N° RG 21/04295 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LCIB
C6
N° Minute :
copie certifiée conforme délivrée
aux avocats le :
Copie Exécutoire délivrée
le :
aux parties (notifiée par LRAR)
aux avocats
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES
ARRET DU MARDI 13 JUIN 2023
APPEL
Jugement au fond, origine tribunal judiciaire de Vienne, décision attaquée en date du 30 septembre 2021, enregistrée sous le n° 19/00648 suivant déclaration d'appel du 08 octobre 2021
APPELANTE :
Mme [J] [P]
née le 23 Avril 1938 à [Localité 6] (ALGERIE)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué et plaidant par Me Christophe MICHOUD, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIME :
M. [B] [Z]
né le 28 Août 1958 à [Localité 6] (ALGERIE)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Alexia SADON de la SELAS AGIS, avocat au barreau de VIENNE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Mme Anne BARRUOL, Présidente,
Mme Martine RIVIERE, Conseillère,
M. Philippe GREINER, Conseiller honoraire,
DEBATS :
A l'audience publique du 25 avril 2023,M. Philippe Greiner, conseiller, chargé du rapport, assisté de Amélia Thuillot, greffière a entendu les avocats en leurs conclusions et Me Christophe MICHOUD en sa plaidoirie, les parties ne s'y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile. Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte authentique reçu le 12 septembre 2016, Mme [J] [P] épouse [H] a consenti à son fils, M. [Z], une donation en avancement de part successorale portant sur la nue-propriété évaluée à 28 000 euros d'un appartement situé [Adresse 2] à [Localité 3] (38).
Par acte d'huissier du 2 mai 2019, Mme [P] a assigné son fils devant le tribunal de grande instance de Vienne aux fins, sur le fondement des articles 953, 954 et 955 du code civil et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, d'obtenir le prononcé de la révocation de cette donation, outre la condamnation du défendeur à lui verser 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 30 septembre 2021, le juge aux affaires familiales de Vienne a principalement :
-rejeté la demande de révocation formée par Mme [P] de la donation,
-condamné Mme [P] à payer à M. [Z] 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné Mme [P] aux entiers dépens,
-rejeté la demande d'exécution provisoire.
Le 8 octobre 2021, Mme [P] a interjeté appel du jugement rendu le 30 septembre 2021 en toutes ses dispositions.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 28 mars 2022, Mme [P] demande à la cour de :
-infirmer en toutes ses dispositions la décision du 30 septembre 2021,
-et, statuant à nouveau,
-constater que M. [Z] s'est rendu coupable envers sa mère, Mme [P], d'injures graves et d'ingratitude suite à la donation qui lui a été consentie,
-constater que M. [Z] a fait preuve d'ingratitude envers sa mère, Mme [P], à l'occasion de la présente procédure,
-déclarer recevable et fondée l'action en révocation de la donation consentie par acte du 12 septembre 2016 établi par Maître [G], notaire à [Localité 4],
-prononcer ainsi la révocation de ladite donation,
-condamner M. [Z] au paiement de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner M. [Z] aux entiers dépens.
Elle expose en substance que :
- elle n'a pas eu de relations avec son fils durant 28 ans, celles-ci n'ayant reprises qu'en 2016 ;
- elle a consenti la donation litigieuse parce que son fils est revenu la voir de façon sporadique à compter de cette date ;
- fin février 2019, elle a effectué un pélerinage à La Mecque, où elle a dû être hospitalisée à deux reprises ;
- à son retour, son fils ne s'est déplacé à [Localité 5] que sur l'insistance de sa soeur, et ne l'a pas aidée à remonter chez elle, indiquant : 'ma mère est mourante, je n'ai pas envie d'attraper des microbes' ;
- un ami de la famille a déclaré que le lendemain, M. [Z] lui avait dit 'qu'il n'irait plus voir sa mère, que ce qui compte pour lui c'est sa femme, sa mère, il s'en fout' ;
- M. [Z] n'a pas pris de ses nouvelles ;
- celui-ci invoque l'état de santé de son épouse, sans en apporter de justificatifs ;
- la fille de M. [Z] l'a agressée verbalement à deux reprises, les 31 janvier et 7 août 2020 ;
- les personnes ayant attesté en sa faveur ont fait l'objet de menaces ;
- M. [Z] a un esprit purement vénal au détriment de sa relation avec sa propre mère.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 avril 2022, M. [Z] demande à la cour de :
-recevoir M. [Z] en ses demandes fins et conclusions,
-et y faisant droit,
-confirmer le jugement du 30 septembre 2021, rendu par le tribunal judiciaire de Vienne, en ce qu'il a:
- rejeté la demande de révocation formée par Mme [P] de la donation,
-condamné Mme [P] à payer à M. [Z] 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné Mme [P] aux entiers dépens,
-en tout état de cause,
-condamner Mme [P] à payer à M. [Z] 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner Mme [P] aux entiers dépens.
Il déclare que :
- le 5 mars 2019, Mme [P] a été aidée pour monter à son domicile par un autre fils ;
- si l'appelante a déposé une plainte pour violences commises par une petite fille, aucune suite n'a été donnée et sa version est contestée ;
- les faits allégués ne constituent en réalité pas une injure suffisamment grave pour justifier une révocation de la donation.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article 955 2° du code civil, 'la donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d'ingratitude que dans les cas suivants : 1°) si le donataire a attenté à la vie du donateur; 2°) s'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves (..)'.
Il faut entendre par injures non seulement les paroles injurieuses, mais aussi les offenses et blessures, au sens large du terme, tendant intentionnellement à atteindre le donateur dans son honneur et sa réputation, et présentant un caractère de gravité.
En l'espèce :
- les faits dénoncés s'inscrivent dans un contexte de relations difficiles entre l'appelante, son fils et sa belle-fille ;
- si M. [Z] n'a effectivement pas aidé sa mère à remonter chez elle à son retour de la Mecque, cette absence d'assistance n'a pas eu d'incidence sérieuse, puisque sa fille, infirmière, et un ami de la famille, étaient présents et ont accompagné Mme [P] ;
- les propos tenus par M. [Z], pour déplacés qu'ils soient, ne témoignent pas suffisamment d'une volonté de nuire et d'offenser sa mère, pour constituer une injure d'un caractère de gravité suffisant pouvant justifier la révocation de la donation ;
- il en va de même pour une altercation entre l'appelante et sa petite-fille [K] [Z], même en présence de l'intimé, le fait que ce dernier soit resté passif ne pouvant être retenu à son encontre, dès lors qu'il n'a pas montré de vindicte particulière à l'encontre de sa mère, d'autant que sa fille était âgée à cette époque de 33 ans et qu'il ne peut ainsi être tenu responsable de ses propos.
Il en résulte que les événements allégués par Mme [P] sont ponctuels, le reproche essentiel étant en réalité une absence de visites et de prise de nouvelles de la part de M. [Z] auprès de sa mère, ce qui témoigne certes d' ingratitude, mais ne peut constituer une injure, s'agissant d'une attitude négative et non constituée par des faits positifs.
Dans ces conditions, c'est par une exacte appréciation des circonstances de la cause que le premier juge a rejeté la demande de révocation de la donation.
Il est équitable d'allouer à M. [Z] une somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par lui en appel. Le jugement lui ayant accordé une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera également confirmé de ce chef.
PA R CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Mme [P] aux dépens de première instance et d'appel,
PRONONÇÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
SIGNÉ par la présidente Anne Barruol et par Abla Amari, greffière présente lors de la mise à disposition, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière La Présidente
A. AMARI A. BARRUOL