N° RG 21/02163 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K3ZS
N° Minute :
C2
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Alexia JACQUOT
Me Adélaïde FREIRE-MARQUES
Me Philippe CHASTEAU
SELARL LEXAVOUE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 27 JUIN 2023
Appel d'un Jugement (N° R.G. 19/00280) rendu par le Président du tribunal judiciaire de BOURGOIN-JALLIEU en date du 04 février 2021, suivant déclaration d'appel du 10 Mai 2021
APPELANTE :
Compagnie d'assurance SMACL prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentée par Me Alexia JACQUOT, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me GERIN, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉES :
S.C.I. DU DEVEY prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 10]
[Localité 6]
S.A.R.L. MAFE INDUSTRIE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentées par Me Adélaïde FREIRE-MARQUES, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU
S.A.R.L. AGB ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Agnès Goldmic Avocat au Barreau de PARIS substituée par Me Margaux BERETTI, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. AXELLIANCE CREATIVE SOLUTIONS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 9] »
[Localité 7]
représentée par Me Philippe CHASTEAU de la SELARL CHASTEAU AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU, postulant, et Me Guilhem ARGUEYROLLES, Avocat au Barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle Cardona, Présidente,
Monsieur Laurent Grava, Conseiller,
Mme Anne-Laure Pliskine, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 24 avril 2023
Mme Emmanuèle Cardona, Présidente, a été entendue en son rapport,
Monsieur Laurent Grava, Conseiller,
Mme Anne-Laure Pliskine, Conseiller,
Assistés lors des débats de Caroline Bertolo, Greffière, en présence de Sorenza Loizance, greffière stagiaire
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société civile immobilière du Devey (SCI du Devey) est propriétaire d'un ensemble immobilier situé à Cessieu, constitué d'une zone de stockage et d'un bâtiment industriel.
Il est donné en location à deux sociétés, Tri'Bat et Mafe Industrie.
Selon contrat du 13 janvier 2015, à effet du 1er janvier 2015, la SCI du Devey a souscrit un contrat d'assurance multi risque propriétaire non occupant auprès de la société SMACL Assurances, par l'intermédiaire d'un courtier en assurances Immassur en qualité de courtier grossiste, lequel a été absorbé par la société Axelliance créative Solutions, le 30 septembre 2017 et de la société AGB, courtier apporteur, laquelle a procédé à une visite des lieux avant la souscription du contrat et assure le recouvrement des primes.
Le contrat précise que l'ensemble immobilier garanti développe une surface de 3 800 m², pour une prime annuelle de 9 239 euros HT.
Le 1er juillet 2017, un incendie a pris naissance dans les locaux loués à la société Tri'Bat, détruisant une partie des locaux de cette entreprise et endommageant la toiture.
Une expertise amiable contradictoire a été confiée à M. [W] par la SMACL, en présence des experts mandatés par la SCI du Devey et les sociétés Tri'Bat et Mafe industrie.
L'expert a retenu une surface développée de 7 014 m², contre une surface déclarée de 3 800 m² et a fait application d'une règle proportionnelle, en application de l'article L 113-9 du code des assurances.
Contestant cette application, la SCI du Devey et la société Mafe Industrie ont fait citer la SMACL et les sociétés AGB et Axelliance devant le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu, par actes des 27 mars, 5 et 10 avril 2019 aux fins de voir jouer la garantie incendie et indemniser leurs préjudices.
Par jugement du 4 février 2021 le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu a :
-dit que la garantie contractuelle de la SMACL est due à la SCI du Devey,
-débouté la SMACL de sa demande d'application de la règle proportionnelle,
-condamné la SMACL à payer à la SCI la somme de 341 381,58 euros HT au titre de la garantie incendie pour la reconstruction du bâtiment et celle de 32 562 euros au titre de la perte des loyers,
-débouté la société Mafe Industrie de sa demande au titre de la perte d'exploitation,
-condamné la SMACL à payer à la SCI la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté les autres demandes à ce titre,
-condamné la SMACL aux dépens.
La SMACL a interjeté appel de cette décision par déclaration du 10 mai 2021, en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le rejet des indemnités fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, intimant toutes les parties à la procédure de première instance.
Aux termes de ses conclusions n°3 notifiées le 10 juin 2022 elle demande à la cour de :
Vu l'article L.121-12 du code des assurances ;
Vu l'article l 111-9 du code des assurances ;
Vu l'article L.113-2 et L.113-8 du code des assurances ;
Vu l'article 1103 du code civil ;
-infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu du 4 février 2021 en toutes ses dispositions,
Et statuant de nouveau
A titre liminaire, sur la recevabilité de l'appel formé par la SMACL
-recevoir la SMACL en son appel ;
-rejeter les moyens d'irrecevabilités opposés par la SCI du Devey et la SARL Mafe Industrie et par la SAS Axelliance Creative Solutions ;
Par conséquent juger recevables les demandes de la SMACL ;
A titre principal, sur la nullité de la police d'assurance souscrite par la SCI du Devey et Mafe Industrie ;
-prononcer la nullité du contrat d'assurance n°219346/v souscrit par la SCI du Devey auprès de la SMACL ;
-condamner la SCI du Devey à rembourser à la SMACL la somme de 376.779,38 euros correspondant aux indemnités versées suite au sinistre du 1er juillet 2017 ;
A titre subsidiaire, sur les déchéances de garanties opposées par La SMACL
A titre principal, sur l'application de l'exception de subrogation prévue à L'article l.121-12 du code des assurances
-juger recevable la SMACL à opposer l'exception de subrogation prévue aux dispositions de l'article l.121-12 du code des assurances :
-condamner la SCI du Devey à rembourser à la SMACL la somme de 376.779,38 euros correspondant aux indemnités versées suite au sinistre du 1er juillet 2017 ;
A titre subsidiaire, sur la déchéance partielle de garantie prévue par la police d'assurance n°219346/v
-juger la SMACL fondée à se prévaloir de la déchéance de garantie qui prévoit qu'en cas de non-assurance et dans l'hypothèse d'un sinistre ayant trouvé son origine dans un lot non assuré et/ou si le bail ne prévoit pas une garantie des risques locatifs pour le preneur et en cas de non-respect d'une des obligations précitées de la part de l'assuré l'indemnité sera réduite de 50%
-limiter l'indemnisation due par la SMACL suite au sinistre du 1 er juillet 2017 à la somme de 251.114,51 euros HT avant application de la déchéance de garantie;
Par conséquent, condamner la SCI du Devey à rembourser à la SMACL la somme de 248.386,32 euros correspondant à la différence entre les indemnités perçues et l'indemnité qu'elle aurait dû percevoir ;
A titre infiniment subsidiaire, sur l'application de la règle proportionnelle prévue à l'article l.111-9 du code des assurances, juger la SMACL fondée à appliquer la règle proportionnelle prévue à l'article l.111-9 du code des assurances ;
-limiter l'indemnisation due par la SMACL suite au sinistre du 1 er juillet 2017 à la somme de 251.114,51 euros HT avant application de la règle proportionnelle ;
-condamner la SCI du Devey à rembourser à la SMACL la somme de 238.341,75 euros correspondant à la différence entre les indemnités perçues et l'indemnité qu'elle aurait dû percevoir ;
En toutes hypothèses, sur les demandes incidentes de la SARL Mafe Industrie
-confirmer le jugement rendu le 4 février 2021 par le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu en ce qu'il a débouté la SARL Mafe Industrie de sa demande présentée au titre de sa perte d'exploitation.
En toutes hypothèses;
-juger que la SMACL ne saurait être tenue au-delà des termes et limites de la police souscrite par la SCI du Devey, celle-ci exposant que la franchise par sinistre correspond à 2.000 euros ;
-condamner in solidum la SCI du Devey et la société Mafe Industrie à payer à la compagnie SMACL la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de Me Alexia Jacquot, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle expose :
- qu'elle invoque à titre principal la nullité du contrat d'assurance,
- que sa demande est recevable, dès lors qu'elle agit par voie d'exception et n'est pas soumise à la prescription biennale,
- qu'elle est recevable à invoquer des moyens nouveaux en cause d'appel, pour justifier ses prétentions, sans qu'il y ait lieu de faire application de la théorie de l'estoppel,
- que la théorie de l'estoppel ne peut s'appliquer qu'aux contradictions entre prétentions et non entre moyens,
- qu'en l'espèce ses prétentions ont un lien suffisant avec les prétentions originaires, qui visent à limiter ou exclure l'application de la police d'assurance au sinistre du 1er juillet 2017,
- qu'elle est bien fondée à invoquer la nullité du contrat pour fausse déclaration, lors de la souscription du contrat,
- que son assurée ne l'a pas avisée de l'avenant signé avec son locataire Tri'Bat qui dispensait celui-ci d'assurer les lieux contre le risque locatif,
- qu'à titre subsidiaire, elle est bien fondée à opposer une déchéance de garantie reposant sur l'exception de subrogation et à défaut une déchéance de garantie partielle, de 50 %.
Par conclusions notifiées le 15 septembre 2022 la SCI du Devey demande à la cour de :
Vu les articles L.113-4, L.113-9 du code des assurances
Vu l'article 1103 du code civil,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu les articles 563 et suivants et 700 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées au débat
In limine litis :
-déclarer irrecevables en cause d'appel les moyens nouveaux présentés par la SMACL visant la nullité du contrat et la déchéance des garanties en ce qu'ils sont contraires au principe de l'estoppel ;
A titre principal :
-confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bourgoin Jallieu du 4 février 2021 en ce qu'il a :
Condamné la SMACL à verser à la SCI du Devey la somme de 341 381, 58 euros HT au titre de la garantie incendie pour la reconstruction du bâtiment ;
Condamné la SMACL à verser à la SCI du Devey la somme de 32 562 euros au titre des pertes de loyers, somme à réactualiser au jour du jugement ;
-infirmer le jugement du tribunal judiciaire en ce qu'il a rejeté les demandes de la Mafe industrie et statuant à nouveau :
-condamner la SMACL, ou qui mieux le devra, à verser à la société Mafe industrie la somme de 113 273.37 euros en réparation de son préjudice des pertes d'exploitation ;
-débouter la société SMACL de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires ;
Subsidiairement, si la Cour s'estimait insuffisamment informée, prononcer avant dire droit deux mesures d'expertises, à la charge de la SMACL :
-nommer tout expert géomètre avec pour mission de déterminer la superficie développée du bâtiment et de ses dépendances situés [Adresse 3], murs inclus, à l'exception des zones non couvertes et non closes type parking, hangar et zones de stockage ;
-nommer tout expert économiste de la construction avec pour mission de déterminer les travaux de démolition-reconstruction de l'immeuble appartenant à la SCI du Devey, en intégrant la gestion des déchets d'amiante et de chiffrer le coût des travaux de démolition et reconstruction et tout autre préjudice de la société SCI du Devey résultant de l'incendie survenu le 3 juillet 2017 dans les locaux appartenant à la SCI du Devey ;
A titre infiniment subsidiaire :
-condamner in solidum la société AGB et la société Axelliance creative solutions à verser à la SCI du Devey la somme de 115 512.68 euros, montant à réactualiser au jour du jugement ;
En tout état de cause :
-condamner in solidum la SMACL, la société AGB et la société Axelliance creative solutions, ou qui mieux le devra, à verser à la SCI du Devey la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- en application du principe de l'estoppel, le moyen nouveau tiré de la nullité du contrat et de la déchéance de garantie est irrecevable, puisque l'assureur se contredit avec la position retenue en première instance où il concluait à l'application du contrat, avec contestation du montant de l'indemnité,
- que la demande de nullité du contrat ne tend pas aux mêmes fins que la demande de réduction indemnitaire et est donc nouvelle en cause d'appel et comme telle irrecevable,
- qu'à titre subsidiaire, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du contrat, conclu avec l'assistance d'un courtier,
- qu'il y a lieu à confirmation du jugement.
Par conclusions du 20 septembre 2022 la société Axelliance demande à la cour de :
Vu l'article 564 du code de procédure civile,
Vu l'article L 113-9 du code des assurances,
Vu les articles 1240 et suivants du code civil,
-déclarer irrecevables les prétentions nouvelles de la SMACL tendant à faire constater la nullité, la déchéance de garantie, ou l'application de l'exception de subrogation ;
-confirmer purement et simplement le jugement rendu le 4 février 2021 par le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu ;
En conséquence,
-confirmer qu'aucune réduction proportionnelle n'est applicable ;
-confirmer que l'action en garantie de la SCI du Devey et la société Mafe contre Axelliance est sans objet ;
-débouter la SMACL de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire,
- dire et juger que la société IMMASUR devenue Axelliance créative solutions n'était tenue à aucune obligation de conseil et ne saurait donc être considérée comme responsable de la prétendue fausse déclaration de l'assuré ;
- débouter la SCI du Devey et la société Mafe de leurs demandes de garanties formulées contre Axelliance créative solutions ;
-condamner solidairement la SMACL, la SCI du Devey et la société Mafe à payer la somme de 5.000 euros à Axelliance au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamner la SMACL en tous les dépens dont distraction au profit de Maître [M] qui affirme en avoir fait la plus grande avance dans les termes de l'article 699 du code de procédure cvile.
Elle estime également :
- que les demandes de l'assureur sont nouvelles en cause d'appel, puisqu'il avait renoncé à contester sa garantie en première instance,
- que le jugement doit être confirmé en ce qu'aucune réduction proportionnelle n'est applicable,
- qu'à titre subsidiaire, aucune responsabilité ne peut être mise à sa charge, dès lors qu'elle n'était tenue à aucune obligation de conseil.
Par conclusions notifiées le 29 octobre 2021, dont le dispositif doit être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des demandes mais reprennent les moyens soutenus dans les motifs, la société AGB Assurances demande à la cour, au visa des articles L 113-9 du code des assurances et 1240 et suivants du code civil, de :
-confirmer purement et simplement le jugement rendu le 4 février 2021 par le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu ;
Et ce faisant,
-débouter en conséquence la SCI du Devey et la société Mafe industrie de l'ensemble de leurs demandes, fins, et prétention à l'encontre d'AGB Assurances,
-mettre AGB Assurances purement et simplement hors de cause,
A titre reconventionnel et sur les frais et dépens,
-condamner toute partie succombante à payer à la société AGB Assurances la somme de 5.000 euros à titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner les mêmes aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Alexis Grimaud en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle expose :
- que l'assureur se trompe dans le mode de calcul de la superficie et que le jugement doit être confirmé,
- qu'à titre subsidiaire, elle n'a commis aucune faute, n'ayant pas fait procéder à une visite technique du risque.
La clôture a été prononcée le 1er mars 2023.
MOTIFS
Sur la nullité du contrat d'assurance et la déchéance de garantie
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Selon l'article 565, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Selon l'article 566, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, il résulte de la procédure qu'en première instance, la société SMACL a contesté la notion de surface développée et a sollicité l'application de la règle proportionnelle.
Contrairement à ce qu'elle allègue, le fait d'exciper de la nullité ou de la déchéance de la garantie constitue bien une demande nouvelle et non un simple moyen avec un fondement juridique différent, dès lors qu'elle ne tend pas aux mêmes fins, puisqu'il s'agit alors de dénier sa garantie, alors que le principe de cette garantie n'était pas contesté en première instance.
En conséquence, ces demandes seront déclarées irrecevables.
Sur le fond
Selon les conditions générales du contrat, en vigueur à la date du sinistre, la superficie développée doit s'entendre comme l'addition de « la superficie de tous les locaux assurés y compris dépendances, garages, caves, greniers, sous-sols, combles, utilisés ou non, en tenant compte de l'épaisseur des murs extérieurs. Les terrasses et balcons ne sont pas pris en compte ».
Les conditions particulières font état d'une autre définition : « on entend par superficie développée le cumul des superficies (murs compris) de chaque niveau. Les caves, combles, greniers, garages, voies de circulation, parkings, dépendances non habitées sont comptées pour moitié.
L'assureur renonce à l'application de toute règle proportionnelle de prime, s'il se révélait au jour du sinistre une erreur inférieure ou égale à 20 % dans la superficie développée déclarée à la souscription ».
Les clauses des conditions particulières d'une police d'assurance prévalent sur celles des conditions générales au cas où les premières sont inconciliables avec les secondes (Cass Civ. 2e , 4 oct. 2018, n° 17-20.624).
Il est exact que dans la définition des conditions particulières, il est fait référence notamment aux voies de circulation et parkings.
Toutefois, avant cette définition, il est indiqué « la superficie développée des bâtiments assurés ».
Dans le titre II, parmi les biens assurés, il est indiqué :
-les bâtiments (parties communes et parties privatives), y compris
'leurs fondations
'leurs aménagements, agencements, embellissements, installations, immobiliers par destination
'leurs revêtements de sols, de murs et de plafonds
-les constructions se trouvant sur le terrain des bâtiments assurés, telles que piscines, tennis, parkings, clôtures, murs y compris de soutènement le tout sans exception ni réserve ['].
Les bâtiments assurés ne font aucunement référence à des éléments tels que les parkings et voies de circulation qui figurent pourtant dans les éléments à prendre en compte pour calculer la superficie développée, alors que celle-concerne justement « les bâtiments assurés ».
Selon l'article L. 133-2 du code de la consommation, applicable à un contrat d'assurance, les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s'interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel (Civ. 2e, 1er juin 2011, F-P+B, n° 09-72.552).
Il convient dès lors de considérer que les bâtiments assurés n'incluant pas les parkings et voies de circulation, il ne faut pas non plus tenir compte de ces derniers pour apprécier la surface développée.
Il sera au demeurant relevé que dans l'avenant proposé le 22 janvier 2018, une nouvelle définition de la superficie développée est proposée, qui indique : « Nous entendons par superficie développée, la superficie totale additionnée des immeubles assurés en tenant compte :
- De l'épaisseur des murs extérieurs, des rez de chaussée, des différents niveaux'
- Des dépendances, locaux annexes clos et couverts lorsqu'ils sont construits et couverts à plus de 90 % en matériaux durs ;
A l'exception :
- Des toitures terrasses, des balcons, des terrasses et toitures en saillie
- Des parkings aériens, zones de stockage aériennes
- Des terrains, espaces verts, voies de circulation
Les combles, les greniers, les caves, les sous-sols et les parkings couverts intégrés dans l'immeuble sont toutefois comptés pour la moitié de leur superficie réelle. »
Dans cette nouvelle définition, les voies de circulation sont clairement exclues de la superficie développée, ce qui corrobore l'interprétation qui doit être faite du contrat.
Compte tenu de la surface qu'il convenait effectivement de retenir, à savoir au vu des pièces produites, la surface de 4332,5 m², c'est à juste titre que le premier juge a indiqué que cette dernière n'était pas supérieure de 20 % à la surface déclarée et en a conclu que la règle proportionnelle n'était pas applicable, le jugement sera confirmé.
Sur l'indemnisation des préjudices
Sur la somme réclamée au titre de la garantie incendie
Par une motivation très détaillée que la cour reprend à son compte, le premier juge a explicité les raisons pour lesquelles le rapport de M. [W] ne pouvait être retenu, ainsi que les différents postes de préjudices.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à la SCI du Devey la somme de 341 381,58 euros.
Sur la somme réclamée au titre de la perte des loyers
La « déchéance de garantie partielle » alléguée par la SMACL n'est en réalité pas une déchéance de garantie, qui obéit à des règles précises, mais vise à minorer l'indemnité allouée dans certaines circonstances. Cependant, elle n'est pas applicable dès lors que selon avenant du 15 décembre 2016 signé entre la SCI du Devey et son locataire Tri'Bat, le nouvel article maintient l'obligation pour le preneur de s'assurer contre l'incendie, ainsi que le dégât des eaux et les explosions de gaz et tous risques, ce qui correspond à la définition des risques locatifs.
Le premier juge a tenu compte de la réduction de loyer accordée par la SCI du Devey à son locataire vu l'impossibilité pour ce dernier d'utiliser la totalité des locaux loués du fait de l'incendie.
L'expert ayant estimé à 18 mois la durée nécessaire pour la réalisation des travaux, la somme allouée de 32 562 euros est justifiée, le jugement sera confirmé.
Il sera rappelé à toutes fins utiles qu'il existe une franchise de 2 000 euros, telle que prévue au contrat d'assurance.
Sur la demande de la société Mafe industrie au titre de la perte d'exploitation
Aux termes de l'article 1240 du code civil, celui par la faute duquel est arrivé un dommage est tenu de le réparer.
La société Mafe industrie produit à l'appui de ses dires un constat d'huissier établi le 6 décembre 2018 et les comptes de résultat simplifiés au titre des exercices 2017 et 2018.
Le constat atteste de la matérialité des dégâts causés par l'incendie, l'huissier ayant relevé dans les locaux de la société Mafe industrie une importante flaque d'eau au sol, provenant d'un mur. Toutefois, les autres constats et photographies réalisés par l'huissier concernent les locaux anciennement occupés par la société Tri'Bat et ne permettent nullement d'établir l'ampleur des dégâts causés dans les locaux de la société Mafe industrie, étant observé que le premier juge avait relevé que la totalité de la superficie des locaux loués était de 2500 m².
Quand bien même le chiffre d'affaires a effectivement diminué entre 2017 et 2018, la société Mafe industrie échoue à démontrer l'existence d'un lien de causalité entre le retard pris dans la réfection des locaux suite à l'incendie et cette perte de chiffre d'affaires, étant de surcroît observé que le chiffre d'affaires de 2018 était légèrement supérieur à celui de 2016, à savoir 1 086 351,54 euros au 31 décembre 2018, contre 1 067 925, 20 euros au 31 décembre 2016.
Il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure d'expertise dès lors que celle-ci n'a pas vocation à pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Mafe industrie de sa demande.
Les autres demandes sont sans objet.
La SMACL qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Déclare irrecevables les demandes formulées par la SMACL assurances tendant à voir prononcer la nullité du contrat d'assurances et la déchéance de garantie ;
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant ;
Rappelle qu'il existe une franchise de 2 000 euros en application du contrat d'assurance ;
Condamne la SMACL assurances à verser à la SCI du Devey et la société Mafe industrie la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SMACL assurances à verser à la société Axelliance creative solutions et la SARL AGB assurances chacune la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SMACL assurances aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE