N° RG 21/01127 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KY3Y
C9
N° Minute :
copie certifiée conforme délivrée
aux avocats le :
Copie Exécutoire délivrée
le :
aux parties (notifiée par LRAR)
aux avocats
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES
ARRET DU MARDI 25 AVRIL 2023
APPEL
Décision au fond, origine tj hors jaf, jex, jld, j. expro, jcp de Grenoble, décision attaquée en date du 18 janvier 2021, enregistrée sous le n° 18/00503 suivant déclaration d'appel du 03 mars 2021.
APPELANT :
M. [T] [D]
né le 25 Mars 1945 à [Localité 19] (38)
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 17]
représenté par Me Véronique LUISET de la SCP SAUNIER-VAUTRIN LUISET, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIME :
M. [U] [D]
né le 01 Juin 1946 à [Localité 21] (38)
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 10]
représenté par Me Christophe LACHAT de la SCP LACHAT MOURONVALLE, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me Gilles MOURONVALLE, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré :
Mme Anne BARRUOL, Présidente,
Mme Martine RIVIERE, Conseillère,
Mme Christelle ROULIN, Conseillère,
Assistées lors des débats de Amélia Thuillot, greffière.
DEBATS :
A l'audience tenue en chambre du conseil du 17 janvier 2023, Mme Martine Rivière, conseillère, a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions, puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE
[K] [D], époux de [H] [T], avec laquelle il était marié sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts en suite d'un contrat de mariage reçu par Maître [F], notaire au [Localité 22], le 15 décembre 1943, est décédé le 22 février 1990.
[H] [T] est-elle même décédée le 16 novembre 2001.
Les époux [D]-[T] ont laissé pour héritiers leurs deux enfants, à savoir :
- M. [U] [D],
- M. [T] [D].
L'actif des successions confondues est composé notamment de biens immobiliers sur la commune de [Localité 21].
Par exploit du 31 janvier 2012, M. [U] [D] a assigné M. [T] [D] en partage judiciaire, faute d'accord amiable pour sortir de l'indivision.
Par jugement du 1er décembre 2014, le tribunal de grande instance de Grenoble a ordonné une expertise confiée à M. [N] [Z], expert judiciaire. Ce dernier a déposé son rapport le 28 juin 2016.
Par jugement contradictoire du 18 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a principalement :
- commis pour procéder aux opérations de partage sous la surveillance du juge chargé des opérations de liquidations de communauté et des partages, Maître [O] [Y], notaire à [Localité 18],
- dit qu'en cas d'empêchement du notaire commis il sera procédé à son remplacement par ordonnance rendue sur requête,
- ordonné préalablement et pour parvenir au partage la licitation des biens immobiliers dépendant des successions confondues des époux [D]-[T] sur les mises à prix suivantes :
maison d'habitation avec environ 500 m2 de terrain : 137 000 euros,
dépendance transformable en habitation avec l 300m2 de terrain : 80 000 euros,
parcelle A [Cadastre 13] : 77 000 euros,
pour les terres agricoles hors zone NA : 4 000 euros,
pour la partie de la parcelle [Cadastre 1] et de la parcelle [Cadastre 14] sise en zone NA : 6 750 euros,
- dit que le cahier des charges établi par la SCP Lachat-Mouronvalle comportera une faculté de baisse de mise à prix d'un quart en cas de carence d'enchères,
- dit qu'il y aura lieu d'introduire une clause d'attribution dans le cahier des charges,
- dit que le produit des ventes sera intégré dans les opérations de compte, liquidation et partage,
- donné acte aux parties à l'instance qu'elles n'ont aucune revendication relativement aux meubles meublants pouvant dépendre des successions confondues des époux [D]-[T],
- dit et jugé que M. [U] [D] devra rapporter à la masse successorale le montant du don manuel reçu par lui à hauteur de 22 000 euros,
- débouté M. [T] [D] de sa demande au titre du recel successoral,
- débouté les parties de leurs demandes respectives de dommages et intérêts et d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit et jugé que les dépens seront tirés en frais de liquidation et partage dont distraction au profit des avocats en la cause,
- débouté les parties de toute demande autre ou contraire.
Le 3 mars 2021, M. [T] [D] a interjeté appel du jugement du 18 janvier 2021, en ce qui concerne la désignation de Maître [Y] pour procéder aux opérations de partage, la licitation des biens immobiliers et la valeur de ceux-ci, le rejet de ses demandes de fixation et d'attribution des lots à partager, de recel successoral concernant la donation rapportable de 22 000 euros, de dommages-intérêts ainsi que les frais irrépétibles.
Par conclusions notifiées dans le délai de 3 mois suivant la notification des premières conclusions de l'appelant, M. [U] [D] a fait appel incident sur le rapport du don manuel de 22 000 euros et la valeur de la masse partageable.
Par conclusions notifiées le 18 novembre 2021, M. [T] [D] demande à la cour de :
- dire et juger recevable et bien fondé, l'appel interjeté par M. [T] [D] à l'encontre du jugement du 18 janvier 2021,
- rejeter l'appel incident formé par M. [U] [D] portant sur le rapport à la succession de la somme de 22 000 euros ordonné par la décision entreprise, et sa demande d'allocation d'une indemnité pour frais irrépétibles et l'en débouter en conséquence,
- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a, concernant les modalités de partage, considéré qu'il y avait lieu d'ordonner la vente sur licitation des biens immobiliers dépendant des successions des époux [D]/[T] situés sur la commune de [Localité 21], sur la base des prix et lots proposés par l'expert judiciaire, outre dispositions du jugement prononcées en annexes de cette licitation ordonnée,
- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. [T] [D] en conséquence, de sa demande de partage tendant à la fixation et à l'attribution de 2lots, lot 1 à M. [U] [D] et lot 2, à M. [T] [D], et tendant, compte tenu de la différence de valeur entre ces lots, au versement d'une soulte par M. [T] [D], attributaire du lot n° 2 correspondant à une valeur plus élevée, à son frère, M. [U] [D], cette soulte se compensant toutefois avec la donation rapportable assortie de la sanction du recel, de 22 000 euros,
- réformer également la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. [T] [D] de sa demande tendant à ce que la sanction du recel s'applique à l'encontre de la donation rapportable de 22 000 euros perçue par M. [U] [D], mais encore en ce qu'il a été débouté de sa demande portant sur l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de sa résistance abusive, d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et relativement aux dépens.
- confirmer la décision pour le surplus,
- dire et juger en conséquence que M. [U] [D] a perçu la somme de 22 000 euros correspondant à un don manuel qui est rapportable à la succession, et qu'il devra rapporter à la masse successorale, le montant de ce don manuel reçu par lui, à hauteur de 22 000 euros,
- dire et juger que M. [U] [D] ne pourra prétendre à aucune part dans la succession de ses parents sur ce rapport, en application de l'article 778 alinéa 2 du code civil,
- dire et juger que la valeur des successions de [K] [D] et de [H] [T] s'élève à la somme de 454 869 euros, composée de la façon suivante :
maison d'habitation : 196 000 euros,
ancien hangar divisé en deux logements : 158 000 euros,
parcelle n° [Cadastre 13] (terrain à aménager en deux parcelles loties) : 68 000 euros,
ensemble parcelles situées en zone agricole : 4 119 euros,
parcelles classées en zone NA : 6 750 euros,
somme rapportable par M. [U] [D] : 22 000 euros.
- dire et juger que le partage des successions de [K] [D] et de [H] [T] peut se faire en nature moyennant le paiement d'une soulte, et s'effectuera selon les attributions suivantes :
M. [U] [D] : maison d'habitation, soit une valeur de 196 000 euros,
M. [T] [D]:
- ancien hangar divisé en deux logements, soit une valeur de 158 000 euros,
- parcelle n° [Cadastre 13] (terrain à aménager en deux parcelles loties), soit une valeur de 68 000 euros,
- ensemble parcelles situées en zone agricole, soit une valeur de 4 119 euros,
- parcelles classées en zone NA, soit une valeur de 6 750 euros,
- somme de 22 000 euros rapportable,
- soit au total, 258 869 euros,
- dire et juger que chacun des indivisaires a droit à la moitié de la valeur des biens qui composent la succession, hors sommes rapportables, soit la moitié de 432 869 euros c'est à dire 216 434,50 euros chacun,
- dire et juger que M. [T] [D] serait alors redevable d'une soulte à M. [U] [D] de 20 434,50 euros.
- ordonner la compensation entre cette soulte de 20 434,50 euros et la somme de 22 000 euros due par M. [U] [D] puisqu'elle doit être rapportée puisqu'il n'a aucun droit sur ce rapport,
- condamner M. [U] [D], compte tenu du résultat de cette compensation, à verser à M. [T] [D], la somme de 1 565,50 euros au titre du partage définitif de la succession,
- débouter M. [U] [D] de l'ensemble ses demandes,
- condamner M. [U] [D] à payer à M. [T] [D], une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de sa résistance abusive,
- condamner M. [U] [D] à payer à M. [T] [D] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi que de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,
- condamner M. [U] [D] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, avec distraction au profit de la SCP Saunier-Vautrin-Luiset, avocat associé, en application de l'article 699 du code de procédure civile, sur son affirmation de droit.
Par conclusions notifiées le 18 août 2021, M. [U] [D] demande à la cour de :
- voir confirmer le jugement du 18 janvier 2021 concernant le partage, la masse partageable, les modalités du partage, les dommages-intérêts et l'article 700 et les dépens,
- en conséquence,
- voir ordonner la licitation des biens de l'indivision suivant les mises à prix déterminées par M. [N] [Z], expert judiciaire, sur le cahier des conditions de la vente dressé par la SCP d'avocats Lachat ' Mouronvalle, à savoir, sur la commune de [Localité 21] (Isère) :
une maison d'habitation située sur la parcelle cadastrée n°[Cadastre 1] lieudit « [Localité 20] » sur une assiette foncière de 500 m², sur une mise à prix de 137.000 euros,
une dépendance transformable en habitation sur 1300 m² de terrain indivis située sur la parcelle n°[Cadastre 1] lieudit « [Localité 20] » avec la jouissance indivise du restant du terrain classé en zone constructible, sur une mise à prix de 80.000 euros,
la parcelle constructible non bâtie cadastrée section a n°[Cadastre 13] située lieudit «[Localité 20]» sur une mise à prix de 77.000 euros,
différentes parcelles de terre en nature de bois, taillis et vergers, classées en zone NA, cadastrées : A [Cadastre 3], A [Cadastre 4], A [Cadastre 5], A [Cadastre 7], A [Cadastre 9], A [Cadastre 11], A [Cadastre 12], A [Cadastre 16], ZA [Cadastre 2], A [Cadastre 15], sur une mise à prix pour l'ensemble de 4.000 euros,
la parcelle cadastrée N°A [Cadastre 1] d'environ 1800 m² et la parcelle N°A [Cadastre 14] classée en zone NA du plan d'occupation des sols sur une mise à prix de 4 000 euros,
- réformer le jugement en ce qu'il a reconnu un don manuel reçu par M. [U] [D] de 22.000 euros et débouter M. [T] [D] de sa demande de rapport à succession de ladite somme,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [T] [D] de sa demande au titre de recel sur cette somme,
- donner acte à M. [U] [D] de ce qu'il n'a aucune revendication mobilière,
- condamner M. [T] [D] au paiement d'une somme de 5.000 euros pour résistance abusive, 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 en première instance et 4.000 euros en appel,
- dire et juger que les dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise seront alloués en frais privilégiés de partage.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA D''CISION
Sur la désignation du notaire :
Vu l'article 954 du code de procédure civile ;
M. [T] [D] qui a interjeté appel du jugement en ce qui concerne la désignation du notaire chargé de procéder aux opérations de partage, ne présente aucune prétention sur cette question dans ses conclusions, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement en date du 18 janvier 2021 sur ce point.
Sur la valeur des biens immobiliers constituant l'actif successoral :
Vu l'article 954 du code de procédure civile ;
M. [T] [D] demande à la cour dans son dispositif d'évaluer la parcelle n°[Cadastre 13] à 68 000 euros alors que le premier juge a retenu la valeur de 111 000 euros proposée par l'expert sans que cette estimation ne soit discutée en première instance.
Il n'explique pas dans le corps de ses conclusions la raison pour laquelle il conteste l'évaluation retenue par le premier juge, laquelle repose sur une analyse complète du bien de la part de l'expert, contredite par aucun élément produit par l'appelant.
La valorisation des autres biens constituant l'actif successoral n'est pas contestée par les parties.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu pour les biens immobiliers dépendant de la succession situés à [Localité 21] les valeurs suivantes :
maison d'habitation avec environ 500 m2 de terrain : 196 000 euros,
ancien hangar divisé en deux logements avec 1 300 m2 de terrain : 158 000 euros,
parcelle n° [Cadastre 13] (terrain à aménager en deux parcelles loties) : 111 000 euros,
ensemble parcelles situées en zone agricole hors celles en zone NA : 4 119 euros,
parcelles n°[Cadastre 1] et n°[Cadastre 14] classées en zone NA : 6 750 euros.
Sur le principe et les modalités de la licitation :
L'article 1686 du code civil prévoit que si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte, ou si dans un partage fait de gré à gré de biens communs, il s'en trouve quelques-uns qu'aucun des copartageant ne puisse ou ne veuille prendre, la vente sera réalisée aux enchères et le prix en est partagé entre les copropriétaires.
L' article 1377 alinéa 1er du code de procédure civile précise que « le tribunal ordonne, dans les conditions qu'il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ».
M. [T] [D] demande l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la licitation des biens immobiliers constituant l'actif successoral aux motifs que si les biens objets du partage sont potentiellement partageables en nature, la composition de lots égaux en nature s'avèrerait cependant difficile compte tenu de la nature et de la valeur disparates des biens immobiliers, et que l'attribution de lots en nature à l'un ou l'autre des indivisaires conduirait à des lots déséquilibrés, supposant une soulte importante à la charge de l'attributaire ainsi que le constate l'expert à la page 8 de son rapport.
Il estime que cette analyse est erronée et que les biens peuvent facilement être partagés ou attribués, rappelant que le partage en nature doit primer, l'article 826 du code civil disposant que l'égalité dans le partage est une égalité de valeur, l'impossibilité de former des lots d'égale valeur pouvant être compensée par une soulte.
Il propose les attributions suivantes :
M. [U] [D] : maison d'habitation, soit une valeur de 196 000 euros,
M. [T] [D]:
- ancien hangar divisé en deux logements, soit une valeur de 158 000 euros,
- parcelle n° [Cadastre 13] (terrain à aménager en deux parcelles loties), soit une valeur de 68 000 euros,
- ensemble de parcelles situées en zone agricole, soit une valeur de 4 119 euros,
- parcelles classées en zone NA, soit une valeur de 6 750 euros,
- somme de 22 000 euros rapportable,
- soit au total, 258 869 euros,
Il explique que chacun des indivisaires ayant droit à la moitié de la valeur des biens qui composent la succession, hors sommes rapportables, soit la moitié de 432 869 euros (454 869 - 22 000 ) ou 216 434,50 euros chacun, de sorte qu'en cas d'attribution à son profit du lot 2,il serait redevable d'une soulte à M. [U] [D] de 20 434,50 euros. Il fait valoir que le rapport à la succession de la somme de 22 000 euros reçue par M. [U] [D] diminue la soulte à verser d'autant que la sanction du recel doit s'appliquer à cette donation, ce qui fait que la soulte se compensera avec la somme due par l'intimé au titre du recel qu'il a commis.
Il souligne que sa proposition de partage respecte l'égalité entre les indivisaires et est conforme aux textes applicables, la difficulté de composition de lots égaux pouvant facilement se régler par le versement d'une soulte par l'attributaire du lot le plus important. Il ajoute que sa proposition évite les divisions susceptibles de déprécier les lots conformément aux dipositions de l'article 830 du code civil invoqué par le premier juge pour rejeter sa demande. Selon lui, seul le maintien dans l'indivision, qui est cependant impossible, permettrait d'éviter une dépréciation des parcelles n°[Cadastre 1] et n°[Cadastre 14], celles-ci étant situées en zone NA et valorisées de manière plus importante par l'expert car potentiellement constructibles un jour.
Il s'oppose à la demande présentée à titre principal en première instance par M. [U] [D] qui proposait de garder la totalité des biens immobiliers en lui versant une soulte de 237 934 euros, cette demande étant formulée sur le fondement de l'article 824 du code civil, inapplicable en l'espèce car impliquant un maintien partiel de l'indivision et en conséquence la présence d'au moins trois indivisaires.
M. [U] [D] conclut à la confirmation du jugement entrepris sur les modalités du partage. Il souligne que les biens ne sont pas commodément partageables du fait du désaccord des héritiers, et la nature et la composition des lots très différentes, de sorte que la licitation s'impose aux conditions de l'article 1866 du code civil.
Il sera relevé que les biens immobiliers à partager sont de nature et de valeur très disparates, constitués d'un ténement immobilier composé d'une ancienne habitation contigüe et de dépendances (section A n°[Cadastre 1] et n°[Cadastre 13]), ainsi que d'un ensemble de parcelles non bâties en nature de bois et taillis.
L'expert relève que le ténement immobilier bâti sur environ 3 100 m2 de terrain (parcelle n°[Cadastre 13] et une partie de la parcelle n°[Cadastre 1]) peut être divisible en plusieurs unités :
- l'ancienne maison d'habitation sur un terrain de 500 m2,
- l'ancienne dépendance à usage de hangar, très partiellement aménagée en habitation et divisée en deux logements avec annexes en rez-de-chaussée et la jouissance indivise d'un terrain d'environ 1 300 m2 (classés en zone constructible),
- la parcelle n°[Cadastre 13] classée en zone constructible, qui peut être considérée comme un seul terrain constructible non viabilisé pouvant recevoir une seule unité d'habitation ou comme un terrain à aménager pouvant être divisé en deux parcelles loties,
- le surplus de terrain (restant de la parcelle n°[Cadastre 1] et parcelle n°[Cadastre 14]) classé en zone NA au Plan d'Occupation des Sols de la commune, zone à urbanisation future ; ces parcelles seraient constructibles dans l'hypothèse où il serait établi un plan d'aménagement dans l'ensemble du périmètre de la zone NA, le maire de la commune ayant indiqué à l'expert qu'un projet de réaliser un plan d'aménagement d'ensemble est toujours pendant mais nécessiterait l'élaboration et l'approbation d'un nouveau PLU.
Dans ces conditions, la proposition de M. [T] [D], à laquelle M. [U] [D] s'oppose ne respecte pas le principe de l'égalité de valeur des lots, les biens les composant étant par ailleurs de nature très différente, certaines parcelles étant constructibles, d'autres non constructibles et certaines en zone d'urbanisation future c'est-à-dire susceptibles de le devenir dans l'avenir, ce qui modifierait leur valeur. Enfin, les attributions proposées par l'appelant supposeraient le versement d'une soulte bien plus importante qu'il ne l'indique, la parcelle n°[Cadastre 13] étant valorisée à 111 000 euros et non 68 000 euros comme proposé.
C'est donc à juste titre que le premier juge a estimé que les biens immobiliers composant l'actif successoral ne sont pas commodément partageables et a ordonné leur licitation.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ainsi que sur les modalités de licitation notamment s'agissant des valeurs des mises à prix, non sérieusement contestables.
Sur le don manuel de 22 000 euros rapportable à la succession et le recel successoral :
Vu l'article 843 du code civil ;
En application de l'article 778 du code civil, il y a recel successoral lorsqu'un héritier commet volontairement une fraude pour rompre l'égalité du partage, par la dissimulation d'effets de succession ou, selon l'alinéa 2, d'une donation rapportable ou réductible. Il convient donc de rechercher l'existence d'un élément matériel consistant dans la dissimulation d'un actif de la succession mais également d'un élément intentionnel permettant de caractériser la constitution du recel.
M. [T] [D] demande la confirmation du jugement dont appel en ce qu'il dit que M. [U] [D] devra rapporter à la masse successorale le montant du don manuel reçu par lui à hauteur de 22 000 euros mais sollicite son infirmation en ce qu'il a été débouté de sa demande au titre du recel successoral.
Il expose que M. [U] [D] a bénéficié de donations de la part de leurs parents à l'occasion de la vente par ces derniers de terrains à M. [E], le produit de cette vente ayant permis à M. [U] [D] de financer une opération immobilière à [Localité 10]. Il évoque un échange de courriels entre eux en 2008 au cours desquels son frère a finalement reconnu avoir reçu une somme de 90 000 francs sur la vente '[E]' ainsi que 15 000 francs de son père. Il indique avoir appris l'existence de ces donations incidemment par sa mère, M. [U] [D] persistant à les contester et refusant de lui transmettre les relevés bancaires de leurs parents, ce qui établit selon lui la volonté de soustraction frauduleuse et la manoeuvre de dissimulation constitutives d'un recel successoral. Il se dit convaincu que M. [U] [D] a perçu des fonds bien plus importants et qu'il a fini par proposer dans un courriel de 2008 de régler la somme de 22 000 euros afin de cacher les sommes réellement perçues. Il fait valoir que finalement M. [U] [D] s'est dispensé d'informer le notaire de cette donation et de proposer de réintégrer le montant d'au moins 22 000 euros à la succession, et l'a contestée à l'occasion de la procédure judiciaire diligentée en décembre 2014.
Il estime contestable la motivation du premier juge qui a retenu que les échanges entre les deux frères dans le cadre de l'ouverture de succession a permis un débat sur la qualification des mouvements de fonds, dès lors qu'il s'agissait pour lui de savoir exactement ce que son frère [U] avait perçu de ses parents, ce dernier n'ayant jamais répondu loyalement, se contentant de reconnaître a minima, après de multiples échanges, avoir perçu 22 000 euros.
M. [U] [D] demande à la cour de rejeter toute demande visant à établir un don manuel à son profit. Il fait valoir qu'il appartient à l'appelant de rapporter la preuve de l'obligation en application de l'article 1315 alinéa premier du code civil, cette obligation devant être prouvée par écrit en vertu de l'article 1341 du code civil.
Il relève qu'en matière de donation, la preuve suppose d'une part un appauvrissement du donateur et un enrichissement du donataire, ainsi qu'une intention libérale conformément aux dispositions de l'article 894 du code civil, ces éléments n'étant pas établis par M. [T] [D].
Il prétend que le courrier électronique du 21 juin 2008 et les écrits électroniques échangés avec son frère entre janvier et février 2008 contenaient de simples propositions de sa part pour débloquer une situation dans le seul but de parvenir à un partage amiable, ce qui fut impossible.
Enfin, il conteste tout recel, reprenant la motivation du tribunal qui a noté que les échanges entre les deux frères dans le cadre de l'ouverture de la succession ont permis de mettre en avant un débat sur d'éventuels mouvements de fonds, débat qui est exclusif de toute intention frauduleuse.
Il résulte des échanges de courriels entre les parties, dont le contenu n'est pas contesté par M. [U] [D], que celui-ci, pressé par les questionnements de son frère, a admis dans un message du 15 janvier 2008 avoir reçu la somme de 90 000 francs provenant de la vente de biens de ses parents, dite 'participation [E]' du nom de l'acquéreur, puis dans un message du 18 janvier 2008 une donation de 15 000 francs de leur père.
Par courriel du 21 janvier 2008, il proposait finalement la somme de 22 000 euros.
Ces versements constituent des libéralités, l'appauvrissement des donateurs et l'enrichissement du donataire, ainsi que l'intention libérale n'étant pas sérieusement contestables.
C'est donc à juste titre que le premier juge a dit que M. [U] [D] doit rapporter à la succession la somme de 22 000 euros.
Il est avéré que M. [U] [D] a dissimulé lors de l'ouverture de la succession l'existence des dons dont il a bénéficié de la part de ses parents, les contestant tout au long de la procédure, y compris à hauteur d'appel. Les échanges de courriels en 2008 entre les parties avaient pour objet du côté de M. [T] [D] de vérifier l'existence et l'étendue des dons manuels dont son frère a bénéficié du vivant de leurs parents et non, comme retenu par le premier juge, de qualifier les mouvements de fonds que M. [U] [D] contestait avant d'admettre devoir rapporter la somme de 22 000 euros.
Cette dissimulation volontaire a eu pour but de rompre l'égalité du partage au détriment de l'autre héritier et présente un caractère frauduleux, ce qui caractérise le recel successoral dans son élément matériel et dans son élément intentionnel.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [T] [D] au titre du recel successoral, la somme de 22 000 euros devant figurer à l'actif successoral et M. [U] [D] ne pouvant prétendre à aucun droit au partage de ladite somme en vertu de l'alinéa 2 de l'article 778 du code civil.
Sur les demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive :
Vu l'article 1240 du code civil ;
L'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. En l'espèce, les parties, qui succombent toutes les deux pour partie, ne rapportent pas la preuve d'une telle faute et seront déboutées de leurs demandes respectives de de dommages-intérêts.
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les parties seront déboutées de leur demande.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes des parties au titre des frais irrépétibles et a dit que les dépens seront tirés en frais de liquidation et partage dont distraction au profit des avocats en la cause.
Les dépens d'appel seront tirés en frais de liquidation et partage dont distraction au profit des avocats en la cause.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement rendu le 18 janvier 2021 par le juge aux affaires familiales de Grenoble en toutes ses dispositions frappées d'appel sauf en ce qui concerne le recel successoral reproché à M. [U] [D],
Statuant à nouveau,
Dit que M. [U] [D] ne pourra prétendre à aucune part dans la succession de ses parents sur la somme de 22 000 euros rapportée à la succession, et ce en application de l'article 778 alinéa 2 du code civil,
Y ajoutant,
Renvoie les parties devant Maître [O] [Y], notaire à [Localité 18], aux fins de procéder aux opérations de liquidation-partage des successions sur les bases du présent arrêt, sous la surveillance du juge commis du tribunal judiciaire de Grenoble,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Dit que les dépens d'appel seront tirés en frais de liquidation et partage dont distraction au profit des avocats en la cause.
PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
SIGNÉ par la présidente Anne Barruol et par Amélia Thuillot, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière La Présidente
A. THUILLOT A. BARRUOL