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27/04/2023 | FRANCE | N°21/02592

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 27 avril 2023, 21/02592


C 9



N° RG 21/02592



N° Portalis DBVM-V-B7F-K5GY



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Pascale HAYS



la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

AU NOM DU PEUPL

E FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 27 AVRIL 2023





Appel d'une décision (N° RG 19/00707)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 11 mai 2021

suivant déclaration d'appel du 10 juin 2021





APPELANTE :



S.A. LA POSTE, représentée par son représentant légal en exercice

domicilié en cette qual...

C 9

N° RG 21/02592

N° Portalis DBVM-V-B7F-K5GY

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Pascale HAYS

la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 27 AVRIL 2023

Appel d'une décision (N° RG 19/00707)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 11 mai 2021

suivant déclaration d'appel du 10 juin 2021

APPELANTE :

S.A. LA POSTE, représentée par son représentant légal en exercice

domicilié en cette qualité au siège de la société

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Pascale HAYS, avocat postulant au barreau de GRENOBLE

et par Me Céline VACHERON de la SELARL ALTICIAL, avocat plaidant au barreau de SAINT-ETIENNE,

INTIMEE :

Madame [Y] [E]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 08 mars 2023,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, en présence d'Elora DOUHERET, greffière stagiaire, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 27 avril 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 27 avril 2023.

EXPOSE DU LITIGE':

Mme [Y] [E], née le 31 août 1974, a été embauché le 10 juillet 2000 par la société anonyme (SA) La Poste, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité de facteur, groupe fonctionnel B, distribution de courrier.

Le contrat est soumis à la convention collective La Poste 'France Telecom.

Mme [Y] [E], en raison de problèmes de santé, a été placée plusieurs fois en arrêt de travail au cours de la relation contractuelle.

Par avenant en date du 1er juin 2007, Mme [Y] [E] et la SA La Poste ont convenu d'une durée de travail à temps partiel.

En date du 1er août 2014, Mme [Y] [E] a obtenu la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.

Mme [Y] [E] a bénéficié d'une visite de pré-reprise auprès du médecin du travail en date du 11 décembre 2014. Le médecin du travail a conclu en ces termes': « Reprise envisageable à mi-temps. Remises/collectes allégées en limitant le port de charges à 10 kg avec diable table roulante si nécessaire. Tri possible avec possibilité de siège assis-debout. Envisager passerelle guichet ».

Par courrier en date du 12 janvier 2015, la SA La Poste a proposé à Mme [Y] [E] un aménagement de son poste de travail.

Par avenant en date du 20 janvier 2015, Mme [Y] [E] et la SA La Poste ont convenu d'une durée de travail hebdomadaire fixée à 14 heures.

Le 4 mars 2015, Mme [Y] [E] a bénéficié d'une visite de reprise auprès du médecin du travail, lequel l'a déclarée apte dans les termes suivants': «'Reprise à mi-temps, Remises/collectes allégées en limitant le port de charges à 10 kilos avec diable, table roulante si nécessaire. Tri possible avec possibilité de siège assis-débout. Envisager passerelle guichet. Demande d'un siège assis-debout. Prévoir un seul aller-retour domicile-travail dans la future organisation. A revoir dans 3 mois'».

Par avenant en date des 14 avril 2015 et 13 novembre 2015, Mme [Y] [E] et la SA La Poste ont aménagé la durée de travail de la salariée.

Mme [Y] [E] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 9 janvier 2017.

Lors d'une visite en date du 12 avril 2017, le médecin du travail, au sujet de Mme [Y] [E], a conclu': «'Aménagement de PT à prévoir pour la reprise': collectes avec charges allégées, envisager faisabilité d'un essai sur formation ETG, guichet. Contact avec le CEP à prévoir. Accord de l'agent pour transmission à l'employeur'».

Lors d'une visite en date du 11 septembre 2017, le médecin du travail a rendu l'avis suivant': «'Reprise envisageable à l'issue de l'arrêt actuel soit sur une collecte avec de faibles charges soit sur sa collecte avec un allégement. Tri de courrier possible avec un siège assis debout. Pas de chargement de containers pleins pendant 1 mois. Peut faire du guichet, ETG. Entretien managérial avant la reprise'».

Mme [Y] [E], selon les conclusions de l'employeur, a bénéficié d'un suivi en Commission de Retour et de Maintien dans l'emploi à compter du 28 juin 2018, en raison de son état de santé.

Lors d'une visite de Mme [Y] [E] en date du 26 juillet 2018, le médecin du travail a proposé les mesures d'aménagement suivantes «'Quotité de travail actuelle à 50% sur une tournée entreprise et retour facteurs. Augmentation de la quotité de travail à 70% possible sur des tâches autre que la distribution type guichet'; ETG, travail administratif'».

Lors d'une visite de pré-reprise en date du 31 octobre 2018, le médecin du travail a conclu :'«'En arrêt ce jour, quotité de travail possible à 70%, prévoir reprise avec tâches autres que la distribution type guichet, ETG, travail administratif, travail en cabine. Pas d'horaires coupés. Possibilité de réaliser une collecte ou une remise s'il y a peu de charge lourde et maximum 1h30 de voiture par jour'».

Par courrier en date du 21 février 2019, par l'intermédiaire de son conseil, Mme [Y] [E] a sollicité de la SA La Poste son rétablissement dans un poste à temps plein.

Lors d'une visite de reprise de Mme [Y] [E] en date du 28 juin 2019, le médecin du travail a conclu à un «'Avis favorable à la reprise sur poste aménagé sur 50% d'un temps complet'; tournée collecte-remise «'allégée'» ave interdiction à la remise/collecte de colis supérieurs à 8 Kg'; outils d'aide à la manutention/manipulation tels que desserte à fond mobile et diable pliante à fournir'; poids maximum à manutentionner de 8 Kg'; durée de l'activité «extérieure estimée à maximum à une heure et trente minutes par jour'; dans l'aménagement horaire, pour raisons médicales, on conseille fortement de lui laisser les samedis libres ou deux jours de repos consécutifs pendant la semaine. Concernant l'aménagement horaire, le temps de travail en activité intérieur doit être organisé sur des tâches autre que la conduite de véhicule, tels que l'activité de guichet, ETG, tâches administratives, contrôle des retours de facteurs, flashage et suivi de petits objets, activités de cabine. A éviter les horaires coupés'».

Par requête en date du 19 août 2019, Mme [Y] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins d'obtenir des dommages-intérêts au titre de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité et de l'exécution fautive et déloyale par ce dernier du contrat de travail.

La SA La Poste s'est opposée aux prétentions adverses.

Par courrier en date du 22 novembre 2019, Mme [Y] [E] a exprimé auprès de la SA La Poste son souhait de travailler à temps plein sur un poste adapté à sa santé.

Par courrier en date du 9 décembre 2019, la SA La Poste a répondu à Mme [Y] [E] ne pas avoir de poste disponible correspondant à sa demande'et a sollicité une visite auprès du médecin du travail pour le passage à temps plein.

Mme [Y] [E] a bénéficié de cette visite médicale en date du 7 janvier 2020. Le médecin du travail a rendu l'avis suivant': «'avis favorable à un poste à 70% (24h/semaine), maximum 5 heures/jour, dont 1h30 d'activité de travaux extérieurs d'agent collecte-remise, pas d'horaires coupés, pas de manutention de colis supérieurs à 8kg, mise à disposition d'outils d'aide à la manutention (diable pliant dans le véhicule). Avis favorable également aux autres activités': Guichet, ETG, tâches administratives, contrôle du retour de facteurs, flashage et suivi de petits objets, activité cabine'».

Par jugement en date du 11 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- dit que la SA La Poste a manqué à son obligation de sécurité de résultat';

- dit que l'exécution déloyale du contrat de travail par la SA La Poste n'est pas démontrée ;

- condamné la SA La Poste à payer à Mme [Y] [E] les sommes suivantes :

- 15 000,00 e (quinze mille euros) à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat';

Ladite somme avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

- 1 200,00 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 37 de la loi du 1 0 juillet 1991 sous réserve de renoncer à l'aide Juridictionnelle totale dont elle bénéficie';

- débouté Mme [Y] [E] du surplus de ses demandes';

- débouté la SA La Poste de sa demande reconventionnelle ;

- condamné la SA La Poste aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signé le 12 septembre 2021 pour M. [E] et tamponné le 12 mai 2021 pour la société La Poste.

Par déclaration en date du 10 juin 2021, la SA La Poste a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2022, la SA La Poste sollicite de la cour de':

Vu les articles L. 4121-1 et suivants, et L. 1222-1 et suivants du code du travail,

Vu l'article 1134 du code civil,

Vu la jurisprudence de la Cour de cassation,

Sur la demande au titre des prétendus manquements à l'obligation de sécurité de résultat et de devoir de prévention de la SA La Poste :

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes :

- Dire et juger l'incapacité de Mme [Y] [E] à rapporter des éléments de preuve de nature à caractériser le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de devoir de prévention,

- Dire et juger que la SA La Poste n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat, ni à son devoir de prévention,

En conséquence, débouter Mme [Y] [E] de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

- Accueillant la demande reconventionnelle de l'employeur,

Condamner Mme [Y] [E] à verser à la société 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Sur la demande au titre de la prétendue exécution déloyale et fautive du contrat de travail :

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes :

- Dire et juger que sur la demande de Mme [Y] [E] au titre d'une transmission soi-disant erronée d'une attestation de salaire à CPAM :

- A titre principal, la prescription est acquise,

- A titre subsidiaire, elle est mal fondée,

- Dire et juger que la SA La Poste a exécuté loyalement le contrat,

- Dire et juger que Mme [Y] [E] ne justifie d'aucun préjudice,

- Dire et juger sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat non fondée,

En conséquence, la débouter de ses demandes y afférent.

En tout état de cause, débouter Mme [Y] [E] de l'intégralité de ses demandes.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 novembre 2021, Mme [Y] [E] sollicite de la cour de':

Vu les dispositions des articles L. 1231-1 et suivants

L. 1232-1 et L. 1233-2 du code du travail et suivants,

Art. 700 code de procédure civile

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Dit que la SA La Poste a manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

- Condamné la SA La Poste à payer à Mme [Y] [E] les sommes suivantes :

- 15 000 € (quinze mille euros) à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat ;

Ladite somme avec intérêts de droit à compter du prononcé du jugement

- 1 200 € (mille deux cent euros) au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de renoncer à l'aide juridictionnelle totale dont elle bénéficie ;

- Débouté la SA La Poste de sa demande reconventionnelle ;

- Condamné la SA La Poste aux dépens.

Le réformer pour le surplus et, statuant à nouveau,

Juger que la SA La Poste a exécuté le contrat de travail de manière déloyale et fautive.

Condamner la SA La Poste à verser à Mme [Y] [E] la somme de 15 000,00 € nets de CSG et CRDS à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de l'exécution déloyale et fautive du contrat de travail

Condamner la SA La Poste à verser à Mme [Y] [E] somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 janvier 2023.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 8 mars 2023.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur l'obligation de prévention et de sécurité':

D'une première part, l'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

D'une seconde part, l'article L.4121-1 du code du travail énonce que :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et (version avant le 24 septembre 2017': de la pénibilité au travail) (version ultérieure au 24 septembre 2017': y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1);

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L.4121-2 du code du travail prévoit que :

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L'article L. 4121-3 du même code dispose que :

L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.

A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement.

Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l'application du présent article doivent faire l'objet d'une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat après avis des organisations professionnelles concernées.

L'article R.4121-1 du code du travail précise que :

L'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3.

Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques.

L'article R.4121-2 du même code prévoit que :

La mise à jour du document unique d'évaluation des risques est réalisée :

1° Au moins chaque année ;

2° Lors de toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, au sens de l'article L. 4612-8 ;

3° Lorsqu'une information supplémentaire intéressant l'évaluation d'un risque dans une unité de travail est recueillie.

L'article R.4121-4 du code du travail prévoit que :

Le document unique d'évaluation des risques est tenu à la disposition :

1° Des travailleurs ;

(version avant le 1er janvier 2018': 2° Des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou des instances qui en tiennent lieu) ; (version après le 1er janvier 2018': 2° Des membres de la délégation du personnel du comité social et économique)

3° Des délégués du personnel ;

4° Du médecin du travail ;

5° Des agents de l'inspection du travail ;

6° Des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale ;

7° Des agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l'article L. 4643-1 ;

8° Des inspecteurs de la radioprotection mentionnés à l'article L. 1333-17 du code de la santé publique et des agents mentionnés à l'article L. 1333-18 du même code, en ce qui concerne les résultats des évaluations liées à l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants, pour les installations et activités dont ils ont respectivement la charge.

Un avis indiquant les modalités d'accès des travailleurs au document unique est affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail. Dans les entreprises ou établissements dotés d'un règlement intérieur, cet avis est affiché au même emplacement que celui réservé au règlement intérieur.

D'une troisième part, l'article L.4624-1 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 prévoit que :

Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. Il peut proposer à l'employeur l'appui de l'équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien dans l'emploi.

L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.

En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Il en informe l'autre partie. L'inspecteur du travail prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail.

L'employeur doit assurer l'effectivité des propositions de mesures individuelles préconisées par le médecin du travail.

L'article L.4624-3 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 01 janvier 2017 prévoit que':

Le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l'employeur, des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur.

L'article L.4624-5 du code du travail dans sa version en en vigueur depuis le 01 janvier 2017 énonce que':

Pour l'application des articles L. 4624-3 et L. 4624-4, le médecin du travail reçoit le salarié, afin d'échanger sur l'avis et les indications ou les propositions qu'il pourrait adresser à l'employeur.

Le médecin du travail peut proposer à l'employeur l'appui de l'équipe pluridisciplinaire ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien en emploi pour mettre en 'uvre son avis et ses indications ou ses propositions.

L'article L.4624-6 du code du travail prévoit que':

L'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4. En cas de refus, l'employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.

D'une quatrième part, L'article R.4541-8 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 01 mai 2008 énonce que':

L'employeur fait bénéficier les travailleurs dont l'activité comporte des manutentions manuelles:

1° D'une information sur les risques qu'ils encourent lorsque les activités ne sont pas exécutées d'une manière techniquement correcte, en tenant compte des facteurs individuels de risque définis par l'arrêté prévu à l'article R. 4541-6 ;

2° D'une formation adéquate à la sécurité relative à l'exécution de ces opérations. Au cours de cette formation, essentiellement à caractère pratique, les travailleurs sont informés sur les gestes et postures à adopter pour accomplir en sécurité les manutentions manuelles.

En l'espèce, d'une première part, à l'issue des visites à la médecine du travail en date des 20 février 2014, 11 décembre 2014, 04 mars 2015, 11 septembre 2017, 26 juillet 2018, 31 octobre 2018, 18 avril 2019, 28 juin 2019 et 07 janvier 2020, le médecin du travail a préconisé une réorientation professionnelle de Mme [E] sur des activités de guichet et/ou l'a déclarée apte notamment à des activités de type guichet, administratif, conditionnant l'augmentation du temps de travail de la salariée lors de la visite du 26 juillet 2018 (passage de 50 % à 70 %) à son affectation sur des activités de guichet.

Mme [E] a expressément sollicité, par courrier du 22 novembre 2019, son employeur, de pouvoir accéder à un poste guichet ou administratif, dans la perspective d'un travail à temps plein.

Si la société La Poste justifie certes qu'elle a tenu compte des restrictions relatives au temps de travail, elle n'a pour autant jamais donné suite aux préconisations d'une réorientation professionnelle et d'une affectation de la salariée sur des activités de type guichet ou administratif.

Or, l'employeur n'apporte aucunement les justifications qui lui incombe que cette évolution vers un poste de type guichet partiellement ou totalement était impossible.

Il ne rapporte tout d'abord pas la preuve d'avoir respecté la procédure légale tenant à informer la salariée et le médecin du travail que les préconisations formulées à ce titre lors de chaque avis étaient impossibles à mettre en 'uvre.

L'employeur a certes répondu par lettre du 09 décembre 2019 à M. [E] pour faire suite à son courrier du 22 novembre précédant pour l'informer qu'aucun poste n'était disponible que ce soit au niveau du guichet ou administratif mais ne produit aucune pièce utile à ce titre, en particulier son registre d'entrées et de sorties du personnel et n'a jamais allégué que Mme [E], qui se prévaut du fait qu'elle est titulaire d'un BTS, n'aurait pas les compétences professionnelles pour évoluer vers un tel poste.

Mme [M], responsable RH, a certes, écrit au médecin du travail par courriel du 11 septembre 2018 à l'issue du dernier avis rendu en indiquant en substance qu'il n'y avait pas de poste administratif ou de guichet disponible eu égard au reclassement d'ores et déjà réalisé d'un autre agent de [Localité 5] ayant des restrictions sur le port de charges et le fait que les autres postes disponibles sont des emplois de cadres.

Toutefois, si l'employeur ne saurait être tenu d'envisager un repositionnement hiérarchique de la salariée, aucune pièce utile ne vient corroborer ces allégations et ce d'autant plus qu'il n'est évoqué que l'établissement d'affectation de Mme [E] alors même que rien n'indique que la salariée aurait pu être opposée à toute mobilité géographique.

Enfin, la justification apportée par Mme [M] à titre liminaire sur les difficultés actuelles de Mme [E] sur son poste apparaît particulièrement inopérante voire discriminatoire et participe en tout état de cause au manquement de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité en potentialisant un risque psycho-social.

Cette dernière a en effet indiqué au médecin du travail':

«'Comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, Mme [E] est déjà en difficulté sur le poste actuel, bien que l'on ait déjà, à la demande du Dr [N], retiré une collecte où les colis étaient trop lourds/volumineux. Elle ne fait pas toutes les tâches qui lui sont confiées car elle dit qu'elle a mal au dos (ce qui crée une mauvaise ambiance dans l'équipe) notamment ne va pas faire une collecte sur [Localité 5] car 3h30 de conduite véhicule cumulée c'est trop pour elle. De ce fait, elle est souvent en arrêt, en démontre le tableau ci-dessous': 15 arrêts pour un total de 353 jours en 1 an et demi. Cela engendre une désorganisation du service et une surcharge de travail pour ses collègues car il est impossible de trouver quelqu'un qui veuille la remplacer à 50 % pendant ses absences.'».

Il s'en déduit que l'employeur a maintenu pendant des années la situation actuelle consistant à affecter la salariée uniquement à des tâches de tri et de distribution, tout en sachant que cela crée un mécontentement de ses collègues de travail, avec un risque évident de répercussion négative sur la salariée qui est présentée comme étant à l'origine de la désorganisation du service alors même que Mme [M] admet elle-même que les difficultés rencontrées par Mme [E] sont d'ordre médical et non le résultat d'un manquement de cette dernière à ses obligations professionnelles.

D'une seconde part, la société La Poste ne justifie pas de la production par sa seule pièce n°24 d'un document unique de prévention des risques professionnels en ce que Mme [E] indique à juste titre que cette pièce comporte comme intitulé 'document de travail. document établi le 16/05/2017' puis sur les feuillets suivants 'document de travail, document établi le 24/09/2020'.

Il n'est a fortiori pas démontré l'actualisation annuelle dudit document d'évaluation.

D'une troisième part, les justifications de l'employeur au titre de son obligation sur l'information et la formation aux manutentions manuelles sont pour le moins parcellaires.

Le relevé de formations suivies par la salariée produit en pièce n°22 laisse apparaître au vu des intitulés de manière certaine que la première formation à la sécurité date du 29 juin 2015.

La pièce n°23 est un document de présentation de l'accueil sécurité à destination des managers et la pièce n°30 des fiches dénommées 'flash incident'.

A supposer que les informations et préconisations que ces documents comportent ont bien été relayées aux salariés dont Mme [E], il ne peut qu'être observé qu'ils se rapportent uniquement aux années 2018 et 2019.

En conséquence, les premiers juges ont à juste titre conclu que la société La Poste avait manqué à son obligation de prévention et de sécurité à l'égard de Mme [E].

Ils ont fait une exacte appréciation du préjudice subi en lui accordant la somme de 15000 euros à titre de dommages et intérêts dès lors que les manquements sont multiples, ont perduré pendant plusieurs années et indépendamment des conséquences qu'ils ont pu avoir sur l'état de santé de la salariée que la présente juridiction n'a pas compétence pour apprécier, il est observé que Mme [E] établit avoir perdu une chance sérieuse de pouvoir, ainsi qu'elle l'a sollicité à plusieurs reprises, voir son temps de travail augmenter dans la perspective d'un retour à temps plein avec un préjudice financier significatif qu'elle a explicité et détaillé à son employeur par courrier en date du 02 mars 2020, eu égard au fait que la société La Poste n'a jamais mis en 'uvre les préconisations du médecin du travail en vue d'une réorientation totale ou partielle de Mme [E] sur des missions de type administratif ou un poste au guichet.

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef, sauf à préciser que la société La Poste a manqué à son obligation de prévention et de sécurité et non à son obligation de sécurité de résultat.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail':

L'article L. 1222-1 du code de travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

L'article L.5213-6 du code du travail énonce que':

Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l'article L. 5212-13 d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée.

Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l'aide prévue à l'article L. 5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur.

Le refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d'une discrimination au sens de l'article L. 1133-3.

En l'espèce, d'une première part, les premiers juges ont jugé à juste titre que la demande formée par Mme [E] au titre d'une erreur sur son attestation de salaire du 2014 est prescrite dès lors que l'instance a été introduite plus de deux années après la faute alléguée par requête en date du 19 août 2019.

Le jugement entrepris est toutefois infirmé en ce qu'il a débouté Mme [E] de sa demande à ce titre alors qu'elle doit en être déclarée irrecevable à raison de la prescription.

D'une seconde part, Mme [E] s'est vu reconnaître, depuis le 01 août 2014, la qualité de travailleur handicapé.

Si l'employeur justifie certes que la situation de Mme [E] est examinée par la commission de retour et de maintien dans l'emploi, force est de constater que l'employeur, indépendamment des avis du médecin du travail, ne justifie aucunement avoir pris des mesures concrètes et utiles pour permettre d'accéder à la demande de Mme [E] de pouvoir évoluer sur un poste de type administratif ou de guichet dans le cadre de son obligation de prendre les mesures appropriées à raison du handicap de Mme [E], afin de pouvoir accéder à un emploi, de l'exercer ou d'y progresser.

Il a été vu précédemment qu'il n'est aucunement justifié de l'absence de poste disponible de type administratif et l'employeur n'allègue et encore moins ne justifie avoir envisagé que Mme [E] puisse suivre une formation dans la perspective d'accéder à ce type d'emploi.

Il n'est pas allégué et encore moins démontré du caractère disproportionné desdites mesures.

L'employeur se prévaut de manière inopérante des dispositifs mis en 'uvre au sein de l'entreprise au bénéfice des personnes affectées par un handicap dans le cadre d'accords régularisés avec les partenaires sociaux dès lors qu'il n'est pas justifié que Mme [E] ait pu en bénéficier.

Il s'agit d'un préjudice distinct de celui subi par Mme [E] à raison du manquement de son employeur à son obligation de prévention et de sécurité puisque la salariée a incontestablement subi un dommage à raison de la non-prise en compte suffisante de son handicap dans l'adaptation et l'évolution de son emploi.

Il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris et d'allouer de ce chef à Mme [E] la somme de 5000 euros nets à titre de dommages et intérêts, le surplus de la demande étant rejeté.

Sur les demandes accessoires':

Infirmant le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société La Poste à payer à Mme [E] une indemnité au titre de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 dès lors qu'il était sollicité une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société La Poste à payer à Mme [E] une indemnité de procédure de 2500 euros.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de condamner la société La Poste, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS';

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi':

CONFIRME le jugement entrepris sauf à rectifier et dire que la SA LA POSTE a manqué à son obligation de prévention et de sécurité, sauf en ce qu'il a débouté Mme [E] de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et lui a alloué une indemnité au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DÉCLARE irrecevable Mme [E] en sa demande au titre de l'attestation de salaire de l'année 2014

CONDAMNE la société La Poste à payer à Mme [E] la somme de cinq mille euros (5000 euros) nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

DÉBOUTE Mme [E] du surplus de ses prétentions au principal

CONDAMNE la société La Poste à verser à Mme [E] une indemnité de procédure de 2500 euros

REJETTE le surplus des prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société La Poste aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/02592
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;21.02592 ?
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