C8
N° RG 22/00310
N° Portalis DBVM-V-B7G-LGKS
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL CAPSTAN
RHONE-ALPES
la SELARL BJA
la CPAM DE [Localité 4]
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU JEUDI 29 JUIN 2023
Appel d'une décision (N° RG 19/00560)
rendue par le Pole social du TJ d'ANNECY
en date du 17 décembre 2021
suivant déclaration d'appel du 18 janvier 2022
APPELANTE :
Société [8] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représentée par M. [L] [W] (Membre de l'entreprise) régulièrement muni d'un pouvoir (identité vérifiée),
plaidant par Me Stéphane BOURQUELOT de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON,
INTIMEES :
Madame [K] [T]
née le 14 Juin 1958 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1] / FRANCE
représentée par Me Carole MARQUIS de la SELARL BJA, avocat au barreau D'ANNECY
Organisme CPAM DE [Localité 4] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Service Contentieux
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparante en la personne de M. [R] [F] régulièrement muni d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier,
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 avril 2023,
Mme Isabelle DEFARGE, chargée du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries,
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
Le 1er avril 2014 Mme [K] [Z] épouse [T], chirurgien-dentiste pour le compte de l'[8] ([8]) a demandé à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] (la caisse) la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie 'capsulite de l'épaule droite' constatée médicalement pour la 1ère fois le 17 septembre 2013.
Le certificat médical initial établi le 27 mars 2014 mentionne 'capsulite épaule droite' et 'tendinite fissuraire du supra-épineux IRM & arthroscanner faits'.
Le 23 juin 2014 la caisse a notifié sa décision de prise en charge de la maladie 'Coiffe des rotateurs : rupture partielle ou transfixiante objectivée par IRM droit' au titre du tableau 57 des maladies professionnelles.
Le 04 février 2019 Mme [T] a été déclarée inapte au poste de chirurgien-dentiste occupé avant l'arrêt et à tous postes comportant des contraintes au niveau des deux bras et des deux épaules avec la mention 'Pourrait essayer un poste ne comportant pas ces contraintes et toutes formations'.
Elle a été licenciée pour ce motif le 1er mars 2019, licenciement qu'elle a contesté devant le conseil des prudhommes d'Annecy du 15 octobre 2019 puis la cour d'appel de Chambéry, l'instance étant toujours en cours.
Le 13 juin 2019 son taux d'incapacité permanente partielle a été fixé à 22 % dont 15 % de taux médical et 7 % de taux socio-professionnel.
Le 02 juillet 2019 Mme [T] après échec de la tentative de conciliation amiable a saisi le tribunal judiciaire d'Annecy d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de sa maladie.
Par jugement du 17 décembre 2021 ce tribunal a :
- dit que la maladie professionnelle dont a été victime Mme [K] [T] le 27 mars 2014 résulte de la faute inexcusable de son employeur l'UMFMB,
- ordonné l'indemnisation (la majoration de la rente) servie à Mme [T] et dit que cette majoration suivra l'évolution éventuelle de son taux d'IPP,
- précisé que l'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux sera réexaminée selon l'aggravation de l'état de santé de l'assurée,
- condamné l'[8] à rembourser à la CPAM la majoration de l'indemnisation (de la rente) sur la base du seul taux notifié à ce jour,
- avant-dire-droit sur la liquidation des préjudices de Mme [T] ordonné une expertise aux frais avancés de la caisse,
- alloué à Mme [T] la somme provisionnelle de 5 000 € à valoir sur la réparation intégrale de son préjudice,
- dit que la caisse en fera l'avance,
- condamné l'[8] à rembourser à la caisse les frais d'expertise et les sommes dont elles sera tenue de faire l'avance conformément à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,
- sursis à statuer sur les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- réservé les dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
Le 18 janvier 2022 l'[8] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 30 décembre 2021 et au terme de ses conclusions n°4 déposées le 06 avril 2023 soutenues oralement à l'audience elle demande à la cour :
- d'infirmer ce jugement,
Statuant à nouveau
A titre principal,
- de lui donner acte de ce que Mme [T] ne critique plus l'ergonomie du fauteuil PLANMECA,
- de débouter Mme [T] de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable et de toutes ses demandes,
A titre subsidiaire
- de dire que la caisse fera l'avance de toutes les sommes accordées au titre de la reconnaissance d'une telle faute et des frais d'expertise,
- de limiter l'expertise aux préjudices visés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,
- de rejeter la demande de provision,
En tout état de cause
- de condamner Mme [T] à lui verser la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.
L'[8] conteste que puisse trouver ici à s'appliquer la présomption d'imputabilité retenue par le tribunal, dès lors que l'appelante ne prouve pas qu'elle-même ou un membre du CHSCT ait informé sa direction avant la survenance de la pathologie dont la date doit être fixée au 17 septembre 2013 et non pas au 27 mars 2014 ; que l'appelante ne prouve pas non plus qu'elle a manqué à son obligation de sécurité et avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel celle-ci prétend avoir été exposée; elle soutient qu'une fois informée du risque elle a immédiatement pris des mesures pour préserver sa salariée de ce risque.
Au terme de ses conclusions n°4 déposées le 12 avril 2023 soutenues oralement à l'audience Mme [K] [T] demande à la cour :
- de la dire recevable et bien fondée en ses demandes,
- de confirmer le jugement,
A titre principal
- de juger qu'elle doit bénéficier de la présomption irréfragable de faute inexcusable de l'article L. 4131-4 du code du travail,
A titre subsidiaire
- de juger que la faute inexcusable de l'UMFMB est établie par la violation par cet organisme de son obligation de sécurité à son égard,
- de confirmer le jugement :
- en ce qu'il a ordonné la majoration de son indemnisation en fonction de l'évolution éventuelle de son taux d'incapacité et la majoration à son maximum de la rente qui lui est servie,
- en ce qu'il a jugé que l'indemnisation de ses préjudices extrapatrimoniaux sera réexaminée en fonction de l'aggravation de son état de santé,
- en ce qu'il lui alloué la somme provisionnelle de 5 000 € à valoir sur la réparation intégrale de son préjudice,
- en ce qu'il a ordonné une expertise médicale,
- d'infirmer le jugement sur l'étendue de la mission de l'expert en ajoutant l'indemnisation du DFP,
- de dire l'arrêt opposable à la caisse,
- de condamner l'[8] à lui payer 2 x 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Selon ses conclusions déposées le 12 avril 2023 soutenues oralement à l'audience la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] demande à la cour :
- de statuer sur la demande de reconnaissance de faute inexcusable de Mme [T],
- dans l'hypothèse où la cour confirmerait l'existence d'une faute inexcusable, de confirmer également la condamnation de l'employeur à lui rembourser les différentes sommes versées par elle au titre de cette faute et sur le fondement des articles L. 452-1 à L. 452-3 du code de la sécurité sociale ainsi que les frais d'expertise.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
SUR CE :
. L'employeur conteste que puisse ici s'appliquer la présomption irréfragable de faute inexcusable retenue par le tribunal, résultant de l'article L. 4131-4 du code du travail qui disposait dans sa version en vigueur du 01 mai 2008 au 01 janvier 2018 ici applicable que 'le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé.'
Pour bénéficier de cette présomption, il incombe à Mme [T] de démontrer que son employeur avait été avisé avant la première constatation médicale de la maladie dont elle a été reconnue atteinte, du risque dont cette constatation constitue la matérialisation.
Aucune des parties ne produit aux débats le colloque médico-administratif au terme duquel le médecin-conseil de la caisse a dû fixer la date de cette première constatation médicale, et sera en conséquence retenue la date du 17 septembre 2013 mentionnée au certificat médical initial joint à la déclaration de maladie.
Il incombe donc ici à l'intimée de démontrer que son employeur a été avisé avant cette date du risque de développement de la maladie professionnelle dont elle a été déclarée atteinte, et ce soit par elle-même soit par un membre du CHSCT.
En l'espèce Mme [T] produit aux débats la copie d'un courriel intitulé 'douleurs épaule' envoyé le mardi 05 novembre 2013 à 9:39 à : CHSCT ainsi rédigé : 'il apparaît que les dentistes souffrent de l'épaule en rapport avec le système de fouets dont nous nous servons pour travailler, nous sommes au moins 3 à envisager une opération de l'épaule qui provoquera un arrêt de plusieurs mois, pouvez-vous passer voir les dentistes pour dénombrer très exactement tous ceux qui ont cette douleur et ensuite envisager peut-être des solutions'.
S'agissant du risque signalé, il concernait non pas l'inadaptation de l'ergonomie du fauteuil PLANMECA lui-même à la morphologie de Mme [T] mais 'le système de fouets'.
D'après les documents produits de part et d'autre, il apparaît que ce système de fouets (sur lesquels sont fixés les outils nécessaires à l'activité du chirurgien-dentiste) diffère selon les modèles de fauteuil, savoir qu'il est fixé sur un bras pivotant fixe (fauteuil Planmeca) ou articulé (fauteuil Stern Weber) ce qui est de nature à modifier la posture du praticien pendant la dispensation des soins au patient allongé ou incliné dans le fauteuil.
L'[8] ne conteste pas que le CHSCT dont son directeur est le président de droit a été rendu destinataire de ce courriel et produit d'ailleurs le procès-verbal du 10 décembre 2013 mentionnant '4. Point sur l'organisation d'une formation gestes et postures pour le service dentaire : Le Dr [SK] a été sollicitée pour une proposition d'étude par un ergonome du poste de travail des chirurgiens-dentistes et assistantes afin de diminuer les contraintes physiques en cabinet dentaire'.
Mais ce courriel étant postérieur à la date de première constatation médicale de la maladie ne peut entraîner l'application de la présomption alléguée.
Mme [T] produit également les attestations de plusieurs collègues selon lesquelles :
- attestation du 08 février 2019 de Mme [D], assistante dentaire (pièce 18) : 'dans le courant de l'année 2012 le Dr [T] a du changer de cabinet et a commencé sur le fauteuil dentaire Planmeca compact ; au bout de quelques mois elle s'est plainte de douleur de l'épaule droite, sachant que son confrère le Dr [P] avait développé une capsulite sur ce même fauteuil ; elle a immédiatement alerté la direction que ce fauteuil était sans aucun doute responsable de ses douleurs à l'épaule et a demandé à ce qu'on lui change le fauteuil : elle a informé à plusieurs reprises Mme [S] [A] et M. [TH] directeur général et coordonnatrice dentaire de l'urgence de changer ce fauteuil sans aucune réaction de la direction elle a fini par envoyer un mail au CHSCT qui n'est absolument pas intervenu non plus' ;
- attestation du 14 mars 2021 de Mme [V], assistante dentaire (pièce 27) : 'ayant fait partie du personnel de l'entreprise d'octobre 2005 au 31 janvier 2015 je déclare et certifie que pendant toutes ces années aucune formation en ergonomie ne m'a été proposée. Ce n'est pas faute d'en avoir réclamé collégialement à notre responsable Mme [A] [S] notamment le Dr [T] [K] qui lui relatait régulièrement ses douleurs d'épaule occasionnées par le fait de travailler sur un fauteuil dentaire Planméca depuis 2012 année pendant laquelle j'avais réclamé à titre personnel un fauteuil d'assistanat 'Bombach' que j'ai obtenu' ;
- attestation du 31 janvier 2023 de Mme [E], assistante dentaire et radiologue (pièce 28) : 'j'ai travaillé avec le docteur [T] ponctuellement au cours de l'année 2012 dans le centre de santé dentaire à [I] (...) Je me souviens très bien que vers les mois de novembre ou décembre 2012 le Dr [T] qui se plaignait de douleurs à l'épaule droite à la responsable du service de direction Mme [S] [A] a eu un entretien avec elle en ma présence (...) au cours duquel le Dr [T] a manifesté son énervement à Mme [A]. Elle lui reprochait notamment de ne rien faire pour la changer de poste. A la demande de Mme [A] le Dr [T] lui a montré les gestes répétitifs qu'elle faisait durant son travail dans la journée et ça pendant des jours au fauteuil 'vert' de [M] [KC] qui impactaient son épaule et lui a expliqué les problèmes qu'elle rencontrait en travaillant sur ce poste continuellement (le fauteuil 'vert' de [M] [KC] a été changé ultérieurement). Les faits remontant à environ 10 ans il est difficile de donner une date exacte ma seule certitude est qu'ils se sont passés fin 2012' ;
- attestation du 19 janvier 2023 de Mme [B], chirurgien dentiste (pièce 29) : 'au cours de l'année 2012 j'ai entendu ma consoeur le docteur [K] [T] se plaindre à plusieurs reprises de ses conditions de travail et de douleurs à l'épaule et ceci en présence de Mme [S] [A], directrice du centre dentaire. Lorsque le Dr [T] a quitté le centre dentaire mutualiste de [Localité 3] (où j'exerçais également) pour reprendre un exercice à temps plein au centre mutualiste de [I], elle s'est rapidement plainte de douleurs à l'épaule et souhaitait retrouver le poste de travail qui était antérieurement le sien et dont l'ergonomie lui convenait mieux'.
Selon l'article 1381 du code civil en vigueur depuis le 01 octobre 2016 la valeur probante des déclarations faites par un tiers dans les conditions du code de procédure civile est laissée à l'appréciation du juge.
Ces attestations décrivent le fait que courant ou fin 2012 Mme [T] se serait plainte à Mme [A] directrice du centre mutualiste de [I] de douleurs à l'épaule en relation avec, selon les cas, le fauteuil Planmeca, le 'fauteuil vert de [M] [KC]' ou plus généralement ses conditions de travail.
Si elles ont toutes établies plusieurs années après les faits dont elles attestent, la première en date du 08 février 2019 a précédé le licenciement de Mme [T] et sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur du 11 avril 2019.
Mme [T] évoque aussi la maladie professionnelle dont aurait été précédemment atteint le Dr [P], qui a également attesté en ces termes le 30 janvier 2019 : 'j'ai travaillé sur le fauteuil Planmeca compact pendant 2 ans au sein de l'UMFMB et j'ai développé une capsulite rétractile de l'épaule gauche durant cette période ; le Docteur [T] m'a succédé sur ce même fauteuil'.
L'employeur, qui a nécessairement dû être consulté par la caisse s'agissant de la maladie professionnelle de ce praticien, ne produit aucun élément de nature à combattre ces attestations concordantes entre elles d'où résulte une présomption de connaissance du risque présenté pour Mme [T] par l'ergonomie de son poste de travail antérieurement à septembre 2013, présomption renforcée par les trois autres attestations qui concordent également avec la première sur le fait que Mme [A], responsable du centre mutualiste de [I] en 2012, avait été avertie des difficultés rencontrées par celle-ci sur ce poste.
Cette présomption est encore renforcée par les autres attestations produites par Mme [T], savoir :
- attestation du 12 décembre 2018 de Mme [XH] (chirurgien dentiste) : 'en décembre 2014 on a dû changer les fouets du fauteuils car ces derniers m'avaient créé une tendinite au coude droit. Les fouets étaient usés. Puis en août 2015 j'ai eu de nouveau mal au coude et des douleurs de l'épaule droite sont apparues engendrant la mobilisation (l'immobilisation ') de mon bras. Ceci est dù à l'ergonomie de mon fauteuil au cabinet mutualiste. Le bras articulé est trop court et dur à mobiliser. L'assise du fauteuil est trop mo(lle) et les patients s'enfoncent dedans. Vu mon jeune âge, la direction a décidé de changer le fauteuil . Ce dernier n'a été changé qu'en juillet 2016. Malheureusement les douleurs du coude et de l'épaule droite sont toujours présentes. Je suis toujours suivie par un rhumatologue et un kiné à ce jour'
- attestation du 30 janvier 2019 de [U] [C], dentiste : 'exerçant en remplacement du Dr [K] [T] depuis le 1er avril 2015 dans le même cabinet, sur le même fauteuil Planméca compact, j'ai constaté une gêne à l'épaule. A l'usage, ce fauteuil présente un certain nombre de défauts dont les principaux sont les suivants : - bras articulé trop court - pas de blocage des fouets, ce qui nécessite une traction sur les instruments, surtout le détartreur, qui finit même, à la longue, par se déboîter de son raccord'.
- attestation du 30 janvier 2019 de [H] [N], dentiste :'je soussigné avoir travaillé sur le hauteuil Planméca et avoir développé une tendinite du supra-épineux de l'épaule droite ayant engendré une reconnaissance en maladie professionnelle'.
L'employeur pour combattre ces attestations n'oppose que celles :
- de M. [J], salarié retraité, qui occupait les fonctions de secrétaire du CHSCT en 2013 selon laquelle 'avant la date du 5 novembre 2013 (il n'a) pas été informé par Mme [T] et n'a pas eu connaissance d'une quelconque alerte auprès de la direction' ;
- Mme [G], secrétaire médicale au centre de [I] et déléguée du personnel à partir de 2004, selon laquelle elle 'n'a pas eu connaissance d'une plainte de [K] [T] ni d'un quelconque problème avec son fauteuil ou matériel de travail avant le mail reçu au CHSCT en novembre 2014' ;
- Mme [O], responsable des ressources humaines retraitée depuis 2020, selon laquelle elle 'n'a eu en aucun cas connaissance d'une alerte de Mme [T] auprès de la direction générale voire auprès de Mme [A] directrice du pôle dentaire avant ce mail' ;
- de M. [X], chirurgien-dentiste au centre [I] depuis 2010, selon laquelle il 'n'a jamais entendu Mme [T] se plaindre d'aucune douleur, que celle-ci soit liée à son travail ou au matériel fourni (fauteuil Planmeca) ni d'avoir eu connaissance d'alerte de sa part auprès de la direction avant son mail au CHSCT le 5 novembre 2013' ;
- de M. [Y], délégué syndical en 2013 au centre [I], selon laquelle le 5 novembre 2013 il 'a eu connaissance du mail de Mme [T] diffusé au CHSCT précisant une difficulté au sein de son poste de travail concernant le système de fouet de son fauteuil' et 'avant ce mail n'a pas été alerté directement par Mme [T] et n'a pas eu connaissance d'une quelconque alerte auprès de la direction' ;
- de Mme [A], du 1er mars 2021 selon laquelle elle 'n'a pas de souvenir d'un ou plusieurs échanges avec le Dr [T] au cours desquels elle aurait désigné le fauteuil Planmeca comme étant à l'origine de ses problèmes de santé' ;
qui n'attestent que de faits négatifs,
outre
- le courriel de Mme [A] à M. [L] [W], en date du 9 février 2021 relatif au centre de santé dentaire de [Localité 6] ( et non celui de [I] )
et celle de M. [TH], directeur général de l'UMFMB.
La cour estime ici rapportée la preuve qu'avant la date de 1ère constatation médicale de sa maladie le 17 septembre 2013 Mme [T] avait alerté son employeur, en la personne de la directrice du centre médical de [I] Mme [A], de ses douleurs à l'épaule liées à son activité professionnelle sur son poste de travail.
La présomption de faute inexcusable de l'UMFMB est donc établie comme l'a jugé le tribunal dont le jugement sera confirmé.
. Selon les articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsqu'un accident du travail est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime a droit à une indemnisation complémentaire ; elle reçoit une majoration des indemnités qui lui sont dues en vertu du livre IV du code de la sécurité sociale. Lorsqu'une rente lui a été attribuée le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.
Ce salaire annuel et cette majoration sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes.
La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret.
Indépendamment de la majoration de rente, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.
Dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel a par ailleurs déclaré ces dispositions conformes à la Constitution sous la réserve qu'elles ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;
Enfin par arrêt du 20 janvier 2023 n° 21-23.947 la Cour de cassation a jugé que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent et que dès lors, la victime d'une faute inexcusable de l'employeur peut obtenir une réparation distincte du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées.
En application de ces dispositions, l'erreur matérielle affectant le dispositif du jugement sera réparé au dispositif, la demande de l'UMFMB relative à l'avance par la caisse des sommes dues déclarée sans objet et la mission de l'expert complétée pour permettre l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent de Mme [T].
La provision allouée par les premiers juges est justifiée et le jugement sera encore confirmé sur ce point.
. L'[8] qui succombe en son appel devra supporter les dépens de la présente instance et verser à Mme [K] [T] la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 au titre de l'instance d'appel, les dépens ayant été réservés pour la première instance du fait de l'instauration de la mesure d'expertise.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme le jugement sauf à réparer comme suit les erreurs matérielles affectant son dispositif :
- ordonne la majoration à son maximum de la rente servie à Mme [T] et dit que cette majoration suivra l'évolution éventuelle de son taux d'IPP,
- condamne l'[8] à rembourser à la CPAM la majoration de la rente sur la base du seul taux notifié à ce jour,
Y ajoutant,
Déclare sans objet la demande de l'UMFMB relative à l'avance des sommes par la caisse.
Complète la mission de l'expert à l'évaluation du Déficit Fonctionnel Permanent.
Condamne l'[8] aux dépens de la présente instance.
Condamne l'[8] à payer à Mme [K] [T] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en indemnisation de ses frais irrépétibles en appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Kristina Yancheva, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président