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06/06/2023 | FRANCE | N°21/02308

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 06 juin 2023, 21/02308


C4



N° RG 21/02308



N° Portalis DBVM-V-B7F-K4M3



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL CABINET BARD AVOCATS ET ASSOCIES



la SELARL LEXAVOUE [Localit

é 6] - [Localité 5]

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 06 JUIN 2023





Appel d'une décision (N° RG 20/00266)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 06 mai 2021

suivant déclaration d'appel du 20 mai 2021





APPELANT :



Monsieur [T] [R] [N]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Lo...

C4

N° RG 21/02308

N° Portalis DBVM-V-B7F-K4M3

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL CABINET BARD AVOCATS ET ASSOCIES

la SELARL LEXAVOUE [Localité 6] - [Localité 5]

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 06 JUIN 2023

Appel d'une décision (N° RG 20/00266)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 06 mai 2021

suivant déclaration d'appel du 20 mai 2021

APPELANT :

Monsieur [T] [R] [N]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Vincent BARD de la SELARL CABINET BARD AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCE,

INTIMEE :

S.A.S. ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Lolita HERNANDEZ-DENIEL de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de LYON, substituée par Me Clémence BAIA, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 avril 2023, Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport, et Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de M. [Y] [J], juriste assistant près la Cour d'appel de Grenoble, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 06 juin 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 06 juin 2023.

Exposé du litige :

M. [N] a été embauché par la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à compter du 12 décembre 2016 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de responsable développement multi-segments.

Par courrier du 15 novembre 2017, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement fixé au 27 novembre 2017.

Par courrier du 7 décembre 2017, M. [N] a été licencié pour insuffisance professionnelle et pour faute.

Le 31 janvier 2018, M. [N] a saisi le Conseil de prud'hommes de Valence aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir la condamnation de son employeur à lui payer diverses indemnités au titre de la relation de travail et de sa rupture, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 6 mai 2021, le Conseil de prud'hommes de Valence a :

Dit et jugé que le licenciement de M. [N] est bien un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

Dit et jugé irrecevable la demande de nullité de la convention de forfait en jours sur l'année,

Condamné la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à verser à M. [N] la somme suivante :

90,11 euros pour les frais de déplacement pour restitution et pour l'entretien du véhicule,

Débouté M. [N] du surplus de ses demandes,

Débouté la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné M. [N] aux éventuels dépens de l'instance.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception et M. [N] en a interjeté appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 20 mai 2021.

Par conclusions du 20 mai 2021 transmises par le RPVA, M. [N] demande à la cour d'appel :

Déclarer fondé et recevable l'appel interjeté,

Réformer la décision entreprise,

Condamner la requise de la manière suivante :

Au titre de la prime d'expérience,

Condamner la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE au paiement de :

1 292,31 euros au titre des rappels de salaire,

129,23 euros au titre des congés payés afférents,

Au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence, condamner la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à lui verser les sommes suivantes :

4 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Primes dues,

Juger que la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE lui est redevable des primes sollicitées,

En conséquence,

Condamner la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à lui verser les sommes dues au titre des primes, soit 14 559,53 euros bruts ainsi que 1 455,95 euros de congés payés afférents, soit 16 015,48 euros,

Heures supplémentaires,

Pour les heures supplémentaires : pour mémoire,

Dépenses non remboursées,

Juger que la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE lui reste redevable des sommes suivantes et la condamner à les lui rembourser :

39,61 euros au titre de la restitution du matériel lors du déplacement à [Localité 6] le 12 décembre 2017,

50,50 euros au titre de l'entretien du véhicule de service,

Condamner la requise au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonner l'exécution provisoire de droit pour les sommes à caractère salarial et sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile pour le surplus.

Par conclusions du 18 juin 2021 transmises par le RPVA, la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE demande à la cour d'appel de :

Infirmer le jugement critique en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [N] la somme de 90,11 euros pour frais de déplacement, restitution et entretien du véhicule,

Confirmer le jugement critiqué en toutes ses autres dispositions,

A titre liminaire,

Dire et juger recevable la demande de nullité de la convention de forfait en jours sur l'année,

Dire et juger que la convention de forfait annuel est valable,

Dire et juger que les demandes de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires ne sont pas justifiées,

En conséquence,

Débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes relatives au forfait jours,

A titre principal,

Dire et juger que le licenciement de M. [N] est bien fondé,

Dire et juger que la demande de rappel de prime d'expérience est infondée,

Dire et juger que les demandes de rappel d'objectif sont infondées,

Dire et juger que la demande de remboursement de frais est infondée,

En conséquence,

Débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes,

Condamner M. [N] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [N] aux entiers dépens de la présente instance,

A titre subsidiaire,

Réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts versés à M. [N],

Condamner M. [N] au paiement des huit journées JNT indument payées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 28 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande de rappel de primes d'expérience :

Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il est de principe qu'il incombe à l'employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé.

En outre, le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail, ce qui implique que l'employeur est tenu de lui communiquer l'ensemble des bases de calcul nécessaires à la vérification.

Il ressort du contrat de travail du 8 décembre 2016 que la relation de travail était soumise à la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

Aux termes de l'article 4.7.6 de ladite convention portant sur la « prime d'expérience » :

La prime d'expérience se substitue à l'indemnité d'ancienneté fixée dans la convention collective du 17 décembre 1981.

Si le montant de l'indemnité d'ancienneté acquise par un salarié dans l'entreprise, au titre de la précédente convention collective, est supérieur au montant de la prime d'expérience, cette prime d'ancienneté est maintenue jusqu'à ce que la prime d'expérience ait atteint son niveau ou l'ait dépassé.

Cette prime est versée mensuellement aux salariés ayant l'expérience professionnelle requise, celle-ci s'appréciant dans la branche professionnelle en cas de changement d'entreprise, à la condition que sur présentation de justificatifs (tels que certificats de travail) il n'y ait pas entre l'embauche et la fin du contrat de travail précédent, effectué dans la profession, une interruption supérieure à 12 mois. Elle est égale à :

' après 4 ans d'expérience professionnelle : 2 % ;

' après 6 ans d'expérience professionnelle : 3 %

' après 8 ans d'expérience professionnelle : 4 % ;

' après 10 ans d'expérience professionnelle : 5 % ;

' après 15 ans d'expérience professionnelle au 1er janvier 2012 : 5,5 % ;

' après 20 ans d'expérience professionnelle au 1er janvier 2013 : 6 %.

Elle est calculée dans la limite d'un temps plein sur la base de la rémunération minimale hiérarchique correspondant au coefficient de l'intéressé et au prorata du temps de travail pour les salariés à temps partiel.

En cas d'absence dans 1 mois considéré, ladite prime est réduite à due proportion ; lorsque l'absence est indemnisée, la prime fait partie intégrante de la base d'indemnisation.

La prime d'expérience s'ajoute au salaire et figure sur le bulletin de paie.

Il ressort d'un courriel envoyé par le salarié à sa supérieure hiérarchique le 10 novembre 2017 que M. [N] a sollicité de son employeur le versement de la prime d'ancienneté dans les termes suivants : « De plus, peux-tu te rapprocher de notre service Paie, car j'ai remarqué que depuis mon arrivée dans l'entreprise, mes bulletins de paie ne tiennent pas compte de mon ancienneté (4,00 %). Je suis sous la convention collective de la propreté depuis décembre 2007, cela représente une régularisation de salaire de 1 292,31 euros bruts depuis mon entrée dans l'entreprise ».

La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE ne produit aucun élément permettant de démontrer qu'elle aurait répondu au salarié sur ce point.

Pour démontrer qu'il remplit les conditions posées par les dispositions susvisées de l'article 4.7.6 de ladite convention collective applicable à la relation de travail, M. [N] verse aux débats deux certificats de travail, desquels il ressort qu'il a travaillé pour la société RESEAU SERVICES ONET du 8 décembre 2008 au 14 février 2016, et pour la société FACILICOM du 1er juin 2016 au 26 novembre 2016.

La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE ne conteste pas que ces deux sociétés relevaient également de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

Il est constant que M. [N] a été embauché par la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE le 19 décembre 2016, ce dont il résulte qu'il s'est écoulé moins de douze mois entre la fin de son contrat de travail avec la société FACILICOM et le début de son contrat avec la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE.

Il en résulte que le salarié était fondé, au titre de l'article 4.7.6 susvisé et de son ancienneté dans la profession depuis le 7 décembre 2008, à prétendre au paiement de la prime d'expérience.

La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE ne conteste pas le calcul du rappel de salaire au titre de la prime d'expérience effectué par le salarié, et ne produit aucun calcul contradictoire.

En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande du salarié, en condamnant la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer au salarié un rappel de prime d'expérience de 1 292,31 euros, outre 129,23 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande de rappel de primes sur objectif :

Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En droit du travail, il incombe à l'employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé.

En outre, le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail, ce qui implique que l'employeur est tenu de lui communiquer l'ensemble des bases de calcul nécessaires à la vérification.

Par ailleurs, il est de principe que l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, peut définir de manière unilatérale les objectifs déterminant le versement d'une rémunération variable dès lors que d'une part ces objectifs sont portés à la connaissance du salarié en début d'exercice et, d'autre part qu'ils soient raisonnables, c'est-à-dire réalistes et compatibles avec le marché. Cependant les parties peuvent convenir contractuellement de la fixation des objectifs en question.

Si l'employeur peut assortir la prime de conditions qu'il institue, celles-ci doivent être licites et non discriminatoires.

De même, les conditions posées par l'employeur ne doivent pas porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux du salarié.

Aux termes de l'article 5 du contrat de travail du 8 décembre 2016, les parties ont convenu que M. [N] percevrait un salaire de base mensuel brut de 3 076,93 euros, outre une prime de fin d'année versée sur la base de 1/12e du salaire de base annuel, hors primes, payée au prorata temporis avec la paie du mois de décembre.

Ce même article prévoit en outre que le salarié percevra une rémunération variable définie par une annexe au contrat.

Il ressort du plan de rémunération variable du 19 décembre 2016, signé par le salarié et par le directeur du développement de la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, que les parties ont défini un objectif pour la période de 12 décembre 2016 au 30 septembre 2017 de 450 000 euros de chiffres d'affaires, ainsi que les modalités de calcul de plusieurs primes : commissions sur chiffre d'affaire HT, Bonus sur date de démarrage du contrat, Commission sur CN, Primes sur travaux spéciaux, Objectifs collectifs, Mode projet.

Il ressort d'un échange de courriels des 9 et 10 novembre 2017 entre M. [N] et son employeur que le salarié a contesté le montant des primes portant sur l'étude du « marché Pathé/Gaumont » calculé par son employeur, et qu'il a demandé à ce que son employeur lui verse :

10 000 euros bruts correspondant à 25 % du chiffre d'affaires de l'étude réalisée pour l'étude globale du cinéma Pathé,

492,86 euros bruts correspondant à 15 % du chiffre d'affaires sur les visites réalisées,

104,13 euros bruts correspondant à 25 % du chiffres d'affaires de l'étude réalisée pour l'avenant signé portant sur le cinéma Pathé La Valette,

62,47 euros bruts correspondant à 15 % du chiffre d'affaires pour la soutenance relative à l'avenant.

Il résulte par ailleurs des moyens échangés que les parties s'opposent sur le mode de calcul des primes dues au titre de ce marché, la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE soutenant que les primes dues à M. [N] doivent être calculées sur la base de l'article 1er du plan de rémunération relatif aux commissions sur chiffres d'affaires, tandis que M. [N] soutient que seules les dispositions de l'article 6 relatif au « mode projet » du plan de rémunération ont vocation à s'appliquer pour déterminer les primes dues au titre du « marché Pathé/Gaumont », le salarié alléguant notamment que le responsable du service Grands Comptes, M. [I] [E], a participé au pilotage du dossier, conjointement avec M. [D] [K] (responsable commercial MSE France Nord) et Mme [U] [P] (Responsable commerciale France Sud), sa propre supérieure hiérarchique.

Il ressort de l'article 6 dudit plan que celui-ci a vocation à s'appliquer en cas de « démarche commune avec d'autres services d'Elior Services », la disposition faisant mention des services suivants : Grands Comptes, Facility Management, Direction Technique Méthode et Qualité, Direction Régionale, hors service « Exploitation ».

Pour démontrer que le service Grands Comptes est bien intervenu dans le cadre du dossier Pathé-Gaumont, M. [N] verse aux débats l'organigramme de la direction commerciale, et vise un tableau de répartition du chiffres d'affaires entre différentes équipes produit par l'employeur, ledit tableau ayant été adressé au salarié par un courriel du 11 avril 2017 de sa supérieure hiérarchique, Mme [P], avec le message suivant : « Suite à la réunion téléphonique de ce matin, je vous prie de bien vouloir trouver en PJ les cinémas qui vous sont affectés, ainsi que le calcul des 15 % du CA qui se pris en compte pour vos objectifs, ainsi que pour votre rémunération ».

Il doit être constaté que ce tableau fait apparaître une affectation du chiffre d'affaire entre trois équipes désignées par les initiales de leur responsable : « Equipe DT », « Equipe KA » et « Equipe PS ». Au regard de l'organigramme versé aux débats, et faute pour l'employeur, qui produit lui-même ce tableau aux débats, d'apporter des précisions sur ces équipes, il doit être retenu que ces initiales désignent M. [D] [K], Chef des Ventes Multi-segments France Nord (DT), Mme [U] [P], Cheffe des Ventes Multi-Segments France Sud (KA), et M. [I] [E], Directeur du service Grands Comptes (PS).

La seule attestation de la supérieure hiérarchique de M. [N], Mme [P], ax termes de laquelle celle-ci affirme que le « dossier Pathé-Gaumont n'est en aucun cas un Groupe Projet car il a été porté par notre propre service MSE, sans l'intervention des Grands Comptes, du Facility Management, de la DTMQ ou des Opérations », ne peut, faute d'être étayée par la production d'éléments objectifs, suffire à convaincre la cour que le service Grands Comptes n'est pas intervenu dans ce dossier, étant rappelé par ailleurs le lien hiérarchique de Mme [P] avec l'employeur qui rend cette attestation non corborée sujette à caution.

Dès lors, il y a lieu de retenir que le service Grands Comptes a bien participé au dossier Pathé-Gaumont, et que, ce service étant explicitement visé par l'article 6 du plan de rémunération variable du salarié, les modalités de calcul des primes dues au salarié prévues par cette disposition avaient vocation à s'appliquer.

Il doit par ailleurs être relevé que l'employeur ne produit aucun élément objectif permettant à la cour de constater que M. [N] n'est pas le seul à avoir réalisé « l'étude de l'intégralité du marché Pathé/Gaumont », comme il l'a indiqué dans son courriel susvisé du 10 novembre 2017.

Le salarié verse aux débats un courriel de sa supérieure hiérarchique du 13 juin 2017 dans lequel celle-ci indique à la gestionnaire Paie Structure que M. [N] a « géré les ouvertures des Pathé », cette assertion étant de nature à corroborer les allégations du salarié sur ce point, faute d'éléments contraires versés aux débats.

Il ne peut qu'être constaté que la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, dans ses conclusions, ne conteste pas le calcul opéré par le salarié pour déterminer le montant des primes qui lui sont dues sur le fondement des dispositions de l'article 6 « Mode Projet », ne produit aucune explication sur la mise en 'uvre des modalités de calcul prévues par cet article, et ne propose aucun montant des primes dues au salarié sur le fondement de cet article.

Dès lors, il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de primes concernant le dossier « Pathé-Gaumont », telle que celle-ci a été calculé par le salarié dans son courriel susvisé du 10 novembre 2017, soit un montant de 10 492,86 euros.

Toutefois, s'agissant des rappels de primes demandés au titre de l'étude et de la soutenance pour l'avenant Pathé La Valette, le salarié ne produit aucun élément permettant de démontrer qu'il était bien en charge de ce dossier, et ne contredit pas l'employeur qui allègue qu'aucune prime ne lui était due au titre de ce dossier, dès lors que celui-ci n'a jamais ouvert et que les primes n'étaient dues que sous réserve de l'ouverture du site. Dès lors, le salarié doit être débouté au titre de ces rappels de prime.

S'agissant du rappel de primes dû au titre du dossier relatif au marché des armées, il ressort de l'échange de courriels des 13 et 16 octobre 2017 produits par le salarié que celui-ci est bien intervenu sur ce dossier.

La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, qui se limite à contester son intervention sur ce dossier, ne produit aucun élément permettant de contredire le salarié sur ce point. En outre, l'employeur ne conteste pas le calcul du montant de la prime due par le salarié. Dès lors, il ne peut qu'être retenu que la prime afférente à ce marché, telle que calculée par le salarié, lui est due, soit un montant de 1 692,22 euros.

S'agissant des primes portant sur les dossiers Lycée [7] [Localité 5], Casino JOA d'[Localité 9], et [Localité 8], le salarié allègue qu'il a déjà perçu des primes au titre de ces dossiers, mais que leur montant aurait dû être calculé sur la base d'un taux de 15 % et non de 7,5 %, dès lors que le chiffre d'affaires du marché Pathé-Gaumont ne lui a pas été affecté correctement, puisqu'il aurait dû lui être attribué 25 % du chiffre d'affaires.

Toutefois, le salarié ne produit aucun calcul permettant à la cour de constater le dépassement du chiffres d'affaires allégué par le salarié ouvrant droit à un taux de 15 % et non de 7,5 %, ainsi qu'à une prime de dépassement des objectifs.

Dès lors, il y a lieu de le débouter de sa demande de rappel de salaires au titre de ces rappels de primes.

Eu égard à l'ensemble de ces constatations, il doit être retenu que la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE est redevable à M. [N] d'un rappel de primes de 12 185,08 euros, outre 1 218,50 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférents, par infirmation du jugement dont appel.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :

Selon l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il doit être constaté que si le salarié demande dans la partie discussion de ses conclusions, la condamnation de son employeur à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de 6 208 euros au titre des heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées et qui ne lui auraient pas été rémunérées, cette demande n'est pas reprise dans le dispositif de ses conclusions, M. [N] s'étant limiter à indiquer « Pour les heures supplémentaires : pour mémoire » sans demander aucune condamnation de la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE au paiement d'une somme précisément chiffrée au titre des heures supplémentaires.

Dès lors, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la recevabilité de la demande de nullité de la convention de forfait en jours, cette demande n'étant qu'un moyen au soutien de la demande du salarié de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, il doit être retenu que la cour n'est saisie d'aucune demande au titre des heures supplémentaires, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.

Sur la demande de remboursement de frais professionnels :

Il est de principe que les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l'employeur, et qu'ainsi, les frais qu'un salarié justifie avoir exposé pour les besoins de son activité professionnelle dans l'intérêt de l'employeur, doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire.

M. [N] verse aux débats des copies de tickets de caisse et des reçus de paiement par carte bancaire illisibles pour justifier des frais qu'il allègue avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle dans l'intérêt de son employeur.

Il doit être relevé que, dans ses conclusions, la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE a relevé l'illisibilité des copies des pièces susvisées, l'empêchant ainsi de contrôler le bien-fondé des demandes du salarié, mais que le salarié n'a pas transmis une copie lisible des pièces qu'il produit au soutien de sa demande.

En outre, la cour d'appel constate que M. [N], dans ses conclusions, ne produit aucun détail précis ni explication de chacun des tickets versés aux débats, permettant de contrôler le bien-fondé des dépenses alléguées, et se limite, de manière imprécise, à solliciter un remboursement de 39,61 euros au titre de « la restitution du matériel lors du déplacement à Grenoble le 12 décembre 2017 », et 50,50 euros au titre de « l'entretien du véhicule de service », sans renvoyer précisément à l'un des quatre tickets illisibles qu'il produit.

M. [N] échoue ainsi à faire la démonstration de frais qu'il aurait exposés pour les besoins de son activité professionnelle dans l'intérêt de l'employeur, de sorte qu'il doit être débouté de sa demande formée à ce titre, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur le bien-fondé du licenciement :

Selon les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié.

Cette lettre, qui fixe les limites du litige, ce qui interdit à l'employeur d'invoquer de nouveaux griefs et au juge d'examiner d'autres griefs non évoqués dans cette lettre, doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables permettant au juge d'en apprécier la réalité et le sérieux.

Il résulte de l'article L. 1232-6 du code du travail que le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Selon l'article L. 1235-2 du même code, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'Etat.

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.

A défaut pour le salarié d'avoir formé auprès de l'employeur une demande en application de l'alinéa premier, l'irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en cas de litige, forme sa conviction au regard des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile.

En outre, pour constituer une cause réelle et sérieuse de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être établie par des éléments précis, objectifs et vérifiables ayant des répercussions sur la marche ou le fonctionnement de l'entreprise, constitués non par une violation des obligations résultant du contrat de travail mais par une mauvaise exécution par le salarié de ses obligations caractérisée, notamment, par des erreurs, des omissions ou par un volume de travail insuffisant en raison, non pas d'un acte ou d'un manquement volontaire. Elle doit, en outre, être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme purement conjoncturelle, et être directement imputable au salarié.

L'insuffisance ou l'absence de résultats suppose des objectifs réalisables portés préalablement à la connaissance du salarié auquel l'employeur doit avoir mis à disposition tous les moyens nécessaires à leur réalisation, et de tenir compte de la situation du marché et des conditions d'exercice de l'activité.

En outre, il convient de rappeler que l'employeur n'est pas dans l'obligation d'apporter des éléments factuels dans la lettre de licenciement pour fonder l'insuffisance professionnelle.

En la matière, la charge de la preuve est partagée, mais le risque de la preuve incombe à l'employeur, le doute profitant au salarié.

Enfin, il est de principe que l'employeur, à la condition de respecter les règles applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans les lettres de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts.

En l'espèce, il ressort des termes de la lettre de licenciement du 7 décembre 2017 que la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE a invoqué deux motifs inhérents à la personne du salarié pour justifier son licenciement : une insuffisance professionnelle et un comportement fautif.

S'agissant de l'insuffisance professionnelle, la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE indique que le salarié n'a pas effectué un nombre de démarches (rendez-vous, marchés conclus) du niveau de celles qui sont requises et attendues d'un membre de l'équipe commerciale, en faisant état :

D'un nombre de rendez-vous de prospection réalisés sur l'exercice écoulé de 43 au lieu des 135 fixés dans le logiciel de gestion commerciale, la lettre précisant que cet objectif a été rappelé au salarié par courriels des 6 mars et 8 juin 2017,

Des incohérences entre le « déclaratif sur le rapport hebdo » et les « saisies », précisant que certains rendez-vous sont « en doublon », et mentionnant à titre d'exemple quatre rendez-vous avec le même interlocuteur réalisés la même journée et renseignés comme quatre rendez-vous distincts, alors qu'un seul premier rendez-vous aurait dû être renseigné par le salarié,

Le « Pipe » n'est pas au niveau demandé, contrairement à ses collègues (689 K€ au lieu de 2 000 K€).

L'employeur indique en outre que la responsable du salarié, Mme [P], l'a reçu à plusieurs reprises pour faire le point sur son activité et lui a donné les moyens nécessaires pour que M. [N] atteigne ses objectifs.

S'agissant du comportement fautif invoqué dans la lettre de licenciement, la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE reproche au salarié, d'une part, « un comportement désinvolte et un manque de rigueur dans l'exercice de (sa) fonction », cette attitude « ayant contraint (son) responsable hiérarchique à (le) recevoir plusieurs fois, notamment en juin, pour (lui) rappeler ses objectifs et la posture qu'un commercial doit avoir », d'autre part, de « ne pas tenir compte des remarques de (ses) supérieurs », et met en cause, après avoir cité plusieurs courriels de collaborateurs se plaignant de la qualité du travail de M. [N], l'« incapacité (du salarié) à assumer correctement ses fonctions mettant en cause la bonne marche du service ».

Il résulte de ces énonciations que la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE reproche au salarié un même ensemble de faits, à savoir la qualité du travail fourni et le fait de ne pas avoir atteint les objectifs qui lui avaient été fixés, en invoquant deux motifs distincts inhérents à la personne du salarié pour justifier le licenciement.

L'insuffisance professionnelle étant exclusive de toute faute, ce dont il résulte que, pour que ce motif puisse être retenu comme cause réelle et sérieuse d'un licenciement, l'absence d'atteinte des objectifs et la mauvaise qualité du travail produit par le salarié ne doivent pas trouver leur origine dans un comportement volontaire du salarié, mais dans son incapacité à remplir ses missions du fait d'un défaut de compétences.

Il y a donc lieu, eu égard aux comportements fautifs invoqués par l'employeur comme cause des mauvais résultats du salarié, de requalifier le licenciement en licenciement pour motif disciplinaire uniquement.

Dès lors, il incombe à l'employeur de démontrer, d'une part, que les objectifs fixés au salarié étaient raisonnables et réalistes, d'autre part, la matérialité des comportements fautifs qu'il impute au salarié et le fait que ceux-ci sont bien à l'origine des mauvais résultats du salarié, étant rappelé que l'employeur invoque deux faits fautifs distincts qualifiés comme tels dans la lettre de licenciement :

Une désinvolture et un manque de rigueur dans l'exécution de son travail,

Le refus de tenir compte des remarques de ses supérieurs hiérarchiques.

S'agissant des objectifs, le salarié conteste ne pas les avoir atteints, alléguant que les objectifs fixés portent avant tout sur un chiffre d'affaires, et qu'il a atteint 93 % de ce chiffres d'affaire, hors marché Pathé-Gaumont, alors que celui-ci aurait dû lui être attribué entièrement, qu'il avait déjà réalisé 16 % des objectifs après seulement deux mois d'exercice au cours de la seconde période, et que la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE a doublé son objectif en termes de chiffre d'affaires pour la seconde période, ce qui démontre qu'il avait parfaitement atteint ses objectifs au cours de la première période.

Il ressort de la comparaison du plan de rémunération variable de la première période (du 12 décembre 2016 au 30 septembre 2017) avec celui de la deuxième période (du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018) que l'objectif sur chiffres d'affaires est passé de 450 k€ année pleine à 900 k€. Il doit cependant être relevé que le second plan de rémunération n'a pas été signé par le directeur du développement, M. [C], mais uniquement par le salarié.

La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE ne contestant pas l'authenticité de ce second plan, il doit être retenu que, la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE a bien entendu doubler l'objectif du salarié sur la seconde période.

En outre, l'employeur ne produit aucun élément objectif (tableau précis recensant l'ensemble des marchés apportés par le salarié et signés) permettant à la cour de déterminer si l'objectif sur chiffre d'affaires a bien été atteint ou non.

Par ailleurs, s'agissant du nombre de premiers rendez-vous (« R1 »), la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, qui indique un objectif de 15R1 par mois, tel que cela ressort notamment des courriels de Mme [P], supérieure hiérarchique de M. [N], des 6 mars et 8 juin 2017, ne produit aucun document officiel permettant de démontrer, d'une part, que cet objectif avait bien été fixé au salarié au début de sa période et non en cours de période, la cour rappelant que le salarié a été embauché à compter du 12 décembre 2016, d'autre part, que cet objectif était propre à tous les collaborateurs de l'entreprise exerçant les mêmes fonctions que le salarié, et que ceux-ci atteignaient bien cet objectif.

S'agissant de l'écart allégué par l'employeur entre les premiers rendez-vous déclarés par le salarié et ceux retenus par l'employeur, la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE ne produit aucune capture d'écran de l'application [F] démontrant la matérialité des chiffres qu'elle mentionne dans ses écritures. Dès lors, l'unique courriel de Mme [P] daté du 30 juillet 2018 adressé à Mme [L], dans lequel sont listés les rendez-vous des « derniers 6 mois » du salarié, est à lui seul dépourvu de force probante pour établir le nombre de premiers rendez-vous effectués par le salarié.

Eu égard à l'ensemble de ces constatations, il y a lieu de retenir que la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE échoue à démontrer, d'une part, qu'elle avait fixé des objectifs à M. [N], d'autre part, que celui-ci a effectivement échoué à les atteindre.

S'agissant des faits dits « fautifs » invoqués par l'employeur, il ne ressort pas du courriel du 6 mars 2017 intitulé « Compte-rendu accompagnement » du 6 mars 2017 que la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE ait adressé des instructions particulières au salarié, Mme [P] ayant seulement indiqué comme suit : « Rappel : 15 RDV R1 mini par mois + Qualification [F] ».

En revanche, il n'est pas contestable que le courriel du 8 juin 2017 constitue, eu égards aux terme employés, le compte-rendu d'un entretien de recadrage, Mme [P] posant notamment plusieurs objectifs au salarié :

S'agissant de l'activité commerciale : « Prospection mensuelle ' R1 par mois / Tous les RDV sur [F] »,

Sur l'origine des affaires : « Remonter un PAC mensuel sur les nouvelles affaires initiées, les probas à signer (SWOT) et le forecast inhérent »,

S'agissant de [F] : « Saisie quotidienne sur [F] »,

S'agissant du « point téléphonique hebdomadaire » : « Echanger ensemble sur les pistes et actions à mener les plus en adéquation avec tes objectifs et t'aider à trouver des leviers pour closer les affaires en cours ».

Enfin, Mme [P] indique que le salarié doit « gagner en rigueur, organisation et fiabilité sur (son) activité au quotidien, mais aussi ECOUTER et (se) positionner en 'chasseur' commercialement ».

Pour démontrer que le salarié aurait refusé de prendre en compte les directives de sa supérieure hiérarchique précisément énoncées dans le courriel du 8 juin 2017, et qu'il aurait fait preuve de négligence et d'un manque de rigueur volontaire, la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE verse aux débats plusieurs courriels de collaborateurs de Mme [P] faisant état de mécontentements à l'égard du travail du salarié :

Courriel de M. [A], chef de l'agence de Montbonnot du 11 octobre 2017, dans lequel celui-ci exprime des réserves sur l'approche des dossiers et la manière de chiffrer du salarié, indique que le salarié prend des engagements auprès de clients sans les respecter, ou sans validation de « l'exploitation » ou contre son avis, rapporte le mécontentement d'un client quant aux engagements non tenus par M. [N], et exprime son mécontentement du travail du salarié dans les termes suivants : « D'une manière général, cela devient compliqué de gérer les dossiers « prospectés » par [R] »,

Courriel de M. [Z], Directeur régional Rhône-Alpes Bourgogne, du 20 octobre 2017, dans lequel celui-ci indique être « agacé pour ne pas dire plus par le comportement » du salarié, perdre patience, et ne pas avoir confiance dans le « profil » de M. [N], M. [Z] faisant état de comportements contestables du salarié identiques à ceux mentionnés par M. [A] dans son courriel susvisé,

Courriel de M. [Z] du 25 octobre 2017, dans lequel celui-ci indique qu'il ne peut « évidemment pas valider le fonctionnement de [R] ni sur le fond, ni sur la forme dans cette affaire »,

Courriel de Mme [P] du 13 novembre 2017 adressé à Mme [W] dans lequel celle-ci indique qu'elle a reçu le salarié ce même jour pour un entretien informel afin de lui exprimer sa « difficulté à collaborer avec lui du fait de faiblesses et de dysfonctionnements liés à son activité de RD », et indique que le salarié ne « comprend pas ses remarques et s'inscrit en faux sur (l'analyse) de son activité », notamment en raison du fait qu'il dit que son temps été pris par des dossiers connexes (notamment le dossier Pathé).

Si ces différents courriels démontrent un mécontentement de plusieurs collaborateurs du salarié, ils ne peuvent toutefois, faute d'être corroborés par la production d'éléments précis et objectifs, démontrer que celui-ci a refusé de suivre les directives de Mme [P] formulées lors de l'entretien de recadrage du 8 juin 2017, et fait preuve d'un manque de rigueur et d'une désinvolture fautive dans l'exécution de son travail.

En effet, l'employeur ne verse aux débats aucune plainte de clients relative au travail du salarié, et ne produit ni document de travail élaboré par le salarié ni documentation interne relative aux différentes procédures à respecter concernant la collaboration entre les différents services, permettant à la cour d'appel de constater un manque de rigueur et des négligences fautives, les comportements fautifs imputés au salarié ne pouvant être valablement démontrés par la seule production de courriels faisant état du mécontentement de certains collaborateurs du salarié.

Au surplus, il doit être relevé que l'unique courriel de M. [N] versé aux débats par la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, à l'origine du mécontentement de M. [Z], à savoir un courriel du salarié du 16 octobre 2017, ne dénote en lui-même aucun manque de rigueur, et ne peut, faute d'être contextualisé par l'employeur par la production d'éléments objectifs, démontrer le comportement fautif imputé au salarié, les échanges de courriels produits laissant au contraire supposer, dès lors que la supérieure de M. [N] étaient elle-même en copie desdits courriels, un manque de communication ou de collaboration structurelle entre les services, générant un doute sur la matérialité des comportements imputés au salarié.

Eu égard à l'ensemble de ces constatations, il ne peut qu'être retenu que l'employeur échoue à faire la démonstration des comportements fautifs invoqués dans la lettre de licenciement.

Il en résulte que celui-ci doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.

Il n'est pas contestable que le salarié avait moins d'une année d'ancienneté au moment de son licenciement, et qu'il ne peut prétendre, en vertu des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité supérieure à un mois de salaire brut.

Compte tenu de la rémunération perçue par le salarié, il y a lieu de condamner la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à lui payer la somme de 3 251,58 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant à un mois de salaire brut, conformément à la demande de l'employeur, le salarié ne produisant aucun calcul contradictoire.

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement de première instance est infirmé sur les dépens.

La SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et à payer à M. [N] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de droit, dès lors que celle-ci est prévue par le droit applicable, et M. [N] ne verse aucun élément aux débats justifiant qu'il soit ordonné à la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE l'exécution de la décision pour les chefs de condamnation dont l'exécution est facultative.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DECLARE le licenciement de M. [N] sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à payer à M. [N] les sommes suivantes :

1 292,31 euros à titre de rappel de prime d'expérience,

129,23 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents

12 185,08 euros à titre de rappel de primes d'objectif,

1 218,50 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférents,

3 251,58 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 21/02308
Date de la décision : 06/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-06;21.02308 ?
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