C1
N° RG 21/02615
N° Portalis DBVM-V-B7F-K5I4
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET
la SELARL LEXAVOUE [Localité 6] - [Localité 5]
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 27 JUIN 2023
Appel d'une décision (N° RG 19/00158)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE
en date du 12 mai 2021
suivant déclaration d'appel du 09 juin 2021
APPELANTE :
Madame [N] [S] ép. [A]
née le 02 Novembre 1957 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE, substituée par Me Anaïs BIANCHI, avocat au barreau de GRENOBLE,
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/009193 du 18/08/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE),
INTIMEE :
Etablissement POLE EMPLOI, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,
SIRET N° : 130005481
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,
et par Me Gérard COUR de la SELAS FIDAL, avocat plaidant inscrit au barreau de CHALON-SUR-SAONE, substituée par Me Mathieu PERRACHON, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 mai 2023,
Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère chargée du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de M. Victor BAILLY, juriste assistant près la Cour d'appel de Grenoble conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 27 juin 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 27 juin 2023.
Exposé du litige :
Mme [S] a été embauchée le 1er mars 2012 en qualité de conseillère Pôle Emploi en contrat de travail à durée déterminée à l'agence de la Tour du Pin, puis le 1er novembre 2012 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à l'agence de [Localité 9].
A compter du 1er janvier 2014, Mme [S] a été promue au coefficient 200 de l'emploi générique de "Technicien Qualifié ".
Le 18 septembre 2014, Mme [S] a adressé un courrier à sa responsable d'équipe, Mme [B], l'alertant de difficultés relationnelles avec ses collègues.
Le 18 mars 2015, suite à un incident avec ses collègues, Mme [S] a renseigné une fiche de signalement.
Le 20 mars 2015, son médecin traitant lui a prescrit un arrêt de travail.
Par la suite, elle a alerté son employeur à plusieurs reprises de la persistance de difficultés.
Le 15 juillet 2016, elle s'est vue prescrire un arrêt de travail, lequel a été prolongé jusqu'au 5 octobre 2018.
Par avis du 15 octobre 2018, le médecin du travail a constaté l'inaptitude de Mme [S] à reprendre son emploi en précisant que " l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ".
Le 22 novembre 2018, Pôle Emploi lui a notifié son licenciement pour inaptitude non professionnelle.
Le 09 mai 2019, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Vienne aux fins de contester son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.
Par jugement du 12 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Vienne a :
- Dit et jugé que le licenciement de Mme [S] épouse [A] pour inaptitude est régulier ;
- Débouté Mme [S] épouse [A] de l'ensemble de ses demandes y compris de la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté POLE EMPLOI de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamné Mme [S] épouse [A] aux dépens.
La décision a été notifiée aux parties et Mme [S] en a interjeté appel.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 avril 2022, Mme [S] demande à la cour d'appel de :
- Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- Juger que les demandes de Mme [S] tendant à l'indemnisation des préjudices subis ensuite du harcèlement moral discriminatoire et du manquement de l'employeur à ses obligations de prévention et de sécurité sont parfaitement recevables,
- Juger que la demande tendant à voir condamner POLE EMPLOI à verser à Mme [S] une indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, est recevable,
- Juger que Mme [S] a été victime de harcèlement moral discriminatoire,
- Juger que POLE EMPLOI a manqué à ses obligations de prévention et de sécurité,
- Juger que le licenciement notifié à Mme [S] est nul et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- Condamner en tout état de cause POLE EMPLOI à lui verser les sommes suivantes :
10 000 € nets au titre du préjudice moral sur le fondement de l'article L.1152-1 du code du travail en réparation du harcèlement moral discriminatoire subi,
10 000 € nets de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1152-4 du code du travail (obligation de prévention des agissements de harcèlement),
4 985,86 € net à titre de solde d'indemnité de licenciement,
4 135,12 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 413,52 € bruts au titre des congés payés afférents,
49 621,51 € nets de dommages-intérêts au titre de la nullité de la rupture ou en tout cas de son caractère dénué de cause réelle et sérieuse,
3 000 € au titre de l'article 700 du code civil,
- Débouter POLE EMPLOI de l'intégralité de ses demandes.
- Condamner POLE EMPLOI aux dépens en ce compris les dépens découlant éventuellement d'une exécution forcée de la décision.
Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 11 Octobre 2022, Pôle emploi demande à la cour d'appel de :
A titre principal,
- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Vienne en ce qu'il a :
* Dit et jugé que le licenciement pour inaptitude de Mme [S] est régulier ;
* Débouté Mme [S] de l'ensemble de ses demandes y compris de la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* Condamné Mme [S] aux dépens.
- Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Vienne en ce qu'il a débouté Pôle emploi de l'ensemble de ses demandes.
Statuant à nouveau :
- Déclarer irrecevables et en tout état de cause infondées, les demandes suivantes présentées par Mme [S] pour la première fois devant la cour d'appel :
* La demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral sur le fondement de l'article L.1152-1 du Code du Travail en réparation du harcèlement moral discriminatoire subi
* La demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1152-4 du code du Travail (obligation de prévention des agissements de harcèlement),
* La demande d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,
- Condamner Mme [S] à verser à Pôle emploi la somme de 2.500,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- A titre subsidiaire,
- Si la cour considère recevables et fondées les demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct né du harcèlement et pour manquement à l'obligation de prévention du harcèlement, réduire le montant des condamnations à de plus justes proportions,
- Si la Cour considère que le licenciement de Madame [S] est nul, limiter le montant de cette indemnité à 12 405,36 €,
- Si la Cour considère que le licenciement de Madame [S] n'est pas nul mais dépourvu de cause réelle et sérieuse, limiter le montant de l'indemnité à 6 202,68 €,
- Si la Cour décide d'entrer en voie de condamnation à l'encontre de Pôle emploi au titre d'un ou plusieurs des chefs de demande, débouter Mme [S] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- A titre infiniment subsidiaire,
- Réduire la demande de Mme [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 avril 2023, et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 15 mai 2023.
La décision a été mise en délibéré au 20 juin 2023, prorogé au 27 juin 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI :
I- Sur la recevabilité des demandes de Mme [S] :
1-1- Sur les demandes formulées au titre du harcèlement moral et du manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement :
Pôle Emploi affirme, au visa des articles 564 à 566 du code de procédure civile, que les demandes de Mme [S], tendant à l'indemnisation du préjudice subi pendant l'exécution du contrat de travail, ensuite du harcèlement moral discriminatoire subi, et du manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement, sont irrecevables, pour ne pas avoir été présentées en première instance.
Mme [S] soutient que ces demandes sont l'accessoire et/ou le complément de la demande formée au titre de la nullité du licenciement, de sorte que bien que formées pour la première fois en cause d'appel, elles sont parfaitement recevables.
Réponse de la cour,
Depuis la suppression par l'article 8 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail de l'article R. 1452-7 du code du travail, aux termes duquel était instauré le principe de l'unicité de l'instance et par conséquent la recevabilité des demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail même en appel, le procès est organisé en application des règles générales du code de procédure civile et plus spécifiquement s'agissant des demandes additionnelles, en référence aux articles 65 et 70 dudit code, inclus dans le chapitre II relatifs aux demandes incidentes.
L'article 4 du code de procédure civile dispose quant à lui que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, ces prétentions devant être fixées par l'acte introductif d'instance, l'objet du litige pouvant toutefois être modifié par les demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si le fondement juridique est différent.
Selon l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire.
En l'espèce, il convient de relever qu'existe entre d'une part la demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, et au titre du manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement, et d'autre part la demande tendant à la remise en cause du licenciement pour inaptitude un lien suffisant dès lors que les premières et la seconde concernent les modalités selon lesquelles le contrat de travail unissant Mme [S] et Pôle Emploi s'est exécuté de part et d'autre part jusqu'à et y compris, sa rupture.
La demande tendant à l'irrecevabilité des prétentions formées de ces chefs doit donc être rejetée.
1-2- Sur la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis :
Pôle Emploi affirme, au visa des articles 565 du code de procédure civile et l'article L. 1234-5 du code du travail, que devant les premiers juges Mme [S] a demandé une indemnité compensatrice en application de l'article L.1226-14 du code du Travail.
En revanche, aucune demande indemnité compensatrice de préavis ni demande d'indemnité au titre des congés payés afférents n'a été présentée en première instance. Or ces indemnités sont de nature différente, l'indemnité compensatrice de préavis visée à l'article L 1234-5 du code du travail ayant un caractère salarial, alors que l'indemnité compensatrice visée à l'article L.1226-14 du code du travail a un caractère indemnitaire.
Mme [S] affirme en réponse que sa demande est recevable, seul le fondement juridique étant différent de celui visé en première instance.
Réponse de la cour,
En vertu de l'article L. 1226-14 du code du travail, en cas de licenciement pour inaptitude générée par une maladie professionnelle ou un accident du travail, le salarié a droit, d'une part, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5, d'autre part, à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables non invoquées, est égale au double de l'indemnité légale de licenciement.
Selon l'article L 1234-5 du même code, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2.
En l'espèce, la cour constate que la demande formulée n'est pas nouvelle, dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge, soit l'indemnisation de la période de préavis non effectuée, seul le fondement juridique étant différent.
La demande tendant à l'irrecevabilité de la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents sera donc rejetée.
II- Sur l'exécution du contrat de travail :
La cour observe que Mme [S] fonde sa demande en paiement de dommages et intérêts tant sur le harcèlement moral que sur la discrimination, lesquels visent pourtant des comportements nettement différenciés, de sorte qu'il convient de les examiner séparément.
2-1-Sur la discrimination :
Moyens des parties,
Mme [S] affirme, au visa des articles L. 1132-1, L. 1132-3 et L. 1152-1 du code du travail, et L. 2123-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, qu'elle a fait l'objet de harcèlement moral discriminatoire.
Elle expose ainsi que :
- Elle a subi une mise à l'écart et des brimades de la part de ses collègues, en raison de son âge, et de sa situation personnelle
- Elle était stigmatisée en raison de son mandat d'élue locale et faisait l'objet de mesures discriminatoires,
En réponse, Pôle emploi affirme que Mme [S] ne caractérise par les éléments constitutifs de la discrimination, permettant d'obtenir réparation à ce titre.
L'employeur précise que :
- L'interdiction faite à Mme [S] de se consacrer à des astreintes liées à son mandat d'élue municipale pendant son temps de travail chez Pôle emploi est conforme aux garanties accordées aux titulaires de mandats municipaux,
- La convocation de Mme [S] à un entretien d'explication le 27 mai 2016 était parfaitement justifiée au regard de la teneur de l'article paru dans la presse le 19 avril 2016.
Réponse de la cour,
Selon l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
En application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, il appartient au salarié qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. Il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination étant rappelé que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés.
En l'espèce, d'une part, Mme [S] affirme qu'elle faisait l'objet de moqueries par ses collègues en raison de son âge.
Elle n'apporte cependant aucun élément objectif précis au soutien de ce fait, qui ne sera donc pas retenu.
D'autre part, elle expose avoir alerté sa direction par courriel du 19 décembre 2014 du fait que son mandat d'élue la plaçait dans un positionnement complexe envers ses collègues, et qu'une collègue avait déchiré un article de presse dans lequel elle apparaissait.
Elle ne produit cependant là encore aucun élément objectif précis autre que ce courriel qu'elle a rédigé au soutien de cette affirmation, qui ne peut donc être retenue.
D'une troisième part, elle indique avoir sollicité un entretien et des clarifications de la direction régionale, sans succès, après avoir été convoquée par sa hiérarchie pour avoir demandé à une collègue de la prévenir si son téléphone d'astreinte sonnait pendant l'animation d'un atelier.
Au soutien de cette affirmation, elle produit :
- Un compte rendu d'entretien avec sa responsable d'agence, Mme [L], du 04 décembre 2014, laquelle mentionne lui rappeler les règles d'utilisation de son téléphone personnel pendant le travail,
- Un courriel du 19 décembre 2014 adressé à Mme [H], dans lequel elle sollicite des précisions concernant son autorisation d'absence lors d'astreinte, outre un entretien afin d'évoquer " ces difficultés et les solutions possibles ".
Par courriel du même jour, Mme [D], assistante DRH, prend note de sa demande et lui indique revenir vers elle dans les meilleurs délais.
La salariée soutient qu'aucune réponse ne lui a ensuite été donnée.
Or il résulte des pièces produites que :
- Le 04 décembre 2014, Mme [L] l'invite par courriel à transmettre sa demande concernant les astreintes, leur cadre et son mandat d'élue, à Pôle Emploi, en mettant la directrice territoriale Mme [C] en copie ainsi que son responsable d'équipe, ce qu'elle n'a pas fait.
- Le courriel adressé directement par Mme [S] à Mme [H] a été transmis à Mme [M], chargée des relations sociales, laquelle a interrogé Mme [E], responsable du département des relations sociales et juridiques le 09 janvier 2015 sur le sujet, celle-ci y apportant une réponse précise le 30 janvier 2015, transmise d'abord à Mme [M], puis en raison d'un message d'absence à Mme [W], adjointe à la directrice régionale, et concluant que " l'exercice d'astreintes telle que précisées par la salariée dans son mail, nécessitant de devoir quitter son poste de travail de suite dans le cadre de son mandant d'élu local, n'est pas compatible avec l'exercice de son activité professionnelle ".
- Lors de la transmission de la fiche d'incident le 15 avril 2015 à Mme [X], directrice régionale, celle-ci indique qu'aucune réponse ne semble avoir été donnée à la salariée au sujet des astreintes et interroge Mme [W] sur ce point, laquelle lui écrit qu'une réponse a été communiquée au site.
Ainsi, ces éléments établissent que la réponse de Pôle Emploi n'est pas parvenue à Mme [S], sans que l'employeur n'apporte d'explication sur ce point.
Pour autant, cette seule absence de communication de la réponse, qui transitait manifestement par plusieurs interlocuteurs, ne caractérise aucune stigmatisation ni mesure discriminatoire à l'endroit de Mme [S], du fait de sa fonction d'élue, et ce d'autant plus que Pôle Emploi a bien pris en compte et traité sa demande dès le mois de janvier 2015.
D'une quatrième part, Mme [S] déclare avoir été mise en cause et convoquée le 11 mai 2016 à un entretien à la Direction Régionale suite à la parution d'un article dans la presse alors qu'elle s'était exprimée dans le cadre de son mandat d'adjointe au Maire.
Elle produit pour en justifier :
- Le courriel de Mme [X], directrice régionale adjointe, sollicitant un entretien en présence de son adjointe, Mme [W], fixé le 27 mai 2016,
- Le courrier adressé par Mme [X] suite à cet entretien, dans lequel elle indique :
" (') Lors de cet échange, nous avons pu éclaircir un certain nombre de points et d'interrogations, aborder avec vous la nécessaire séparation entre vos fonctions de conseiller à l'emploi et vos activités de conseillère municipale et le devoir de réserve en découlant.
Vous avez pu nous exposer votre point de vue en précisant que le journaliste avait déformé vos propos et vous nous avez par ailleurs remis d'autres articles de presse relatifs au forum de l'emploi de Bourgoin dans lesquels aucun propos similaire n'était relaté (') "
- Un courriel qu'elle a adressé à Mmes [X] et [W], suite à cet entretien, dans lequel elle indique que l'article pour lequel un entretien a été sollicité a été établi suite à une conférence de presse par un journaliste qui a déformé ses propos.
Il résulte donc de ces éléments que Mme [S] a effectivement été sollicitée par la direction régionale concernant un article de presse dans lequel elle admet elle-même que le journaliste n'a pas retranscrit fidèlement ses propos, laissant penser qu'elle tenait des propos critiques à l'égard de Pôle Emploi.
Les deux compte rendu produits démontrent que cet entretien avait pour seul but d'apporter des explications à Pôle Emploi sur le contenu de cet article, sans qu'aucune critique ni sanction n'ait été formulée à son encontre à l'issue de cet entretien, pouvant constituer une mesure discriminatoire.
Dès lors, la cour relève que là encore, ce fait ne peut être retenu.
Par suite, il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [S] ne présente aucun fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à son égard en raison de son âge ou de sa qualité d'élue locale. La demande de la salariée à cet titre doit être rejetée.
2-2 Sur le harcèlement moral :
Moyens des parties :
Mme [S] affirme, au visa des articles L. 1132-1, L. 1132-3 et L. 1152-1 du code du travail, et L. 2123-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, qu'elle a fait l'objet de harcèlement moral discriminatoire.
Elle expose ainsi que :
- Elle a subi une mise à l'écart et des brimades de la part de ses collègues, en raison de son âge, et de sa situation personnelle,
- Elle était stigmatisée en raison de son mandat d'élue locale et faisait l'objet de mesures discriminatoires,
- Le 18 mars 2015, elle a été victime d'une attaque directe de la part de Mme [T] [O], responsable d'équipe,
- Les difficultés rencontrées ont perduré et elle a été prise en grippe par sa hiérarchie.
Elle affirme que les agissements dont elle a été victime ont porté directement atteinte à son état de santé, et ce depuis le mois de juillet 2014, de sorte que ses arrêts de travail sont bien d'origine professionnelle.
En réponse, Pôle emploi soutient que Mme [S] n'apporte pas la preuve d'agissements répétés qui seraient à l'origine des prétendues dégradations de ses conditions de travail et de son état de santé.
L'employeur expose que la salariée se contente de produire ses propres courriels et qu'elle ne présente aucun fait précis et matériellement établi, qui laisserait supposer l'existence d'une mise à l'écart, ou des brimades, constitutives de harcèlement moral.
Il précise en outre que :
- Les faits décrits par Mme [S] suite à l'incident du 18 mars 2015 ne correspondent pas à la réalité,
- Suite à l'arrêt de travail du même jour, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'ISERE a refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'accident déclaré par Mme [S],
- Sa responsable d'agence ne lui a pas retiré son portefeuille " renforcé " composé de demandeurs d'emploi de longue durée sans aucune explication, ni sans aucun motif,
- Mme [S] n'a pas été mise à l'écart concernant la co-animation du bilan final du club intergénérationnel, des raisons de son retrait étant liées à des contraintes purement organisationnelles.
Réponse de la cour,
Le harcèlement moral s'entend aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail ,d'agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Par ailleurs, aux termes de l'article L.1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige au cours duquel le salarié évoque une situation de harcèlement moral, celui-ci doit présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement, l'employeur devant prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, à l'appui de sa demande, Mme [S] présente les faits suivants :
$gt; Elle a subi une mise à l'écart et des brimades de la part de ses collègues, en raison de son âge et de sa situation personnelle :
Mme [S] soutient que dès son embauche, le 01 novembre 2012, elle a subi des moqueries et une mise à l'écart de la part de ses collègues, qui se sont aggravées à partir de 2014, notamment compte tenu de son âge, car elle n'était pas à l'aise avec l'outil informatique.
Au soutien de cette affirmation, elle produit :
- un courriel adressé à sa supérieure hiérarchique le 18 septembre 2014, dans lequel elle indique se sentir ostracisée par ses collègues, qui se moquent d'elle,
- un courriel adressé courant mai 2016 à Mmes [X] et [W], dans lequel elle indique subir " le rejet de la part de certaines de ses collègues, refus de s'assoir à côté de moi à table, en réunion, destruction des articles de journaux consacrés à mes actions en tant qu'élue, atteinte à ma liberté de penser et d'expression, critiques de ma vie privée, mise à l'écart systématique etc' "
La cour constate que ces seuls courriels établis par la salariée elle-même ne sont étayés par aucun élément objectif, et n'établissent aucun fait précis constitutif d'une mise à l'écart ou d'une moquerie.
Ce fait n'est pas établi.
$gt; Elle était stigmatisée en raison de son mandat d'élue locale et faisait l'objet de mesures discriminatoires,
La cour a retenu que Mme [S] ne présente aucun fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à son égard.
$gt; Le 18 mars 2015, elle a été victime d'une attaque directe de la part de Mme [T] [O], responsable d'équipe
Mme [S] expose que Mme [T] [O], responsable d'équipe, lors d'une discussion, lui a dit qu'elle avait la maladie d'alzheimer, ce qui aurait amusé ses collègues. Elle précise avoir été choquée, et avoir renseigné une fiche d'incident selon le protocole établi avec l'aide de Mme [B].
Elle produit pour justifier ce fait le signalement d'incident réalisé le 18 mars 2015, rempli par Mme [B], sa responsable d'équipe.
Ce fait est établi.
$gt; Les difficultés rencontrées ont perduré et elle a été " prise en grippe " par sa hiérarchie,
Mme [S] affirme que l'équipe de direction n'a pas pris en compte ses difficultés, qu'elle a refusé de se remettre en question, protégeant les salariés adoptant un comportement déplacé et rejetant tous les torts sur Mme [S].
D'une première part, elle expose avoir attiré l'attention de sa nouvelle responsable, Mme [F], le 29 avril 2016, sur le fait que ses demandes visant à se voir confier des transverses au même titre que ses collègues étaient systématiquement refusées, et qu'elle était cantonnée à la production.
Elle ne produit cependant aucun élément à l'appui de cette affirmation et renvoie à un échange de courriels avec sa responsable d'agence, Mme [F], produit par l'employeur, en date du 29 avril et du 02 mai 2016, dans lequel Mme [S] indique " J'ai à plusieurs reprises dans mes EPA, proposé de prendre en charge des dossiers transverses comme le font d'autres conseillers. Cela n'a jamais été accepté sauf au tout début avec la mise en place de l'atelier senior. Encore un refus dernièrement. J'ai été et suis cantonnée à la production, inscriptions en grand nombre alors que certains n'en faisaient jamais ou très peu. Aujourd'hui ESI. Même certains conseillers qui ont un portefeuille suivi peuvent mener d'autres actions qui donnent de la valeur ajoutée à leur travail. ".
La cour observe que Mme [F] lui répond précisément que sa demande est prise en compte, en lui rappelant l'ensemble de ses missions de l'année, cette réponse ne mettant en évidence aucun manque d'écoute ou de soutien de sa hiérarchie, qui lui précise d'ailleurs "Nous avons déjà abordé à plusieurs reprises tes demandes et nous t'avons répondu dessus ".
D'une seconde part, elle indique avoir été écartée le 29 juin 2016 de l'animation du bilan final du club intergénérationnel.
Elle produit pour en justifier un courriel adressé le 29 juin 2016 à Mmes [T] [O], [L], [C] et [X], dans lequel elle s'étonne d'avoir été écartée de l'animation de ce bilan par Mme [T] [O] alors que celle-ci avait insisté sur la nécessité d'équilibrer les interventions.
Or il ressort que ce courriel a fait l'objet d'une réponse précise le jour même de Mme [L], laquelle lui expose les raisons pour lesquelles le planning a été modifié afin d'assurer la continuité du service, les trois autres conseillers présents étant eux même en entretien sur la matinée, et l'employeur lui indiquant " Je comprends tout à fait et j'entends votre déception concernant la modification de planning qu'il a fallu faire suite à des absences non prévisibles, le service ne pouvant être interrompu auprès des demandeurs d'emplois cela nécessite des modifications ".
Surtout, il ne résulte nullement de ces éléments que l'employeur lui aurait réservé un traitement particulier au motif qu'il l'aurait " prise en grippe ".
Sur son état de santé, Mme [S] justifie enfin avoir fait l'objet de plusieurs arrêts maladie :
- Le 18 mars 2015, pendant trois jours,
- Le 16 juillet 2016, cet arrêt maladie ayant été prolongé de manière continue pendant deux années, et au terme duquel le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude.
A l'issue de l'examen de l'ensemble des éléments dénoncés, la cour relève que le seul fait établi est l'incident signalé le 18 mars 2015 avec Mme [T] [O], lequel ne saurait constituer à lui seul un ensemble d'éléments précis et concordants permettant de supposer que Mme [S] aurait subi des agissements répétés de la part de son employeur pouvant caractériser un harcèlement moral, au sens des dispositions précitées.
Par conséquent, la demande de Mme [S] au titre du harcèlement moral sera rejetée.
2-3 Sur le respect de l'obligation de sécurité :
Moyens des parties,
Mme [S] affirme que l'employeur ne justifie pas avoir mis en 'uvre, préalablement, des actions d'information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement.
Elle ajoute qu'en dépit de ses alertes auprès de la Directrice territoriale déléguée, de la responsable service conditions de travail et régulation sociale, et lors de son entretien annuel du 31 août 2015, Pôle emploi n'a mis en place aucune action concrète, ce qu'a relevé le CHSCT. En outre, au mois de juillet 2015, la direction régionale a consenti à réfléchir à un plan d'action, présenté aux salariés le 1er mars 2016, mais les mesures prises étaient insuffisantes ou inutiles.
Elle indique enfin subir un préjudice constitué par sa mise en danger et l'absence de protection par son employeur.
En réponse, Pôle Emploi affirme conduire une politique très rigoureuse en matière de prévention des risques psychosociaux.
L'employeur ajoute que plusieurs mesures ont été prises suite aux signalements de Mme [S].
Réponse de la cour,
Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Aux termes de l'article L. 4121-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, l'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux;
7 ° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Selon l'article L 1152-4 du même code, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Les personnes mentionnées à l'article L. 1152-2 sont informées par tout moyen du texte de l'article 222-33-2 du code pénal.
L'employeur est ainsi tenu, vis-à-vis de son personnel, d'une obligation de sécurité, en vertu de laquelle il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de chaque salarié.
En cas de litige, il lui incombe de justifier avoir pris des mesures suffisantes pour s'acquitter de cette obligation.
Respecte l'obligation de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (actions de prévention, d'information, de formation...) et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.
D'une première part, Mme [S] soutient que son employeur a manqué à son obligation de prévention.
Or il résulte des pièces produites que :
- Par courriel du 24 septembre 2013, chaque agent de la région Rhône-Alpes a été informé qu'un dispositif intitulé " Ma ligne d'écoute " était assuré par l'organisme PsyA, permettant de consulter gratuitement un psychologue du travail, 7j/7 et 24h/24
- Les agents de Pôle emploi étaient informés des dispositions de l'article 222-33-2 du Code Pénal sur l'intranet et par voie d'affichage, ce qui a été constaté lors de l'inspection du CHSCT sur le site de [Localité 9], le 08 mars 2018.
- Pôle emploi produit la liste des formations réalisées par les managers de l'Agence, laquelle démontre que Mme [L] a fait une formation " Sécurité, Santé et RPS " en 2013, que Mme [F] a fait une formation sur les risques psycho-sociaux en 2010, et que Mme [T] [O] a suivi une formation " Prévenir les situations difficiles dans l'équipe " en Octobre 2015,
- Pôle Emploi justifie qu'une campagne d'évaluation des risques psychosociaux est réalisée chaque année dans le cadre du document unique, lors de laquelle tous les agents sont invités à répondre à un questionnaire,
- Un règlement intérieur évoquant " l'interdiction et les sanctions du harcèlement sexuel et moral " a été affiché et diffusé par courriel aux agents le 01 mars 2016,
- L'évaluation des risques au sein des agences de [Localité 9] et de Tignieu en 2013, 2014, 2015 et 2016, soit sur la période des faits dénoncés, n'a pas révélé de risque de " harcèlement " significatif,
Dès lors, ces éléments démontrent que Pôle Emploi a pris les mesures de prévention suffisantes prévues par les articles L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, soit des mesures d'information, de formation et de prévention, propres à prévenir la survenance d'une situation de harcèlement moral.
D'une deuxième part, Mme [S] affirme que l'employeur, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, n'a pas pris les mesures utiles pour le faire cesser.
Or là encore, Pôle Emploi justifie de ce que :
- Lorsque le 18 septembre 2014, Mme [S] a écrit à sa responsable d'équipe qu'elle subissait des faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, Mme [B] lui a répondu le jour même, en l'invitant à préciser les faits dont elle se déclarait victime, ce qu'elle n'a finalement pas fait, au motif qu'elle n'était pas en mesure de " donner des évènements factuels "
- Mme [S] a été reçue à plusieurs reprises par Mme [B], suite à l'incident pour lequel elle a rempli une fiche de signalement le 18 mars 2015 (Les 23 mars, et 26 et 27 mars),
- Mme [L], responsable d'agence, a proposé à Mme [S] de la rencontrer le 25 mars 2015, et elle l'a reçue le 30 mars 2015,
- Mme [S] a adressé un courriel à Mme [X] le 15 avril 2015, l'informant de ses difficultés, suite auquel elle a été conviée à un entretien avec Mme [C], Directrice Territoriale Déléguée et avec Mme [G], responsable du Service Conditions de Travail et Régulation sociale, laquelle lui a proposé des immersions professionnelles dans d'autres services ce qu'elle a fait à deux reprises par la suite à [Localité 8], et ce qui lui a permis d'envisager d'autres postes,
- Le CHSCT a réalisé une inspection le 25 juin 2015, suite à laquelle un plan d'action destiné à mettre fin aux difficultés interpersonnelles au sein de l'agence a été établi en septembre 2015 et des actions mises en 'uvre, au sein de l'équipe locale de direction, et avec les conseillers,
- Une réunion de service a été organisée le 05 février 2016 sur les difficultés dans les relations interpersonnelles au sein du collectif, suggérant aux salariés de soumettre des propositions d'actions, et prévoyant des actions à mener par l'équipe locale de direction et par les conseillers, afin de gagner en cohésion d'équipe,
- Le plan d'action précité a été présenté aux salariés le 1er mars 2016, et un règlement intérieur évoquant " l'interdiction et les sanctions du harcèlement sexuel et moral " a été diffusé aux salariés,
- Pôle emploi produit le rapport de la nouvelle inspection du CHSCT réalisée sur le site Pôle Emploi de [Localité 10] le 8 mars 2018, laquelle relève que selon les agents rencontrés, l'ambiance de travail entre les agents est bonne, y compris avec l'équipe locale de direction.
La cour constate en outre que Pôle Emploi produit aux débats de nombreux courriels écrits par Mme [S] à sa hiérarchie, dans lesquels elle fait notamment part de ses difficultés, lesquels font systématiquement l'objet de réponses rapides, compréhensives et bienveillantes.
Dès lors, il résulte de l'ensemble de ces éléments que contrairement aux affirmations de la salariée, l'inertie alléguée de Pôle Emploi n'est pas fondée, l'employeur s'étant saisi de la situation de souffrance au travail exprimée par Mme [S] dès la première alerte de la salariée et à plusieurs reprises par la suite, démontrant avoir tenté de comprendre et résoudre les difficultés de la salariée dans son exercice professionnel.
Ainsi, le fait que Mme [S] estime ces réponses insuffisantes ne suffit pas à établir un quelconque manquement de l'employeur à son obligation légale de sécurité.
Par conséquent, la cour retient qu'aucun manquement ne peut être reproché à Pôle Emploi, et la demande de Mme [S] au titre de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité sera rejetée.
III- Sur la rupture du contrat de travail :
3-1 Sur la nullité du licenciement :
Mme [S] affirme, au visa des articles L.1152-3 et L. 1132-4 du code du travail, que l'inaptitude ayant pour origine un harcèlement moral discriminatoire en lien avec son âge et son mandat d'élue locale, la rupture de son contrat de travail est nulle de plein droit.
Pôle Emploi soutient en réponse qu'en première instance, Mme [S] demandait l'annulation de son licenciement uniquement sur le fondement de l'article L.1132-1 du Code du Travail, prétendant avoir été victime de discrimination, alors qu'en appel, elle fonde aussi sa demande sur l'article L.1152-1 du code du travail, prétendant avoir été victime de harcèlement moral, ce qui démontre le caractère infondé de sa demande.
Réponse de la cour,
La cour ayant constaté que les faits de discrimination et de harcèlement moral dénoncés ne sont pas établis, la demande de nullité du licenciement sera rejetée, et ce par confirmation du jugement entrepris.
3-2 Sur le bien-fondé du licenciement pour inaptitude :
Mme [S] affirme, à titre subsidiaire, que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, puisque résultant d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
En réponse, Pôle Emploi rappelle que Mme [S] a été licenciée après avoir été régulièrement déclarée inapte par le Médecin du Travail, l'avis d'inaptitude n'indiquant aucunement que l'inaptitude serait liée à un accident du travail ou une maladie professionnelle.
Réponse de la cour,
Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle prévues par les articles L. 1226-7 et suivants du code du travail, s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
Pour l'application des articles L.1226-7 et suivants du code du travail, le juge n'est pas lié par les décisions des organismes sociaux en ce qui concerne la qualification d'accident du travail ou de maladie professionnelle.
Le droit du travail étant autonome par rapport au droit de la sécurité sociale, l'application de ces dispositions protectrices n'est pas liée ou subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie ou un organisme de sécurité sociale, du caractère professionnel de la maladie ou d'un lien de causalité entre la maladie et l'inaptitude.
Les juges du fond ont l'obligation de rechercher eux-mêmes l'existence de ce lien de causalité et la connaissance qu'avait l'employeur de l'origine professionnelle de l'inaptitude et ils ne peuvent s'en rapporter aux seules décisions de la caisse primaire d'assurance maladie, qui ne constituent qu'un élément d'appréciation parmi d'autres.
Il appartient au salarié de rapporter la preuve de l'origine professionnelle de son inaptitude d'une part et de la connaissance par l'employeur de l'origine de l'inaptitude.
En l'espèce, la cour observe que :
- Au terme d'une visite médicale de reprise passée le 05 Octobre 2018, le médecin du travail a rendu les conclusions suivantes : " Incapacité temporaire, prévoir une inaptitude à son poste de travail ",
- A l'issue d'une deuxième visite de reprise, passée le 15 Octobre 2018, le médecin du travail a rendu l'avis suivant : " Inapte : L'Etat de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ", sans se prononcer sur l'origine de l'inaptitude.
Mme [S] affirme que son inaptitude aurait une origine professionnelle, sans préciser l'accident de travail ou la maladie professionnelle à l'origine de cette inaptitude.
En outre, l'examen des pièces produites permet de relever que :
- Mme [S] a fait une déclaration d'accident de travail lors de son arrêt maladie qui a débuté le 18 mars 2015, et qui a duré trois jours,
- Dans un courrier du 22 avril 2015, le médecin de Mme [S] indique qu'il l'a vue en raison d'une " agression verbale qui s'était passée au travail, le 18 03, et qui faisait suite à une période de harcèlement et d'ambiance délétère, d'après le récit de Mme [S] ",
- Par décision du 15 juillet 2015, la CPAM lui a notifié son refus de reconnaitre l'origine professionnelle de l'accident de travail déclaré, en indiquant qu'il " n'existe pas de preuve que l'accident invoqué se soit produit par le fait ou à l'occasion du travail, ni même de présomptions favorables précises et concordantes en cette faveur ", ce que Mme [S] n'a pas contesté,
- Mme [S] n'a fait par la suite aucune autre déclaration d'accident de travail, ou de maladie professionnelle,
- Elle a de nouveau été placée en arrêt maladie le 16 juillet 2016, cet arrêt maladie ayant été prolongé de manière continue pendant deux années, et les avis d'arrêts de travail produits aux débats ne font état ni d'un accident du travail, ni d'une maladie professionnelle,
- Seul le médecin traitant ayant établi les certificats d'arrêt de travail de la salariée pour un syndrome anxio dépressif mentionne une situation de harcèlement moral, tout en précisant qu'il relaye les propos de la patiente, de sorte qu'il ne l'a pas constaté.
Dès lors, il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [S] ne démontre ni l'existence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ni l'existence d'un lien de causalité entre un accident de travail ou une maladie professionnelle et son inaptitude.
En outre, elle ne démontre pas davantage que Pôle Emploi avait connaissance au moment de son licenciement pour inaptitude de l'existence d'un lien entre cette inaptitude et un accident du travail ou une maladie professionnelle.
Dès lors, la cour constate que le licenciement de Mme [S] pour inaptitude résultant d'une maladie non professionnelle est fondé, et que sa demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être rejetée.
Par suite, la demande d'indemnité spéciale de licenciement formulée par Mme [S] et sa demande de dommages et intérêts au titre du licenciement nul à titre principal, et au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire seront rejetées, et ce par confirmation du jugement entrepris.
De même, elle sera déboutée de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, aucune indemnité compensatrice de préavis n'étant versée au salarié licencié déclaré inapte qui n'est pas reclassé dans l'entreprise, en application de l'article L. 1226-4 du code du travail, et ce par dérogation à l'article L. 1234-5 du même code.
IV- Sur les demandes accessoires :
Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.
Mme [S], partie perdante qui sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, devra payer à Pôle Emploi la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
- Dit et jugé que le licenciement de Mme [S] épouse [A] pour inaptitude est régulier ;
- Débouté Mme [S] épouse [A] de l'ensemble de ses demandes y compris de la demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Débouté POLE EMPLOI de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamné Mme [S] épouse [A] aux dépens.
Y ajoutant,
- DECLARE recevables les demandes de Mme [S] au titre du harcèlement moral, du manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement, et de l'indemnité compensatrice de préavis,
- DEBOUTE Mme [S] de sa demande au titre du harcèlement moral discriminatoire,
- DEBOUTE Mme [S] de sa demande au titre de la violation de l'obligation de prévention du harcèlement moral,
- CONDAMNE Mme [S] à payer à Pôle Emploi la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- CONDAMNE Mme [S] aux dépens en cause d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,