dans la situation justifiant le service des prestations (....).
Mme [V] en remplissant sa demande d'aide au logement le 3 décembre 2004 a certifié sur l'honneur que ni elle ni son conjoint n'avaient de lien de parenté avec le propriétaire des biens donnés à bail, ce qui était manifestement faux.
L'intention frauduleuse est donc établie et le montant de la pénalité nullement disproportionné avec la situation patrimoniale des époux [V], propriétaires de plusieurs logements loués dont le leur, ainsi que le cantonnement à la période débutant en octobre 2013 de l'indu réclamé.
La pénalité pour fraude de 950 euros sera donc également confirmée.
4. Les dépens seront supportés par Mme [V] qui succombe.
Il parait équitable d'allouer à la caisse d'allocations familiales la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel à la charge de Mme [V] qui succombe aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement RG 18/00696 du 2 juillet 2020 du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble.
Y ajoutant,
Condamne Mme [L] [V] née [I] aux dépens d'appel.
Condamne Mme [L] [V] née [I] à verser à la caisse d'allocations familiales de l'Isère la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président