N° RG 21/03266 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K7I3
N° Minute :
C2
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jocelyn RIGOLLET
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 06 JUIN 2023
Appel d'un Jugement (N° R.G. 21/00214) rendu par le Juge des contentieux de la protection de VIENNE en date du 04 juin 2021, suivant déclaration d'appel du 13 Juillet 2021
APPELANTE :
Mme [O] [B]
née le 24 Juin 1971 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée et plaidant par Me Jocelyn RIGOLLET, avocat au barreau de VIENNE
INTIM É :
M. [S] [B]
né le 1er mars 1963 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant , et Me Laurent SOUGEGA, avocat au barreau de SAINT ETIENNE, substitué et plaidant par Me Ophélie JOUVE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle Cardona, présidente,
M. Laurent Grava, conseiller,
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 avril 2023, Emmanuèle Cardona, Présidente chargée du rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte notarié en date du 15 mars 1997, Madame [I] [F] a fait donation par préciput et hors part, du bien immobilier situé [Adresse 4] à son fils Monsieur [S] [B]. La donation portait sur la nue-propriété de l'immeuble.
Madame [F] s'est réservé l'usufruit sur cet immeuble.
Par contrat en date du 24 juin 2015, réitéré par attestation du 13 février 2016, Madame [I] [F] a consenti un prêt à usage (ou commodat) sans terme défini sur une partie de ce bien à sa fille Madame [O] [B].
Madame [I] [F] est décédée le 23 février 2019.
Monsieur [S] [B] a adressé à sa s'ur une sommation de quitter les lieux le 29 avril 2019 par voie d'huissier et une mise en demeure recommandée avec accusé de réception ayant le même objet le 13 juin 2019.
Par exploit d'huissier du 25 février 2021, Monsieur [B] a fait citer sa s'ur par-devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Vienne, sollicitant le constat de la résiliation du prêt à usage et l'expulsion de Mme [B].
Par jugement en date du 04 juin 2021, le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Vienne a :
- Constaté la résiliation du prêt à usage du 24 juin 2015 sur le bien immobilier situé [Adresse 4] ;
- Constaté que Mme [O] [B] est occupante sans droit ni titre du bien immobilier situé [Adresse 4], appartenant à Monsieur [S] [B] depuis le 29 avril 2019 ;
- Ordonné en conséquence l'expulsion de Mme [O] [B] et de tout occupant de son chef, au besoin avec l'aide de la force publique ;
- Débouté M. [S] [B] de sa demande en paiement d'une indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Mme [O] [B] aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 13 juillet 2021 Mme [O] [B] a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- Constaté la résiliation du prêt à usage du 24 juin 2015 sur le bien immobilier situé [Adresse 4] ;
- Constaté que Mme [O] [B] est occupante sans droit ni titre du bien immobilier situé [Adresse 4], appartenant à M. [S] [B] depuis le 29 avril 2019 ;
- Ordonné en conséquence l'expulsion de Mme [O] [B] et de tout occupant de son chef, au besoin avec l'aide de la force publique ;
- Condamné Mme [O] [B] aux entiers dépens.
EXPOSÉ DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant dernières conclusions notifiées le 06 décembre 2021 dont le dispositif doit être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des demandes mais reprennent les moyens soutenus dans les motifs, Mme [B] demande à la cour de :
- Déclarer nulles la sommation de quitter les lieux du 29 avril 2019 par voie d'huissier et la mise en demeure recommandée avec accusée de réception ayant le même objet du 13 juin 2019 ;
- Débouter M. [S] [B] de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamner M. [S] [B] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. [S] [B] aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions Mme [B] se prévaut des dispositions des articles 1888 et 1889 du code civil. Elle en déduit qu'en application de ces textes et faute pour M. [B] de justifier d'un besoin pressant et imprévu de sa chose le commodat ne peut être résilié.
Dans ses conclusions notifiées le 06 décembre 2021 M. [B] demande à la cour de :
- Déclarer recevable et fondé M. [B] [S] en ses demandes et en son appel incident.
- Confirmer le jugement en date du 04 juin 2021 par le juge des contentieux et de la protection près le tribunal judiciaire de Vienne en ce qu'il a :
constaté la résiliation du prêt à usage sur le bien immobilier situé [Adresse 4] appartenant à M. [B] [S] depuis le 29 avril 2019 ;
constaté que Mme [O] [B] est occupante sans droit ni titre du bien immobilier situé [Adresse 4], appartenant à M. [S] [B] depuis le 29 avril 2019 ;
ordonné en conséquence l'expulsion de Mme [O] [B] et de tout occupant de son chef, au besoin avec l'aide de la force publique ;
condamné Mme [O] [B] aux entiers dépens.
- Réformer le jugement rendu le 04 juin 2021 par le juge des contentieux et de la protection près le tribunal judiciaire de Vienne en ce qu'il a :
constaté que Mme [B] [O] n'était devenue occupante sans droit ni titre que depuis le 29 avril 2019,
débouté Monsieur [S] [B] de sa demande en paiement d'une indemnité par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Y faisant droit et statuant de nouveau,
- déclarer Mme [B] [O] occupante sans droit ni titre depuis le 20 octobre 2016, date du placement de Mme [F] en EHPAD, ou sibsidiairement depuis le 23 février 2019, date du décès de Mme [F].
- condamner Mme [B] à quitter les lieux dans le délai d'un mois suivant la signification de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai.
- condamner Mme [B] [O] au paiement de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, incluant le P.V. de constat du 29 avril 2019 et la sommation du même jour, distraits au profit de Maître Grimaud, Avocat sur son affirmation de droit.
Au soutien de ses demandes, M. [B] souligne que le commodat objet du litige a été conclu pour une durée indeterminée.
Il allègue, sur le fondement de l'article 1188 du Code civil, qu'en l'absence de précision du terme dans la convention, les juridictions doivent rechercher 'la commune intention des parties'.
Cette commune intention est à rechercher selon lui dans la convention même qui prévoyait la mise à disposition à titre gracieux d'une pièce dans l'optique pour Mme [F] de faire des économies sur le nombre d'heures d'aide-ménagère et en contrepartie de l'entretien de la propriété.
Il en déduit donc un terme implicite correspondant à la date à laquelle Mme [F] ne serait plus en mesure de vivre à son domicile. L'arrivée de ce terme mettant fin au commodat.
Ainsi, il considère que le commodat a prit fin le 20 octobre 2016, date à laquelle Mme [F] a été placée en EHPAD et en tout état de cause, à son décès, le 23 février 2019.
Subsidiairement, il soutient que pour les conventions sans terme, le prêteur est en droit d'obtenir la chose en respectant un délai raisonnable. Il allègue avoir respecté un tel délai dans la mesure ou la sommation de quitter les lieux signifiée à Mme [B] le 29 avril 2019 réitérée par lettre recommandée avec accusé de réception le 13 juin 2019 lui stipulait un délai de trois mois.
Plus subsidiairement, il fonde sa demande de résiliation du commodat sur l'absence d'usage de la chose prêtée en bon père de famille.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 décembre 2022.
MOTIVATION
En vertu des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
1.Sur la résiliation du commodat
L'article 1104 du code civil dispose que : 'Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.'
L'article 1211 du code civil dispose que : 'Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable.'
En l'espèce, le prêt à usage litigieux a été consenti sans terme et doit donc être qualifié de contrat à durée indeterminé.
Il paraît en l'espèce difficile de rechercher la commune intention des parties pour définir un terme implicite, trop sujet à interprétation, Mme [F] n'ayant pas laissé d'élément sur ce point.
En revanche, ledit prêt porte sur une chose d'un usage permanent. Le contrat ne saurait donc être perpetuel.
Dès lors et conformément au droit commun des contrats à durée indeterminée, il y a lieu de considérer que le prêteur est en droit de résilier unilatéralement le contrat à la condition de respecter un délai de préavis raisonnable.
En l'espèce, M. [B] a respecté un tel délai, dès lors qu'il a fait délivrer à Mme [B] une sommation de quitter les lieux le 29 avril 2019, sommation réitérée par lettre recommandée avec accusée de réception en date du 13 juin 2019 lui intimant d'avoir quitté la maison dans un délai de trois mois c'est à dire au 13 septembre 2019.
Mme [B] est donc occupante sans droit ni titre depuis le 13 septembre 2019.
En conséquence et à défaut de départ volontaire, il y a lieu d'ordonner l'expulsion de Mme [B] et de tout occupant de son fait.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné l'expulsion et infirmé en ce qui concerne la date depuis laquelle Mme [B] est occupante sans droit ni titre.
Afin d'assurer l'exécution de la présente décision, alors que Mme [B] n'a jusqu'à présent pas manifesté son intention de quitter les lieux, il convient d'assortir l'obligation de libérer les lieux d'une astreinte de 50 euros par jour, ladite astreinte commençant à courir trois mois après la signification du présent arrêt.
2. Sur les demandes accessoires.
L'appelante sera condamnée à verser à M. [B] 1 000 euros au terme de l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, l'appelante sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme le jugement, sauf en ce qui concerne la date de résiliation du prêt à usage et de libération des lieux,
Infirme le jugement sur ces deux points ;
Statuant à nouveau,
Dit que le prêt à usage est résilié et que Mme [O] [B] est occupante sans droit ni titre du bien immobilier appartenant à Monsieur [S] [B] situé [Adresse 4], depuis le 13 septembre 2019,
Condamne Mme [O] [B] à quitter le bien immobilier appartenant à M. [S] [B] situé [Adresse 4] dans les trois mois suivant la signification de la décision, sous une astreinte, passé ce délai, de 50 euros par jour de retard ;
Ordonne, passé ce délai, l'expulsion de Mme [O] [B] et de tout occupant de son chef ;
Condamne Mme [B] à payer à M. [B] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [O] [B] aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE