N° RG 21/03544 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LACH
N° Minute :
C2
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SCP FICHTER TAMBE
la SELARL BSV
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 06 JUIN 2023
Appel d'un Jugement (N° R.G. 19/04038) rendu par le tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 29 avril 2021, suivant déclaration d'appel du 30 Juillet 2021
APPELANTE :
Mme [G] [L]
née le 05 Octobre 1956 à [Localité 3] ([Localité 3])
de nationalité Française
PARMASTRAAT 65
[Adresse 1] (BELGIQUE)
représentée par Me Julien TAMBE de la SCP FICHTER TAMBE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Pierre-François GIUDICELLI, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIM ÉE :
S.A.R.L. AGIMO SYNDIC prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Laure BELLIN de la SELARL BSV, avocat au barreau de GRENOBLE substituée et plaidant par Me Alysson ACCATINO, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle Cardona, présidente,
M. Laurent Grava, conseiller,
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 avril 2023, Emmanuèle Cardona, Présidente chargée du rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions et Me Accatino en sa plaidoirie, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
MmeVan De Rijt est propriétaire d'un appartement au sein de l'immeuble Les Nigritelles situé sur la commune d'[Localité 2], immeuble soumis au régime de la copropriété.
La SARL Agimo est syndic de la copropriété. Mme[L] a été élue présidente du conseil syndical lors de l'assemblée générale des copropriétaires de décembre 2016.
Lors de leur assemblée générale du 27 décembre 2018, les copropriétaires se sont vu soumettre, à la demande de trois copropriétaires, une résolution tendant à la révocation du conseil syndical et à la révocation du mandat de conseillère syndicale de MmeVan De Rijt. Cette résolution a été rejetée.
Considérant que par un mail adressé le 21 décembre 2018 aux copropriétaires, la SARL Agimo en qualité de syndic avait tenté d'influencer les copropriétaires sur le vote de cette résolution et tenté de s`immiscer dans la gestion de la copropriété, MmeVan De Rijt a, selon exploit d'huissier du 5 septembre 2019, assigné la SARL Agimo devant le tribunal judiciaire de Grenoble aux fins de voir reconnaître la faute de la SARL Agimo et sa condamnation à lui verser des dommages intérêts.
Par jugement en date du 29 avril 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
- Débouté MmeVan De Rijt de 1'ensemble de ses demandes,
- Débouté la SARL Agimo de sa demande de dommages intérêts,
- Condamné MmeVan De Rijt à payer à la SARL Agimo une somme de 2 500 euros au titre de 1'artic1e 700 du code de procédure civile,
- Condamné MmeVan De Rijt aux dépens,
- Autorisé la SELARL BSV Avocats à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de 1'artic1e 699 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 30 juillet 2021, MmeVan De Rijt a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
Débouté MmeVan De Rijt de 1'ensemble de ses demandes,
Condamné MmeVan De Rijt à payer à la SARL Agimo une somme de 2 500 euros au titre de 1'artic1e 700 du code de procédure civile,
Condamné MmeVan De Rijt aux dépens,
Autorisé la SELARL BSV Avocats à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de 1'artic1e 699 du code de procédure civile.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant dernières conclusions notifiées le 12 décembre 2022, dont le dispositif doit être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des demandes mais reprennent les moyens soutenus dans les motifs, Mme [L] demande à la cour de :
À titre liminaire - Sur l'irrecevabilité des conclusions d'intimé de la SARL Agimo :
Déclarer irrecevables les conclusions d'intimés notifiées le 12 décembre 2022 par la SARL Agimo syndic,
À titre principal - Sur le fond du litige :
Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
Débouté Mme [L] de l'ensemble de ses demandes,
Condamné Mme [L] à payer à la SARL AGIMO une somme de 2 500 euros au titre de l"article 700 du code de procédure civile,
Condamné Mme [L] aux dépens,
Autorisé la SELARL BSV Avocats à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
Condamner la SARL Agimo à payer à Mme [L] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Débouter la SARL Agimo, de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident.
Condamner la SARL Agimo, à payer à Mme [L], la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.
Au soutien de ses prétentions, Mme [L] allègue, à titre liminaire, l'irrecevabilité des conclusions de la SARL Agimo qui n'a pas notifié ces dernières dans le délai prévu par l'article 909 du code de procédure civile.
A titre principal, sur le fond du litige, Mme [L] se fonde sur l'article 1240 du code civil.
Elle soutient que le courriel envoyé par la SARL Agimo en date du 21 décembre 2018 est constitutif d'une faute car relève d'une réelle campagne de dénigrement à son égard.
Elle considère que cette faute a engendré un dommage puisque l'envoi du mail a provoqué des tensions dans ses relations avec les copropriétaires.
Elle estime en outre, que le préjudice de dénigrement est la conséquence directe de la faute de la SARL Agimo, faute qui a également eu des répercussions sur sa santé.
Enfin, elle soutient que par l'envoi de ce mail, la SARL Agimo a outrepassé ses fonctions.
Dans ses conclusions notifiées le 12 décembre 2022 dont le dispositif doit être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des demandes mais reprennent les moyens soutenus dans les motifs, la SARL Agimo demande à la cour de :
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble le 29 avril 2021 sous le numéro RG 19/04038, et rejeter les demandes de réformation de Mme [L].
Et y ajoutant,
Condamner Mme [L], reconventionnellement, à payer à la SARL Agimo 1 euro de dommages et intérêts.
Condamner Mme [L] au paiement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner Mme [L] aux dépens de l'instance sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de la SELARL BSV Avocats sur son affirmation de droit.
En tant que de besoin,
Débouter Mme [L] de toutes ses demandes fins et conclusions d'appel à l'encontre de la SARL Agimo.
Au soutien de ses demandes, la SARL Agimo se fonde sur l'article 1240 du code civil.
Elle souligne que dès sa prise de fonction en tant que présidente du conseil Mme [L] a mis en place une relation conflictuelle.
La SARL Agimo prétend ne pas avoir commis de faute. En effet, elle estime que le mail et son contenu étaient necessaires afin d'inciter les copropriétaires à prendre connaissance de l'ordre du jour et les inviter à ne pas retourner leur pouvoir en blanc. La SARL Agimo prétend également ne pas avoir outrepassé ses fonctions.
Enfin, la SARL Agimo allègue que Mme [L] n'a subi aucun préjudice consécutivement à l'envoi du mail.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 décembre 2022.
MOTIVATION
En vertu des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
1.Sur la recevabilité des conclusions d'intimé de la SARL Agimo
L'article 909 du code de procédure civile dispose que : 'L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.'
L'article 914 du code de procédure civile dispose que 'Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :
' prononcer la caducité de l'appel ;
' déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ;
' déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;
' déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1.
Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.
Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909,910, et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal.'
En l'espèce, Mme [L] a notifié ses conclusions d'appelant à la SARL Agimo Syndic le 25 octobre 2021.
La SARL Agimo n'a notifié ses conclusions d'intimé que le 12 décembre 2022 en violation des dispositions de l'articles 909 du code de procédure civile précité.
Mme [L] n'a cependant pas saisi le conseiller de la mise en état, seul compétent en la matière, aux fins de voir prononcer l'irrecevabilité des conclusions d'intimé et sa demande est donc irrecevable.
En conséquence, il n'y a pas lieu de déclarer les conclusions d'intimé de la SARL Agimo irrecevables.
2. Sur la responsabilité de la SARL Agimo
Il ressort des éléments du dossier qu'une situation conflictuelle était née au sein de la copropriété Les Nigritelles au cours de l'exercice 2017-2018 en raison d'oppositions internes sur l'exploitation d'un sous-sol en restaurant et la réfection d'une partie de l'étanchéité de l'immeuble.
C'est dans ce contexte conflictuel que le syndic a envoyé un mail, dont la teneur sera exposée ci-après, à l'intention de 1'ensemble des copropriétaires avant l'assemblée générale du 27 décembre 2018.
Mme [L] soutient que l'envoi de ce mail serait constitutif d'une faute compte tenu des propos agressifs et de la remise en cause implicite et explicite de sa personne qu'il contiendrait. Elle estime également que par cet envoi, le syndic, a agi en dehors des limites de ses fonctions.
L'article 1240 du code civil dispose que : 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'
En l'espèce, il apparaît clairement à la lecture du mail, qu'afin d'appeler les copropriétaires à se prononcer, le syndic critique, en début de ce courriel , l'attitude de 'la présidente', c'est à dire de Mme [L]. Il décrit ainsi :
'- Des prises de décisions hâtives de la présidente, sans réelles concertation....
- une précipitation fréquente dans la mise en 'uvre de décisions ou de propositions (cf l'ordre du jour de l'AG de l'an dernier et le déroulement des travaux de la placette) qui engendre perte de temps, d'énergie et coûts inutiles.
- de grosses difficultés pour s'exprimer en cas d'analyses divergentes de celles de la présidente.
- une communication très agressive de la présidente vis à vis du syndic....et cela dès le début de sa prise de fonction.'
Ces éléments précèdant la partie du mail dans laquelle le syndic invite les copropriétaires à retourner leur pouvoir à des membres qu'il désigne expréssement : soit au nom d'un conseiller ou de copropriétaires qu'il nomme, soit au nom de la présidente, sont de nature à influencer le choix des copropriétaires, à fortiori dans un climat conflictuel.
La SARL Agimo estime que ce mail avait simplement pour but de mettre en avant la scission au sein du conseil syndical et produit cinq attestations de copropriétaires soulignant l'agressivité de Mme [L].
Il ressort cependant de la lecture des pieces produites dans le dossier et des échanges de mails, que Mme [L], en tant que présidente du conseil syndical, n'a fait qu'exercer son rôle de contrôle de la gestion de la copropriété par le syndic comme il en va du rôle de tout conseil syndical.
En effet, de nombreuses attestations de copropriétaires, pas moins de 10, produites par Mme [L] attestent de son dévouement et de son investissement dans l'intérêt de tous.
Dévouement et investissement également reconnu d'ailleurs par trois des copropriétaires qui ont établi les attestations pour la SARL Agimo.
En effet, il ressort des mails produits par Mme [L] que ces trois copropriétaires lui adressaient régulièrement leurs félicitations pour le travail réalisé. L'on peut lire à titre d'exemple :'félicitations pour ce travail de fond', 'tes mails ont toujours été très courtois', 'excellent compte rendu,'encore une fois,bravo et merci à [G]', 'bravo [G] pour ta synthèse des problèmes de notre copropriété', 'Merci [G] pour tout ce travail', 'comme toujours un travail parfait', 'les membres du CS , qui ont donné leur avis à ce jour, te soutiennent pleinement'.
Le mail envoyé par le syndic, par sa teneur, ne tendait donc pas simplement à mettre en avant la scission au sein du conseil syndical mais à dénigrer l'attitude de Mme [L].
En sortant de l'attitude neutre qu'il aurait dû conserver, le syndic a ainsi outrepassé ses fonctions et l'ensemble de ces éléments démontre que l'envoi du mail litigieux par la SARL Agimo à tous les copropriétaires est constitutif d'une faute.
Mme [L] démontre que cette faute lui a causé un préjudice tant sur le plan relationnel avec les autres copropriétaires que sur le plan médical puisqu'elle produit un certificat médical attestant de plaintes de natures nerveuses l'ayant conduite à suivre une thérapie.
En conséquence, il y a lieu de faire droit aux demandes de Mme [L] et de lui allouer la somme de 2 500 euros au titre des dommages et intérêts.
3.Sur la demande reconventionnelle de la SARL Agimo.
La SARL Agimo allègue que le comportement agressif de Mme [L] est fautif et sollicite l'octroi d'un euro symbolique à titre de dommages et intérêts.
La SARL Agimo n'apporte cependant pas la preuve de la faute qu'elle allègue et ne démontre notamment pas, au vu des attestations produites par Mme [L], en quoi celle-ci aurait excédé ses fonctions, dès lors sa demande sera rejetée.
4. Sur les demandes accessoires.
La SARL Agimo sera condamnée à verser à Mme [L] la somme de 2 000 euros au terme de l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la SARL Agimo sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Déclare recevables les conclusions d'intimé de la SARL Agimo,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SARL Agimo de sa demande de dommages intérêts,
Infirme le jugement pour le suplus et statuant à nouveau,
Condamne la SARL Agimo à payer à Mme [L] la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts,
Déboute la SARL Agimo, de toutes ses demandes,
Condamne la SARL Agimo, à payer à Mme [L] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL Agimo aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE