La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2023 | FRANCE | N°21/03374

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 16 mai 2023, 21/03374


C3



N° RG 21/03374



N° Portalis DBVM-V-B7F-K7UJ



N° Minute :







































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







la SELARL ACO

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE S

OCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 16 MAI 2023

Ch.secu-fiva-cdas





Appel d'une décision (N° RG 21/00184)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de VALENCE

en date du 10 juin 2021

suivant déclaration d'appel du 21 juillet 2021





APPELANTE :



SAS [11], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit...

C3

N° RG 21/03374

N° Portalis DBVM-V-B7F-K7UJ

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL ACO

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 16 MAI 2023

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d'une décision (N° RG 21/00184)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de VALENCE

en date du 10 juin 2021

suivant déclaration d'appel du 21 juillet 2021

APPELANTE :

SAS [11], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Jean-Louis BARTHELEMY de la SELAS SELAS MSA VALENCE, avocat au barreau de VALENCE substitué par Me Marie France KHATIBI, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

L'URSSAF RHONE ALPES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 12]

[Localité 3]

représentée par Me Pierre-Luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE substitué par Me Emmanuelle CLEMENT, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 mars 2023

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président, en charge du rapport et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller, ont entendu les représentants des parties en leurs observations, assistés de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 16 mai 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 16 mai 2023.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société [11], créée en 2013 dans le but de développer de nouveaux procédés industriels et technologiques innovant dans le domaine du textile, a fait l'objet d'un contrôle de l'assiette des cotisations de sécurité sociale portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, concernant deux de ses établissements celui de [Localité 9] et [Localité 8], à l'issue duquel lui a été notifiée une lettre d'observations du 15 octobre 2019 relevant les chefs de redressement suivants :

- pour l'établissement de [Localité 9] :

N°1 : exonération Jeunes Entreprises Innovantes (JEI) ; Débit : 12 064 euros ;

N°2 : réduction générale des cotisations - règles générales ; Crédit : - 8 275 euros.

- pour l'établissement de [Localité 8] :

N°1 : CSG/CRDS indemnités liées a la rupture conventionnelle ; Débit: 129 euros ;

N°2: stagiaires - franchise de cotisations applicables aux gratifications ; Débit : 931 euros ;

N°3 : frais professionnels - limites d'exonération : utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques) ; Débit : 167 euros ;

N°4 : frais professionnels - indemnités kilométriques - principes généraux ; Débit : 1 288 euros ;

N°5 : exonération Jeunes Entreprises Innovantes ; Débit : 87 491 euros ;

N°6 : réduction générale des cotisations - règles générales ; Crédit : - 55 190 euros.

Deux mises en demeure du 8 janvier 2020 ont été adressées à la société [11], l'une, concernant l'établissement situé à [Localité 9] pour un montant total de 4 069 euros, majorations de retard comprises et l'autre, concernant l'établissement de [Localité 8], pour un montant total de 38 055 euros.

Les 19 mars 2020 et 6 octobre 2020, la société [11] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Valence de deux recours :

- le premier, en opposition à la contrainte du 9 mars 2020 de 4 069 euros signifiée le 11 mars 2020, à la suite du contrôle diligenté par les services de l'URSSAF Rhône-Alpes pour les périodes 2016 à 2018, concernant l'établissement de [Localité 9],

- le second, à l'encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable saisie le 6 mars 2020 concernant le même contrôle, pour son établissement situé à [Localité 8].

Par jugement du 10 juin 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Valence a :

- ordonné la jonction des recours,

- débouté la SAS [11] de ses demandes,

- confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF Rhône-Alpes du 11 décembre 2020 ayant rejeté le recours de la SAS [11],

- condamné la SAS [11] à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes une somme de 38 055 euros au titre des chefs de redressement selon lettre d'observations du 15 octobre 2019 (établissement à [Localité 8]),

- validé la contrainte délivrée à la SAS [11] par l'URSSAF Rhône-Alpes en date du 9 mars 2020 à hauteur de 4 069 euros au titre des chefs de redressement selon lettre d'observations du 15 octobre 2019 (établissement à [Localité 9]) et condamné, en tant que de besoin, la SAS [11] au paiement de cette somme,

- dit que les frais de signification de la contrainte ainsi que les frais nécessaires à son exécution sont à la charge de la SAS [11] et condamné, en tant que de besoin, la SAS [11] au paiement de ces frais,

- débouté l'URSSAF Rhône-Alpes de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS [11] aux éventuels dépens.

Le 21 juillet 2021, la SAS [11] a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 24 juin.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 2 mars 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 16 mai 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SAS [11] selon ses conclusions d'appel notifiées par RPVA le 15 octobre 2021 reprises à l'audience demande à la cour de :

A titre principal,

- constater l'irrégularité du chef n° 1 de la lettre d'observations pour le compte URSSAF n° 827 218 4872865 (n°Siret [N° SIREN/SIRET 5]) et le chef du 15 octobre 2019 et du chef n° 5 de la lettre d'observations pour le compte URSSAF n° 827 218028523 (n°Siret [N° SIREN/SIRET 4]) du 15 octobre 2019,

- juger qu'elle a respecté les conditions d'exonération du dispositif jeunes entreprises innovantes institué par la loi du 30 décembre 2003,

- annuler la mise en demeure du 8 janvier 2020 et la contrainte du 9 mars 2020 afférentes au compte URSSAF n° 827 218 4872865 (n°Siret [N° SIREN/SIRET 5]) pour la part de cotisations et de contributions sociales relatives au chef de redressement n° 1 et n° 2 de la lettre d'observations du 15 octobre 2019 ainsi que les majorations de retard y afférentes,

- annuler partiellement la mise en demeure du 8 janvier 2020 afférente au compte URSSAF n° 827 218028523 (n°Siret [N° SIREN/SIRET 4]) pour la part de cotisations et de contributions sociales relatives au chef de redressement n° 5 et n° 6 de la lettre d'observations du 15 octobre 2019 ainsi que les majorations de retard y afférentes,

- infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence du 10 juin 2021,

A titre subsidiaire,

- constater que le dispositif d'exonération JEI était applicable pour les salariés suivants : Mme [L]..., Mme [A].... et Mme [Y]....,

- juger qu'elle a respecté les conditions d'exonération du dispositif JEI institué par la loi du 30 décembre 2003 s'agissant des personnes précitées,

- annuler partiellement la mise en demeure du 8 janvier 2020 afférente au compte URSSAF n° 827 218028523 (n°Siret [N° SIREN/SIRET 4]) pour la part de cotisations et de contributions sociales relatives aux chefs de redressement n° 5 et n° 6 de la lettre d'observations du 15 octobre 2019 ainsi que les majorations de retard y afférentes concernant ces trois personnes,

- annuler partiellement la mise en demeure du 8 janvier 2020 et la contrainte du 9 mars 2020 afférentes au compte URSSAF n° 827 218 4872865 (n°Siret [N° SIREN/SIRET 5]) pour la part de cotisations et de contributions sociales relatives aux chefs de redressement n° 1 et n° 2 de la lettre d'observations du 15 octobre 2019 ainsi que les majorations de retard y afférentes concernant Mme [L]...,

- infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence en date du 10 juin 2021 en ce qu'il a exclu du champ d'application du dispositif d'exonération JEI les salariés suivants : Mme [L]..., Mme [A].... et Mme [Y].....,

A titre infiniment subsidiaire,

- confirmer le chef de redressement n° 6 de la lettre d'observation du 15 octobre 2019 afférent au compte URSSAF n° 827 218028523 (n°Siret [N° SIREN/SIRET 4]) et le chef de redressement n° 2 de la lettre d'observations du 15 octobre 2019 pour le compte URSSAF n° 827 218 4872865 (n°Siret [N° SIREN/SIRET 5]) au cas où la cour entend maintenir totalement ou partiellement le chef de redressement n° 5 de ladite lettre,

En tout état de cause,

- condamner l'URSSAF aux entiers dépens et à lui payer une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'exonération Jeune Entreprise Innovante (JEI), elle soutient que les conditions du dispositif « exonération JEI » sont remplies et qu'en conséquence, le chef de redressement afférent doit être annulé en son entier.

Elle fait valoir que son coeur d'activité reposant sur le développement de prototypes et installations pilotes de nouveaux produits tels que définis au 6° du K du II de l'article 244 quater B du Code général des impôts, l'ensemble des salariés sont nécessairement affectés à leur réalisation.

Elle prétend que l'inspecteur du recouvrement a exclu les salariés de manière péremptoire et sans autres justifications à raison de leur seule qualification telle qu'elle est saisie en Déclaration Sociale Nominative et par les bulletins de paie.

Elle reproche également à l'inspecteur du recouvrement de ne pas avoir recherché, et de ne pas lui avoir demandé de justifier de l'activité des salariés dans les conditions prévues par la Lettre-circulaire ACOSS du 20 octobre 2015 et de ne pas s'être déplacé dans les établissements concernés pour apprécier la réalité de l'emploi des travailleurs exclus du dispositif JEI.

Enfin elle soutient que sont couvertes par la lettre-circulaire ACOSS du 20 octobre 2015 les catégories de personnel suivantes.

En ce qui concerne les ouvriers elle estime que malgré leur dénomination « d'ouvrier », ils doivent être considérés comme des « techniciens » au sens de la circulaire du 20 octobre 2015, laquelle vise notamment les salariés qui « ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement ».

En ce qui concerne la chargée de mission relations humaines (Ndr Mme [L].... affectée à [Localité 9] puis [Localité 10]), cette salariée répond selon l'appelante à l'une des catégories visées par la Lettre-circulaire ACOSS du 20 octobre 2015 qui vise notamment les gestionnaires de projet qui « ont en charge l'organisation, la coordination et la planification du projet dans ses aspects administratifs, financiers et technologiques ». Mme [L]..... joue un rôle essentiel puisqu'il lui appartient de trouver et gérer le personnel compétent pouvant être attaché à l'activité de recherche et développement.

S'agissant de la chef d'équipe et l'agent de méthode (Mme [A].... : [Localité 10]), elle fait valoir que d'une part, la qualification d'agent de méthode renvoie à la catégorie des techniciens visés par la circulaire précitée et que d'autre part, la qualification de chef d'équipe correspond à la catégorie de gestionnaire de projet, au sens de la circulaire.

Quant à la modéliste (Mme [Y].... [Localité 10]) elle s'étonne que la salariée précédemment titulaire de ce poste (Mme [N]....) n'ait pas fait l'objet d'une remise en cause de l'exonération JEI.

Elle ajoute qu'un modéliste relève assurément de la catégorie des techniciens visée par la Lettre-circulaire du 20 octobre 2015, lesquels ont notamment pour fonction au sens de celle-ci de prêter « leur concours aux chercheurs pendant le déroulement des essais ou des expériences ou les effectuent sous le contrôle de ceux-ci ».

L'URSSAF Rhône-Alpes selon ses conclusions d'appel parvenues au greffe 11 janvier 2023 reprises à l'audience demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

- débouter la société [11] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

- annuler le crédit d'un montant de 55 190 euros au titre de la réduction générale des cotisations pour l'établissement de [Localité 8], sans préjudice des majorations de retard ;

- condamner la société [7] au paiement de la somme de 2 515 euros au titre des cotisations restant dues concernant les redressements non contestés, sans préjudice des majorations de retard ;

- annuler le crédit d'un montant de 8 275 euros au titre de la réduction générale des cotisations pour l'établissement situé à [Localité 9], sans préjudice des majorations de retard ;

En tout état de cause,

- condamner la société [11] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'URSSAF Rhône-Alpes répond que la société [11] a appliqué le dispositif des jeunes entreprises innovantes (JEI) sur les rémunérations de l'ensemble de ses salariés alors que cette exonération n'est applicable qu'à certaines catégories de salariés soit ceux qui, compte tenu de leurs compétences, du poste qu'ils occupent et des fonctions dont ils sont chargés, participent pleinement au projet de recherche et de développement au moins pour 50 % de leur temps de travail.

Or l'activité et les fonctions de certains salariés ne relevant pas de la recherche et développement, leurs rémunérations ne pouvaient relever de l'exonération JEI.

Elle observe que la société [11] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que ses ouvriers de production ou encore chargée de mission RH avaient pour activité principale pour plus de 50 % de leur temps de travail celle de l'un des emplois éligibles à l'exonération.

Elle objecte que pour certains postes, les contrats de travail en l'absence de fiche de poste ou d'autres éléments sont trop généraux pour rapporter la preuve que le salarié concerné consacrait bien plus de 50 % de son temps à des tâches de R&D et qu'il incombait à la société de rapporter la preuve que l'ensemble de son personnel pouvait prétendre à cette réduction.

Elle relève qu'en phase contradictoire, la société avait accepté que soient exclus du dispositif JEI les salariés recrutés en CDD notamment pour un surcroît d'activité (commande [6]).

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1. Le litige dévolu à la cour ne porte que sur l'application ou non du dispositif jeune entreprise innovante et ses conséquences en termes de réduction générale des cotisations 'Fillon' dans ces deux hypothèses à la société [11] pour ses deux établissements de [Localité 8] et [Localité 9], soit selon les lettres d'observations :

- pour l'établissement de [Localité 9] :

* chef de redressement n°1 : exonération Jeunes Entreprises Innovantes (JEI) ; Débit : 12 064 euros ;

* chef de redressement n°2 : réduction générale des cotisations - règles générales ; Crédit : - 8 275 euros.

- pour l'établissement de [Localité 8] :

* chef de redressement n°5 : exonération Jeunes Entreprises Innovantes ; Débit : 87 491 euros ;

* chef de redressement n°6 : réduction générale des cotisations - règles générales ; Crédit : - 55 190 euros.

2. Ce dispositif a été introduit par l'article 131 de la loi de finance pour 2004 n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 et prévoit une exonération de cotisations sur les gains et rémunérations, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, au bénéfice des jeunes entreprises innovantes réalisant des projets de recherche et de développement, définies à l'article 44 sexies- 0 A du code général des impôts.

Il s'applique aux emplois énumérés au III de cet article que sont les chercheurs, les techniciens, les gestionnaires de projets de recherche et de développement, les juristes chargés de la protection industrielle et des accords de technologie liés au projet et les personnels chargés des tests préconcurrentiels.

Le décret n° 2004-581 du 21 juin 2004 est venu préciser pour l'application du III de l'article 131 de la loi de finance pour l'année 2004 que :

'1° Les chercheurs, cadres dans l'entreprise, sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme d'ingénieur, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise ;

2° Les techniciens sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs mentionnés au 1° pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement et qui, notamment, préparent les substances, les matériaux et les appareils pour la réalisation d'essais et d'expériences, prêtent leur concours aux chercheurs pendant le déroulement des essais et des expériences ou les effectuent sous le contrôle de ceux-ci, ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement ;

3° Les gestionnaires de projet de recherche et de développement, cadres dans l'entreprise, ont en charge l'organisation, la coordination et la planification du projet dans ses aspects administratif, financier et technologique ;

4° Les juristes chargés de la protection industrielle et des accords de technologie liés au projet, cadres dans l'entreprise, ont la charge de l'élaboration, du dépôt, de la gestion et de la défense des titres de propriété industrielle, des accords juridiques de toute nature liés au projet, et notamment aux transferts de technologies ;

5° Les personnels chargés des tests préconcurrentiels conçoivent, réalisent ou font réaliser des tests techniques nécessaires au développement ou à la mise au point du produit ou du procédé'.

Enfin la Société [11] s'appuie sur son interprétation de la lettre circulaire ACOSS n° 20015-0000048 du 20 octobre 2015, rappelant que l'exonération peut s'appliquer aux salariés qui exercent les fonctions suivantes :

Les ingénieurs-chercheurs :

Ces personnes, cadres dans l'entreprise, sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances sur les produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur

entreprise.

Les techniciens :

Les techniciens sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement et qui, notamment :

· préparent les substances, les matériaux et les appareils pour la réalisation d'essais et d'expériences ;

· prêtent leur concours aux chercheurs pendant le déroulement des essais ou des expériences ou les effectuent sous le contrôle de ceux-ci ;

· ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement.

· Les gestionnaires de projet de recherche et de développement :

Les gestionnaires de projet de recherche et de développement, cadres dans l'entreprise, disposant d'un diplôme ou ayant acquis cette qualification au sein de l'entreprise ou d'une entreprise de même nature et dans le même type d'activités, ont

en charge l'organisation, la coordination et la planification du projet dans ses aspects

administratifs, financiers et technologiques.

· Les juristes chargés de la protection industrielle et des accords de technologie liés au projet :

Ces personnes, cadres dans l'entreprise, disposant d'un diplôme de droit ou ayant acquis cette expérience au sein de l'entreprise ou d'une entreprise de même nature, ont la charge de l'élaboration, du dépôt, de la gestion et de la défense des titres de propriété industrielle, des accords juridiques de toute nature liés au projet et notamment aux transferts de technologie.

· Les personnels chargés des tests préconcurrentiels :

Ces personnes conçoivent, réalisent ou font réaliser les tests techniques nécessaires

au développement ou à la mise au point du produit ou du procédé.

· Les salariés affectés directement à la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits tels que définis au 6°du k du II de l'article 244 quater B du CGI.

L'exonération est ouverte par la loi aux salariés qui exercent les fonctions listées ci-avant dans la mesure où l'exercice de ces fonctions conduit à une implication directe dans le projet de recherche et de développement. Ce niveau d'implication n'étant pas explicitement précisé par les textes, il convient d'en retenir une interprétation juste et équitable.

Par simplification, le bénéfice de l'exonération au titre d'un salarié sera considéré comme acquis dès lors que la moitié de son temps de travail au moins est consacrée à un ou des projets de recherche et de développement et l'exonération ne pourra être remise en cause.

En-deçà de ce repère, les employeurs pourront être conduits à justifier de la correcte

application de l'exonération, au regard notamment de la quotité de travail consacrée aux activités de recherche et développement dans leur entreprise ou du lien effectif existant entre les activités effectuées par ailleurs par le salarié (par exemple l'exploitation commerciale du projet de R&D auquel il consacre une part significative de son temps de travail) et celles directement liées à la recherche et au développement.

Il conviendra également de vérifier si l'activité éligible, sans être majoritaire, constitue

l'activité principale du salarié.

Enfin, en cohérence avec la nature de l'exonération (qui porte sur la totalité du salaire) il ressort de la lecture de la loi que les salariés qui se consacrent marginalement à des

activités éligibles ne peuvent être considérés comme ouvrant droit au bénéfice de l'exonération.

Les employeurs sont invités à se rapprocher de leur URSSAF, le cas échéant par le biais d'une demande de rescrit, pour s'assurer que leurs salariés sont bien éligibles.

Il n'est pas contesté que la Société [11] répond à la qualification de jeune entreprise innovante au sens de l'article 44 sexies-O-A du code général des impôts, ni qu'elle réalise des produits tels que définis au 6° du k du II de l'article 244 quater B du code général des impôts.

L'exonération totale de cotisations patronales porte sur les salaires brut inférieurs à 4,5 fois le salaire minimum de croissance avec un maximum global de 5 fois le plafond annuel de la sécurité sociale.

L'appelante a appliqué cette exonération sans distinction à l'ensemble de son personnel et sans solliciter de rescrit préalable.

3. L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale puis l'article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale auquel il renvoie à compter du 1er septembre 2018, posent un principe général de soumission à cotisations de toutes sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail.

L'exception à ce principe général d'assujettissement à cotisations et contributions sociales des gains et salaires ne peut que s'interpréter que de façon restrictive, notamment quant à l'énumération des emplois à qui elle profite qui ne peut être considérée que comme limitative et non susceptible d'interprétation extensive.

C'est aussi à la société contrôlée revendiquant l'exception à un principe qu'il incombe de rapporter la preuve qu'elle est en droit de bénéficier de ce dispositif d'exonération, mais non à l'inspecteur du recouvrement de réclamer et d'établir la liste des documents que l'entreprise devrait présenter pour pouvoir y prétendre, encore moins de la mettre en demeure de le faire, ou bien de rester dans les ateliers pour vérifier si tous les salariés sont occupés à des tâches de recherche et développement et dans quelle proportion de leur temps de travail.

Aucune irrégularité des lettres d'observation ne peut donc être tirée de ces carences alléguées par la Société [11] au soutien de cette demande.

4. La cour n'est tenue de répondre qu'aux moyens invoqués soit l'énonciation par une partie d'un fait, d'un acte dont la preuve est offerte ou d'une règle de droit et dont un raisonnement juridique utile à la solution du litige est tiré au soutien d'une prétention ou d'une défense.

En pages 7 à 8 de ses conclusions, la Société [11] a développé des considérations théoriques sur les obligations générales d'information de l'Urssaf et particulières en cas de contrôle, mais sans pour autant articuler aucun autre grief précis concernant le cas d'espèce que les carences précitées au paragraphe précédent, de sorte que la cour n'est saisie d'aucun autre moyen qui pourrait fonder sa demande à laquelle il ne sera donc pas fait droit figurant au dispositif de ses conclusion et aux fins de :

'constater l'irrégularité du chef n° 1 de la lettre d'observations pour le compte URSSAF n° 827 218 4872865 (n°Siret [N° SIREN/SIRET 5]) et le chef du 15 octobre 2019 et du chef n° 5 de la lettre d'observations pour le compte URSSAF n° 827 218028523 (n°Siret [N° SIREN/SIRET 4]) du 15 octobre 2019".

5. Pour les années contrôlées la Société [11] a appliqué l'exonération pour l'ensemble du personnel, sans aucune distinction des catégories d'emploi.

L'Urssaf a estimé qu'ils ne pouvaient bénéficier de l'exonération et a opéré un redressement pour les catégories de salariés suivantes :

- ouvrier de production ;

- ouvrier de production polyvalent ;

- opérateur en confection ;

- chef d'équipe ;

- modéliste ;

- chargée de mission relations humaines ;

- agent des méthodes.

La Société [11] n'effectue pas de recherche fondamentale mais de la recherche appliquée pour des produits textiles vêtements et bagages innovant (assemblage sans couture, par colle, soudure ultrason, thermo-collage, thermo-formage, découpe laser, mise en forme de tissus, textile connecté).

5-1. S'agissant des ouvriers, la Société [11] avait admis dans sa réponse du 15 novembre à la lettre d'observations (pièce Urssaf n° 3) que pour faire face fin 2017 et en 2018 à des commandes comportant des séries de pièces plus importantes que de simples prototypes, elle avait recruté un certain nombre d'opérateurs de confection dont les noms étaient repris dans un tableau (ndr : 9 en 2017 et 15 en 2018 selon le courrier [11] du 15 novembre 2019 ; pièce Urssaf n° 3) et pour lesquels elle admettait qu'ils ne rentraient pas dans les cas d'exonération.

Depuis sa saisine de la commission de recours amiable, elle soutient l'inverse et revendique à présent cette exonération pour ces salariés.

Cependant le redressement de l'Urssaf a été limité aux agents pour lesquels les contrats de travail reprenaient uniquement l'intitulé du poste sans pouvoir déterminer précisément les tâches confiées et donc dans cette hypothèse, si elles relevaient de la recherche et du développement ou de la simple production.

L'affirmation selon laquelle ces ouvriers travaillent en collaboration avec les chercheurs et notamment préparent les substances, matériaux, appareils pour la réalisation d'essais et d'expériences, prêtent leur concours aux chercheurs pendant le déroulement des essais et expériences, les effectuent sous leur contrôle, ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement, n'est étayée par l'appelante par aucune pièce convaincante.

Ainsi, que les manuels d'utilisation des machines dont se servent les ouvriers affectés à celles-ci soient particulièrement complexes, n'en font pas pour autant des agents en charge de tâches de recherche et développement à savoir :

- des techniciens qui, notamment :

· préparent les substances, les matériaux et les appareils pour la réalisation d'essais et d'expériences ;

· prêtent leur concours aux chercheurs pendant le déroulement des essais ou des expériences ou les effectuent sous le contrôle de ceux-ci ;

· ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement ;

- des personnels chargés des tests préconcurrentiels qui conçoivent, réalisent ou font réaliser les tests techniques nécessaires au développement ou à la mise au point du produit ou du procédé ;

- ou encore des salariés affectés directement à la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits tels que définis au 6°du k du II de l'article 244 quater B du CGI.

De même que l'exonération ait été admise par l'Urssaf pour certains ([U] [N]..., [K] [V]..., [Z] [V].. [X]. [C]..) mais pas pour Mme [E]..., tous recrutés en contrats à durée déterminée pour un surcroît de production (cf pièce [11] n° 18), n'est pas contradictoire.

Madame [W] [E].... a été recrutée à partir du 19 février 2018 en tant qu'opératrice en confection à raison d'un surcroît d'activité lié à une commande exceptionnelle de [6]. Rien dans son contrat ne mentionne qu'il lui aurait été confié d'autres tâches que de production (pièce appelante n° 16) et la Société [11] n'a pas versé d'autres document ou preuve pour l'établir.

En outre, les trois autres salariés cités par l'appelante avaient eux été recrutés antérieurement (le 14 novembre 2016 pour [Z] [V]...[X].[C]...., le 6 mars 2017 pour Mme [K] [V]... et le 30 octobre 2017 pour Mme [U] [N]...), soit à une période où le contrat conclu entre [11] et [6] pour le développement de vestes techniques pouvait être encore en phase d'études et non de production. Ainsi le contrat de travail à durée déterminée de Mme [U] [N].. comporte encore comme motif 'surcroît d'activité lié à une commande exceptionnelle de fabrication de pré-séries et d'échantillons' mais plus celui de Mme [W] [E].. , conclu trois mois et demi après.

La Société [11] n'a donc pas rapporté la preuve d'exonérations qui devraient concerner d'autres ouvriers.

5-2. S'agissant de Mme [G] [L]...., responsable relations humaines, l'Urssaf n'a pas à rapporter la preuve négative qu'elle n'était pas chargée de l'organisation, la coordination, la planification du projet innovant dans ses aspects administratif, financier, technologique au sens des textes sus-visés, mais il incombait en revanche à la Société [11] de rapporter la preuve, ce qu'elle n'a pas fait, de ce qu'elle assurait ces responsabilités, en plus de la gestion des relations humaines de l'entreprise.

Ses divers contrats de travail à durée déterminée à temps partiel (pièce appelante n° 11) ne détaillent aucunement ses fonctions et stipulent seulement qu'elle est recrutée comme chargée de mission relations humaines.

Le seul fait de devoir recruter dans l'exercice de celles-ci du personnel spécialisé sur machines outils à commandes numériques ne rapporte pas cette preuve.

5-3. Mme [I] [A]... a été recrutée comme agent de méthode, chef d'équipe, au motif repris dans son contrat d'aider l'entreprise à réaliser la tâche d'une commande exceptionnelle de [6], résultant d'une augmentation du volume d'activité de l'entreprise et de livraisons supplémentaires.

Le motif de son recrutement est donc lié à une activité de production, non de recherche et développement et les missions qui lui sont confiées par ce contrat (pièce appelante n° 12) n'en font pas mention : 'En complément de votre activité d'agent de méthodes et de production, vous prendrez en charge la responsabilité du management d'une des deux équipes au sein de l'atelier'.

L'absence de reconnaissance pour cette salariée du bénéfice de l'exonération n'est pas en contradiction avec son admission pour une autre salariée ayant occupé des fonctions relativement similaires, Mme [D] [V].. [Y].. [M].., responsable méthodes, développement et industrialisation, mais pour laquelle l'Urssaf disposait dans son contrat de travail d'un descriptif précis des tâches qui lui étaient confiées, notamment de recherches et développement éligibles à l'exonération jeune entreprise innovante (cf réponse aux observations de l'Urssaf du 2 décembre 2019 - pièce Urssaf n° 4).

5-4. La Société [11] fait enfin valoir que Mme [H] [Y].... pour laquelle l'exonération a été refusée a été recrutée en qualité de modéliste, en remplacement de Mme [T] [N]... pour laquelle cette exonération avait pourtant été admise.

L'Urssaf pour fonder le redressement a estimé que les fonctions de Mme [H] [Y].. relevaient de la catégorie socio professionnelle des acheteurs.

Par ailleurs les qualifications mentionnées aux contrats de Mme [H] [Y]... et de Mme [T] [N]... (pièces appelante n°s 13 et 13ter) ne sont pas strictement identiques, simple modéliste pour Mme [H] [Y].., modéliste développement produits pour [T] [N]...

À défaut d'éléments plus concrets quant à la nature exacte des fonctions confiées à Mme [H] [Y]..., l'exonération n'est pas non plus fondée pour elle.

6. En conséquence, il résulte des motifs qui précèdent que la Société [11] n'a pas justifié d'éléments pour revendiquer l'éligibilité au dispositif jeune entreprise innovante d'autres salariés que ceux déjà admis par l'Urssaf.

Le redressement et le jugement déféré seront donc entièrement confirmés.

L'appelante succombante supportera les dépens.

Il parait équitable d'allouer à l'intimée la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conforément à la loi,

Confirme le jugement RG n° 20/00184 rendu le 10 juin 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence.

Y ajoutant,

Condamne la SAS [11] aux dépens.

Condamne la SAS [11] à verser à l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales (URSSAF) Rhône-Alpes la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 21/03374
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;21.03374 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award