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02/05/2023 | FRANCE | N°22/03534

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 02 mai 2023, 22/03534


N° RG 22/03534 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LQ6Y



N° Minute :



C1





































































Notification par LRAR

aux parties :

le :







copies exécutoires délivrées

aux avocats :





le :











la SCP MONTOY

A PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT



Me Gautier DERAMOND DE ROUCY (paris)











AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



2ème CHAMBRE CIVILE



STATUANT EN MATIÈRE DE BAUX RURAUX



ARRÊT DU MARDI 02 MAI 2023





Appel d'une décision (N° RG 21/00136)

rendue par le Tribunal paritaire des baux ruraux de VIENNE

en date du 29 août 2022

suivant déclaration d'appe...

N° RG 22/03534 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LQ6Y

N° Minute :

C1

Notification par LRAR

aux parties :

le :

copies exécutoires délivrées

aux avocats :

le :

la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT

Me Gautier DERAMOND DE ROUCY (paris)

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ème CHAMBRE CIVILE

STATUANT EN MATIÈRE DE BAUX RURAUX

ARRÊT DU MARDI 02 MAI 2023

Appel d'une décision (N° RG 21/00136)

rendue par le Tribunal paritaire des baux ruraux de VIENNE

en date du 29 août 2022

suivant déclaration d'appel du 28 Septembre 2022

APPELANTS :

Madame [H] [J] [M] épouse [F]

[Adresse 1]

[Localité 3] - FRANCE

Monsieur [C] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3] - FRANCE

Comparants, assistés de Me Catherine GOARANT de la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEES :

S.A.S. [P] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 4]

FONDATION DES APPRENTIS D'AUTEUIL prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

Monsieur [Y] [P]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Madame [D] [P]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentés par Me Gautier DERAMOND DE ROUCY de la SELARL GDR AVOCAT, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Louis CHAILA, avocat au barreau de AMIENS

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÈRE :

Mme Emmanuèle CARDONA, Présidente,

Mme Anne-Laure PLISKINE, Conseiller,

M.Laurent GRAVA, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 février 2023, Laurent Grava, conseiller, a été entendu en son rapport, en présence de Anne-Laure Pliskine, conseillère et Emmanuèle Cardona, présidente, assistés de Caroline Bertolo, greffière,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ont été entendus en leurs explications ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon bail rural verbal, la Fondation des Apprentis d'Auteuil a donné en location à la SAS [P] une parcelle en nature de terre cadastrée ZH[Cadastre 6] à [Localité 4] (anciennement [Localité 9]) d'une contenance de 77a 94 ca.

Suivant acte notarié du 9 décembre 2020, la Fondation des Apprentis d'Auteuil a vendu à Mme [H] [M] épouse [F] agissant pour le compte de la communauté existant avec son conjoint, plusieurs parcelles agricoles situées à [Localité 4] dont celle cadastrée ZH[Cadastre 6].

Par acte d'huissier reçu le 26 août 2021, la SAS [P] a sollicité la convocation de la la Fondation des Apprentis d'Auteuil et de Mme [H] [F] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Vienne aux fins de nullité de la vente ainsi intervenue.

Après échec de la conciliation, l'affaire a été renvoyée à une audience de jugement.

Par jugement réputé contradictoire du 13 octobre 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Gap a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [C] [F] ;

- déclaré recevable l'action en nullité formée par la SAS [P] ;

- prononcé la nullité de la vente de la parcelle cadastrée ZH[Cadastre 6] située à [Localité 4] intervenue le 9 décembre 2020 entre la Fondation des Apprentis d'Auteuil et Mme [H] [F], agissant pour le compte de la communauté existant avec son conjoint, M. [C] [F] ;

- condamné la Fondation des Apprentis d'Auteuil à restituer à M. et Mme [F] le prix de vente correspondant à la parcelle ZH[Cadastre 6] située à [Localité 4] d'une superficie de 77a 94 ca ;

- condamné M. et Mme [F] à restituer à la Fondation des Apprentis d'Auteuil la parcelle ZH[Cadastre 6] située à [Localité 4] d'une superficie de 77 ares 94 centiares dans un délai de quinze jours à compter de la restitution du prix de vente ;

- rejeté les demandes de dommages-intérêts formées par la SAS [P], la Fondation des Apprentis d'Auteuil et M. et Mme [F] ;

- rejeté les demandes formées par la SAS [P], la Fondation des Apprentis d'Auteuil et M. et Mme [F] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Fondation des Apprentis d'Auteuil aux entiers dépens.

Par déclaration du 28 septembre 2022, Mme [H] [F] et M. [C] [F] ont interjeté appel de la décision.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 15 février 2023, M. [C] [F] et Mme [H] [F] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce que :

« - l'intervention volontaire de M. [F] a été déclarée recevable ;

- la SAS [P] et de la Fondation des Apprentis d'Auteuil ont été déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts » ;

Pour le surplus,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

« - déclaré recevable l'action en nullité formée par la SAS [P] ;

- prononcé la nullité de la vente de la parcelle cadastrée ZH[Cadastre 6] située à [Localité 4] intervenue le 9 décembre 2020 entre la Fondation des Apprentis d'Auteuil et Mme [H] [F], agissant pour le compte de la communauté existant avec son conjoint, M. [C] [F] ;

- condamné la Fondation des Apprentis d'Auteuil à restituer à M. et Mme [F] le prix de vente correspondant à la parcelle ZH[Cadastre 6] située à [Localité 4] d'une superficie de 77a 94 ca ;

- condamné M. et Mme [F] à restituer à la Fondation des Apprentis d'Auteuil la parcelle ZH[Cadastre 6] située à [Localité 4] d'une superficie de 77 ares 94 centiares dans un délai de quinze jours à compter de la restitution du prix de vente ;

- rejeté les demandes de dommages-intérêts formées par M. et Mme [F] » ;

Statuant à nouveau,

- juger la demande irrecevable à défaut de publication ;

- juger l'action irrecevable comme prescrite ;

- juger que la SAS [P] ne justifie pas être titulaire d'un bail rural et par conséquent bénéficier d'un droit de préemption ;

- juger que la SAS [P] et la Fondation des Apprentis d'Auteuil ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité civile à l'égard des époux [F].

Par conséquent,

- condamner la Fondation des Apprentis d'Auteuil à payer aux époux [F] la somme de 6 000 euros en réparation de leur préjudice ;

- condamner la SAS [P] à payer aux époux [F] la somme de 4 000 euros en réparation de leur préjudice ;

- débouter la SAS [P], M. [Y] [P], Mme [D] [P] et la Fondation des Apprentis d'Auteuil de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner in solidum la SAS [P], M. [Y] [P], Mme [D] [P] et la Fondation des Apprentis d'Auteuil à payer aux époux [F] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, ils exposent les principaux éléments suivants :

- ils rappellent les faits et la procédure ;

- lors de la vente, la fondation avait précisé que la parcelle ZH[Cadastre 6] était libre de toute occupation ;

- la SAS [P] poursuit la nullité de la vente qu'elle considère avoir été passée en fraude de ses droits de fermier ;

- le défaut de publication de la demande en nullité de la vente immobilière constitue une fin de non-recevoir ;

- la SAS [P] ne justifie pas avoir procédé aux formalités de publication de sa demande ;

- la pièce n° 7 des intimés n'est pas de nature à justifier d'une telle publication ;

- si la régularisation est possible en cours d'instance, même devant la cour, le simple justificatif de l'envoi de la demande au service de la publicité foncière n'est pas suffisant ;

- la jurisprudence applique rigoureusement les dispositions de l'article 30-5 du décret du 4 janvier 1955 qui précise que la justification de la publication résulte soit d'un certificat du conservateur, soit de la production d'une copie de la demande revêtue de la mention de publicité ;

- la cour dira par conséquent la demande de la SAS [P] tendant à ce que la vente soit annulée irrecevable ;

- les époux [F] ont bien intérêt à agir et remettre en cause l'existence d'un bail, même verbal justifiant l'exercice d'un droit de préemption du fermier, permettant à ce dernier, en cas de fraude à ses droits d'agir en nullité de la vente ;

- ils se trouvent dans la même situation que l'acquéreur évincé et ont intérêt à agir ;

- aux termes de l'article L. 412-12 alinéa 3 du code rural et de la pêche, le preneur (dont la qualité est fermement contestée en l'espèce), doit intenter l'action en nullité dans le délai de 6 mois à compter de la connaissance de la vente ;

- en l'espèce, la SAS [P] a indiqué en première instance avoir été informée de la vente en avril 2021 ;

- or, il faut rappeler que dès le mois de février 2021, les époux [F] ont apposé une pancarte « propriété privée » qui a été enlevée par M. [P] dans les jours suivants ;

- la SAS [P] a donc été informée dès le mois de février 2021 de la vente de la parcelle dont elle se dit locataire ;

- le TPBR ayant été saisi par requête du 26 août 2021, l'action est donc prescrite ;

- pour prétendre que son droit de préemption aurait été bafoué, encore faudrait-il que la SAS [P] rapporte la preuve qu'elle est titulaire d'un bail ;

- elle ne justifie d'aucun bail écrit mais prétend être titulaire d'un bail verbal ;

- pour rapporter la preuve de l'existence d'un bail, même verbal, la SAS [P] doit démontrer que les conditions définies par l'article L. 411-1 du code rural sont réunies ;

- l'existence d'un bail rural suppose en conséquence la réunion de trois conditions cumulatives :

* la mise à disposition, par le propriétaire, d'un immeuble à usage agricole,

* en vue de l'exploiter,

* moyennant une contrepartie onéreuse ;

- c'est à celui qui revendique l'existence d'un bail de démontrer son existence en vertu des principes régissant la charge de la preuve ;

- tel n'est pas le cas en l'espèce ;

- s'agissant du caractère onéreux de la mise à disposition, il n'y a aucun élément ;

- les pièces versées aux débats, fabriquées par celui qui les produit se confondent alors avec l'allégation et par conséquent n'ont aucune valeur probante ;

- à considérer même qu'il y aurait bien eu règlement, il faudrait que la SAS [P] rapporte la preuve que les règlements sont affectés au paiement d'un fermage pour la parcelle ZH[Cadastre 6] ;

- le bail de chasse est exclu du statut du fermage conformément aux dispositions de l'article L. 415-10 du code rural ;

- M. [Y] [P] aurait dû demander au propriétaire l'autorisation de transmettre son bail à L'EARL [P], sui aurait dû demander l'autorisation du propriétaire pour transmission à la SAS [P] ;

- ils détaillent les préjudices.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 janvier 2023, la Fondation des Apprentis d'Auteuil, la SAS [P], ainsi que M. [Y] [P] et Mme [D] [P], tous deux intervenants volontaires, demandent à la cour de :

- recevoir M. [Y] [P] et Mme [D] [P] en leur intervention volontaire ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- condamner Mme [H] [F] et M. [C] [F] au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du  code de procédure civile ;

- condamner Mme [H] [F] et M. [C] [F] aux entiers dépens.

Ils exposent les principaux éléments suivants au soutien de leurs écritures :

- ils rappellent les faits et la procédure ;

- M. [Y] [P] et Mme [D] [P] justifient d'un intérêt à agir dans le cadre de la présente instance puisqu'ils sont les titulaires originels du bail rural sur la parcelle litigieuse et associés au sein de la SAS [P] ;

- si l'article 710-1 du code civil impose la publication de toute demande en justice visant à obtenir la nullité d'une vente, il est de jurisprudence constante que cette formalité peut être régularisée en cause d'appel ;

- la SAS [P] justifie avoir réalisé la publication de la requête au SPF compétent ainsi que la publication de la décision du TPBR de Vienne ;

- la SAS [P] n'a eu connaissance de la date effective de la vente que le 21 avril 2021 suite à un courriel adressé par la Fondation, tel que cela ressort de son acte introductif d'instance et des pièces-jointes ;

- dès lors, l'action introduite par le biais de ladite requête, en date du 18 août 2021, est parfaitement valable puisqu'elle a eu lieu dans les 6 mois suivant la connaissance de la date effective de la vente ;

- seul le propriétaire peut élever des contestations liés à la validité de la convention le liant à son locataire ;

- dès lors, il ne fait aucun doute que les consorts [F], appelés dans l'instance entre la SAS [P] et la Fondation en leur qualité de tiers acquéreurs, ne sauraient élever de contestation relative à la validité de la convention fondant l'existence du droit de préemption ;

- l'existence d'un bail rural entre la SAS [P] et la Fondation est pour le moins incontestable ;

- l'acte de donation des consorts [O] au profit de la Fondation mentionne parfaitement l'occupation de la parcelle litigieuse (page 7) par M. et Mme [P] au titre d'un bail rural verbal ;

- il est certain que ledit bail a ensuite été amiablement résilié au moment du passage en société des consorts [P] et qu'un nouveau bail verbal devait être conclu avec leur société d'exploitation, à savoir à l'époque l'EARL [P] ;

- ce fait est clairement attesté par le changement de débiteur s'agissant du paiement des fermages ;

- ils contestent les demandes indemnitaires adverses.

Les parties reprennent leurs conclusions écrites à l'audience.

En outre la Fondation et les époux [P] précisent que l'accusé de réception du service de la publicité foncière suffit à considérer que le document est publié. Il n'y a eu que changement de forme, les consorts [P] devenant SAS [P], sans que cela ne constitue une cession illicite du bail.

Les époux [F] maintiennent leur demande d'infirmation en absence de réalité d'un bail rural et de preuve d'une transmission des époux vers la SAS.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'intervention volontaire :

M. [Y] [P] et Mme [D] [P] déclarent vouloir intervenir volontairement à la présente instance.

Une telle intervention est cohérente et régulière en ce que le bail ferme objet de contestation les concernent à tout le moins avant une éventuelle transmission à la SAS [P].

L'intervention volontaire sera déclarée recevable.

Sur le défaut de publication de la demande en justice :

Le décret du 4 janvier 1955, dans son article 28, impose la publication de toute demande en justice visant à obtenir la nullité d'une vente.

Aucune déchéance n'étant édictée pour l'accomplissement des formalités de publicité foncière, il peut y être procédé jusqu'à la clôture des débats.

L'article 126 du code de procédure civile ne faisant aucune distinction, la régularisation par la publication de l'assignation peut intervenir en première instance comme en appel et l'irrecevabilité doit être écartée lorsque sa cause a disparu au moment où le juge statue.

En l'espèce, les intimés produisent un courrier LRAR du 1er octobre 2021 adressé au service de la publicité foncière de [Localité 10] (38) et reçu le 5 octobre 2021 par ce service (AR signé et tamponné), comportant la formule de publication de la saisine du TPBR de Vienne par requête dans le cadre d'une demande en nullité de vente d'une parcelle agricole.

Un tel document apporte la preuve que le service de la publicité foncière de [Localité 10] a bien été destinataire d'une demande de publication de l'acte introductif d'instance dans la présente procédure.

Ainsi, force est de constater que la diligence a été effectuée avant la clôture des débats et qu'il ne saurait être reproché à celui qui publie la lenteur des circuits administratifs et l'engorgement des services.

En conséquence, la fin de non-recevoir tirée d'un défaut de publication de l'acte introductif d'instance ne peut qu'être rejetée.

Sur la prescription :

Aux termes de l'article L. 412-1 du code rural « le propriétaire bailleur d'un fonds de terre ou d'un bien rural qui décide ou est contraint de l'aliéner à titre onéreux, sauf le cas d'expropriation pour court d'utilité publique, ne peut procéder à cette aliénation qu'en tenant compte, conformément aux dispositions de la présente section, d'un droit de préemption au bénéfice de l'exploitant preneur en place [...] ».

L'article L 412-12 du même code précise « [...] Au cas où le droit de préemption n'aurait pu être exercé par suite de la non-exécution des observations des obligation dont le bailleur est tenue en application de la présente section, le preneur est recevable à intenter une action en nullité de la vente et en dommages-intérêts devant les tribunaux paritaires dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la vente lui est connue, à peine de forclusion. Toutefois, lorsque le bailleur n'a pas respecté les obligations mentionnées à l'article L. 412-10, le preneur peut intenter l'action prévue par cet article. [...] ».

En l'espèce, il ressort des pièces versées que la SAS [P] a été informée par courriel du 21 avril 2021 de la vente survenue le 9 décembre 2020 entre la Fondation des Apprentis d'Auteuil et les époux [F].

De plus, à supposer même qu'un panneau « propriété privée » ait été posé sur la parcelle et enlevé par M. [P] en février 2021, l'absence de précision calendaire ne permet pas de déterminer la date exacte de cette allégation. Il doit donc être considéré que l'événement allégué a pu se dérouler entre le 23 et 28 février 2021.

En saisissant la juridiction de première instance par acte d'huissier posté le 23 août 2021 (cachet de la poste faisant foi), la SAS [P] n'était pas forclose et est donc recevable en sa demande.

Le jugement entrepris sera confirmé quant au rejet de cette fin de non-recevoir.

Sur la demande de nullité de la vente :

Les époux [F] doivent justifier qu'ils ont qualité à agir, ce que la SAS [P] leur dénie.

De plus, pour prétendre que son droit de préemption n'aurait pas été respecté, la SAS [P] doit rapporter la preuve qu'elle est titulaire d'un véritable bail à ferme.

1) Sur la qualité à agir des époux [F] :

S'il est exact que les époux [F] sont des tiers à l'éventuel bail à ferme, ils ont néanmoins un intérêt certain à agir.

En effet, en leur qualité d'acquéreurs de la parcelle litigieuse, ils se trouvent sous le coup d'un risque d'éviction dont le fondement serait le bail à ferme (générant un droit de préemption), ce qui leur confère un droit à agir en contestation de ce bail.

Cette possibilité est spécialement indiquée dans l'article 412-8 du code rural qui dispose expressément dans son alinéa 4 in fine «  [...] L'action en nullité appartient au propriétaire vendeur et à l'acquéreur évincé lors de la préemption [...] ».

Les époux [F] ont bien qualité à agir.

2) Sur l'existence d'un bail à ferme :

En l'espèce, il est prétendu que ce bail à ferme serait verbal.

La Fondation des Apprentis d'Auteuil en reconnaît d'ailleurs l'existence avec les époux [P].

Néanmoins, ceci n'est pas suffisant en l'absence de tout écrit et la réalité du bail à ferme suppose la démonstration que les conditions définies par l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime sont réunies.

L'existence d'un bail rural suppose la réunion de trois conditions cumulatives :

- la mise à disposition, par le propriétaire, d'un immeuble à usage agricole,

- en vue de l'exploiter,

- moyennant une contrepartie onéreuse.

Dans le document adressé aux époux [F] le 20 février 2020, la Fondation précisait que la parcelle était libre.

De même, l'acte de vente précisait également que la parcelle était libre de toute occupation.

La SAFER n'a donné aucune information contraire.

La MSA, qui opère un contrôle strict des déclarations, n'a fait état d'aucun doublon, ce qui permet de considérer que les parcelles n'ont jamais été déclarées par la SAS [P].

Le vendeur produit aux débats un document intitulé « liste des opérations de trésorerie » des parcelles.

Aucune copie de chèques, extraits de relevés de comptes, preuve de l'identité du payeur, quittances de loyers ne sont produits.

Force est de constater que ce document « liste des opérations » est dénué de toute valeur probante en ce qu'il constitue une preuve à soi- même produite par la Fondation pour venir appuyer son revirement de position (de parcelle libre à parcelle louée à ferme).

Les pièces versées en procédure et qui sont fabriquées par celui qui les produit n'ont qu'une valeur probante particulièrement équivoque.

Cette liste d'opérations ne permet pas d'établir qui serait réellement à l'origine des règlements mentionnés ([P] Fermages), et encore moins que les montants mentionnés sur ce document correspondraient à des règlements de fermages pour la parcelle litigieuse.

À supposer même qu'il y ait bien eu règlement, il faudrait que la SAS [P] rapporte la preuve non équivoque que les règlements sont affectés au paiement d'un fermage pour la parcelle ZH[Cadastre 6].

Il convient de noter que, dans ce document « liste des opérations », figure à plusieurs reprises la mention « Fermage Drt de Chasse LEG/DO », notamment pour les années 2010, 2011 et 2012.

Ainsi, cet élément permet de conclure que, si la preuve effective du versement était rapportée, M. [P] aurait réglé des sommes au titre d'un bail de chasse, alors qu'un tel bail est exclu du statut du fermage conformément aux dispositions de l'article L. 415-10 du code rural.

Ainsi, la preuve de la contrepartie onéreuse du bail à ferme n'est pas rapportée.

De plus, le prétendu bail à ferme aurait été conclu entre la Fondation et M. [P], lequel a cessé d'exploiter en son nom les parcelles (dont la ZH[Cadastre 6]) en 2015.

En application de la règle d'ordre public de l'article L. 411-35 du code rural, le bail a un caractère personnel et ne peut être ni cédé, ni sous-loué, et la sanction de l'infraction à cette règle emporte la double disparition des droits du preneur principal et du preneur secondaire.

En l'espèce, M. [Y] [P] aurait dû demander au propriétaire l'autorisation de transmettre son bail à l'EARL [P], qui aurait ensuite dû demander une nouvelle autorisation du propriétaire pour transmission à la SAS [P], ces deux entités étant juridiquement différentes.

L'argument de la résiliation successive amiable du bail verbal avec conclusion à chaque fois d'un nouveau bail verbal est des plus fragiles en ce qu'il ne se fonde que sur le document « liste des opérations de trésorerie » dont il a été démontré ci-dessus le caractère non probant (preuve auto-constituée).

Dans ces conditions, en l'absence de caractérisation non équivoque et certaine de l'existence d'un bail à ferme entre la Fondation et la SAS [P], aucun droit de préemption ne pouvait être revendiqué par M. [P] puis par l'EARL [P] et enfin par la SAS [P].

En conséquence, la vente intervenue le 9 décembre 2020 entre la Fondation des Apprentis d'Auteuil et Mme [H] [F], agissant pour le compte de la communauté existant avec son conjoint, M. [C] [F], relative à la parcelle ZH[Cadastre 6] située à [Localité 4] d'une superficie de 77a et 94ca, est valable et ne sera pas annulée.

Le jugement entrepris sera infirmé de ces chefs et les intimés seront déboutés de l'ensemble de leurs prétentions.

Sur les dommages-intérêts :

S'agissant des dommages-intérêts réclamés par les époux [F], ces derniers ne rapportent pas la preuve d'une faute des intimés.

En effet, agir en justice pour conserver un droit que l'on pense acquis, certes à tort, ne caractérise pas en soi une quelconque intention maligne.

De même, les anomalies rédactionnelles de l'acte notarié ne sauraient être reprochées aux intimés.

Les époux [F] seront déboutés de leurs demandes indemnitaires.

Les intimés étant déboutés de leur demande principale, ils le seront également de leur demande de dommages-intérêts.

Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La Fondation des Apprentis d'Auteuil, la SAS [P], M. [Y] [P] et Mme [D] [P], dont les prétentions sont rejetées, supporteront in solidum les dépens de première instance et d'appel.

Pour la même raison, il ne sera pas fait droit à leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [C] [F] et de Mme [H] [F] les frais engagés pour la défense de leurs intérêts. La Fondation des Apprentis d'Auteuil, la SAS [P], M. [Y] [P] et Mme [D] [P] seront condamnés in solidum à leur payer la somme de 4 000 euros (quatre mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Déclare recevable l'intervention volontaire de M. [Y] [P] et Mme [D] [P] ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée d'un défaut de publication de l'acte introductif d'instance ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

« - déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [C] [F] ;

- déclaré recevable l'action en nullité formée par la SAS [P] ;

- rejeté les demandes de dommages-intérêts formées par la SAS [P], la Fondation des Apprentis d'Auteuil et M. et Mme [F] » ;

Infirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la Fondation des Apprentis d'Auteuil, la SAS [P], M. [Y] [P] et Mme [D] [P] de l'ensemble de leurs demandes ;

Condamne in solidum la Fondation des Apprentis d'Auteuil, la SAS [P], M. [Y] [P] et Mme [D] [P] à payer à M. [C] [F] et de Mme [H] [F] la somme de 4 000 euros (quatre mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la Fondation des Apprentis d'Auteuil, la SAS [P], M. [Y] [P] et Mme [D] [P] aux dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par la greffière, Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/03534
Date de la décision : 02/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-02;22.03534 ?
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