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30/05/2023 | FRANCE | N°21/02974

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 30 mai 2023, 21/02974


N° RG 21/02974 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K6K2



N° Minute :





C1























































Copie exécutoire délivrée

le :



à



la SCP LACHAT MOURONVALLE



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY



SELARL CDMF AVOCATS















AU NOM DU PEUPLE FRANÇ

AIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 30 MAI 2023



Appel d'un Jugement (N° R.G. 19/02369) rendu par le tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 14 juin 2021, suivant déclaration d'appel du 05 Juillet 2021





APPELANTE :



S.A. ALLIANZ IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en c...

N° RG 21/02974 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K6K2

N° Minute :

C1

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SCP LACHAT MOURONVALLE

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

SELARL CDMF AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 30 MAI 2023

Appel d'un Jugement (N° R.G. 19/02369) rendu par le tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 14 juin 2021, suivant déclaration d'appel du 05 Juillet 2021

APPELANTE :

S.A. ALLIANZ IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Christophe LACHAT de la SCP LACHAT MOURONVALLE, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIM ÉES :

Mme [M] [I]

née le 01 Mars 2000 à [Localité 6] (Grèce)

de nationalité Grecque

[Adresse 10],

[Localité 7]

SERBIE

Mme [Z] [S]

née le 29 Juillet 1968 à [Localité 9] (Monténégro)

de nationalité Grecque

[Adresse 10],

[Localité 7]

SERBIE

représentés par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me GRAND, avocat au barreau d'ALBERTVILLE

S.A.S. SERVICE EXPANSION INTERNATIONAL prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me BANDOSZ, avoca au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente

M. Laurent Grava, conseiller,

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 mars 2023, Laurent Grava, conseiller, qui a fait son rapport, en présence de Anne-Laure Pliskine, conseillère, assistés de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions et Me Grand en sa plaidoirie, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SAS Service Expansion International (SEI) est propriétaire de l'hôtel Le Strato à [Localité 8] et elle est assurée au titre de sa responsabilité civile auprès de la SA Allianz IARD, dans le cadre d'une police n°57347957.

Mme [Z] [S] et sa fille, [M] [I], âgée de 17 ans à l'époque, avaient réservé la suite n° 304 de l'hôtel Le Strato du ut18 au 28 décembre 2017. Le 21 décembre 2017, en début de soirée, leur suite a été cambriolée entre 19h30 et 20h05.

Les auteurs auraient accédé au balcon de la chambre et pénétré dans celle-ci en forçant la fenêtre au moyen d'un outil type tournevis et ont dérobé le coffre-fort contenant selon les victimes des cartes bancaires avec le code et du numéraire.

Des bijoux, divers objets, des passeports et des valises auraient été dérobés.

Entre 21 heures 45 et 22 heures, plusieurs retraits de numéraire étaient effectués avec les cartes volées dans des distributeurs de billets à [Localité 5] auprès de plusieurs banques pour un montant global de 12 000 euros.

L'enquête de gendarmerie a permis d'identifier Monsieur [L] [C] comme étant l'auteur principal du vol. Il a été interpellé chez lui le 6 mars 2018.

Par jugement en date du 15 mars 12019, le tribunal correctionnel d'Albertville a déclaré Monsieur [C] coupable de vols commis à Courchevel pendant la période des fêtes et, notamment, le vol commis le 21 décembre 2017 a l'hôtel Le Strato au préjudice de Mmes [I] et [S].

Le tribunal a prononcé une peine de 5 ans avec sursis de 2 ans et a déclaré recevable et bien fondée la constitution de partie civile de Mmes [I] et [S].

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 mars 2019, l'avocat de Mmes [I] et [S] a mis en demeure la SA Allianz en sa qualité d'assureur garantissant la responsabilité civile de la SAS SEI de les indemniser au titre de leurs préjudices, qu'elles évaluent comme suit ;

- valeur des bijoux et effets personnels volés : 229 110,80 euros et 13 670,16 livres sterling soit 15 554,64 euros (au taux du 7 février 2017 de 1 GBP = 1,1379 €),

- espèces : 12 000 euros,

- retrait carte bancaire : 654  euros,

ainsi que 12 000 euros au titre du préjudice moral.

Par courriel en date du 10 avril 2019, Allianz a indiqué qu'elle entendait invoquer le bénéfice de la limitation légale de réparation à 100 fois le prix de la nuitée en application de l'article 1953 al3 du code civil.

Par acte délivré le 16 mai 2019, Mme [M] [I] et Mme [Z] [S] ont assigné la SAS Service Expansion International (SEI),propriétaire de l'hôtel Le Strato à [Localité 8] et son assureur, la SA Allianz IARD devant le tribunal de grande instance de Grenoble, aux fins d'obtenir le dédommagement du vol de leurs bijoux et effets personnels de valeur, dont elles ont été victimes le 21 décembre 2017, alors qu'elles séjournaient dans cet hôtel.

Par jugement contradictoire en date du 14 juin 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

- déclaré recevable l'action de Mmes [S] [Z] et [I] [M] ;

- fixé le préjudice matériel de Mme [S] [Z] à la somme de 220 347,38 euros ;

- condamné la SAS Service Expansion International à verser la somme de 130 347,38 euros, déduction faite de la provision de 74 643,20 euros et des sommes avancées par l'hôtelier à hauteur de 15 356,80 euros, à Mme [S] [Z] a titre d'indemnisation ;

- condamné la SAS Service Expansion International à verser la somme de 1 000 euros chacune à Mmes [S] [Z] et [I] [M] au titre du préjudice moral ;

- condamné la SAS Service Expansion International à payer à Mmes (sic) [S] [Z] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Service Expansion International aux entiers dépens de l'instance ;

- condamné la SA Allianz IARD à garantir la SAS Service Expansion International des condamnations mise a sa charge aux conditions de la police n°57347957 ;

- débouté les parties de toutes les demandes plus amples ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présence décision.

Par déclaration en date du 5 juillet 2021, la SA Allianz IARD a interjeté appel de la décision.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 septembre 2021, la SA Allianz IARD demande à la cour de :

A titre principal,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il :

« - retient une faute caractérisée de la part de la SAS SEI ;

- fixe le préjudice matériel de Mme [S] [Z] à la somme de 220.347,38 euros ;

- condamne la SAS Service Expansion International à verser la somme de 130 347,38 euros, déduction faite de la provision de 74 643,20 euros et des sommes avancées par l'hôtelier à hauteur de 15 356,80 euros, à Mme [S] [Z] a titre d'indemnisation ;

- condamne la SAS Service Expansion International à verser la somme de 1 000 euros chacune à Mmes [S] [Z] et [I] [M] au titre du préjudice moral ;

- condamne la SAS Service Expansion International à payer à Mmes [S] [Z] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la SAS SEI aux entiers dépens de l'instance » ;

Statuer à nouveau sur ces points,

- juger que Mmes [S] [Z] et [I] [M] n'établissent pas que la SAS SEI aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité au-delà de la limitation de responsabilité prévue par le 3e alinéa de l'article 1953 du code civil à 100 fois le prix de la nuitée ;

- juger que le prix de la nuitée acquitté par Mmes [S] [Z] et [I] [M] auprès de la SAS SEI est de 788 euros ;

- constater que la SAS SEI s'est déjà acquittée de la somme de 15 356,80 euros ;

- ordonner la compensation de cette somme avec celle à laquelle serait condamnée la SAS SEI ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour confirmait le jugement en ce qu'il considère que Mmes [S] [Z] et [I] [M] établissent que la SAS SEI a commis une faute de nature à engager sa responsabilité au-delà de la limitation de responsabilité prévue par le 3e alinéa de l'article 1953 du code civil,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il :

« - fixe le préjudice matériel de Mme [S] [Z] à la somme de 220 347,38 euros ;

- condamne la SAS Service Expansion International à verser la somme de 130 347,38 euros, déduction faite de la provision de 74 643,20 euros et des sommes avancées par l'hôtelier à hauteur de 15 356,80 euros, à Mme [S] [Z] a titre d'indemnisation ;

- condamne la SAS Service Expansion International à verser la somme de 1 000 euros chacune à Mmes [S] [Z] et [I] [M] au titre du préjudice moral ;

- condamne la SAS Service Expansion International à payer à Mmes (sic) [S] [Z] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; » ;

Statuant à nouveau,

- juger que le préjudice matériel subi par Mmes [S] [Z] et [I] [M] ne peut être considéré comme étant supérieur à la somme de 100 970 euros ;

- juger que le préjudice moral subi par Mmes [S] [Z] et [I] [M] ne peut être considéré comme étant supérieur à la somme de 200 euros pour chacune ;

- débouter les intimées de toutes demandes, fins et conclusions contraires ;

En tout état de cause,

- condamner in solidum Mmes [S] [Z] et [I] [M] au paiement d'une somme

de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose les éléments principaux suivants au soutien de ses écritures :

- elle rappelle les faits et la procédure ;

- elle conteste l'existence d'une faute de la part de l'hôtelier ;

- elle rappelle les termes de l'article 1953 du code civil ;

- le tribunal a considéré que la SAS SEI avait commis une faute caractérisée en ce qui concerne la surveillance de l'hôtel et en ce qui concerne la fixation du coffre-fort ;

- ce faisant, la juridiction de première instance a eu une mauvaise appréciation des faits et des obligations revenant à un hôtel 5 étoiles ;

- aucune faute n'a été commise par l'hôtel qui ne peut être clôturé compte tenu de la configuration des lieux ;

- l'hôtel donne directement sur les pistes de ski ;

- la construction de clôture en dur n'est pas autorisée par le PLU ;

- l'hôtel possède un système de vidéo surveillance (47 caméras) et emploie un veilleur de nuit et un chasseur voiturier ;

- des rondes autour de l'établissement sont impossibles pour les mêmes raisons ;

- l'examen permanent de la vidéo surveillance n'aurait vraisemblablement pas permis d'éviter le vol, car il a été commis de nuit sous les balcons en très peu de temps ;

- les coffres-forts bénéficiaient d'une serrure électronique et étaient boulonnés dans la paroi de la penderie ;

- il ne saurait être reproché à l'hôtel de ne pas avoir avisé les clients d'un vol commis dans les environs ;

- le fait qu'il n'est pas justifié d'un visionnage en direct et en permanence ne saurait permettre d'établir une faute caractérisée ;

- étant donnée la valeur des bijoux, Mmes [S] et [I] auraient dû les déposer dans le coffre-fort principal de l'hôtel, lequel est scellé dans un mur ;

- l'indemnisation, si elle devait être admise, serait nécessairement limitée à hauteur de 78 000 euros ;

- l'évaluation des préjudices de Mmes [S] et [I] devrait être revue à la baisse, l'enquête pénale ayant établi que la valeur des bijoux et effets personnels volés aux requérantes s'élevait à 100 970 euros ;

- leur préjudice moral, ne peut excéder 200 euros dans la mesure où elles n'ont pas vu le voleur et où l'hôtel a fait tout le nécessaire pour faciliter leur démarche et leur retour ;

- le premier juge a, à tort, retenu des sommes qui ne sont pas justifiées ;

- il ne suffit pas d'additionner des factures ;

- il a été retenu les 654 euros retirés de la banque par le voleur avec la carte bancaire de Mme [S], alors qu'il est établi qu'elle avait inscrit son code confidentiel dessus.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2021, Mme [Z] [S] et Mme [M] [I] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

«  - déclaré recevable l'action de Mmes [S] [Z] et [I] [M] ;

- condamné la SAS SEI à indemniser intégralement le préjudice subi par Mmes [Z] [S] et [M] [I] ;

- fixé le préjudice matériel de Mme [S] [Z] à la somme de 220 347,38 euros ;

- condamné la SAS Service Expansion International à verser la somme de 130 347,38 euros, déduction faite de la provision de 74 643,20 euros et des sommes avancées par l'hôtelier à hauteur de 15 356,80 euros, à Mme [S] [Z] a titre d'indemnisation ;

- condamné la SAS Service Expansion International à verser la somme de 1 000 euros chacune à Mmes [S] [Z] et [I] [M] au titre du préjudice moral ;

- condamné la SAS Service Expansion International à payer à Mmes (sic) [S] [Z] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Service Expansion International aux entiers dépens de l'instance ;

- condamné la SA Allianz IARD à garantir la SAS Service Expansion International des condamnations mise a sa charge aux conditions de la police n°57347957 » ;

- déclarer recevable l'appel incident formé par Mmes [Z] [S] et [M] [I] ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mmes [Z] [S] et [M] [I] du surplus de leurs prétentions indemnitaires;

Et statuant à nouveau,

- fixer le préjudice matériel subi par Mme [Z] [S] à la somme de 248 904,79 euros ;

Compte tenu de la somme de 220 875,27 euros déjà versée à Mme [S],

- condamner in solidum la SAS SEI et son assureur la SA Allianz IARD à payer à Mme [Z] [S] une somme complémentaire de 28 029,52 euros en réparation de son préjudice matériel ;

- fixer le préjudice moral respectivement subi par Mmes [Z] [S] et [M] [I] à la somme de 6 000 euros ;

Compte tenu de la somme de 1 000 euros d'ores et déjà versée à chacune d'elles,

- condamner in solidum la SAS SEI et son assureur la SA Allianz IARD à payer à Mme [Z] [S] et [M] [I] une somme complémentaire de 5 000 euros chacune en réparation de leur préjudice moral ;

- condamner in solidum la SAS SEI et son assureur la SA Allianz IARD à payer à Mme [S] la somme de 12 250 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

- condamner in solidum la SAS SEI et son assureur la SA Allianz IARD aux entiers dépens de la procédure d'appel ;

- débouter la SAS SEI et son assureur la SA Allianz IARD de l'intégralité de leurs prétentions, fins et moyens plus amples et/ou contraires.

Elles exposent les éléments principaux suivants au soutien de leurs écritures :

- elles rappellent les faits et les procédures civile et pénale ;

- sur le volet pénal, la cour d'appel de Chambéry a arrêté le montant de son préjudice matériel à la somme de 248 904,79 euros et celui de son préjudice moral à la somme de 5 000 euros ;

- elles rappellent les articles 1952 et 1953 du code civil ;

- elles estiment qu'il y a eu de nombreuses fautes de l'hôtel ayant permis la survenance du vol ;

- l'hôtel est un 5 étoiles ;

- un tel standing impose de toute évidence des obligations renforcées à l'hôtelier qui doit tout mettre en 'uvre pour assurer le plus efficacement possible la sécurité des biens de ses clients, lesquels sont en droit d'attendre des conditions de sécurité à la hauteur des tarifs pratiqués ;

- son obligation de surveillance est en effet d'autant plus lourde qu'il s'agit d'un hôtel haut de gamme, fréquenté, en principe, par une clientèle fortunée transportant avec elle des biens de grande valeur ;

- l'hôtel n'était pas suffisamment surveillé ;

- les baies vitrées ont été fracturées très facilement sans que personne ne remarque rien malgré les caméras et les agents ;

- il n'y avait pas de caméra extérieure au 3e étage ;

- ce manque de moyens techniques n'est au demeurant aucunement compensé par des moyens humains dès lors qu'il a été expressément reconnu que la SEI ne faisait pas procéder à des rondes permanentes autour de son établissement ;

- le coffre n'était pas boulonné, mais fixé sur un panneau de particule fragile dans la penderie ;

- on ne saurait reprocher à la victime du vol de ne pas avoir déposé ses effets de valeur dans le coffre de l'hôtel ;

- ces fautes permettent d'obtenir un déplafonnement de l'indemnisation ;

- les bijoux et les sacs de luxe ne se déprécient pas avec le temps ;

- le montant du préjudice matériel subi par Mme [S] est de 248 904,79 euros, soit le montant retenu par la cour d'appel de Chambéry dans son arrêt du 17 mars 2021 ;

- elles insistent sur le préjudice moral dans la mesure ou le choc de ce cambriolage a été brutal et ou elles ont perdu des bijoux de valeur sentimentale ;

- elles ont dû refaire tous leurs papiers et repartir prématurément, en passant par leur ambassade à [Localité 11], leurs vacances ayant été écourtées par ces faits.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 décembre 2021, la SAS Service Expansion International (SEI) demande à la cour de :

A titre principal,

- débouter purement et simplement Mmes [S] et [I] de l'intégralité de leurs demandes et réformer le jugement sur ce point ;

A titre subsidiaire,

- faire droit à l'appel incident de la SAS SEI ;

- faire application de la limitation de responsabilité prévue à l'article 1953 al 3 du code civil ;

- dire et juger que cette limitation est de 78 800 euros et constater que la SAS SEI s'est déjà acquittée d'une somme de 15 356,80 euros, de sorte que le plafond doit être fixé à la somme de 63 443,20 euros ;

- ordonner la compensation de cette somme avec celle à laquelle serait condamnée la SAS SEI ;

- dire et juger que le préjudice matériel subi par les demanderesses ne peut être considéré comme étant supérieur à la somme de 100 970 euros ;

- débouter Mmes [S] et [I] du surplus de leurs demandes excédant la somme de 63 443,20 euros ;

- condamner Mmes [S] et [I] au paiement de la somme de 3 000 euros au profit de la SAS SEI hôtel Le Strato par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose les éléments principaux suivants au soutien de ses écritures :

- elle précise les faits, le jugement pénal et la procédure civile ;

- elle insiste sur le risque de double indemnisation ;

- il n'y a pas à présupposer d'une insolvabilité par définition de M. [C] (auteur du vol) ;

- en outre, il n'est justifié d'aucune tentative d'exécution de la première condamnation ;

- les victimes ne peuvent pas bénéficier de deux titres exécutoires recouvrant des sommes identiques ;

- l'hôtel est équipé pour assurer la sécurité de ses clients, notamment d'un système de vidéo-surveillance, renforcé par la présence d'un veilleur de nuit et d'un chasseur-voiturier, outre deux agents de surveillance de 9h à 23h ;

- l'hôtel donne directement sur les pistes de ski et ne peut être clôturé ;

- il dispose d'un coffre-fort général et de coffres particuliers dans les chambres ;

- la consultation des vidéo-surveillances n'aurait rien changé ;

- il n'est pas sérieux de lui reprocher de ne pas ,avoir averti les clients d'un vol commis la veille dans le voisinage ;

- le prix de la nuitée est de 788 euros (soit 900 euros moins 2 petits-déjeuners à 56 euros chacun) ;

- l'indemnisation sera limitée et tiendra aussi compte des sommes déjà versées.

La clôture de l'instruction est intervenue le 7 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le risque de double indemnisation :

Il est soutenu par l'hôtelier que Mmes [S] et [I] ne peuvent prétendre à indemnisation de sa part en raison de la condamnation pénale et sur intérêts civils de M. [C], auteur des faits de vols, générant ainsi un risque de double indemnisation en cas de condamnation au civil.

Ce moyen présenté au fond tend en réalité a faire déclarer la demande irrecevable faute d'intérêt à agir, les clientes victimes du vol ayant déjà un titre.

Une victime d'infraction pénale doit opérer un choix entre la voie civile et la voie pénale, les deux actions ne pouvant se cumuler.

Cependant, cette règle trouve sa limite dans le fait que les deux actions doivent porter sur le même objet, avoir la même cause, entre les mêmes parties.

Or, il résulte, tant du jugement du tribunal correctionnel d'Albertville que de la cour d'appel de Chambéry que la condamnation obtenue en Savoie l'a été à l'égard de M. [C], auteur de l'infraction à l'origine du dommage, M. [C] qui n'est pas partie à la présente procédure.

Le principe civil de réparation intégrale du préjudice s'oppose à ce que la victime s'enrichisse par l'effet de la réparation.

Au jour où le premier juge a statué, l'auteur de l'infraction était incarcéré et l'administration pénitentiaire avait indiqué aux victimes que l'indemnisation qui pourrait découler du pécule du détenu serait très faible en regard de leur préjudice. L'état d'impécuniosité de l'individu doit d'autant plus être pris en compte qu'il a reconnu plusieurs vols dans les hôtels de [Localité 8] à cette période.

Mmes [S] et [I] n'étant pas les seules victimes, leur chance d'être un jour indemnisées par l'auteur sont extrêmement faibles.

En conséquence, elles justifient bien d'un intérêt à agir contre l'hôtelier et son assureur dont le moyen tiré du risque de double indemnisation est écarté.

L'action de Mmes [S] et [I] est recevable.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité contractuelle :

1) Le droit applicable :

L'article 1952 du code civil dispose « Les aubergistes ou hôteliers répondent comme dépositaires des vêtements, bagages et objets divers apportés dans leur établissement par le voyageur qui loge chez eux ; le dépôt de ces sortes d'effets doit être regardé comme un dépôt nécessaire »

L'article 1953 du même code précise « Ils [les hôteliers] sont responsables du vol ou du dommage de ces effets, soit que le vol ait été commis ou que le dommage ait été causé par leurs préposés, ou par des tiers allant et venant dans l'hôtel.

Cette responsabilité est illimitée, nonobstant toute clause contraire, au cas de vol ou de détérioration des objets de toute nature déposés entre leurs mains ou qu'ils ont refusé de recevoir sans motif légitime.

Dans tous les autres cas, les dommages-intérêts dus au voyageur sont, à l'exclusion de toute limitation conventionnelle inférieure, limités à l'équivalent de cent fois le prix de location du logement par journée, sauf lorsque le voyageur démontre que le préjudice qu'il a subi résulte d'une faute de celui qui l'héberge ou des personnes dont ce dernier doit répondre. »

En vertu du principe selon lequel chaque partie doit prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, il revient à la victime du vol de rapporter la preuve que l'hôtelier a manqué au devoir de prudence et de surveillance qui lui incombe et que son préjudice est dû à la faute caractérisée de celui qui l'héberge ou des personnes dont il doit répondre.

2) Les fautes commises par l'hôtelier :

En l'espèce, Mmes [S] et [I] invoquent plusieurs fautes qui auraient été commises par l'hôtelier.

S'il ne peut être reproché a la société SEI de pas avoir alerté ses clients sur un vol commis dans le voisinage (dont il n'est pas établi qu'elle en était informée), ni même de ne pas avoir des fermetures plus solides aux baies vitrées (dans la mesure ou il n'est pas démontré qu'elles n'étaient pas adaptées), force est de constater que la surveillance de cet hôtel de luxe 5 étoiles n'était pas suffisante au regard de son standing et de la nécessité de protéger les biens de clients pour la plupart fortunés.

Ainsi, les plans de pose des caméras versé aux débats ne font pas apparaître que les extérieurs de l'hôtel, façades et balcons, soient balayés par le dispositif.

En outre, aucun visionnage en direct et en permanence n'est prévu, alors que seuls deux agents de surveillance sont employés et interviennent alternativement.

Dès lors, il est matériellement impossible que le même agent puisse à la fois surveiller les caméras et faire des rondes.

Quant au « chasseur-voiturier », il était affecté à l'accueil des clients, et ne pouvait exercer de surveillance ailleurs que sur l'entrée de l'hôtel, ce d'autant que le vol s'est produit en début de soirée, c'est-à-dire à une heure d'affluence dans le hall de l'hôtel.

Outre cette insuffisance de surveillance, il convient également de relever que le coffre-fort individuel n'était pas scellé dans le mur, mais seulement vissé dans la penderie, ce que reconnait la société SEI, de sorte qu'il a été arraché très facilement et très rapidement, comme l'a indiqué l'auteur des faits.

Ces éléments caractérisent une faute commise par la société SEI, faute permettant aux clients d'obtenir le déplafonnement de l'indemnisation due par l'hôtelier.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les préjudices :

1) Le préjudice matériel :

Monsieur [C], auteur des faits condamné pénalement en première instance et en appel, avait précisé que ses comparses étaient revenus à la voiture avec « un gros sac et un genre de valise qu'ils avaient volés, dont le coffre-fort et les cartes bancaires avec leurs codes » et des sacs de marque.

Il avait ajouté que le coffre contenait deux montres, des bijoux, un bracelet et un collier rivière.

Devant le premier juge, l'hôtelier et son assureur n'ont pas discuté la réalité du vol et des objets volés, leurs moyens de défense étant fondés sur l'absence de faute et subsidiairement sur le cantonnement de l'indemnisation au maximum légal de 100 fois le prix de la nuitée.

La cour d'appel de Chambéry, dans soin arrêt correctionnel du 17 mars 2021 a réévalué les préjudices et fixé le préjudice matériel à 248 904,79 euros TTC et le préjudice moral à la somme de 5 000 euros.

Au vu des déclarations des victimes, de l'examen des factures et photos désormais produites, le préjudice matériel de Mmes [S] et [I] doit être réévalué en cause d'appel pour s'établir à la somme de 248 904,79 euros TTC (bijoux, montres, sacs, numéraire, console, habits, stylo, passeport, lunettes, permis de conduire).

Le jugement entrepris sera infirmé sur le quantum du préjudice matériel.

2) Le préjudice moral :

Le cambriolage s'est produit le soir, par effraction de la porte vitrée.

Mme [S] et sa fille de 17 ans ont été dépouillées de leurs biens de valeur et de leurs papiers.

Dans ces circonstances, elles ont dû écourter leurs vacances au sport d'hiver, en période de Noël, pour se rendre à leur ambassade à [Localité 11] avant de rentrer chez elles.

Ces éléments ont nécessairement troublé les victimes par leur soudaineté et par la violation de leur intimité.

Il convient de préciser que la SAS SEI a été réactive pour limiter les désagréments matériels du vol (mise à disposition d'une somme d'argent, trajet et hôtel à [Localité 11]).

Néanmoins, ces frais engagés spontanément par l'hôtelier ne peuvent pas compenser l'atteinte morale, d'autant plus que l'hôtelier en demande le remboursement, les considérant de facto comme une avance sur l'indemnisation finale du préjudice matériel.

Eu égard à la nature de l'infraction, au modus operandi des auteurs, à la déception des victimes dans leur choix d'un hôtel de luxe, leur préjudice moral sera réévalué et fixé à la somme de 5 000 euros chacune.

Le jugement entrepris sera infirmé sur le quantum du préjudice moral.

Sur les sommes déjà réglées par la SAS SEI :

L'hôtelier a avancé la somme de 15 356,80 euros, dont 5 356,80 euros de débours (achat de 2 valises, de 2 sacs à dos et de 2 sacs de voyage, paiement de frais de taxi pour se rendre à [Localité 11], prise en charge et réservation dans un hôtel 5 étoiles Majestic à [Localité 12], réservation et avance des frais de retour en avion en business class) et 10 000 euros de liquidités.

Les billets retours via [Localité 11] ne viennent pas en substitution des billets initiaux, alors même que c'est en raison de l'infraction que ces frais ont été exposés.

Dès lors, les frais avancés par la SEI doivent être intégralement déduits de l'indemnisation à devoir, tout comme la provision.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la garantie de l'assureur ;

La SA Allianz IARD, qui est intervenue aux côtés de la SAS SEI, ne conteste pas que sa garantie soit due à son assuré et elle sera condamnée en ce sens.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La SA Allianz IARD et la SAS SEI, dont les prétentions sont rejetées supporteront in solidum les dépens d'appel, ceux de première instance étant confirmés.

Pour la même raison, il ne sera pas fait droit à leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mmes [S] et [I] les frais engagés pour la défense de leurs intérêts en cause d'appel. La SA Allianz IARD et la SAS SEI seront condamnés in solidum à leur payer la somme complémentaire unique de 3 000 euros (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme le jugement entrepris uniquement sur le quantum du préjudice matériel et du préjudice moral ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe le préjudice matériel de Mme [Z] [S] à la somme de 248 904,79 euros TTC ;

Condamne la SAS Service Expansion International à verser la somme de 158 904,79 euros (cent cinquante-huit mille neuf cent quatre euros et soixante-dix-neuf centimes), déduction faite de la provision de 74 643,20 euros et des sommes avancées par l'hôtelier à hauteur de 15 356,80 euros, à Mme [Z] [S] à titre d'indemnisation de son préjudice matériel ;

Condamne la SAS Service Expansion International à verser la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) chacune à Mmes [Z] [S] et [M] [I] au titre du préjudice moral ;

Condamne in solidum la SA Allianz IARD et la SAS Service Expansion International à payer à Mmes [Z] [S] et [M] [I] la somme complémentaire de 3 000 euros (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne in solidum La SA Allianz IARD et la SAS Service Expansion International aux dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par la greffière, Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/02974
Date de la décision : 30/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-30;21.02974 ?
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