C 9
N° RG 21/03076
N° Portalis DBVM-V-B7F-K6WO
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Ladjel GUEBBABI
Me Emmanuelle PHILIPPOT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 25 MAI 2023
Appel d'une décision (N° RG 20/00351)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 15 juin 2021
suivant déclaration d'appel du 07 juillet 2021
APPELANTE :
Madame [Z] [D]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Ladjel GUEBBABI, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
Association MAISON FAMILIALE ET RURALE de [Localité 3], prise en la personne de ses représentants légaux en exercices domiciliées en cette qualité audit siège de l'association
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Emmanuelle PHILIPPOT, avocat postulant au barreau de GRENOBLE
et par Me Delphine BRETAGNOLLE de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat plaidant au barreau de LYON,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 29 mars 2023,
M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs observations, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 25 mai 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 25 mai 2023.
EXPOSE DU LITIGE':
Mme [Z] [D], née le 14 septembre 1973, a été embauchée le 1er septembre 2009 par l'association Maison Familiale Rurale (MFR) de [Localité 3], suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel.
Selon avenant en date du 1er octobre 2010, Mme [Z] [D] a été engagée à selon contrat durée indéterminée, en qualité de personnel de service.
Au dernier état des relations contractuelles et depuis le 1er février 2013, Mme [Z] [D] occupait un poste de cuisinière, catégorie 2, niveau 5 de la convention collective des maisons familiales rurales.
Mme [Z] [D] percevait une rémunération mensuelle brute de 1'625,57 euros en contrepartie de 108,29 heures de travail mensuelles.
En date des 18 décembre 2017 et 11 mars 2019, Mme [Z] [D] a bénéficié de visites médicales auprès du médecin du travail qui l'a déclarée apte à son poste avec restrictions.
En date du 25 septembre 2019, l'association MFR de [Localité 3] a déposé plainte en raison des agissements de Mme [Z] [D]'; détournement de matériel et de denrées. La plainte a été classée sans suite.
En date du 4 octobre 2019, des prélèvements ont été effectués dans la cuisine de la MFR de [Localité 3] où travaillait Mme [Z] [D] et ont révélé une présence de micro-organismes plus importante que le seuil normal.
Par courrier en date du 9 octobre 2019, Mme [Z] [D] a été mise à pied à titre conservatoire et convoquée par l'association MFR de [Localité 3] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 18 octobre 2019.
Par lettre en date du 30 octobre 2019, l'association MFR de [Localité 3] a notifié à Mme [Z] [D] son licenciement pour faute grave, invoquant des manquements récurrents aux règles élémentaires d'hygiène, détournement du matériel et des denrées de la MFR pour usage personnel, écarts de stocks de marchandises, non-respect des fiches de protocole transmises par le prestataire.
Mme [Z] [D] a sollicité des explications sur son licenciement le 9 novembre 2019.
Par requête en date du 12 mai 2020, Mme [Z] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble afin de contester son licenciement et de constater le manquement de son employeur à son obligation de sécurité.
L'association MFR de [Localité 3] s'est opposée aux prétentions adverses.
Par jugement en date du 15 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':
- dit que le licenciement de Mme [Z] [D] ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,
- dit que ce licenciement n'est pas intervenu dans des circonstances vexatoires ni humiliantes,
- dit que l'association MFR de [Localité 3] n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat,
- condamné l'association MFR de [Localité 3] à payer à Mme [Z] [D] les sommes suivantes :
- 4.131,42 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
- 3.305,14 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 330,51 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 1.156,69 euros bruts à titre de salaire sur mise à pied conservatoire,
lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du 26 mai 2020,
- 1.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
ladite somme avec intérêts de droit à la date du présent jugement,
- débouté Mme [Z] [D] de ses autres demandes,
- rappelé que les sommes à caractère salarial sont assorties de l'exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution, en application de l'article R. 1454-28 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire, la moyenne des trois derniers mois de salaire étant de 1.652,57 euros,
- dit qu'une copie du présent jugement sera adressée à Pôle emploi par les soins du Greffe,
- débouté l'association MFR de [Localité 3] de sa demande reconventionnelle,
- condamné l'association MFR de [Localité 3] aux dépens.
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 16 juin 2021.
Par déclaration en date du 7 juillet 2021, Mme [Z] [D] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 janvier 2023, Mme [Z] [D] sollicite de la cour de':
Vu les pièces versées au débat
- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [Z] [D] de ses demandes visant à':
Dire et juger que l'association MFR de [Localité 3] a manqué à son obligation de sécurité de résultat en ne respectant pas ses obligations en matière de prévention des risques professionnels';
Dire et juger que l'association MFR de [Localité 3] a manqué à son obligation de sécurité de résultat en ne respectant pas les préconisations médicales émises par le Médecin du travail
Dire et juger que le licenciement de Mme [Z] [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse
- Statuant de nouveau :
Dire et juger que l'association MFR de [Localité 3] a manqué à son obligation de sécurité de résultat en ne respectant pas ses obligations en matière de prévention des risques professionnels ;
Dire et juger que l'association MFR de [Localité 3] a manqué à son obligation de sécurité de résultat en ne respectant pas les préconisations médicales émises par le Médecin du travail
Dire et juger que le licenciement de Mme [Z] [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse
En conséquence,
Condamner l'association MFR de [Localité 3] à régler à Mme [Z] [D] les indemnités suivantes :
- 10.000 € nets en réparation du manquement à l'obligation de sécurité de résultat
- 30.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 3.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail dans des conditions humiliantes et vexatoires
Condamner l'association MFR de [Localité 3] à régler à Mme [Z] [D] une indemnité 3.000'€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 février 2023, l'association MFR de [Localité 3] sollicite de la cour de':
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 15 juin 2021,
Vu notamment les articles L. 1235-2, L.1235-3, L.1232-1 et L. 1222-1 du code du travail,
Vu les articles 542, 562, 700 et 901 du code de procédure civile,
Vu les éléments de droit et de faits développés,
A titre principal :
Déclarer irrecevable la demande de Mme [Z] [D] relative aux conditions humiliantes et vexatoires de son licenciement
Confirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes en ce qu'il :
- Déclaré que l'association MFR de [Localité 3] n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat
- Débouté Mme [Z] [D] de ses autres demandes.
Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :
- Déclaré que le licenciement de Mme [Z] [D] ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,
- Condamné l'association MFR de [Localité 3] à payer à Mme [Z] [D] les sommes suivantes:
- 4.131,42 € nets à titre d'indemnité de licenciement ;
- 3.305,41 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 330,51 € bruts au titre des congés payés afférents ;
- 1.156,69 € bruts à titre de rappel de salaire suite à la mise à pied conservatoire ;
- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouté l'association MFR de [Localité 3] de sa demande reconventionnelle,
- Condamné l'association MFR de [Localité 3] aux dépens.
Et statuant à nouveau,
Déclarer que le licenciement de Mme [Z] [D] repose sur des fautes graves ;
En conséquence,
- Rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions de Mme [Z] [D].
A titre subsidiaire :
Limiter le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 4.957,71 € ;
Rejeter la demande de dommages-intérêts de Mme [Z] [D] au titre des conditions humiliantes et vexatoires de son licenciement ;
Rejeter la demande de dommages-intérêts de Mme [Z] [D] au titre du manquement à l'obligation de sécurité de résultat.
A titre infiniment subsidiaire :
Limiter le montant des dommages-intérêt au titre des conditions humiliantes et vexatoires de son licenciement à l'euro symbolique ;
Limiter le montant des dommages-intérêt au titre du manquement à l'obligation de sécurité de résultat à l'euro symbolique.
En tout état de cause :
Condamner Mme [Z] [D] à payer à l'association MFR de [Localité 3] la somme de 3.000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 février 2023.
L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 29 mars 2023.
EXPOSE DES MOTIFS':
Sur l'effet dévolutif de l'appel':
Au visa des articles 542 et 562 du code de procédure civile, dans sa déclaration d'appel en date du 07 juillet 2021, Mme [D] ne critique pas le chef de jugement l'ayant déboutée de sa demande indemnitaire au titre des circonstances vexatoires entourant le licenciement, puisqu'elle se limite à présenter ses prétentions à ce titre telles que formulées devant les premiers juges.
Il s'ensuit que l'effet dévolutif de l'appel n'a pas opéré à ce titre, si bien que le jugement entrepris est définitif de ce chef.
Sur le manquement à l'obligation de prévention et de sécurité':
L'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.
L'article L 4624-3 du code du travail dispose que':
Le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l'employeur, des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur.
L'article L 4624-6 du même code énonce que':
L'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4. En cas de refus, l'employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.
En l'espèce, d'une première part, depuis la visite du 18 décembre 2017, Mme [D] fait l'objet de restrictions d'aptitude sur son poste dans les termes suivants':
- mettre en place tuyau dans la cuisine pour le nettoyage (éviter le port de seaux)
- port de charges supérieures à 10 kg à deux salariés
- achat d'un marchepied.
L'employeur ne rapporte pas la preuve suffisante qui lui incombe qu'il a immédiatement et pleinement respecté ces préconisations du médecin du travail.
Ceci ne saurait ressortir de ses seules affirmations dans une correspondance du 03 octobre 2018 à la salariée, qui date de plusieurs mois après l'avis du 18 décembre 2017 et ce d'autant que la lettre portait au départ sur un sujet différent, à savoir un refus d'évolution professionnelle de la salariée.
L'employeur n'est pas fondé à indiquer que les déclarations de Mme [D] sur le non-respect des préconisations du médecin du travail résultent des seules déclarations de la salariée alors qu'il appartient à l'association MFR de [Localité 3] de justifier qu'elle a pris les mesures nécessaires.
Au demeurant, il résulte du dossier médical à la médecine du travail que, lors d'une étude de poste du 12 mars 2019 avec l'employeur, il est certes noté des améliorations s'agissant de la pénibilité du poste au titre des livraisons du prestataire Transgourmet mais qu'il y a encore des ajustements à faire pour acheter d'autres marchepieds plus hauts et revoir l'accès au tuyau de nettoyage.
Le manquement est dès lors retenu de ce chef.
Deuxièmement, il ressort du témoignage de M. [I] que celui-ci a été alerté par Mme [D], en sa qualité de délégué du personnel dans l'établissement de 2014 à 2018, sur la mauvaise ambiance qui régnait au sein du pôle service, faisant état de difficultés relationnelles avec sa collègue, que cette question a été portée à l'attention de la direction dans le cadre d'une réunion du personnel, avec une demande de mieux définir les postes et responsabilités de chacune des salariées'; ce à quoi la direction a répondu'« qu'il n'y avait pas de responsable et qu'elles étaient toutes les deux cuisinières et qu'il fallait qu'elles s'arrangent entre elles. La situation est donc restée telle quelle.(')'».
Il ressort également du dossier médical de la salariée que cette dernière a autorisé le médecin du travail, à l'issue d'une visite du 03 janvier 2019, à intervenir auprès de la direction au sujet des tensions dans l'équipe.
La salariée a également autorisé le médecin du travail a évoqué le RPS et les tensions dans l'équipe lors d'une réunion avec l'employeur qui s'est tenue le 12 mars 2019, après une visite du jour précédent de Mme [D] à la médecine du travail.
Il s'ensuit que la direction était informée des difficultés relationnelles entre Mmes [D] et [S], la cour observant que M. [U], qui a occupé le poste de maître de maison/cuisinier à la MFR de [Localité 3] pendant plus de 23 ans, jusqu'à son départ volontaire en mai 2017, d'après le témoignage qu'il livre aux débats, n'a pas été remplacé, Mme [D], un temps pressentie pour évoluer sur ce poste, s'est vu refuser cette promotion par l'employeur aux termes d'un courrier en date du 03 octobre 2018, mettant en avant ses restrictions médicales telles qu'énoncées par le médecin du travail, étant observé pour autant qu'à l'issue de l'étude de poste du 12 mars 2019 avec l'employeur, ce dernier a informé le médecin du travail de son accord pour une formation de maîtresse de maison ou autre.
L'employeur ne fait qu'affirmer que la mauvaise ambiance aurait été suscitée par Mme [D] elle-même et en particulier à raison du fait qu'elle n'a pas accédé au poste de maîtresse de maison.
En tout état de cause, il ne justifie avoir pris aucune mesure utile pour résoudre ces difficultés relationnelles et ne répond pas au sujet de l'attestation du délégué du personnel, M. [I], dont il se déduit que la direction s'est refusée de surcroît à assumer son pouvoir de direction à l'égard des deux salariées, en s'en remettant à une entente hypothétique entre elles.
Le fait que la salariée ait indiqué au médecin du travail, lors de la visite du 18 décembre 2017, s'agissant de l'ambiance de travail, qu'elle était en amélioration tout en précisant l'existance d'un statut quo et lors de la visite du 11 mars 2019, qu'il y avait un statut quo avec sa collègue, ne saurait exonérer l'employeur de son obligation de prévenir et de faire cesser un risque psycho-social dont il a été informé à plusieurs reprises et par plusieurs interlocuteurs différents.
Il convient en conséquence par infirmation du jugement entrepris de dire que l'association MFR de [Localité 3] a manqué à son obligation de prévention et de sécurité.
Il y a lieu de la condamner à verser à Mme [D] la somme de 2500 euros nets à titre de dommages et intérêts de ce chef et de rejeter le surplus des prétentions de ce chef.
Sur le licenciement':
L'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
La faute grave est définie comme celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
La charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur, qui doit prouver à la fois la faute et l'imputabilité au salarié concerné.
La procédure pour licenciement pour faute grave doit être engagée dans un délai restreint après la découverte des faits.
En vertu de l'article L 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement fixe les termes du litige.
En l'espèce, il y a lieu d'étudier chacun des griefs évoqués dans la lettre de licenciement, à l'exclusion de tout autre fait qui n'y serait pas mentionné.
D'une première part, s'agissant des manquements aux règles d'hygiène et de sécurité liées au fonctionnement d'une cuisine, il ressort du compte-rendu d'entretien préalable produit par la salariée elle-même, l'employeur ayant la charge de la preuve mais pouvant parfaitement se prévaloir d'éléments fournis par la partie adverse, que Mme [D] a admis avoir laissé les couteaux avec le gâteau filmé se trouvant dans le réfrigérateur le 26 septembre 2019.
Elle a également reconnu que la nourriture se trouvant dans le micro-onde était celle de stagiaires, la cour ne pouvant toutefois pas, à l'observation de la photographie produite par l'employeur, dont la fiabilité est toute relative puisqu'elle n'est pas datée, déterminer s'il s'agissait ou non de denrées périssables.
S'agissant des yaourts périmés de 3 jours lors d'un chantier, Mme [D] admet sa responsabilité, précisant qu'ils étaient restés dans la glacière du vendredi 05 au 07 octobre 2019 et qu'elle les avait jetés le lundi, MM. [I] et [P] attestant le 08 novembre 2019 que les yaourts n'ont été consommés ni par les encadrants ni par les élèves et qu'aucune plainte n'avait été émise à ce titre.
Concernant l'évacuation avec retard du sac de polenta contaminé, Mme [D] a reconnu qu'elle s'était aperçue de la difficulté, l'avait immédiatement mis à l'extérieur de la cuisine mais avait oublié de le jeter toute de suite, ayant été occupée à d'autres tâches.
Les autres manquements aux règles d'hygiène et de sécurité alimentaire, qui n'ont pas été admis par Mme [D], ne sont pas établis dès lors qu'ils ne sauraient ressortir des seules photographies produites aux débats par l'employeur, prises dans des conditions ignorées et non datées, et ce d'autant plus, qu'il y avait deux cuisinières dans le service.
Il s'ensuit que l'employeur établit certains manquements fautifs de Mme [D] à ses obligations relatives à l'hygiène et à la sécurité alimentaire dans la mesure où il met en évidence qu'elle avait au préalable suivi utilement des formations à ce titre.
D'une seconde part, aucune pièce produite aux débats ne permet d'établir que Mme [D] aurait détourné le matériel et les denrées de la MFR, la plainte déposée le 25 septembre 2019 par la direction ayant fait l'objet d'un classement sans suite par le parquet au motif d'une infraction insuffisamment caractérisée le 30 juin 2020.
D'une troisième part, Mme [D] a admis qu'elle avait pu utiliser à plusieurs reprises la cuisine de l'établissement pour préparer des mets à des fins personnelles en apportant de la nourriture de l'extérieur et qu'à cette fin, son mari l'avait accompagnée le 15 septembre 2019 pour l'aider à porter les plats.
Si l'employeur met en avant les règles relatives à la traçabilité des aliments et l'interdiction faite à toute personne extérieure de pénétrer dans la cuisine, il convient de relever que la note de service du 18 septembre 2019 est postérieure aux faits reprochés et que Mme [D] se prévaut et justifie d'une tolérance antérieure de la direction en ce sens.
En effet, il est versé aux débats l'attestation de M. [E], ancien directeur de la MFR de [Localité 3] de septembre 2006 à décembre 2014, qui a indiqué': «'Sous ma direction le conseil d'administration de la MFR autorisait le personnel et les bénévoles de l'association à louer occasionnellement les locaux de la MFR pour des évènements familiaux en bénéficiant d'une remise de 50 % du tarif en vigueur. De part sa fonction, Mme [D] était autorisée à utiliser la partie restauration de la MFR dans ce contexte de location pour évènement familial, et ce, en dehors des périodes de fonctionnement habituel de la MFR. Cet usage n'a jamais posé de problèmes que ce soit en matière d'hygiène et sécurité que remis en ordre des locaux.'».
S'il ne s'agit pas exactement de l'hypothèse visée par l'employeur dans la lettre de licenciement, il n'en demeure pas moins qu'un usage existait auparavant, aux dires du précédent directeur, et qu'il n'est pas justifié qu'il ait été dénoncé.
Il n'est dès lors pas retenu de faute de ce chef.
D'une quatrième part, aucun élément utile n'est produit par l'employeur s'agissant des écarts de stocks allégués et du non-respect des fiches de protocoles, l'employeur se référant aux réponses imprécises de Mme [D] lors de l'entretien préalable et dans un courriel qu'elle lui a adressé le 25 octobre 2019'; ce qui ne saurait suffire à établir la preuve qui lui incombe d'une faute de sa part à ce titre.
Il n'est, en effet, produit aucun élément comptable sur les stocks et pas davantage s'agissant des protocoles évoqués dans la lettre de licenciement.
En conséquence, seule la partie du grief relatif aux manquements aux règles d'hygiène et lié au fonctionnement d'une cuisine est retenue.
Pour autant, il convient d'observer que Mme [D] avait au jour de son licenciement plus de 10 ans d'ancienneté, qu'elle n'avait jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire ou d'un rappel à l'ordre formel.
Aucune faute grave ne saurait être retenue dans ces circonstances.
Par ailleurs, l'employeur admet lui-même dans ses écritures d'appel que sa collègue avait fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour un manquement à des règles d'hygiène et de sécurité alimentaire (page n°12 des conclusions d'appel, dernier paragraphe), qui n'était manifestement pas un licenciement disciplinaire puisque Mme [S] a repris partie des tâches de Mme [D] après son licenciement.
Il est également versé aux débats un courrier de l'employeur en date du 01 août 2019 aux termes duquel il a indiqué': «'Elle (Mme [D] NDR) s'est toujours investie dans son poste de manière remarquable cependant elle maîtrise maintenant tous les aspects de sa fonction et a besoin désormais d'une évolution vers une nouvelle activité professionnelle ('').'».
Le licenciement disciplinaire apparaît, au vu de l'ensemble de ces éléments, une sanction disciplinaire disproportionnée de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [Z] [D] ne repose pas sur une faute grave, de l'infirmer pour le surplus de ce chef et de le déclarer sans cause réelle et sérieuse.
Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':
Premièrement, dès lors qu'il n'est pas développé de moyen utile critique de ces chefs quant aux quantums retenus par les premiers juges, il convient de confirmer purement et simplement les dispositions du jugement entrepris en ce qu'il a'condamné l'association MFR de [Localité 3] à payer à Mme [Z] [D] les sommes suivantes :
- 4.131,42 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
- 3.305,14 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 330,51 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 1.156,69 euros bruts à titre de salaire sur mise à pied conservatoire,
lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du 26 mai 2020.
Deuxièmement, au jour de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [D] avait plus de 10 ans d'ancienneté et un salaire de l'ordre de 1652 euros bruts.
Elle justifie par un certificat en date du 22 février 2021 du Dr [M], psychiatre, d'un suivi régulier dans les suites de son licenciement de novembre 2019.
Elle s'abstient, en revanche, de fournir le moindre élément sur sa situation ultérieure au regard de l'emploi.
Dans ces conditions, au visa de l'article L 1235-3 du code du travail, il lui est alloué la somme de 9915 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.
Sur les demandes accessoires':
L'équité commande de confirmer l'indemnité de procédure de 1000 euros allouée par les premiers juges à Mme [D] et de lui accorder une indemnité complémentaire de 1500 euros en cause d'appel.
Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.
Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de condamner l'association MFR de [Localité 3], partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS';
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Mme [D] de sa demande au titre de l'obligation de prévention et de sécurité, en ce qu'il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et a débouté Mme [D] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que l'association MFR de [Localité 3] a manqué à son obligation de prévention et de sécurité
DÉCLARE sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par l'association MFR de [Localité 3] par courrier du 30 octobre 2019 à Mme [D]
CONDAMNE l'association MFR de [Localité 3] à payer à Mme [D] les sommes suivantes':
- deux mille cinq cents euros (2500 euros) nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité
- neuf mille neuf cent quinze euros (9915 euros) bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Outre intérêts au taux légal sur ces deux sommes à compter du prononcé de l'arrêt
CONDAMNE l'association MFR de [Localité 3] à payer à Mme [D] une indemnité complémentaire de procédure de 1500 euros
REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la MFR de [Localité 3] aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président