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13/06/2023 | FRANCE | N°21/02468

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 13 juin 2023, 21/02468


C1



N° RG 21/02468



N° Portalis DBVM-V-B7F-K43M



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL AEGIS



la SELAS FOLLET RIVOIRE



Me Wolfgang FRA

ISSE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 13 JUIN 2023





Appel d'une décision (N° RG F 20/00396)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 30 avril 2021

suivant déclaration d'appel du 01 juin 2021





APPELANTE :



Association UDAF 26, prise en la personne de son représentant légal domic...

C1

N° RG 21/02468

N° Portalis DBVM-V-B7F-K43M

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL AEGIS

la SELAS FOLLET RIVOIRE

Me Wolfgang FRAISSE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 13 JUIN 2023

Appel d'une décision (N° RG F 20/00396)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 30 avril 2021

suivant déclaration d'appel du 01 juin 2021

APPELANTE :

Association UDAF 26, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Eric VACASSOULIS de la SELARL AEGIS, avocat au barreau de VALENCE,

INTIMES :

Madame [E] [K]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Renaud FOLLET de la SELAS FOLLET RIVOIRE, avocat au barreau de VALENCE,

Monsieur [M] [N], ayant-droit de Madame [C] [N],

[Adresse 1]

[Localité 6]

représenté par Me Wolfgang FRAISSE, avocat au barreau de VALENCE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 mai 2023,

Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère chargée du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de M. Victor BAILLY, Juriste assistant, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 13 juin 2023.

Exposé du litige :

Le 12 janvier 2009, l'Union Départementale des Associations Familiales de la Drôme (UDAF 26) a été désignée comme tutrice de Mme [N] [C] par le tribunal d'Instance de Romans.

Le 24 février 2012, Mme [K] a été engagée en qualité d'assistante de vie de Mme [N], représentée par l'UDAF 26, ès qualités de tuteur, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Le 22 juin 2018, l'UDAF 26 a convoqué Mme [K] à un entretien préalable, prévu le 2 juillet 2018 en vue d'un éventuel licenciement. Cette convocation a été assortie d'une mise à pied conservatoire.

Le 10 juillet 2018, l'UDAF 26 a licencié Mme [K] pour faute grave.

Mme [N] est décédée le 08 août 2018, laissant pour ayant-droit son époux, M. [N].

Le 05 juillet 2019, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Valence aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du 30 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Valence, a :

Condamné M. [N], ayant droit de Mme [N], à verser à Mme [K] les sommes suivantes :

2 221,44 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

222,14 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

1 804,92 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

1 316,29 euros au titre de l'indemnité des congés payés ;

Condamné L'UDAF 26 à verser à Mme [K] les sommes suivantes:

6 664,34 euros nets à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

700 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Débouté Mme [K] du surplus de ses demandes ;

Fixé le salaire mensuel brut de référence de Mme [K] à 1 110,72 euros ;

Condamné L'UDAF 26 aux éventuels dépens de l'instance.

La décision a été notifiée aux parties et L'UDAF 26 en a interjeté appel.

Par conclusions du 31 août 2021, l'UDAF 26 demande à la cour d'appel de :

Dire l'appel de I'UDAF 26 recevable et bien fondé,

Réformer partiellement la décision déférée en ce qu'elle a:

condamné I'UDAF 26 à verser à Mme [K] les sommes suivantes:

6 664,34 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

700 € au titre de l'article 700 du CPC,

condamné I'UDAF 26 aux éventuels dépens de l'instance,

Faire droit à l'exception d'incompétence matérielle du juge prud'homal et de la présente Cour pour statuer sur la responsabilité de I'UDAF 26,

Renvoyer les parties à se mieux pourvoir, sauf à ordonner la transmission du dossier de la présente affaire au Greffe de la Juridiction désignée, soit le Tribunal Judiciaire de VALENCE,

Condamner solidairement Mme [K] et M. [N], es qualités d'ayant-droit de Mme [N], à payer à I'UDAF 26 la somme de 3.000€ en application des dispositions de l'article 700 du CPC et dire que les dépens tant de première instance que d'appel resteront à leur charge.

Par conclusions d'intimé et d'appel incident notifiées par voie électronique le 20 décembre 2021, Mme [K] demande à la cour d'appel de :

Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de VALENCE en date du 30 avril 2021, sauf en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la remise des documents de fin de contrat.

A titre principal :

Dire et juger le licenciement pour faute grave de Mme [K] sans cause réelle et sérieuse pour absence totale de motif ;

Condamner madame [N] [C] à lui verser la somme de 6.664,34 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner madame [N] [C] à lui verser la somme de 2.221,44 € bruts (1.110,72 (moyenne des 12 derniers mois x 2) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 222,14 € au titre de congés payés y afférents ;

Condamner madame [N] [C] à lui verser la somme de 1.804,92 € au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

Condamner madame [N] [C] à lui verser la somme de 1.316,29 € au titre de l'indemnité de congés payés ;

Condamner madame [N] [C] à lui verser la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice au titre de la remise tardive des documents de fin contrat ;

A titre subsidiaire :

Dire et juger le licenciement pour faute grave de Mme [K] sans cause réelle et sérieuse pour absence totale de motif ;

Condamner L'UDAF 26 à lui verser la somme de 6.664,34 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner L'UDAF 26 à lui verser la somme de 2.221,44 € bruts (1.110,72 (moyenne des 12 derniers mois x 2) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 222,14 € au titre de congés payés y afférents ;

Condamner L'UDAF 26 à lui verser la somme de 1.804,92 € au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

Condamner L'UDAF 26 à lui verser la somme de 1.316,29 € au titre de l'indemnité de congés payés ;

Condamner L'UDAF 26 à lui verser la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice au titre de la remise tardive des documents de fin contrat

En tout état de cause :

Fixer le salaire mensuel brut de référence de Mme [K] à la somme de 1.110,72 € ;

Condamner Mme [N] et L'UDAF 26 à lui verser la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par conclusions en réponse du 08 décembre 2021, M. [N], ayant droit de Mme [N], demande à la cour d'appel de :

Rejeter l'exception d'incompétence matérielle ;

Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné M. [N] ;

A titre principal

Juger que Mme [N] n'était pas l'employeur de Mme [K] ;

Juger que L'UDAF 26 était l'employeur.

Condamner reconventionnellement L'UDAF 26 en sa qualité d'employeur ;

Débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les ayants droits de Mme [N] ;

A titre subsidiaire

Juger que la lettre de licenciement était suffisamment motivée et la procédure de licenciement régulière dans son entier ;

Juger que le licenciement était justifié ;

Débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les ayants droits de Mme [N] ;

A titre infiniment subsidiaire

Constater que Mme [K] n'a pas demandé de précisions complémentaires ;

Constater que le licenciement demeure justifié ;

Condamner Mme [N] au paiement d'une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire ;

Débouter Mme [K] de l'ensemble de ses autres demandes dirigées contre les ayants droits de Mme [N] ;

En tout état de cause

Condamner in solidum L'UDAF 26 et Mme [K] au paiement d'une somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 04 avril 2023.

L'affaire, appelée à l'audience du 09 mai 2023, a été mise en délibéré au 13 juin 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI :

La cour d'appel observe que dans le dispositif de ses conclusions, Mme [K] sollicite la confirmation du jugement entrepris s'agissant des sommes mises à la charge de M. [N], ayant droit de Mme [N], et dirige ses prétentions principales contre Mme [N], laquelle est décédée le 08 août 2018, de sorte que ses demandes doivent s'analyser comme dirigées contre M. [N], ayant droit de Mme [N].

Sur la compétence matérielle du conseil de prud'hommes de Valence :

Moyens des parties :

L'UDAF 26 soutient, au visa de l'article L. 1411-1 du code du travail, que le conseil de prud'hommes de Valence n'était pas compétent pour statuer sur l'affaire aux motifs que :

- L'employeur de Mme [K] était Mme [N] ;

- Les demandes de condamnation formées à titre subsidiaire par Mme [K] et celles, sollicitées par l'ayant-droit de Mme [N] dirigées contre I'UDAF 26, dont il n'est pas contesté qu'elle a agi en qualité de Tuteur de Mme [N], ne pouvaient ressortir de la compétence du conseil de prud'hommes de Valence, mais de celle du tribunal judiciaire de Valence.

M. [N] soutient que le conseil de prud'hommes de Valence était compétent pour statuer sur l'affaire. En effet, il expose que :

- Une exception d'incompétence peut être soulevée pour la première fois en appel, dès lors qu'elle est soulevée avant toute défense au fond, ce qui sera le cas lorsque le défendeur n'a pas comparu en première instance. Or, l'UDAF 26 a été touchée par la procédure prud'homale lors de l'audience en bureau de conciliation et d'orientation ainsi qu'au stade du bureau de jugement. Elle a, délibérément et en toute connaissance de cause, refusé d'être présente lors des plaidoiries.

- L'UDAF 26 a même adressé des écritures en première instance sans soulever la moindre argumentation quant à l'incompétence matérielle du conseil de prud'hommes.

Mme [K] ne conclut pas sur ce point.

Réponse de la cour,

Selon l'article 561 du code de procédure civile, l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel. Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du présent code.

Selon l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.

Selon l'article 76 du code de procédure civile, sauf application de l'article 82-1, l'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l'être qu'en ces cas. Devant la cour d'appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d'office que si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française.

En application de ces dispositions, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, tous les points du litige soumis au tribunal sont déférés à la connaissance de la cour d'appel qui doit statuer à nouveau et notamment réparer toute omission éventuelle de statuer du premier juge.

En outre, la partie qui a conclu sur le fond devant le tribunal est irrecevable à présenter une exception d'incompétence en cause d'appel.

Enfin, le demandeur à l'exception d'incompétence ne peut soutenir l'incompétence que si celle-ci subsiste devant la cour d'appel. Il lui est inutile de contester la compétence de la juridiction de premier degré si la cour d'appel est juge d'appel de la juridiction de première instance qui aurait dû être saisie.

En l'espèce, aucune exception d'incompétence n'a été soulevée par l'UDAF 26 devant le conseil de prud'hommes de Valence, lequel a rendu un jugement contradictoire le 30 avril 2021.

L'UDAF 26 ne conteste d'ailleurs pas n'avoir soulevé aucune exception d'incompétence dans le cadre de cette procédure, dont elle était parfaitement informée, puisque M. [N] justifie que le service juridique de l'UDAF 26 lui a adressé un courrier recommandé le 12 décembre 2019 ainsi que deux courriers recommandés au greffe du conseil de prud'hommes de Valence les 17 juillet 2019 et 1er juillet 2019, suite à sa convocation.

L'UDAF 26 est donc irrecevable à présenter une exception d'incompétence en cause d'appel.

Il convient de préciser qu'en tout état de cause, la cour d'appel de Grenoble est juge d'appel de la juridiction de première instance revendiquée comme étant compétente par l'UDAF 26.

Sur la qualité d'employeur de Mme [K] :

Moyens des parties :

L'UDAF 26 soutient, au visa des articles 421, 422, 504 du code civil, que M. [N], ayant-droit de Mme [N], était l'employeur de Mme [K].

L'association expose que l'UDAF 26, en qualité de tutrice de Mme [N], a seulement représenté cette dernière lors de la conclusion et de la rupture du contrat de travail de Mme [K]. Mme [N] était donc l'employeur de Mme [K]. Mme [N] étant décédée, l'employeur est de ce fait son ayant-droit, M. [N].

M. [N] fait valoir, à titre principal, que Mme [N] ne disposait pas de la qualité d'employeur. En effet, il expose que :

- Les facultés de Mme [N] étaient diminuées, empêchant toute expression de sa volonté. Elle ne disposait pas de la capacité de conclure seule un contrat de travail, en qualité d'employeur.

- Mme [N] se trouvait dans l'incapacité de décider d'une embauche pour elle-même.

- L'UDAF 26, en qualité de tuteur, était décisionnaire dans les actes de la vie civile impliquant Mme [N]. Elle doit donc être considérée comme étant l'employeur de Mme [K].

- Les courriers de convocation à l'entretien préalable au licenciement et de notification du licenciement attestent que l'UDAF 26 a usé de son pouvoir de direction et de son pouvoir disciplinaire auprès de Mme [K].

Mme [K] ne conclut pas sur ce point.

Réponse de la cour,

Selon l'article 473 du code civil, sous réserve des cas où la loi ou l'usage autorise la personne en tutelle à agir elle-même, le tuteur la représente dans tous les actes de la vie civile.

Selon l'article 496 du même code, le tuteur représente la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine. Il est tenu d'apporter, dans celle-ci, des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de la personne protégée.

Selon l'article 504 du même code, le tuteur accomplit seul les actes conservatoires et, sous réserve des dispositions du second alinéa de l'article 473, les actes d'administration nécessaires à la gestion du patrimoine de la personne protégée.

L'article 1154 du code civil rappelle que lorsque le représentant agit dans la limite de ses pouvoirs au nom et pour le compte du représenté, celui-ci est tenu de l'engagement ainsi contracté.

L'annexe 2 du décret n° 2008-484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle classe dans les actes d'administration, sauf circonstances d'espèce, la conclusion ou la rupture d'un contrat de travail en qualité d'employeur.

En application de ces dispositions, il est donc constant que le majeur en tutelle est frappé d'une incapacité d'exercice totale, c'est-à-dire que l'incapable est inapte à mettre en 'uvre lui-même ou à exercer seul certains droits dont il demeure titulaire. Ce sont ses représentants qui agissent à sa place.

L'acte d'administration est l'acte de gestion normale et courante du patrimoine. Il peut être accompli sans formalité spéciale, par le représentant de l'incapable agissant pour son compte.

Ce faisant, dès lors que le tuteur agit conformément et dans les limites du mandat qui lui a été confié par le juge, il ne saurait donc être tenu personnellement des engagements pris pour le compte de la personne protégée.

En l'espèce par jugement du tribunal d'instance de Romans-Sur-Isère en date du 12 janvier 2009, Mme [L] épouse [N] a été placée sous le régime de la tutelle, mesure maintenue par jugement du 07 novembre 2013.

Aux termes du jugement, la mesure de tutelle a été confiée à l'UDAF 26 de la Drôme pour représenter et administrer les biens et la personne de Mme [N].

Le 20 février 2012, l'UDAF 26 de la Drôme a signé un contrat de travail entre Mme [N] [C], employeur et Mme [U], salariée en qualité d'assistante de vie, lequel a fait l'objet d'un avenant le 31 Octobre 2017 précisant que la salariée était désormais Mme [K] [E].

Par courrier recommandé du 10 juillet 2018, le directeur de l'UDAF 26 de la Drôme, représentant Mme [N], a notifié à Mme [K] son licenciement pour faute grave.

Dès lors, la conclusion de ce contrat de travail, et la rupture dudit contrat, actes d'administration, ont été réalisés par l'UDAF 26 de la Drôme dans le cadre de sa qualité de tutrice désignée à l'époque des faits pour représenter Mme [N] dans les actes de la vie courante.

C'est en conséquence Mme [N] qui était le seul employeur de Mme [K], et non l'UDAF 26 de la Drôme en son nom personnel.

Mme [N] est décédée le 08 août 2018, postérieurement à la rupture du contrat de travail, laissant M. [N] [M] en qualité d'ayant-droit.

Sur le bien-fondé du licenciement :

Mme [K] soutient, au visa de l'article L. 1232-6 du code du travail, que son licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle expose que :

La lettre de licenciement ne présente aucun motif

La lettre de licenciement souffre d'une absence totale de motivation

M. [N] soutient que le licenciement de Mme [K] est régulier aux motifs que:

- Le déroulement de la procédure de licenciement de Mme [K] n'est pas contesté.

- Mme [K] dépendait de la Convention Collective des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999. Or, au regard de l'article 12 de ladite Convention, la lettre de licenciement est suffisamment motivée dans la mesure où:

elle précise le motif de licenciement ( « pour faute grave » )

elle renvoie à la fois à l'entretien préalable et aux circonstances de la mise à pied conservatoire dont la salariée a fait préalablement l'objet dans l'attente du prononcé du licenciement.

- Mme [K] n'a jamais sollicité de l'UDAF 26 des précisions complémentaires dans le délai légal imparti.

L'UDAF 26 ne conclut pas sur ce point.

Réponse de la cour,

Selon les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié.

Cette lettre, qui fixe les limites du litige, ce qui interdit à l'employeur d'invoquer de nouveaux griefs et au juge d'examiner d'autres griefs non évoqués dans cette lettre, doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables permettant au juge d'en apprécier la réalité et le sérieux.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Selon l'article L. 1235-2 du même code, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'Etat.

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.

A défaut pour le salarié d'avoir formé auprès de l'employeur une demande en application de l'alinéa premier, l'irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.

En l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l'indemnité allouée conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Il est de principe que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé au sein de l'entreprise même pendant la durée du préavis. La mise en 'uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En l'espèce, la lettre de licenciement adressée à Mme [K] le 10 juillet 2018, qui fixe les termes du litige, mentionne :

« Suite à notre entretien du 02 juillet 2018, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour le motif de faute grave.

Votre licenciement prend effet immédiatement sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Vous avez fait par ailleurs l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée le 22 juin 2018. Dès lors, la période non travaillée du 22 juin 2018 au 11 juillet 2018 ne sera pas rémunérée.

A l'expiration de votre contrat de travail, nous vous adresserons par courrier votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation Pôle emploi. ».

La cour d'appel constate que le salarié ne justifie pas avoir demandé des précisions sur les motifs du licenciement et l'employeur ne l'a pas fait spontanément comme prévu à l'article R.1232-13 du code du travail.

Or, aucun fait précis n'est reproché à la salariée dans cette lettre, ni dans les pièces produites par l'employeur.

L'employeur n'explique pas davantage les raisons ayant motivé la mise à pied conservatoire notifiée le 22 juin 2018.

M. [N], ayant droit de Mme [N], n'apporte ainsi aucun élément dans ses écritures de nature à prouver la faute grave reprochée à la salariée, de sorte que le licenciement de Mme [K] n'est justifié, ni par une faute grave, ni même par une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement :

Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, en l'absence de réintégration comme tel est le cas en l'espèce, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre 3 mois et 7 mois de salaire brut.

En l'espèce, le licenciement de Mme [K] étant sans cause réelle et sérieuse, la salariée est fondée à obtenir paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité compensatrice de congés payés afférente, et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aucune contestation n'est formulée par l'employeur s'agissant des sommes réclamées par Mme [K].

Au jour de son licenciement, Mme [K] comptait six années d'ancienneté auprès de Mme [N].

Elle soutient ne pas avoir perçu son solde de tout compte, ni son indemnité de congés payés, ce qui n'est pas contesté par l'employeur.

M. [N], venant aux droits de Mme [N], employeur de Mme [K], sera donc condamné à lui payer, par confirmation du jugement entrepris, les sommes de :

- 2 221,44 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (soit 1.110,72 euros bruts, moyenne des 12 derniers mois x 2) ;

- 222,14 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

- 1 804,92 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- 1 316,29 euros au titre de l'indemnité des congés payés ;

S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, seul l'employeur peut se voir condamner au paiement de cette somme, mise à tort à la charge de l'UDAF 26 par le conseil de prud'hommes.

M. [N] sera donc condamné, en sa qualité d'ayant-droit de Mme [N], à payer à Mme [K] la somme de 6 664,34 euros, soit 6 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce par infirmation du jugement entrepris.

La cour d'appel constate que M. [N] ne formule aucune demande à l'encontre de l'UDAF 26 au titre d'une faute civile engageant sa responsabilité et permettant à l'ayant-droit du majeur protégé au nom de qui elle a agi, d'obtenir des dommages et intérêts ou d'être garanti d'une condamnation pour licenciement abusif.

L'UDAF 26, en son nom personnel, doit donc être mise hors de cause.

Sur la remise d'une attestation pôle emploi et d'un bulletin de salaire rectifiés :

Moyens des parties,

Mme [K] rappelle que la fin des relations contractuelles est intervenue en date du 10 juillet 2018 et qu'elle n'est toujours pas en possession de ses documents de fin de contrat.

Réponse de la cour,

En vertu de l'article L.1234-19 du code du travail, à l'expiration du contrat de travail l'employeur délivre un certificat de travail.

Aux termes de l'article R.1234-9 alinéa 1 du code du travail, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.

L'obligation de remettre un certificat de travail et une attestation Pôle emploi pesant sur l'employeur est quérable.

Il appartient au salarié de démontrer qu'il s'est heurté à une inertie ou un refus de son employeur et de justifier de l'existence d'un préjudice.

En l'espèce, Mme [K] n'apporte aucun élément au soutien de sa demande, et ne justifie d'aucun préjudice.

Sa demande sera donc rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

M. [N] [M], en sa qualité d'ayant-droit de Mme [N], succombant à l'instance, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il devra en outre payer une somme qu'il est équitable de fixer à 1500 euros à Mme [K] au titre de ses frais irrépétibles.

M. [N] et l'UDAF 26 seront déboutés de leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE l'UDAF 26 recevable en son appel,

DECLARE Mme [K] et M. [N] recevables en leur appel incident,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- Condamné M. [N] [M], en sa qualité d'ayant-droit de Mme [N], à payer à Mme [K] les sommes suivantes :

2 221,44 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

222,14 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

1 804,92 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

1 316,29 euros au titre de l'indemnité des congés payés ;

- Fixé le salaire mensuel brut de référence de Mme [K] à 1 110,72 euros ;

L'INFIRME, pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

Et y ajoutant,

MET hors de cause l'association UDAF de la Drôme,

CONDAMNE M. [N] [M], en sa qualité d'ayant-droit de Mme [N] à payer à Mme [K] la somme de 6 664,34 euros nets à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE à M. [N] [M], en sa qualité d'ayant-droit de Mme [N] à payer à Mme [K] la somme de 1 500 € à sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE M. [N] [M] et l'UDAF 26 de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [N] [M], en sa qualité d'ayant-droit de Mme [N] aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 21/02468
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;21.02468 ?
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