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06/06/2023 | FRANCE | N°21/02351

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 06 juin 2023, 21/02351


C4



N° RG 21/02351



N° Portalis DBVM-V-B7F-K4RL



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Annie-france MONIN-VEYRET



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY>
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 06 JUIN 2023





Appel d'une décision (N° RG 20/00240)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 26 avril 2021

suivant déclaration d'appel du 25 mai 2021





APPELANTE :



Madame [H] [V]

née le 11 Mars 1984 à [Localité 4] (69)

de nationalité ...

C4

N° RG 21/02351

N° Portalis DBVM-V-B7F-K4RL

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Annie-france MONIN-VEYRET

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 06 JUIN 2023

Appel d'une décision (N° RG 20/00240)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 26 avril 2021

suivant déclaration d'appel du 25 mai 2021

APPELANTE :

Madame [H] [V]

née le 11 Mars 1984 à [Localité 4] (69)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Annie-France MONIN-VEYRET, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU,

INTIMEE :

S.A.S. CAFELEC, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Philippe ROUSSELIN-JABOULAY de la SELARL ELAN SOCIAL, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 avril 2023,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, et Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les parties en leurs observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de M. Victor BAILLY, juriste assistant près la Cour d'appel de Grenoble, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 06 juin 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 06 juin 2023.

Exposé du litige :

Mme [V] a été engagée le 23 décembre 2008 en contrat à durée indéterminée à temps complet par la SAS CAFELEC en qualité d'Adjointe au directeur, catégorie agent de maîtrise niveau IV.

Le 6 septembre 2016, Mme [V] a été convoquée par son employeur à un entretien à l'occasion duquel il lui a été notifiée une mise à pied conservatoire. Il lui a également été remis une convocation à un entretien préalable fixé le 16 septembre 2016 puis reporté au 27 septembre 2016.

Mme [V] a été licenciée pour faute grave par courrier recommandé du 30 septembre 2016.

Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Vienne, en date du 1er juillet 2017 aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du 26 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Vienne a :

Dit que le licenciement de Mme [H] [V] est pour cause réelle et sérieuse

Fixé son salaire à 1 921,93 Euros

Condamné la société CAFELEC à verser à Mme [V] les sommes de :

1 537,54 Euros au titre de rappel de salaire pour mise à pied outre 153,75 Euros au titre de congés payés afférents

3 843,86 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 384,38 Euros au titre de congés payés afférents

2 978,94 Euros au titre de l'1ndemnite légale de licenciement

697,24 Euros au titre de solde de tout compte

1 089,02 Euros au titre de rappel de congés payes, 20jours acquis du 31 juillet2016 et 5 jours en cours

5 000,00 Euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral

2 000,00 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamné la société CAFELEC aux intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du Conseil

Ordonné l'exécution provisoire de droit

Condamné la société CAFELEC aux entiers dépens

Débouté Mme [V] du surplus de ses demandes

Débouté la société CAFELEC de sa demande reconventionnelle

La décision a été notifiée aux parties et Mme [V] en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats en date du 25 mai 2021. La SAS CAFELEC a interjeté appel incidnet par voie de conclusions.

Par conclusions récapitulatives du 3 mai 2022, Mme [V] demande à la cour d'appel de :

Déclarer recevable et bien fondé son appel formé contre le Jugement du Conseil de prud'hommes de Vienne le 26 avril 2021, notifié aux parties le 28 avril 2021

Juger nulles les conclusions récapitulatives établies pour la société CAFELEC faute pour elle de viser dans son dispositif les moyens sur lesquelles sont fondées ses demandes

Rejeter l'exception soulevée par la société CAFELEC s'agissant de l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel de Mme [V]

Subsidiairement

Juger que Mme [V] a parfaitement respecté son obligation d'énonciation expresse des chefs de Jugement critiqués.

Déclarer ce moyen infondé, et le rejeter.

En tout état de cause

Juger que le licenciement de Mme [V] pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse

En conséquence

Condamner la société CAFELEC à lui verser les sommes suivantes :

1/ Demandes Chiffrées liées à la rupture du contrat

- Rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire du 6 au 30 septembre 2016 : 1 537.54 €

- Congés payés afférents : 153.75 €

- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 10 mois :

19 219.30 €

- Indemnités dues au titre du préavis 2 mois de salaire : 3 843.86 €

- Congés payés sur préavis :

384,38 €

- Indemnités légales de licenciement :

2 978.94 €

- Solde de tout compte

1 373.53 €

2/ Salaires et indemnités :

- Indemnités de congés payés, 20 jours acquis Du 31 juillet 2016 et 5 jours en cours d'acquisition, 8 jours patés soit 17 jours dus : 1 089.02 €

-Jours de fractionnement 4 jours en 2014 et 2015 : 256.25 €

- Autres demandes : indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile : 3 000 €

Avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil

- Frais d'Huissier pour exécution forcée à hauteur de : 1 006.06 €

- Dommages et intérêts en réparation du préjudice moral : 25 000 €.

Par conclusions récapitulatives en date du 13juiller 2022, la SAS CAFELEC demande à la cour de :

A titre principal :

o Constater l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel de Madame [V] à défaut de mention des chefs du jugement critiqués,

o En conséquence :

Juger que la Cour n'est saisie d'aucune demande par Mme [V],

Débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes .

- A titre subsidiaire :

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Vienne le 26 avril 2021, en ce qu'il a :

Jugé que le licenciement de Mme [V] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Débouté Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause :

Infirmer, le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Vienne le 26 avril 2021 en ce qu'il a :

Jugé que le licenciement de Mme [V] n'était pas justifié par une faute grave ;

Condamné la société CAFELEC à lui verser les sommes suivantes :

1.537,54 € à titre de rappel de salaire pour mise à pied ;

153,75 € au titre des congés payés afférents ;

3.843,86 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

384,38 € au titre des congés payés afférents ;

2.978,94 € au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

697,24 € au titre de solde de tout compte ;

1.089,02 € à titre de rappel de congés payés, 20 jours acquis du 31 juillet 2016 et 5 Jours en cours ;

5.000,00 € au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

' 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamné la société CAFELEC aux intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du Conseil.

Débouter Mme [V] de l'intégralité de ses demandes,

La condamner à verser à la Société CAFELEC la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

La condamner aux entiers dépens d'instance.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI :

Sur l'effet dévolutif de l'appel et la nullité des conclusions :

La SAS CAFELEC soutient au visa de l'article 562 du code de procédure civile, que la déclaration d'appel de Mme [V] enregistrée directement sur le portail RPVA fait état « d'un appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués » et que l'avis de déclaration d'appel tel qu'adressé par le greffe à l'intimée fait mention de « objet de l'appel : appel limité aux chefs de jugement critiqués » sans préciser aucunement quels sont concrètement les chefs de jugement que Mme [V] entend critiquer.

Elle fait également valoir que l'annexe à laquelle Mme [V] n'a même pas jugé utile de renvoyer sur le Réseau Privé Virtuel des Avocats, ne saurait suppléer la carence rédactionnelle de sa déclaration d'appel. Mme [V] n'invoquant en outre aucune impossibilité matérielle d'effectuer sa déclaration d'appel dans le cadre du formulaire électronique requis sur le portail Réseau Privé Virtuel des Avocats, le nombre de caractères prévu par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (4080) n'ayant pas été atteint. L'annexe ne valant pas déclaration d'appel.

Elle soutient dès lors que face à l'absence manifeste d'effet dévolutif de l'appel, la cour n'est saisie d'aucune demande.

La SAS CAFELEC conclut enfin en réplique que l'absence d'évolutif d'appel constitue un argument au fond qui peut être soulevé à tous les stades de la procédure.

S'agissant de la nullité des conclusions récapitulatives soulevée par Mme [V], elle fait valoir en réponse que la mention des moyens sur lesquels sont fondées les demandes n'est nullement requise dans le dispositif, la Cour statuant sur les prétentions figurant dans le dispositif, et qui sont étayées par les moyens développés dans les motifs. Les conclusions récapitulatives comportent bien un exposé des prétentions, de ses moyens de fait et de droit dans ses motifs ainsi qu'un dispositif rappelant ses demandes.

Mme [V] répond s'agissant de l'exception tirée de l'effet dévolutif de l'appel, qu'elle aurait dû être soulevée avant tout défense au fond et que sa déclaration d'appel du 25 mai 2021 fait mention des chefs de jugement critiqués.

Elle soulève pour sa part, la nullité des conclusions récapitulatives de la SAS CAFELEC qui ne visent pas les moyens sur lesquelles sont fondées ses demandes en application de l'article 56 du code de procédure civile.

Sur ce,

L'article 562 du code de procédure civile dispose que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il est de principe que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel n'aurait pas été sollicitée par l'intimé, et que, sauf régularisation de cette irrégularité par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond conformément à l'article 910 4°, alinéa 1 du code de procédure civile, l'effet dévolutif de l'appel n'a pas opéré et la cour n'est saisie d'aucun chef du dispositif du jugement.

Lorsque la déclaration d'appel se borne à solliciter la réformation de la décision sur les chefs qu'elle énumère et que l'énumération ne comporte que l'énoncé des demandes formulées devant le premier juge, la cour d'appel n'est saisie d'aucun chef du dispositif du jugement.

Il résulte des dispositions de l'article 901 du code de procédure civile dans sa version applicable à compter du 25 février 2022 que la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ».

Ces dispositions sont applicables aux instances en cours et aux déclarations d'appel formées antérieurement à l'entrée en vigueur du décret N° 2022-245 du 25 février 2022 et de l'arrêté du 25 février 2022, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis pour la cour d'appel statuant sur déféré.

Il est de principe que même en l'absence d'empêchement d'ordre technique (limitation du nombre de caractères), il est possible de joindre à la déclaration d'appel, une annexe comportant les chefs de jugement critiqués. La déclaration d'appel doit envoyer expressément à l'annexe contenant la liste des chefs de jugements critiqués.

Il ne ressort pas des dispositions conjuguées des articles 780 à 807, 910-3, 911-1, 912, 913, 914, 915 et 916 du code de procédure civile, qui délimitent les pouvoirs du conseiller de la mise en état, qu'il entre dans la compétence de ce dernier d'apprécier le litige soumis à la cour en se déterminant sur le point de savoir si l'effet dévolutif de l'appel a opéré.

Par conséquent, en l'espèce, la cour d'appel est seule compétente au fond pour statuer sur l'effet dévolutif de l'appel.

Or, il ressort de la déclaration d'appel de Mme [V] sur le Réseau Privé Virtuel des Avocats en date du 25 mai 2021, que' l'objet/portée de l'appel est « Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués »'.

Il doit être constaté d'une part, qu'aucune précision n'est faite s'agissant « des chefs de jugement expressément critiqués » dans la déclaration d'appel susvisée sur le Réseau Privé Virtuel des Avocats, d'autre part que ladite déclaration d'appel n'opère aucun renvoi à une annexe ou à un autre document qui listerait les chefs de jugement expressément critiqués.

Par conséquent, au vu de la déclaration d'appel sur le Réseau Privé Virtuel des Avocats qui ne déferre à la Cour aucun chef de jugement critiqué, il y a lieu de constater que la présente Cour n'est saisie d'aucun chef de jugement critiqué.

La cour n'est par conséquent saisie que de l'appel incident de la SAS CAFELEC relatif au bien-fondé du licenciement pour faute grave de Mme [V] et à ses conséquences pécuniaires comme ci-dessous exposés.

Sur le bien-fondé du licenciement de Mme [V] :

Il ressort de la lettre de licenciement de Mme [V] pour faute grave que la SAS CAFELEC lui reproche les faits suivants :

Des écarts de caisse très importants et non expliqués sur la période de janvier à juillet 2016 entre les déclarations de recettes renseignées par Mme [V] dans son tableau, et les recettes enregistrées en caisse, découverts après rapprochement des bordeaux de caisse sur cette période (écart de -6566,18 €) de règlement en espèces enregistrés en caisse par rapport aux déclarations de recettes en espèce en comptabilité de la salariée. Il lui est également reproché, l'existence de ces écarts compte tenu du défaut de mise en place de procédure de caisse en sa qualité de directrice adjointe chargée du suivi de la gestion économique du restaurant, rendant la fraude possible, et du défaut d'édition de bordereaux journaliers d'encaissement détaillant la totalité des recettes perçues par mode de paiement ;

Des manquements aux règles d'hygiène révélés par deux audits réalisés les 18/08/2016 et 05/09/2016 et des violations multiples aux règles sanitaires alors que Mme [V] détenait une délégation de pouvoirs pour veiller au respect des dispositions légales et réglementaires aux termes de son contrat de travail ;

Des plannings non conformes au temps effectivement travaillé.

Sur ce,

Il est de principe que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé au sein de l'entreprise même pendant la durée du préavis. La mise en 'uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La gravité de la faute s'apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l'ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l'existence ou de l'absence de précédents disciplinaires.

Si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, conformément aux dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail.

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

En l'espèce, il résulte du contrat de travail de Mme [V] en date du 23 décembre 2008, qu'elle a été embauchée par la SAS CAFELEC en qualité d'Adjoint de direction ».

Le paragraphe relatif à ses fonctions précise : « vous exercerez compte tenu des directives générales particulières qui vous seront données par la direction générale, les fonctions d'adjoint de direction. À ce titre vous aurez la responsabilité pleine et entière de notre société en l'absence du directeur. Les fonctions du contractant sont celles définies par la convention collective et sont susceptibles de modifications (retrait ou adjonction) en fonction de l'évolution des techniques de l'organisation d'entreprise. De façon non exhaustive, vous attributions seront les suivantes :

Gestion du personnel

Direction et coordination du travail des différentes activités de la société

Contrôler et garantir l'hygiène et la qualité au sein de l'établissement

Prospection externe des nouveaux clients (')

Suivi de la gestion économique, commerciale et administrative de notre société

Organisation et réalisation de buffet et soirée traiteur à l'extérieur de l'entreprise

Vous représenterez également la société dans ses relations avec :

Les fournisseurs

Les diverses administrations (inspection du travail, sécurité sociale, inspection fiscale, service de sécurité')'. »

Le contrat de travail fait également mention de l'existence d'une délégation de pouvoir comme suit : « en raison de la multiplicité des commerces exercés dans l'entreprise et des règles spécifiques applicables, il est impossible pour le représentant légal de l'entreprise d'exercer un contrôle permanent de l'activité de tous les secteurs de l'entreprise relatif au respect des dispositions légales et réglementaires. L'entreprise donne au contractant délégation de pouvoir telle que défini en annexe I au présent contrat et ce, à compter de l'issue de la période d'essai. »

Est jointe au contrat de travail, une annexe I au contrat de travail de Mme [V] intitulée « délégation de pouvoirs » comme suit : « compte tenu du niveau de poste qui vous est confié et de l'autonomie dont vous disposez quant à l'organisation et à la réalisation de vos tâches, tous moyens étant mis à votre disposition, vous vous engagez à prendre toutes mesures et toutes décisions, sans aucune restriction, en vue d'appliquer et de faire appliquer strictement les lois et règlements en vigueur en matière :

1/D'hygiène et de sécurité :

Vous serez notamment responsable de l'établissement et du respect de toutes normes, consignes utiles concernant :

(')

L'hygiène et la salubrité des locaux

La qualité des produits et le respect de la chaine du froid

(')

Sur les écarts de caisse reprochés à la salariée sur la période de janvier à juillet 2016, la SAS CAFELEC verse aux débats :

Un tableau récapitulant « les espèces tapées en caisse » par caisse du 1er juin 2016 au 30 juin 2016, les « espèces livres de caisse » et les écarts par jour et le cumul en fin de mois, le mois de juin faisant apparaître un écart en négatif de 1 023,09 Euros ;

Des copies de tickets de caisse pour le mois de juin 2016 ;

Des extraits du livre de caisse pour tout le mois de juin 2016 ;

Une attestation du cabinet d'expertise comptable RAVEL qui indique avoir procédé à une vérification des informations figurant dans la comptabilité et les pièces comptables de la SAS CAFELEC pour le mois de juin 2016, et atteste que « le total des encaissements en espèces pour le mois de juin 2016 tel qu'il résulte des « tickets de caisse journaliers ressort à 15 570 53 € et que le total des encaissements en espèces reportés sur » les livres de caisse » journaliers sous Excel pour comptabilisation s'élève à 14 547 54 €, soit un écart de -1 022 99€ » ;

Une attestation de Mme [N], adjointe à la directrice administrative et financière qui indique qu'elle n'a jamais disposé des tickets de caisse récapitulatifs correspondants mais uniquement d'un livret de caisse journalier sous format Excel.

Ces éléments sont suffisants pour démontrer qu'au moins un écart de caisse de 1 022 99 €  a été constaté pour le mois de juin 2016 même si la SAS CAFELEC ne verse pas aux débats les élément pour démontrer les écarts à hauteur de ' 6566 18 € sur la période de janvier à juillet 2016.

Mme [V] qui conteste les écarts de caisse reprochés verse aux débats un tableau intitulé « écarts de caisse de janvier à juillet 2018 » dont il ressort qu'il existe effectivement des écarts de caisse inexpliqués quasiment tous les mois en négatifs sauf en juin 2016. Elle affirme sans en justifier que les tableaux de chiffres étaient renseignés et transmis informatiquement tous les soirs en comptabilité et en version papier tous les deux, trois jours avec vérification par la comptable.

Le grief de la salariée relatif à l'embauche par l'employeur de personnel non déclaré pour un poste de traiteur est inopérant s'agissant des écarts de caisse reprochés.

Il n'est pas contesté que Mme [V] était l'adjointe du Directeur (et également la compagne) et qu'il relevait de sa responsabilité de s'assurer du « Suivi de la gestion économique, commerciale et administrative de la société » comme il ressort de son contrat de travail.

Le seul fait que la plainte pour vol et détournement à son encontre ait été classée sans suite est inopérant, le grief de la lettre de licenciement étant constitué d'écarts de caisse inexpliqués et non des faits de vols et de détournements.

Mme [V] n'explique pas pourquoi, compte tenu de ses fonctions, responsabilités et expérience dans l'entreprise, il ne lui a pas été possible de repérer ces écarts de caisse réguliers et conséquents et de mettre en 'uvre des procédures pour en déterminer l'origine et y remédier.

Ce grief est par conséquent établi.

Sur le non-respect des règles d'hygiène, la SAS CAFELEC verse aux débats :

Le compte rendu d'audit de la cafétéria du 18 août 2016 effectué par M. [M] [S] dont il ressort des infractions aux règles de stockage, d'hygiène et de conservation des produits et un plan d'action à mettre en place sur les « points critiques » relatifs aux écarts de températures (respecter la chaine du froid et du froid), la faible traçabilité (bien conserver les étiquettes fournisseurs), la saleté des grilles d'évapo (nettoyage à effectuer), la gestion des DLUO (passer très rapidement ou jeter les produits à DLUO dépassée) et l'absence de contrôles (contrôles à reprendre). La note globale de Rayon étant de 77,7 % ;

Le compte rendu d'audit de la cafétéria du 5 septembre 2016 effectué par M. [M] [S], reprenant les mêmes points critiques que lors du précédent audit avec une note globale de Rayon moindre de 58,4 %.

Si Mme [V] affirme que ces audits ont été organisés uniquement à charge, elle verse pourtant elle-même un audit effectué en 2014 démontrant que cette pratique n'était pas nouvelle dans l'entreprise.

Toutefois il convient de noter qu'aucun nom ni fonction d'interlocuteur magasin ne figurent dans la case pourtant correspondante des audits, laissant à penser que ni Mme [V] ni un autre responsable ou salarié n'étaient présents lors de ces audits, qui de fait n'ont pas été réalisés contradictoirement. La SAS CAFELEC n'établit pas non plus que Mme [V] ait été convoquée puis informée du premier audit en qualité de responsable hygiène afin de remédier aux irrégularités constatées.

Ces audits font également suite à un contrôle de la commune de [Localité 5] quelques semaines auparavant dont le résultat de l'inspection était satisfaisant, aucune non-conformité n'ayant été relevée.

Il convient par conséquent de juger que les éléments versés aux débats par la SAS CAFELEC ne sont pas suffisamment probants pour démontrer que Mme [V] a commis de multiples violations aux règles sanitaires comme il lui est reprochées dans la lettre de licenciement. Ces fait ne sont pas établis.

Sur les plannings prétendument non conformes au temps travaillé, la SAS CAFELEC verse aux débats :

Deux copies de pages manuscrites peu compréhensibles indiquant des horaires dont il n'est pas possible de déterminer le rédacteur et à quel salarié ils correspondent ;

Des feuilles de préparation de payes pour les mois de janvier à juillet 2016 mentionnant les différents salariés de l'entreprise, leur salaire, les jours fériés et congés payés pris, les heures complémentaires et les éventuels acomptes ;

Des copies de « plannings horaire » des employés raturés et difficilement lisibles et compréhensibles.

Ces éléments sont insuffisants pour démontrer que Mme [V] établissait des plannings non conformes au temps réellement travaillé comme reproché, son contrat de travail prévoyant une convention de forfait pour une durée hebdomadaire de travail effectif de 35 heures par semaine et précisant que « du fait de ses responsabilités et des spécificités de sa fonction, difficile de trouver du temps de travail du contractant qui dispose de toute latitude pour adapter ses horaires aux nécessités du service et organiser son temps de travail. »

Il était par ailleurs prévu dans son contrat de travail qu'une partie de ses missions impliquerait des déplacements hors de l'entreprise (Prospection de nouveaux clients, relations commerciales, organisation de buffet et traiteur, service et livraison des commandes clients)

Par ailleurs l'annexe au contrat de travail, déjà visée, précise qu'elle dispose de « l'autonomie dans l'organisation et la réalisation de ses tâches ».

Ce grief n'est par conséquent pas établi.

Il en ressort que seuls les écarts de caisse constituent un grief établi et que ce dernier est insuffisant à empêcher le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée du préavis, notamment compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise. Ces faits constituent toutefois une cause réelle et sérieuse de licenciement par voie de confirmation du jugement déféré.

Il convient par conséquent de confirmer la décision déférée condamnant la SAS CAFELEC à payer à Mme [V] les sommes suivantes :

1 537,54 € au titre de rappel de salaire pour mise à pied outre 153,75 Euros au titre de congés payés afférents ;

3 843,86 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 384,38 Euros au titre de congés payés afférents ;

2 978,94 € au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

697,24 € au titre de solde de tout compte.

Il convient de débouter Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur la demande au titre des congés payés :

Il incombe à l'employeur de prouver qu'il a bien satisfait à ses obligations d'information des salariés sur la période de prise des congés et sur l'ordre des départs. Il doit plus largement faire preuve d'une vigilance particulière dans le cadre de l'organisation, la préparation et la prise des congés auxquels le salarié peut prétendre, afin que ce dernier puisse effectivement faire usage de ses droits. À défaut, il est condamné à réparer le préjudice subi par le salarié.

En l'espèce, la SAS CAFELEC ne peut se contenter de conclure que la déduction dont se plaint la salariée est consécutive à un défaut de déclaration par la salariée de l'intégralité de ses congés payés afférents effectivement pris.

Il convient de confirmer le jugement déféré à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral :

Moyens des parties :

Mme [V] sollicite la condamnation de la SAS CAFELEC à lui verser des dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de pressions subies pour qu'elle démissionne et reconnaisse des fautes non commises lors d'un entretien informel du 6 septembre 2016, qu'elle a été reconduite encadrée par des vigiles devant tout le personnel sans même pouvoir accéder à son bureau pour reprendre ses effets personnels et placée en garde à vue lors de l'enquête pénale qui a abouti à l'absence d'infraction pénale. Elle allègue que sa vie professionnelle et personnelle ont subi des répercussions de ce choc psychologique et qu'elle a également été contrainte de faire exécuter la décision déférée par voie d'huissier.

La SAS CAFELEC fait valoir qu'elle était en droit de porter plainte à son encontre et n'a commis aucune faute, la salariée ayant initialement reconnu les faits puis s'étant rétractée.

Sur ce,

Il est de principe que le salarié licencié peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi à la condition de justifier d'une faute de l'employeur dans les circonstances entourant le licenciement de nature brutale ou vexatoire et de justifier de l'existence de ce préjudice et que le licenciement soit ou non fondé sur une cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, si le fait de déposer plainte à l'encontre de la salariée, constituait un droit de la part de la SAS CAFELEC, l'employeur ne conteste pas les circonstances particulièrement vexatoires du licenciement telles que décrites par Mme [V], à savoir sa reconduite par des vigiles de l'entreprise au vu du personnel sans possibilité de reprendre ses effets personnels dans son bureau. Ce seul fait a causé un préjudice moral à Mme [V]. Mme [V] ne justifie en revanche pas des pressions alléguées en vue qu'elle démissionne ou reconnaisse des fautes.

Son préjudice doit être réparé à hauteur de 5 000 € par voie de confirmation du jugement déféré.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DIT que la déclaration d'appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats de Mme [V] en date du 25 mai 2021 est dépourvue d'effet dévolutif et que la cour n'est saisie d'aucun chef de jugement critiqué,

DIT que l'appel incident de la SAS CAFELEC est recevable,

Statuant sur l'appel incident,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

Dit que le licenciement de Mme [H] [V] est pour cause réelle et sérieuse

Fixé son salaire à 1 921,93 Euros

Condamné la société CAFELEC à verser à Mme [V] les sommes de :

1 537,54 € au titre de rappel de salaire pour mise à pied outre 153,75 Euros au titre de congés payés afférents ;

3 843,86 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 384,38 Euros au titre de congés payés afférents ;

2 978,94 € au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

697,24 € au titre de solde de tout compte ;

1 089,02 € au titre de rappel de congés payes, 20 jours acquis du 31 juillet 2016 et 5 jours en cours ;

5 000,00 € au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

2 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamné la société CAFELEC aux intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du Conseil ;

Ordonné l'exécution provisoire de droit ;

Condamné la société CAFELEC aux entiers dépens ;

Débouté Mme [V] du surplus de ses demandes ;

Débouté la société CAFELEC de sa demande reconventionnelle.

Y ajoutant,

DIT que chaque partie supportera la charge des frais irrépétibles et dépens qu'elle a engagés en cause d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 21/02351
Date de la décision : 06/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-06;21.02351 ?
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