N° RG 21/04145 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LB3W
N° Minute :
C2
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Véronique GARCIA GOMEZ
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 06 JUIN 2023
Appel d'un Jugement (N° R.G. 17/03044) rendu par le tribunal judiciare de GRENOBLE en date du 24 juin 2021, suivant déclaration d'appel du 01 Octobre 2021
APPELANTS :
M. [H], [C] [K] [R]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 11] (PORTUGAL)
de nationalité Portugaise
[Adresse 8]
[Localité 7]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/2335 du 15/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
Mme [B] [F] [T] [G] épouse [K] [R]
née le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 7]
représentés et plaidant par Me Véronique GARCIA GOMEZ, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIM ÉS :
M. [W] [I]
né le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 6]
représenté par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, et par Me Edouard BOURGIN, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué et plaidant par Me Cécile MAGGIULLI, avocat au barreau de GRENOBLE
Etablissement Public CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DE L'ISERE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
non représenté
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle Cardona, présidente,
M. Laurent Grava, conseiller,
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 avril 2023, Emmanuèle Cardona, Présidente chargée du rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Expliquant avoir été agressé le 25 octobre 2011 à la patinoire de Grenoble par M.[H] [K] [R] et son épouse Mme [B] [G] (ci-aprés M.et Mme [K] [R]), M. [W] [I] les a fait assigner en responsabilité et en indemnisation de ses préjudices devant le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Grenoble par acte d'huissier du 6 juillet 2017, en fondant ses demandes sur le rapport d'expertise judiciaire du Dr [M], désignée par le juge des référés suivant une ordonnance du 1er juillet 2015.
Par jugement en date du 24 juin 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
- Dit que M. [W] [I] a commis une faute qui réduit de 50 % son droit à indemnisation ;
Avant dire droit sur le préjudice de M. [W] [I] :
- Ordonné la réouverture des débats et révoqué l'ordonnance de clôture ;
- Invité M. [W] [I] a :
mettre en cause son organisme de sécurité sociale à l'époque des faits,
produire un état des prestations servies par son organisme social des suites de l'agression dont il dit avoir éte victime le 25 octobre 2011 ;
- Dit que 1'affaire serait rappelée à1'audience du juge de la mise en état en date du 16 septembre-2021 ;
- Sursis à statuer sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- Réservé les dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 1er octobre 2021 M. et Mme [K] [R] ont interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- Débouté les époux [K] [R] de leur demande de voir débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes en raison de l'absence de lien de causalité entre les faits du 23 octobre 2011 et le préjudice invoqué en 2015 et l'absence de responsabilité des époux [K] [R] dans la survenance dudit préjudice ;
- Reconnu un droit à indemnisation à M. [I],
- Dit que M. [I] a commis un faute qui réduit de 50 % son droit à indemnisation.
EXPOSÉ DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant dernières conclusions notifiées le 21 décembre 2021 dont le dispositif doit être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des demandes mais reprennent les moyens soutenus dans les motifs, M. et Mme [K] [R] demandent à la cour de :
- Infirmer le jugement du 24 juin 2021 en ce qu'il a implicitement reconnu un lien de causalité entre les faits reprochés à Madame [K] [R] et le préjudice corporel invoqué par M. [I] et en ce qu'il a reconnu que celui-ci avait un droit à indemnisation réduite de 50 %.
Statuant à nouveau
- Dire que le lien de causalité certain entre les faits reprochés à Mme [K] [R] et le dommage invoqué par M. [I] n'est ni caractérisé ni démontré ;
- Débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation qui en tout état de cause sont infondées et abusives ;
Subsidiairement,
- Ordonner une contre-expertise médicale de M. [I] ;
- Désigner tel médecin expert qu'il plaira avec pour mission notamment de rechercher de façon plus précise les possibilités d'antécédents et de lésions préexistantes;
- Dire et juger que le médecin expert devra se faire communiquer le rapport médical du médecin traitant sur les cinq années antérieures aux faits ;
- Dire et juger que le médecin expert devra se faire communiquer le relevé des remboursements CPAM sur les cinq années précédant les faits ; condamner M. [I] à payer à M. et Madame [K] [R] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Condamner le même aux entiers dépens ;
Au soutien de leurs prétentions M. et Mme [K] [R] se prévalent de l'article 1240 du code civil.
Ils en déduisent que faute pour M. [I] d'avoir démontré le lien de causalité entre la faute prétendument commise par Mme [K] [R] et le dommage corporel qu'il invoque, leur responsabilité doit être écartée. Que le lien de causalité ne peut pas être rapporté par une expertise médicale intervenue plus de 3 ans et demi après les faits.
Ils allèguent également l'absence de préjudices et de séquelles en soulignant les pratiques sportives de M. [I].
M. et Mme [K] [R] contestent l'incidence professionnelle, estimant qu'il n'y a pas de lien de causalité entre les faits s'étant déroulés le 25 octobre 2011 et le préjudice professionnel dont M. [I] se prétend victime puisque l'entreprise de M. [I] rencontrait déjà des difficultés avant les faits.
Concernant les dépenses de santé futures, ils soutiennent que M. [I] a cessé les soins médicaux suite aux faits, et ce, depuis le 05 janvier 2012.
Dans ses conclusions notifiées le 18 mars 2022 M. [I] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Grenoble du 24 juin 2021en ce qu'il a dit que M. [W] [I] a commis une faute qui réduit de 50% son droit à indemnisation.
Le confirmer pour le surplus.
En conséquence, statuant de nouveau.
- Juger que M. [I] a un droit intégral à réparation,
- Condamner in solidum M. et Mme [K] [R] à indemniser M. [I] de l'intégralité de ses préjudices,
- Renvoyer le dossier devant le Tribunal judiciaire afin qu'il soit statué sur les préjudices de M. [I].
A titre subsidiaire,
-Condamner in solidum M. et Mme [K] [R] à payer à M. [I] les sommes suivantes en réparation de ses entiers préjudices suite à l'agression du 25/10/2011 :
I - Préjudices patrimoniaux
-Dépense de santé actuelles : Réservé
-Perte de gains professionnels actuels : 71.970, 64 euros
-incidence professionnelle : 40.000, 00 euros
-Dépenses de santé futures : 2.400, 00 euros
II - Préjudices extrapatrimoniaux :
-Déficit fonctionnel temporaire : 515, 28 euros
-Souffrances endurées : 7.000, 00 euros
-Déficit fonctionnel permanent : 5.340, 00 euros
A titre principal : à compter de la consolidation :
Juger que les sommes allouées par la présente décision, à tout le moins celles équivalent l'offre réalisée, produiront intérêts au taux légal à compter de la date de consolidation, point de départ des fixations des préjudices, soit le 05/01/2012, les intérêts échus étant capitalisés par année entière conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil (anc. 1154 C. civ.).
A titre subsidiaire : à compter de la première assignation :
Juger que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter de la date de la première assignation, soit le 6/07/2017, les intérêts échus étant capitalisés par année entière conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil (anc. 1154 C. civ.).
- Condamner les époux [K] [R] à en régler le montant capitalisé par année entière,
- Déclarer commun et opposable le jugement à intervenir à toutes les parties présentes à l'instance,
- Condamner in solidum M. et Mme [K] [R] à payer à M. [I] la somme de 3 000, 00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction faites au profit de la SELARL Dauphin-Mihajlovic, sur son affirmation de droit.
Au soutien de ses demandes, M. [I] se fonde sur l'article 1240 du code civil.
Il soutient que les préjudices qu'il invoque sont imputables à l'agression du 25 octobre 2011 comme l'atteste le rapport d'expertise médical.
Il allègue ne pas avoir commis de faute ayant concouru à la réalisation de son dommage.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 décembre 2022.
MOTIFS
En vertu des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
Sur la responsabilité des époux [K] [R]
L'article 1240 du code civil dispose : 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.
Le 25 octobre 2011, une altercation a éclaté entre les époux [K] [R] et M. [I].
Au cours de leurs auditions respectives par les services de police les protagonistes ont donné des versions divergentes des faits.
En effet, M. [K] [R] a affirmé que M. [I] l'avait attrapé par la gorge le premier et que pour se défendre il avait dû le retenir par le col. Il explique également que, voyant cela, son épouse est 'arrivée en furie et lui a donné un ou deux coup de poing'.
M. [I] a affirmé quant à lui, le contraire expliquant que c'est M. [K] [R] qui l'avait attrapé au niveau de la gorge et qu'il avait dû 'le tenir à distance'.
M. [I] indique également avoir reçu des coups de poings au niveau de la tempe gauche et des coups de pieds au niveau du bas du dos de la part de Mme [K] [R].
Cette dernière n'a pas été entendue par les services de police.
Si l'origine de la rixe n'est pas établie, l'échange de gestes violents est attesté par les pièces de l'enquête pénale.
Compte tenu des versions divergentes des faits relatés par les protagonistes et précédemment exposées, il y a lieu de s'attacher aux déclarations faites par un témoin, M. [J] devant les enquêteurs qui atteste que :
'[W] et le mari se sont mutuellement insulté (...)
[W] s'est alors énervé et a pris le M. par le col sans lui porter de coup,
C'est alors que la femme de M. est venu par derrière et a frappé violemment [W] (...)'.
M. [K] [R] reconnaît lui-même dans sa déclaration aux gendarmes que sa femme est 'arrivée en furie, a dû lui donner un ou deux coups de poing'.
Dès lors, il résulte de ces témoignages que des coups ont été portés à l'encontre de M. [I] par Mme [K] [R], qui a donc commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
Néanmoins il en ressort également que M. [I], en attrapant M. [K] [R] par le col, a engagé le contact physique, dans ce qui n'avait été jusque là qu'une altercation verbale.
Son comportement est constitutif d'une faute qui se trouve directement à l'origine de son dommage et il a donc concouru à la réalisation de son préjudice, dans une proportion qu'il convient de fixer à 50 %, en confirmation du jugement.
A la suite de cette rixe et dans le cadre de la procédure judiciaire initiée, M. [I] a sollicité du juge que soit réalisée une expertise médicale en vue de constater ses préjudices.
En l'espèce, le rapport définitif retient, conformément à l'avis d'un sapiteur, que sur le plan orthopédique il n'existait pas d'état antérieur.
Dans son rapport, le Dr. [S] retient que l'agression du 25 octobre 2011 est à l'origine de :
une contusion lombaire
une entorse cervicale (totalement puisqu'il n'existe aucun élément permettant de décrire un état antérieur). Il existe en effet une inversion de la courbure cerviclae témoignant bien d'une entorse cervicale. Quant à l'état du disque intervertébral, il a pu être lésé lors de l'accident initial.
Epaule gauche. Contusions de l'épaule gauche. Raideur modérée. L'état actuel de cette lésion est en relation totale avec l'accident, cependant sur le plan évolutif, compte-tenu de l'état tendineux actuel, il s'agira d'une évolution liée à la personne.
Les rapports d'expertise, qui ont tenu compte des pièces médicales contemporaine à l'agression, sont donc suffisants pour permettre de démontrer l'existence d'un lien de causalité entre les faits reprochés à Mme [K] [R] et le préjudice invoqué par M. [I].
Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande subsidiaire de contre-expertise médicale.
Sur l'indemnisation
L'indemnisation de M. [I] n'ayant pas été discutée en première instance, il n'y a pas lieu à évocation sur ce point et le dossier sera renvoyé devant le tribunal judiciaire pour qu'il soit statué sur les préjudices de l'intimé.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à contre-expertise,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. et Mme [K] [R] aux entiers dépens de la procédure d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE