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25/05/2023 | FRANCE | N°21/03036

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 25 mai 2023, 21/03036


C 9



N° RG 21/03036



N° Portalis DBVM-V-B7F-K6SR



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERYr>
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 25 MAI 2023





Appel d'une décision (N° RG 19/00124)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 15 juin 2021

suivant déclaration d'appel du 07 juillet 2021





APPELANTE :



Madame [H] [F]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Wil...

C 9

N° RG 21/03036

N° Portalis DBVM-V-B7F-K6SR

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 25 MAI 2023

Appel d'une décision (N° RG 19/00124)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 15 juin 2021

suivant déclaration d'appel du 07 juillet 2021

APPELANTE :

Madame [H] [F]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2021/009946 du 28/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIMEE :

S.A.S. [5] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

Siret : 3396090063 - APE 8130 Z

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Mathieu INFANTE de l'AARPI ACTIO AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 mars 2023,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 25 mai 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 25 mai 2023.

EXPOSE DU LITIGE':

Mme [H] [F] a été embauchée le 19 février 2007 par la société [6] devenue la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) [5], suivant contrat de travail à durée déterminée à temps plein, en qualité d'ouvrière paysagiste.

Le contrat de travail a été renouvelé le 1er juillet 2007, puis Mme [H] [F] a été engagée suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein annualisé à compter du 19 octobre 2007.

Le contrat est soumis à la convention collective nationale des entreprises du paysage.

Mme [H] [F] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie du 17 août 2011 au 9 novembre 2012.

A la suite de cet arrêt de travail, lors d'une visite du 09 novembre 2012, le médecin du travail a préconisé une reprise d'activité dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique': «'alternativement deux et trois jours consécutifs par semaine (lundi-mardi et lundi mardi jeudi) et protection cutanée main + bras gauche EPI.'».

Après un nouvel arrêt de travail, Mme [H] [F] a bénéficié d'une visite auprès du médecin du travail en date du 6 mai 2014, au terme de laquelle ce dernier a préconisé un temps partiel thérapeutique à hauteur de 60% (par exemple lundi mardi jeudi) pour une durée de 4 mois.

Lors d'une visite de reprise du 03 septembre 2014, le médecin du travail a rendu l'avis suivant': temps partiel organisé sur 3 jours/semaine.

En date du 9 novembre 2016, Mme [H] [F] a bénéficié d'une visite auprès du médecin du travail à sa demande. Ce dernier l'a déclarée apte et a préconisé un cadre de travail à temps partiel à hauteur de 70%.

Par courrier remis en main propre en date du 6 février 2017 contresigné par Mme [H] [F], la SASU [5] a indiqué à Mme [H] [F] avoir pris connaissance de cette nouvelle modalité et mettre en place le temps partiel à compter du 01er février 2017 selon les modalités suivantes':

«'-activité les lundis, mardi, jeudis

-et les vendredis en semaine paire

Cet aménagement a été conçu en adéquation avec le planning d'annualisation déjà existant pour le secteur Entretien.'».

Les parties ont régularisé un avenant au contrat de travail le 9 octobre 2017, à effet du 1er novembre 2017, prévoyant que le volume hebdomadaire de travail est à 70 %, que l'horaire de travail est désormais annualisé sur une base hebdomadaire moyenne de 24,50 heures, soit une mensualisation de 106,17 heures.

En date du 6 novembre 2017, le médecin du travail a confirmé le maintien de Mme [H] [F] dans un temps partiel à 70%.

Par courrier en date du 29 novembre 2017, Mme [H] [F] a sollicité de la SASU [5] des explications sur l'annualisation de son temps de travail lors de son passage à temps partiel, sur son compte RTT et le paiement de ses heures de travail.

La SAS [5] a répondu par courrier du 22 décembre 2017, expliquant une erreur dans le paiement du salaire depuis l'avenant du 9 octobre 2017.

Par requête en date du 6 février 2019, Mme [H] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins de contester l'annualisation de son temps de travail, d'obtenir des dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait d'une discrimination fondée sur son état de santé et le paiement de diverses sommes relatives à l'exécution du contrat de travail.

La SASU [5] s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 15 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- débouté Mme [H] [F] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la SASU [5] de sa demande reconventionnelle,

- condamné Mme [H] [F] aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 17 juin 2021 pour Mme [F] et le 23 juin 2021 pour la société [5].

Par déclaration en date du 7 juillet 2021, Mme [H] [F] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2021, Mme [H] [F] sollicite de la cour de':

- Vu les articles L. 1222-1, L. 1132-1, L. 1134-1, L. 4121-6, L. 4624-6 du code du travail ;

- Vu la convention collective nationale des entreprises du paysage du 10 octobre 2008 étendue par arrêté du 16 mars 2009 JORF 25 mars 2009 ;

- Vu les jurisprudences constante de la Cour de cassation citées ;

- Vu les pièces versées aux débats ;

- Déclarer Mme [H] [F] recevable et bien fondée en son appel, fins et conclusions ;

- Dire et juger que la SASU [5] ne pouvait conclure un avenant d'annualisation du temps de travail avec Mme [H] [F] sans violer les termes de la convention collective étendue applicable à l'entreprise ;

- Dire et juger les termes relatifs à l'annualisation du temps partiel de travail de l'avenant inopposable à Mme [H] [F];

- Condamner la SASU [5] à lui payer la somme de 15 272.07 euros au titre des heures complémentaires dues, outre 1 527.20 euros de congés payés afférents pour la période de février 2016 à octobre 2017, et dire et juger qu'en tant que de besoin cette régularisation devra s'étendre aux sommes dues au titre des heures complémentaires majorées pour la période postérieure au 6 février 2019 ;

- Condamner la SASU [5] à lui payer la somme de 475.29 euros au titre des jours chômés en raison d'intempérie en dehors de la période prévue par la convention collective, outre 47.52 euros de congés payés afférents pour la période du 9 novembre 2016 au 6 février 2019, et qu'en tant que de besoin cette régularisation devra s'étendre aux sommes dues au titre des heures d'intempéries décomptés comme RTT pour la période postérieure au 6 février 2019 ;

- Condamner la SASU [5] à lui payer la somme de 283.83 euros au titre des jours de formation imposés par l'employeur, outre 28.38 euros de congés payés afférents pour la période du 9 novembre 2016 au 6 février 2019, et dire et juger qu'en tant que de besoin cette régularisation devra s'étendre aux sommes dues au titre des heures de formation non pris en compte au titre des RTT pour la période postérieure au 6 février 2019 ;

- Condamner la SASU [5] à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de la discrimination fondée sur l'état de santé de Mme [H] [F] ;

- Condamner encore la même au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de la présente instance.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 décembre 2021, la SASU [5] sollicite de la cour de':

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement conseil de prud'hommes de Grenoble du 21 juin 2021 ;

- Débouter Mme [H] [F] de ses demandes de rappels de salaire ;

- Débouter Mme [H] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination ;

- Rejeter l'ensemble des demandes fins et conclusions de Mme [H] [F];

- Condamner Mme [H] [F] à verser à la SASU [5] la somme de 3.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 février 2023.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 29 mars 2023.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur les demandes de rappel de salaire':

Premièrement, l'article L 4624-1 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 prévoit que :

Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. Il peut proposer à l'employeur l'appui de l'équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien dans l'emploi.

L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.

En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Il en informe l'autre partie. L'inspecteur du travail prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail.

L'article L4624-3 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 01 janvier 2017 dispose que:

Le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l'employeur, des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur.

L'article L4624-5 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 01 janvier 2017 énonce que:

Pour l'application des articles L. 4624-3 et L. 4624-4, le médecin du travail reçoit le salarié, afin d'échanger sur l'avis et les indications ou les propositions qu'il pourrait adresser à l'employeur.

Le médecin du travail peut proposer à l'employeur l'appui de l'équipe pluridisciplinaire ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien en emploi pour mettre en 'uvre son avis et ses indications ou ses propositions.

L'article L4624-6 du code du travail énonce que :

L'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4. En cas de refus, l'employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.

L'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

L'employeur doit assurer l'effectivité des propositions de mesures individuelles préconisées par le médecin du travail.

Deuxièmement, la modification du contrat de travail suppose l'accord exprès du salarié.

Le silence du salarié ou la poursuite sans protestation de celui-ci aux nouvelles conditions ne vaut pas accord du salarié.

Troisièmement, la visite de reprise à l'issue de laquelle le salarié a été déclaré apte à reprendre le travail avec aménagement à temps partiel thérapeutique met fin à la période de suspension du contrat de travail provoquée par la maladie ou l'accident.

Le salarié dont l'employeur a accepté le principe d'une reprise de son travail en temps partiel thérapeutique peut prétendre de la part de celui-ci au paiement du salaire dû en contrepartie de l'activité à temps partiel exercée dans ce cadre. (cass.soc.8 février 2023, pourvoi n°21-16433).

Quatrièmement, le versement du salaire convenu est une obligation essentielle découlant du contrat de travail.

Cinquièmement, il appartient à l'employeur de justifier qu'il respecte les stipulations conventionnelles applicables.

L'article L3123-25 du code du travail dans sa version antérieure au 10 août 2016 dispose que':

Une convention ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire ou mensuelle peut varier dans certaines limites sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n'excède pas en moyenne la durée stipulée au contrat de travail.

Cette convention ou cet accord prévoit :

1° Les catégories de salariés concernés ;

2° Les modalités selon lesquelles la durée du travail est décomptée ;

3° La durée minimale de travail hebdomadaire ou mensuelle ;

4° La durée minimale de travail pendant les jours travaillés. Une convention de branche ou un accord professionnel étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures ;

5° Les limites à l'intérieur desquelles la durée du travail peut varier, l'écart entre chacune de ces limites et la durée stipulée au contrat de travail ne pouvant excéder le tiers de cette durée. La durée du travail du salarié ne peut être portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ;

6° Les modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié ;

7° Les conditions et les délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié ;

8° Les modalités et les délais selon lesquels ces horaires peuvent être modifiés, cette modification ne pouvant intervenir moins de sept jours après la date à laquelle le salarié en a été informé. Ce délai peut être ramené à trois jours par convention ou accord collectif de branche étendu ou convention ou accord d'entreprise ou d'établissement.

L'article L3121-44 dans sa version en vigueur depuis le 10 août 2016 énonce que':

En application de l'article L. 3121-41, un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine. Il prévoit :

1° La période de référence, qui ne peut excéder un an ou, si un accord de branche l'autorise, trois ans ;

2° Les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaires de travail ;

3° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et des départs en cours de période de référence.

Lorsque l'accord s'applique aux salariés à temps partiel, il prévoit les modalités de communication et de modification de la répartition de la durée et des horaires de travail.

L'accord peut prévoir une limite annuelle inférieure à 1 607 heures pour le décompte des heures supplémentaires.

Si la période de référence est supérieure à un an, l'accord prévoit une limite hebdomadaire, supérieure à trente-cinq heures, au-delà de laquelle les heures de travail effectuées au cours d'une même semaine constituent en tout état de cause des heures supplémentaires dont la rémunération est payée avec le salaire du mois considéré. Si la période de référence est inférieure ou égale à un an, l'accord peut prévoir cette même limite hebdomadaire. Les heures supplémentaires résultant de l'application du présent alinéa n'entrent pas dans le décompte des heures travaillées opéré à l'issue de la période de référence mentionnée au 1°.

L'accord peut prévoir que la rémunération mensuelle des salariés est indépendante de l'horaire réel et détermine alors les conditions dans lesquelles cette rémunération est calculée, dans le respect de l'avant-dernier alinéa.

En l'espèce, d'une première part, sur la période de février 2016 au 01 février 2017, l'employeur ne justifie de la conclusion d'aucun avenant pour le passage à temps partiel de Mme [F]'; le fait qu'il ait pu s'agir d'une préconisation du médecin du travail et que la visite à la médecine du travail du 09 novembre 2016 ait pu être faite à la demande de la salariée, ne dispensait pas l'employeur de son obligation de recueillir l'accord exprès de la salariée pour la modification de son contrat de travail par la régularisation d'un avenant contractuel.

Mme [F] est dès lors fondée en sa demande de rappel de salaire sur cette période.

D'une seconde part, sur la période de février 2017 à octobre 2017, il est versé aux débats un courrier du 6 février 2017 de l'employeur contresigné par la salariée prévoyant le passage à temps partiel. Il s'ensuit que l'employeur rapporte la preuve qui lui incombe de l'accord de la salariée pour un passage à temps partiel sur cette période dès lors qu'il ne s'agissait pas d'un simple émargement puisque Mme [F] a porté la mention 'lu et approuvé'.

Si les bulletins de paie mentionnent jusqu'à tout le moins en octobre 2017 un horaire de travail de 151,67 heures duquel l'employeur a défalqué de manière erronée des absences maladies au motif allégué mais non fondé que son logiciel ne permettait pas de prendre en compte un horaire à temps partiel, cette circonstance reste sans conséquence sur le principe d'un accord des parties au titre d'un temps partiel.

L'employeur ne justifie toutefois pas de la régularité de ce temps partiel dès lors qu'il a procédé à une annualisation du temps de travail alors que ceci n'est prévu ni par l'article 57 de la convention collective nationale des entreprises du paysage ni par l'accord d'entreprise du 01 juin 2009.

Il s'en déduit une présomption de temps plein que la société [5] n'offre pas même de contredire.

Le courrier contresigné du 06 février 2017 prévoit certes que le temps partiel s'exercera les lundis, mardis et jeudis ainsi que les vendredis en semaine paire.

Toutefois, il ressort de l'analyse de la colonne de droite sur les bulletins de paie que cette répartition du temps de travail n'a pas été respectée par l'employeur. Ainsi, le lundi 7 mars 2017 est indiqué en 'maladie', le mercredi 9 mars travaillé, les lundi 22 mai, mardi 23 mai et jeudi 25 mai sont en 'maladie', le jeudi 13 juillet est en maladie, de même que le lundi 17 juillet.

Mme [F] devait, dès lors, être en permanence à la disposition de son employeur, sans pouvoir prévoir ses horaires de travail.

Il convient, en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, de condamner la société [5] à payer à Mme [F] la somme de 15272,07 euros bruts à titre de rappel de salaire de février 2016 à octobre 2017, outre 1527,20 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur les prétentions de rappels de salaire au titre des jours chômés en raison d'intempéries et des jours de formations décomptés du compte RTT':

L'employeur expliquant lui-même, dans ses écritures, que les jours formation et intempérie mentionnés sur les bulletins de paie de la salariée, en déduction de son salaire, ne correspondaient pas à des évènements climatiques empêchant l'activité et à des formations pendant le temps de travail de la salariée mais à des manipulations du logiciel paie, étant observé au surplus qu'aucun élément produit ne démontre au demeurant la réalité des activités visées, Mme [F] qui s'est vu imposer sur la période litigieuse un temps partiel irrégulier a droit à un rappel de salaire de 475,29 euros bruts au titre des jours chômés intempérie, outre 47,52 euros bruts au titre des congés payés afférents ainsi qu'à la somme de 283,83 euros au titre des journées de formation déduites du temps de travail effectif, outre 28,38 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur les demandes de rappel de salaire, de rappels sur périodes d'intempérie et sur heures de formation postérieures au 06 février 2019':

Si une demande non chiffrée n'est pas, pour ce seul motif, irrecevable, encore faut-il que la partie en demande fournisse au juge les éléments utiles rendant celle-ci déterminable.

Or, s'agissant des créances postérieures au 06 février 2019, Mme [F] se limite à viser, dans ses conclusions, les pièces n°16 et 17, qui sont ses plannings annuels pour les années 2017-2018 et 2018-2019 sans que la juridiction ni, au demeurant, l'intimée ne puissent savoir quels jours auraient été décomptés indûment du salaire de Mme [F], étant observé que des avenants de passage à temps partiel en date des 09 octobre 2017 et 01 janvier 2018 sont versés aux débats et que Mme [F] ne formule en réalité aucune prétention entre le 09 octobre 2017 et le 06 février 2019, date de la saisine du conseil de prud'hommes.

Il y a lieu, en conséquence, de déclarer Mme [F] irrecevable en ses prétentions postérieures au 06 février 2019.

Sur la discrimination prohibée à raison de l'état de santé':

L'article L1132-1 du code du travail prévoit que :

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

L'article L 1134-1 du code du travail énonce que :

Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

L'article L1133-3 du code du travail énonce que':

Les différences de traitement fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l'état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectives, nécessaires et appropriées.

En l'espèce, Mme [F] apporte comme éléments de fait que, jusqu'au 09 octobre 2017, son employeur a matérialisé, sur ses bulletins de paie, un temps partiel irrégulier préconisé par le médecin du travail en déduisant de son salaire des absences pour maladie alors que la salariée n'avait pas transmis d'arrêts de travail.

L'employeur n'apporte pas de justifications étrangères à toute discrimination prohibée dès lors que, d'une première part, il ne fournit aucun élément sur l'impossibilité dans laquelle il se serait trouvé à raison de son logiciel de paie de procéder autrement et ce d'autant moins qu'il a été en mesure de mentionner un horaire à temps partiel ultérieurement et que d'une seconde part, il a imposé à la salariée, nonobstant la signature d'une lettre en ce sens en février 2017, un temps partiel annualisé totalement irrégulier.

Infirmant le jugement entrepris, il convient de dire que Mme [F] a été victime de discrimination prohibée et de lui accorder, en réparation du préjudice subi, la somme de 4000 euros nets à titre de dommages et intérêts, le surplus des prétentions de ce chef étant rejeté.

Sur les demandes accessoires':

L'équité commande de condamner la société [5] à payer à Mme [F] une indemnité de procédure de 2000 euros.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société [5], partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS';

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

DÉCLARE irrecevable Mme [F] en ses prétentions postérieures au 06 février 2019

CONDAMNE la société [5] à payer à Mme [F] les sommes suivantes':

- quinze mille deux cent soixante-douze euros et sept centimes (15272,07 euros) bruts à titre de rappel de salaire de février 2016 à octobre 2017

- mille cinq cent vingt-sept euros et vingt centimes (1527,20 euros) bruts au titre des congés payés afférents

- quatre cent soixante-quinze euros et vingt-neuf centimes (475,29 euros) bruts à titre de rappel sur jours chômés d'intempérie

- quarante-sept euros et cinquante-deux centimes (47,52 euros) bruts au titre des congés payés afférents

- deux cent quatre-vingt-trois euros et quatre-vingt-trois centimes (283,83 euros) bruts à titre de rappel de salaire sur jours de formation

- vingt-huit euros et trente-huit centimes (28,38 euros) bruts au titre des congés payés afférents

RAPPELLE que les intérêts au taux légal sur ces sommes courent à compter du 11 février 2019

- quatre mille euros (4000 euros) nets à titre de dommages et intérêts pour discrimination prohibée à raison de l'état de santé

RAPPELLE que les intérêts au taux légal sur cette somme courent à compter du prononcé du présent arrêt

DÉBOUTE Mme [F] du surplus de ses prétentions au principal

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société [5] à payer à Mme [F] une indemnité de procédure de 2000 euros

CONDAMNE la société [5] aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/03036
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.03036 ?
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