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25/05/2023 | FRANCE | N°21/03038

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 25 mai 2023, 21/03038


C 9



N° RG 21/03038



N° Portalis DBVM-V-B7F-K6SU



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERYr>
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 25 MAI 2023





Appel d'une décision (N° RG 19/00245)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 01 juillet 2021

suivant déclaration d'appel du 07 juillet 2021





APPELANT :



Monsieur [W] [K]

[Adresse 4]

[Localité 2]



représenté par Me ...

C 9

N° RG 21/03038

N° Portalis DBVM-V-B7F-K6SU

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 25 MAI 2023

Appel d'une décision (N° RG 19/00245)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 01 juillet 2021

suivant déclaration d'appel du 07 juillet 2021

APPELANT :

Monsieur [W] [K]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A. ERGALIS FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE

et par Me Olivier LACROIX de la SELARL C.E.F.I.D.E.S., avocat plaidant au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 mars 2023,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 25 mai 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 25 mai 2023.

EXPOSE DU LITIGE':

M. [W] [K] a été embauché le 21 mai 2014 par la société Elitt suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.

A compter du 1er décembre 2014, le contrat de travail de M. [W] [K] a été transféré à la société par actions simplifiée (SAS) Elitt Développement Expansion (EDE).

Dans le dernier état de la relation contractuelle, M. [W] [K] occupait les fonctions de directeur commercial et percevait un salaire mensuel brut fixe de 6'000 euros, assorti d'une part variable versée sous certaines conditions.

M. [W] [K] a été placé en arrêt de travail pour longue maladie à compter du 15 septembre 2016. Il a alors perçu des indemnités journalières de sécurité sociale et des indemnités journalières de prévoyance.

En date du 17 février 2017, la SAS EDE a sollicité de M. [W] [K] la restitution de son véhicule de fonction, équipé de phares xénon. Un autre véhicule de fonction n'étant pas équipé de cet éclairage lui a été remis le 13 mars 2017.

En date du 12 février 2018, M. [W] [K] a conclu une convention tripartite avec la SAS EDE et la société Ergalitt visant à transférer son contrat de travail à cette dernière. Le contrat a finalement été transféré à la SAS Ergalis France'; ce qui est justifié par l'employeur par une erreur de plume.

A compter d'avril 2018, selon les conclusions de M. [W] [K], ce dernier a sollicité à plusieurs reprises le paiement de ses indemnités complémentaires de prévoyance.

Par requête en date du 22 août 2018, M. [W] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble, en sa formation de référé, d'une demande de rappel d'indemnités journalières de prévoyance et de dommages-intérêts.

Par ordonnance en date du 3 octobre 2018, le conseil de prud'hommes de Grenoble, statuant en sa formation de référé, a constaté l'existence d'une contestation sérieuse sur le maintien de salaire, a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé M. [W] [K] à mieux se pourvoir au fond.

Par requête en date du 21 mars 2019, M. [W] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble au fond de demandes au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur et de rappels de salaire.

En date du 2 juillet 2019, lors de sa visite médicale de reprise, M. [W] [K] a été déclaré inapte par le médecin du travail, qui a en outre précisé que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

En date du 11 juillet 2019, la SAS Ergalis France a consulté la délégation du personnel au CSE qui a constaté l'impossibilité de reclassement de M. [W] [K].

Par courrier en date du 15 juillet 2019, M. [W] [K] a été convoqué par la SAS Ergalis France à un entretien préalable au licenciement fixé au 25 juillet 2019.

Par lettre en date du 30 juillet 2019, la SAS Ergalis France a notifié à M. [W] [K] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement en date du 1er juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- dit que la SAS Ergalis France n'a pas exécuté le contrat de travail de façon déloyale,

- débouté M. [W] [K] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la SAS Ergalis France de sa demande reconventionnelle,

- condamné M. [W] [K] aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 03 juillet 2021 pour M. [K] et le 5 juillet 2021 pour la société Ergalis.

Par déclaration en date du 7 juillet 2021, M. [W] [K] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 octobre 2021, M. [W] [K] sollicite de la cour de':

Déclarer M. [W] [K] recevable et bien fondé en son appel ;

Réformer intégralement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 1er juillet 2021 ;

Et statuant à nouveau :

Dire et juger que la SAS Ergalis France a exécuté le contrat de travail avec une particulière déloyauté;

En conséquence :

Condamner la SAS Ergalis France à payer à M. [W] [K] les sommes suivantes :

Part variable de salaire au titre de l'année 2016 ........................ 28 000.00 € bruts

Congés payés afférents ........................................................ 2 800.00 € bruts

Rappel de maintien de salaire au titre de la prévoyance ............ 5 114.35 € nets

Congés payés afférents ........................................................ 511.43 € nets

Rappel de congés payés 2016-2018 au titre des dispositions conventionnelles .......................................... 13 903.09 € bruts

Rappel de salaire au titre de la modification unilatérale de l'avantage en nature ........................................ 4 720.19 € bruts

Congés payés afférents ......................................................... 472.01 € bruts

Dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat et préjudice matériel et moral ..................... 80 000.00 € nets

Assortir ces condamnations des intérêts de droit à compter de l'enrôlement pour les créances à caractère salarial, et à compter de la notification de la décision à intervenir pour les autres.

Condamner encore la SAS Ergalis France à payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 1er décembre 2021, la SAS Ergalis France sollicite de la cour de':

Vu les textes et la jurisprudence visés,

Vu les pièces versées aux débats et visées au bordereau de communication joint aux présentes écritures,

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble (Section Encadrement ' RG n° 19/00245) du 1er juillet 2021,

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 1er juillet 2021 en ce qu'il a débouté M. [W] [K] de l'intégralité de ses demandes.

En conséquence :

A titre principal

Dire, juger et retenir que la SAS Ergalis France n'a commis aucun manquement dans l'exécution du contrat de travail la liant à M. [W] [K]

En conséquence :

Débouter M. [W] [K] de toutes ses demandes.

A titre subsidiaire

Si par extraordinaire, la Cour jugeait que l'employeur avait commis un quelconque manquement à son obligation de loyauté,

La présente juridiction ne pourra que dire, juger et retenir que le salarié ne produit aucune pièce aux débats justifiant d'un quelconque préjudice

Et en conséquence :

Réduire dans de substantielles proportions la somme allouée au titre des dommages et intérêts sollicités pour exécution déloyale du contrat de travail, faute de la preuve du moindre préjudice

En outre :

Débouter M. [W] [K] de sa demande à titre de rappel sur part variable de salaire au titre de l'année 2016, outre congés payés afférents.

Débouter M. [W] [K] de sa demande de rappel de maintien de salaire au titre de la prévoyance, outre congés payés afférents.

Débouter M. [W] [K] de sa demande de rappel de congés payés 2016-2018 au titre des dispositions conventionnelles.

Débouter M. [W] [K] de sa demande de rappel de salaire au titre de la prétendue modification unilatérale de l'avantage en nature, outre congés payés afférents.

Débouter M. [W] [K] sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Reconventionnellement :

Condamner M. [W] [K] à payer à la SAS Ergalis France la somme de 3 500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner M. [W] [K] aux entiers frais et dépens d'instance, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 février 2023.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 22 mars 2023.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur la créance salariale au titre de la modification unilatérale de l'avantage en nature':

Le véhicule de fonction constitue un avantage en nature.

L'employeur ne peut, sous couvert de changement du véhicule, attribuer au salarié un véhicule d'une catégorie inférieure sans son accord exprès, dès lors que ceci s'analyse en une modification unilatérale du contrat de travail touchant à un des éléments de la rémunération du salarié. (voir par ex': cass. Soc. 23 novembre 2011, pourvoi n° 09-73.029).

En l'espèce, le contrat de travail du salarié stipule expressément que son employeur met à sa disposition un véhicule de fonction.

L'employeur a demandé à M. [K] de lui restituer le véhicule Ford Kuga jusqu'alors mis à disposition depuis le 20 septembre 2016'; le salarié s'étant exécuté le 17 février 2017.

La société Ergalis n'a remis à la disposition de M. Ergalis un autre véhicule Renault Clio que le 13 mars 2017.

Outre que la clause du contrat de travail selon laquelle cette attribution d'un véhicule de fonction ne saurait être considérée comme définitive, l'employeur se réservant la possibilité d'y mettre fin à tout moment, est susceptible d'être privée d'effet dans la mesure où il lui est substitué la perception d'une indemnité kilométrique calculée conformément au barème en vigueur de l'entreprise'; ce qui revient en définitive à laisser à l'employeur la possibilité de modifier unilatéralement un élément de rémunération du salarié à ses seules conditions, il ne s'agit en tout état de cause pas de la situation d'espèce puisqu'il a été procédé à un remplacement du véhicule.

Or, force est de constater, au vu des bulletins de salaire, que le véhicule nouvellement mis à disposition est manifestement d'une catégorie nettement inférieure puisque la valorisation de l'avantage en nature est passé de 344,75 euros bruts à 141,86 euros bruts, l'employeur ne justifiant au demeurant aucunement du besoin impérieux qu'il aurait eu à récupérer le véhicule Ford Kuga, prétendant sans fournir le moindre élément à ce titre qu'il se serait agi de la seule voiture équipée d'une boite automatique nécessitée par un autre salarié à la suite de préconisations du médecin du travail.

Le fait que la clause contractuelle ne mentionne pas une catégorie spécifique de véhicule est sans portée dans la mesure où l'employeur ne saurait sous couvert de remplacement d'un véhicule de fonction réduire l'avantage en nature du salarié par l'affectation d'un véhicule de catégorie nettement inférieure, qui plus est kilométré (136597 km)'; M. [K] justifiant par la production de divers devis et échanges avec son employeur de la nécessité d'un entretien et de changements de pièces fréquents.

M. [K] verse également aux débats un courriel qu'il a adressé le 17 mars 2017 à Mme [M], responsable administratif dans la société, pour l'informer de l'envoi d'un certificat médical par courrier.

Ledit certificat médical est produit aux débats. Il émane d'un ophtalmologue, le Dr [X], et est daté du 10 mars 2017. Il y est indiqué que «'l'état de santé oculaire de M. [K] [W] (30.11.1959) lui rend difficile la vision nocturne. Pour la conduite nocturne il faut un éclairage au xénon qui lui améliore bien la vision nocture.'».

L'employeur développe un moyen inopérant tenant au fait que cette recommandation n'émane pas du médecin du travail alors qu'il lui appartenait, dans le cadre de son obligation de prévention et de sécurité, de solliciter ce dernier à ce titre.

Il soutient également, de manière non fondée, que ce certificat est postérieur à la remise du véhicule Renault Clio alors même qu'il a été vu que les circonstances de changement du véhicule à l'initiative de l'employeur sont exclusives de toute bonne foi.

Il est parfaitement indifférent que l'avantage en nature constitué par le véhicule soit déduit du salaire net dans la mesure où la remise par l'employeur d'un véhicule de gamme inférieure au salarié n'a absolument pas été neutre pour lui puisqu'il a perdu pour partie le bénéfice de son avantage et qu'il peut, en conséquence, solliciter la valorisation du différentiel sous forme de rappel de salaire.

Un manquement de l'employeur à son obligation essentielle tenant au paiement de la rémunération convenue dans tous ses éléments est dès lors caractérisé.

La société Ergalis s'est engagée, par une convention tripartite de transfert conventionnel et par un courrier du 23 février 2018 informant le salarié d'une erreur purement matérielle quant à la dénomination du nouvel employeur à reprendre le contrat de travail de M. [K], ce dernier développant certes des moyens quant au fait que l'erreur matérielle n'est pas établie et qu'il ne lui a pas été apporté de réponse à sa demande d'explications sur cette substitution d'employeur, mais n'en tirant manifestement pas les conséquences utiles puisque dirigeant bien ses demandes directement et uniquement à l'encontre de la société Ergalis.

Cette convention tripartite prévoit que «'dès la prise d'effet de la présente convention, la société Ergalitt (en réalité Ergalis NDR) sera tenue à l'égard de M. [W] [K] de l'ensemble des obligations en matière de rémunération, congés payés solde de jours RTT etc'et plus généralement de toutes obligations qui incombaient à la société Elitt Developpement Expansion ' EDE à la date du transfert.'».

Cette clause s'analyse comme un transfert de la société EDE à la société Ergalis des obligations salariales de la première à l'égard de la seconde, une réserve n'étant ensuite prévue que pour les créances de dommages et intérêts.

En outre, l'intimée ne se prévaut pas de la clause prévoyant que M. [W] [K] confirme avoir été remplie de ses droits par la société EDE au jour de la signature de la convention et à compter de sa date d'effet, étant observé au demeurant qu'une telle clause ne peut s'analyser comme une renonciation évidente et certaine à un droit et encore moins comme une transaction en l'absence de toute contrepartie.

En conséquence, il convient de condamner la société Ergalis à payer à M. [W] [K] la somme de 4720,19 euros bruts à titre de rappel de salaire sur l'avantage en nature, outre 472,01 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur la rémunération variable au titre de l'année 2016':

Au visa de l'article 1353 du même code, l'employeur supporte la charge de la preuve d'une part qu'il a communiqué au salarié les objectifs conditionnant sa rémunération variable au début de la période concernée et d'autre part, que lesdits objectifs étaient réalisables.

Il appartient à l'employeur de fournir les éléments qu'il détient permettant de calculer la rémunération variable du salarié.

En l'espèce, quoique tant le contrat de travail que l'annexe 1 prévoient qu'un nouvel avenant sera régularisé entre les parties pour la définition des objectifs de la part variable en 2015, les deux parties sont en accord sur le fait de tenir compte des données chiffrées convenues à la signature du contrat de travail.

M. [K] soutient que doivent être pris en compte pour le calcul de sa rémunération variable non seulement les objectifs de chiffre d'affaires de la société Elitt mais encore ceux des sociétés Elitt Normandie et Elitt TP.

L'employeur indique, quant à lui, que seul le chiffre d'affaires de la société Elitt doit être pris en considération.

Or, il résulte de la pièce n°22 de l'employeur que les sociétés Elitt TP et Elitt Normandie n'existaient manifestement pas en 2014 et qu'elles ont été créées à partir de 2015, étant observé que le courrier du 19 décembre 2017 qu'a adressé la société Elitt à M. [K] fait état de la cession des participations dans les sociétés de travail temporaire Elitt, Elitt TP et Elitt Normandie notamment et qu'il est ensuite précisé'que «'le personnel employé au sein de notre société qui rendait des services à nos filiales devrait poursuivre son activité au (')'»'; ce qui corrobore le fait que ces trois dernières sociétés sont des démembrements pour des raisons fiscales, comme l'indique M. [K], de la société Elitt, qui seule existait au jour de la régularisation de l'annexe à son contrat de travail.

En tout état de cause, l'employeur qui doit fournir les éléments utiles au calcul de la rémunération variable ne verse aucune pièce aux débats qui viendrait établir le contraire.

Dès lors que les parties s'entendent pour reprendre les objectifs comptables figurant en annexe du contrat de travail, le périmètre ne saurait être modifié unilatéralement par l'employeur.

Le chiffre d'affaires 2016 retenu est donc le cumul de ceux des sociétés Elitt, Elitt Normandie et Elit TP, soit 23826321 euros, duquel il y a lieu de déduire le chiffre d'affaires des agences de [Localité 6], [Localité 5] et [Localité 7], soit 17221313 euros, à mettre en parallèle avec le chiffre d'affaires de 2015 de 22959047 euros et après déduction des chiffres des trois agences visées à l'annexe, de15620814 euros.

La différence de chiffre d'affaires est de 1600499 euros entre les deux exercices.

La progression de chiffre d'affaires étant inférieure aux trois millions visés à l'annexe pour une rémunération variable de 14000 euros et a fortiori aux six millions pour une part variable de 28000 euros, il s'en déduit que M. [K] ne remplissait pas les conditions pour obtenir le paiement d'une rémunération variable en 2016.

Le jugement entrepris l'ayant débouté de cette demande est confirmé par substitution de motifs.

Sur le rappel de maintien de salaire au titre de la prévoyance':

L'article 15 en vigueur étendu de l'accord national du 23 janvier 1986 relatif aux salariés permanents des entreprises de travail temporaire dispose que':

Tout régime de prévoyance, complémentaire de celui de la sécurité sociale (caisse maladie) dont bénéficierait le personnel relevant du présent accord est constitué :

a) Par l'adhésion de l'entreprise à une institution ou un organisme gérant le régime minimal obligatoire de prévoyance institué au profit des cadres par la convention collective nationale du 14 mars 1947 (cotisation minimale 1,50 % sur salaire limité au plafond sécurité sociale) ;

b) Par extension éventuelle du régime visé au paragraphe a, l'extension pouvant viser l'assiette des cotisations, le niveau ou le type de garanties (décès, invalidité, rente, éducation, etc.) et/ou d'autres catégories de personnel ;

c) Par adhésion éventuelle de l'entreprise à une institution ou à un organisme pour d'autres garanties ou catégories de personnel.

La mise en 'uvre éventuelle de régimes de prévoyance donnera lieu à information et consultation préalables du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel.

L'article L 1224-1 du code du travail prévoit que':

Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

L'article L 1224-2 du même code énonce que':

Le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants:

1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;

2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci.

Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux.

L'applicabilité de ces dispositions est conditionnée au transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité.

La convention par laquelle un salarié quitte le poste qu'il occupait dans une entreprise pour entrer au service d'une autre entreprise appartenant au même groupe, organisant ainsi la poursuite du contrat de travail, hors application de l'article L. 1224-1 du code du travail, n'emporte pas la transmission au nouvel employeur de l'ensemble des obligations qui incombaient à l'ancien employeur, sauf stipulations expresses en ce sens.

En application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, de l'article R. 242-1 du même code, de l'article 80 quinquies du code de général des impôts et de l'article 81 8°) du même code, les indemnités complémentaires versées par l'employeur et destinées à maintenir totalement ou partiellement le salaire sont intégralement soumises à charges sociales. Toutefois, si elles sont versées par un régime de prévoyance cofinancé par le salarié, elles échappent partiellement à cotisations. Autrement dit, seule la part des indemnités complémentaires correspondant au financement de l'employeur est assujettie à charges sociales.

En l'espèce, M. [K] revendique l'application de l'article L 1224-2 du code du travail.

Toutefois, il n'allègue pas même que son contrat de travail a fait l'objet d'un transfert dans le cadre de la cession d'une entité économique autonome.

Les éléments produits permettent au contraire de considérer que tel n'a pas été le cas.

En effet, il est versé aux débats une convention tripartite de transfert conventionnel du contrat de travail de M. [K] de la société EDE à la société Ergalitt, en réalité Ergalis en date du 12 février 2018.

Il n'est aucunement fait application volontaire des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail.

Par ailleurs, cette convention fait suite à un courrier de la société EDE à M. [K] en date du 19 décembre 2017 de proposition de changement d'employeur.

M. [K] se voit laisser le choix de rester au service de la société EDE ou au contraire, en cas d'accord de sa part, de voir son contrat transféré par changement d'employeur.

Il s'ensuit qu'il y a lieu de considérer que les dispositions de l'article L 1224-2 du code du travail ne sont pas applicables au présent litige.

Les parties s'accordent sur le fait que la société EDE appliquait un taux de cotisations sur les indemnités complémentaires versées dans le cadre de la prévoyance pour maladie à hauteur de 50 % alors que la société Ergalis a appliqué un taux de charge de 75 %.

La société Ergalis se prévaut à la fois des conditions particulières de son régime de prévoyance souscrit auprès de la compagnie Générali et d'une erreur commise par la société EDE.

Le premier moyen est inopérant dès lors que les indemnités complémentaires ont continué à être versées par la compagnie Ciprès gestion postérieurement au transfert conventionnel du contrat de travail eu égard au fait que le sinistre était antérieur audit transfert.

Le second moyen l'est également.

En effet, la convention de transfert a expressément prévu':

«'dans le cadre de ce transfert, il est convenu que l'ensemble des dispositions du contrat de travail conclu entre la société Elitt Développement Expansion ' EDE et M. [W] [K] ainsi que les avantages subséquents qui y sont attachés, sont maintenues dans le cadre de sa relation de travail transférée au bénéfice de la société Ergalitt (en réalité Ergalis NDR). (') Dès la prise d'effet de la présente convention, la société Ergalitt (Ergalis NDR) sera tenue à l'égard de M. [W] [K] de l'ensemble des obligations en matière de rémunération, congés payés solde de jours RTT'etc'et plus généralement de toutes obligations qui incombaient à la société Elitt Developpement Expansion ' EDE à la date du transfert.'».

Il s'en déduit que la société Ergalis devait assurer à M. [K] les mêmes avantages que son précédent employeur, notamment en matière de prévoyance.

La société Ergalis se prévaut d'une erreur s'agissant du taux de cotisations appliqué sur les indemnités complémentaires de prévoyance servies à M. [K] mais ne produit aucun élément à ce titre de nature à démontrer celle-ci.

L'employeur ne produit pas le contrat de prévoyance souscrit par la société EDE et en particulier ses conditions particulières de sorte que la cour d'appel est laissée dans l'ignorance de la part contributive de l'employeur et du salarié.

Il vise un bulletin de paie de novembre 2017 dont il ressort un taux de cotisation de 0,5 % pour le salarié et de 1,5 % pour l'employeur mais il ne peut qu'être observé que cela ne concerne que la partie TA alors que pour la partie TB, le taux de cotisation du salarié est de 1,550 et le taux de cotisation patronale est de 1,5660.

Il s'ensuit que l'employeur ne rapporte pas la preuve suffisante qui lui incombe qu'il devait soumettre les indemnités complémentaires à un taux de cotisations de 75,5 %.

M. [K] verse aux débats en pièce n°27 un décompte mettant en évidence un reste à percevoir de 5114,35 euros nets au titre des indemnités de prévoyance.

La société Ergalis développe un moyen selon lequel cette demande de rappel est disproportionnée et ne correspond en rien aux bulletins de paie versés aux débats.

Pour autant, elle ne propose aucun calcul alternatif, le moyen tiré de la disproportion étant inopérant puisqu'il s'agit de déterminer si le calcul est ou non exact.

Il est également observé que M. [K] établit au vu d'échanges de courriels avec l'organisme de prévoyance que ce dernier a versé à la société Ergalis la somme de 4962,81 euros pour la période d'incapacité du 26 juillet au 31 août 2018 qui ne ressort par des bulletins de paie rectifiés produits aux débats par celle-ci. Le solde de tout compte n'en fait pas davantage mention.

Dans ces conditions, au vu du décompte précis produit par l'appelant en pièce n°27, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société Ergalis à payer à M. [K] la somme de 5114,35 euros nets à titre de reliquat d'indemnités complémentaires de prévoyance.

Il n'est, en revanche, pas fait droit à la demande au titre des congés payés afférents dès lors les stipulations conventionnelles ont limité à 60 jours, ainsi qu'il est vu ensuite, la période d'arrêt maladie assimilée à du temps de travail effectif ouvrant droit à congés payés.

Sur les rappels d'indemnité compensatrice de congés payés non pris':

L'article 11.2. Périodes assimilées à du travail effectif de l'accord national du 23 janvier 1986 relatif aux salariés permanents des entreprises de travail temporaire stipule que':

Sont considérés, en tout état de cause, comme temps de travail effectif pour le calcul de la durée du congé :

(')

- l'absence pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle dans la limite d'une durée ininterrompue de 1 an ;

- la période d'indemnisation pour cause de maladie telle qu'elle est prévue à l'article 13 du présent accord ;

(')

L'article 13.1. Indemnisation des absences pour maladie ou accident du même accord énonce que :

A. - Bénéficiaires et conditions d'ouverture des droits. - Après une ancienneté de 1 an au jour de l'arrêt médical, en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident, et de 6 mois en cas d'accident du travail et de maladie professionnelle, dûment constatée par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, l'intéressé bénéficiera des dispositions ci-dessous définies.

Pour ce faire, il devra avoir justifié, dans les 48 heures de cette incapacité, d'être pris en charge par la sécurité sociale et d'être soigné sur le territoire national ou dans l'un des autres pays de la Communauté économique européenne. Ces 2 dernières conditions ne seront pas requises en cas de déplacement de service dans un pays extérieur à la Communauté économique européenne.

B. - Durée d'indemnisation. - Pendant 30 jours (1), le salarié reçoit la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait continué à travailler.

Pendant les 30 jours suivants, il reçoit les 3/4 de sa rémunération brute, déduction faite des cotisations sociales s'y rapportant.

Le 1er temps d'indemnisation est augmenté de 15 jours par période entière de 5 ans d'ancienneté ; le 2e temps d'indemnisation est augmenté de 10 jours par période de même durée, sans que chacun de ces temps ne puisse excéder 90 jours.

Si plusieurs congés de maladie donnant lieu à indemnisation, au titre du présent article, sont accordés au cours d'une année civile, la durée d'indemnisation ne peut excéder au total celle des périodes ci-dessus fixées.

Pour une période continue d'absence pour une même maladie portant sur 2 années civiles distinctes, le salarié ne peut s'ouvrir une nouvelle période d'indemnisation.

(')

M. [K], qui avait moins de 5 ans d'ancienneté lors du début de son arrêt maladie, n'a pu acquérir, au titre des stipulations conventionnelles, de congés payés pendant son arrêt maladie que pendant une période de 60 jours considérée comme du temps de travail effectif.

Il se prévaut à tort de l'avis interprétatif du 10 avril 1996 qui ne porte pas sur ce point.

Il résulte du bulletin de paie de septembre 2016 que M. [K] avait alors acquis 17 jours de congés payés, étant observé qu'il a été en arrêt maladie continue à compter du 15 septembre 2016 et que l'employeur lui a fait acquérir 2,5 jours pour ce mois nonobstant l'arrêt maladie la moitié du mois.

Son compteur a atteint 33 jours au jour de la rupture du contrat de travail alors qu'il aurait dû cumuler 20,75 jours de congés payés en vertu des stipulations conventionnelles (15,75 de reliquat + 5 au titre des 60 jours d'arrêts maladie assimilés à du temps de travail effectif).

M. [K] a été réglé d'une indemnité compensatrice de congés payés non pris de 9413 euros en juillet 2019.

Il a dès lors été rempli de ses droits au titre des congés payés non pris, de sorte qu'il convient, par confirmation du jugement entrepris, de le débouter de sa demande à ce titre.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail':

L'article L 1222-1 du code du travail énonce que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

M. [K] établit que la société Ergalis a exécuté de manière fautive et déloyale son contrat de travail s'agissant du reversement des indemnités complémentaires de prévoyance.

M. [K] a également subi une modification unilatérale de son avantage en nature dans un sens défavorable.

L'ensemble de ces manquements a causé à M. [K] un préjudice à la fois financier et moral.

M. [K] n'est toutefois pas fondé, eu égard aux termes de la convention tripartite de transfert conventionnel, à solliciter une indemnisation pour les fautes commises par la société EDE, sa demande n'étant recevable et fondée qu'au titre des manquements de la société Ergalis.

La convention tripartite stipule en effet qu'«'en aucun cas, la société Ergalitt (Ergalis NDR) ne sera redevable des créances de dommages et intérêts sanctionnant une faute de la société Elitt Développement Expansion 'EDE. (')'», étant rappelé qu'il est jugé par ailleurs que les dispositions de l'article L 1224-2 du code du travail sont inapplicables au litige.

M. [K] ne saurait davantage obtenir sous couvert de l'indemnisation de manquements de son employeur à l'exécution de bonne foi de son contrat de travail, celle résultant de la perte de son emploi dans la mesure où la juridiction n'est pas saisie d'une contestation portant sur la rupture du contrat de travail.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société Ergalis à payer à M. [K] la somme de 5000 euros nets à titre de dommages et intérêts et de débouter ce dernier du surplus de sa demande de ce chef.

Sur les demandes accessoires':

L'équité commande de condamner la société Ergalis à payer à M. [K] une indemnité de procédure de 2500 euros.

Le surplus des prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société Ergalis, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS';

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande au titre de la rémunération variable pour l'année 2016, de sa demande d'indemnité de congés payés non pris ainsi que s'agissant des congés payés afférents

Statuant à nouveau à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société Ergalis à payer à M. [K] les sommes suivantes':

- quatre mille sept cent vingt euros et dix-neuf centimes (4720,19 euros) bruts à titre de rappel de salaire au titre de l'avantage en nature

- quatre cent soixante-douze euros et un centime (472,01 euros) bruts au titre des congés payés afférents

- cinq mille cent quatorze euros et trente-cinq centimes (5114,35 euros) nets à titre de rappel d'indemnités complémentaires de prévoyance

Outre intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 22 mars 2019

- cinq mille euros (5000 euros) nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Outre intérêts au taux légal sur cette somme à compter du prononcé du présent arrêt

DÉBOUTE M. [K] du surplus de ses demandes au principal

CONDAMNE la société Ergalis à payer à M. [K] une indemnité de procédure de 2500 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Ergalis aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/03038
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.03038 ?
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