C3
N° RG 21/03586
N° Portalis DBVM-V-B7F-LAE6
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU LUNDI 24 AVRIL 2023
Appel d'une décision (N° RG 17/00731)
rendue par le Pole social du TJ de grenoble
en date du 19 mars 2021
suivant déclaration d'appel du 02 août 2021
APPELANTS :
Madame [U] [K]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Roxane VIGNERON, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Mathilde PROVOST, avocat au barreau de GRENOBLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/006523 du 22/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
Monsieur [T] [C]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Roxane VIGNERON, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Mathilde PROVOST, avocat au barreau de GRENOBLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/006519 du 20/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
INTIMEE :
Organisme CAF DE L'ISERE, dont le N° SIRET est le 535 363 071 00015
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparante en la personne de M. [S] [R] régulièrement muni d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier et de Mme [Y] [E], greffier stagiaire,
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 février 2023,
M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries,
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [U] [K], connue des services de la Caisse d'Allocations Familiales (CAF) de l'Isère comme parent isolé depuis le 15 novembre 2011 avec trois enfants à charge, a déposé une demande d'aide au logement le 4 juin 2014.
À cette occasion, la caisse lui a demandé des justificatifs complémentaires notamment une déclaration de situation mentionnant la date exacte de sa vie commune avec M. [T] [C].
Le 16 septembre 2014, la CAF de l'Isère a notifié à Mme [K] et M. [C] un indu d'allocation de rentrée scolaire (ARS) et de complément familial pour la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2014 en raison d'une vie maritale retenue par la caisse depuis le 16 novembre 2011 pour un montant de 6 256,38 euros.
Le 11 juillet 2017, Mme [K] et M. [C] ont formé opposition devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble à une contrainte décernée le 22 juin 2017 notifiée le 26 juin 2017 par la CAF de l'Isère pour un montant de 4.750, 48 euros se rapportant au solde de l'indu notifié le 16 septembre 2014.
Par jugement du 19 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a :
- déclaré recevable l'opposition à contrainte formée par Mme [K] et M. [C],
- validé la contrainte du 22 juin 2017 notifiée par la CAF de l'Isère le 26 juin 2017 pour la somme de 4.750, 48 euros au titre du restant dû d'un indu d'allocation de rentrée scolaire (ARS) et de complément familial pour la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2014,
- débouté Mme [K] et M. [C] de leur demande d'annulation de l'indu de 4.750, 48 euros,
- débouté Mme [K] et M. [C] de leur demande de remise de dette,
- débouté Mme [K] et M. [C] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des articles 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991,
- débouté la CAF de l'Isère de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- condamné Mme [K] et M. [C] aux dépens nés après le 1er janvier 2019.
La notification du jugement effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 avril 2021 est revenue avec la mention : 'destinataire inconnu à l'adresse'.
M. [C] et Mme [K] ont déposé une demande d'aide juridictionnelle le 3 mai 2021, accordée pour madame et refusée pour monsieur par décisions des 22 juin 2021 (madame) et 20 juillet 2021 (monsieur).
Par déclaration d'appel du 2 août 2021, Mme [K] et M. [C] ont interjeté appel de cette décision.
Les débats ont eu lieu à l'audience du 7 février 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 24 avril 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme [U] [K] et M. [T] [C] selon leurs conclusions récapitulatives et en réponse n° 1 notifiées par RPVA le 25 janvier 2023 reprises à l'audience demandent à la cour de :
- juger recevable leur appel,
- constater l'omission de statuer du tribunal judiciaire de Grenoble,
- annuler le jugement n° 17/00731 rendu le 19 mars 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble en ce que le tribunal a :
- validé la contrainte du 22 juin 2017 notifiée par la CAF de l'Isère le 26 juin 2017 pour la somme de 4.750, 48 euros au titre du restant dû d'un indu d'allocation de rentrée scolaire (ARS) et de complément familial pour la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2014,
- débouté Mme [K] et M. [C] de leur demande d'annulation de l'indu de 4.750, 48 euros,
- débouté Mme [K] et M. [C] de leur demande de remise de dette,
- débouté Mme [K] et M. [C] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des articles 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991,
- condamné Mme [K] et M. [C] aux dépens nés après le 1er janvier 2019.
- réformer le jugement du 19 mars 2021,
Et statuant de nouveau,
A titre principal,
- constater la nullité de la contrainte du 22 juin 2017,
- prononcer l'annulation de la contrainte du 22 juin 2017,
- constater l'absence de bien fondé de la contrainte du 22 juin 2017,
- dire que la procédure suivie par la CAF est entachée d'un vice substantiel,
- constater leur bonne foi,
En conséquence,
- prononcer l'annulation de la contrainte du 22 juin 2017,
- prononcer la décharge de la somme de 6.256,38 euros réclamée au titre d'un trop-perçu d'allocation de rentrée scolaire et de complément familial pour la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2014, subsidiairement la somme de 4.750, 48 euros,
- enjoindre à la CAF de l'Isère de leur rembourser les sommes ayant préalablement fait l'objet de retenues sur prestations, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir,
- assortir cette injonction d'une astreinte de 200 euros par jour de retard,
A titre subsidiaire,
- prononcer une remise totale de leur dette,
A titre infiniment subsidiaire,
- constater que la faute commise par la CAF de l'Isère leur a causé un préjudice,
- dire que le préjudice est évalué à la somme de 6.256,38 euros,
En conséquence,
- condamner la CAF de l'Isère à la somme de 6.256,38 euros,
- dire que cette somme se compensera avec la somme due à la CAF de l'Isère,
En tout état de cause,
- enjoindre à la CAF de l'Isère de leur rembourser les sommes ayant préalablement fait l'objet de retenues sur prestations, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, et sous astreinte de 200 euros par jour de retard,
- condamner la CAF de l'Isère à la somme de 1.500 euros au titre des articles 34 et 37 de loi du 10 juillet 1991 et de l'article 700 du code de procédure civile et à verser directement à leur conseil, dans le cas où ils bénéficieraient de l'aide juridictionnelle totale, sous réserve que celle-ci renonce à la part contributive de l'Etat, s'agissant de la première instance,
- condamner la même aux entiers dépens,
- débouter la CAF de l'Isère à l'intégralité de ces demandes, fins et conclusions.
Sur l'annulation du jugement pour omission de statuer, ils soutiennent que la juridiction sociale n'a pas statué sur leur moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la mise en demeure au regard des dispositions de l'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale, précisant qu'elle n'était pas signée et ne comportait pas la mention du nom et la qualité de son auteur puisqu'il est simplement précisé « Votre Caisse d'Allocations Familiale », alors qu'elle doit émaner du directeur de l'organisme.
Sur la nullité de la contrainte pour le motif précité, ils affirment que la mise en demeure du 10 février 2017 n'étant pas valable, la contrainte qui en a découlé du 22 juin 2017 est entachée d'irrégularité subséquente.
Sur l'indu ils exposent que s'ils résident ensemble depuis le 15 novembre 2011, la retraite de M. [C] ne pouvait constituer les ressources de leur foyer du fait que ce dernier était encore marié jusqu'à son divorce le 20 octobre 2016 à la date du versement des prestations familiales à Mme [K].
Ils prétendent que les ressources de M. [C] servaient à l'exception d'une somme mensuelle de 850 euros à s'acquitter de la contribution aux charges du mariage qu'il devait.
En tout état de cause ils estiment que dès lors que M. [C] ne bénéficiait pas des prestations familiales objet de l'indu, ses revenus n'avaient pas à être pris en compte et la caisse d'allocations familiales n'a pas explicité le calcul de l'indu.
Pareillement Mme [K] relève qu'elle versait aussi une contribution à son ex mari pour l'entretien des enfants qui absorbait l'intégralité de ses revenus.
Ils en déduisent que leur revenus cumulés ne devaient pas être pris en compte pour calculer leurs droits à prestations.
Enfin Mme [K] soutient avoir été mal renseignée par la caisse d'allocations familiales, affirmant qu'on lui a indiqué dans sa situation particulière que les revenus de son concubin n'avaient pas à être pris en compte et réclame de ce fait des dommages et intérêts à hauteur de 6 256,38 euros, équivalents au montant notifié initialement de l'indu, avant récupérations partielle par retenues sur prestations.
La caisse d'allocations familiale de l'Isère selon ses conclusions d'appel parvenues au greffe le 28 septembre 2022 complétées le 3 février 2023 et reprises à l'audience demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble en date du 19 mars 2021,
- débouter Mme [K] et M. [C] de l'ensemble de leurs prétentions,
- condamner Mme [K] et M. [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
En premier lieu elle s'interroge sur la recevabilité de l'appel faute d'avoir eu connaissance de la date de notification de la décision d'aide juridictionnelle.
Sur l'omission de statuer, elle soutient que cette question a fait l'objet d'un débat contradictoire lors de l'audience de sorte que le jugement a été rendu en tenant compte de cette question.
Sur la nullité de la contrainte, elle répond que la mise en demeure du 10 février 2017 respecte les conditions de validité imposées par l'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale puisqu'elle précise notamment la nature, la date de versement, le montant ainsi que le motif des indus concernés, les voie et délai de recours.
Sur l'indu elle explique que l'allocation de rentrée scolaire et le complément familial sont des prestations attribuées au ménage et donc aux deux membres du couple et qu'en conséquence, il convient de tenir compte de leurs ressources de l'année N-2, sans que la caisse ait à apprécier l'usage qui peut en être fait ensuite. Les plafonds de ressource étant dépassés, c'est l'intégralité des sommes versées au titre de l'allocation de rentrée scolaire et du complément familial qui sont à restituer.
Enfin elle observe que Mme [K] et M. [C] n'ont jamais formulé de demande de remise de dette pour pouvoir être recevable à contester aujourd'hui une décision de refus.
Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
1. Le jugement du 19 mars 2021 dont ils ont relevé appel a été notifié à Mme [K] et M. [C] par lettres recommandées avec demande d'avis de réception 6 avril 2021 revenues avec la mention : 'destinataire inconnu à l'adresse'.
Il est cependant établi qu'ils en ont eu notification à tout le moins à partir du 3 mai 2021, date à laquelle ils ont conjointement déposé une demande d'aide juridictionnelle.
L'article 43 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 pris en application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle prévoit que l'appel doit être formé dans un nouveau délai de même durée à compter de la notification de la décision d'admission provisoire ou de la date à laquelle le demandeur ne peut plus contester la décision de rejet de sa demande.
S'agissant de M. [C], la question de la recevabilité de son appel ne se pose pas puisque la décision de rejet le concernant est du 20 juillet 2021 et qu'il a formé son recours moins d'un mois après, le 2 août 2021.
Pour Mme [K], sa décision d'admission est du 22 juin 2021 mais n'a pas date certaine faute de preuve de la date de sa notification à l'intéressée figurant au dossier de la cour ou apportée par la caisse d'allocations familiales qui se prévaut de cette irrecevabilité.
Son appel sera en conséquence également déclaré recevable.
2. L'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel. Il est statué à nouveau en fait et en droit dans la limite des chefs de jugements critiqués dévolus à la cour selon les articles 561 et 562 du code de procédure civile.
M. [C] et Mme [K] ne peuvent donc soutenir que l'éventuelle absence de réponse du tribunal à leur moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la mise en demeure et le défaut de signature de celle-ci aurait pour conséquence la nullité du jugement, ou plutôt sa cassation, que la cour d'appel n'a pas compétence à prononcer.
Les appelants se prévalent de la nullité de la mise en demeure et par voie de conséquence de la contrainte qui l'a suivie aux motifs qu'elle n'émane pas du directeur de la caisse d'allocations familiales et qu'elle n'est pas signée.
Ils invoquent les dispositions du code des relations entre le public et l'administration qui régit les relations entre le public et l'administration, en l'absence de dispositions spéciales applicables selon l'article L. 100-1 de ce code.
Au sens de ce code et sauf disposition contraire de celui-ci, on entend par administration les administrations de l'Etat les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale (L. 100-3-1°).
Les appelants se fondent sur l'article L. 212-1 prévoyant que : 'Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci'.
La mise en demeure à un débiteur de payer une somme d'argent qu'il s'agisse d'un indu de prestations familiales, de cotisations sociales ou d'impôts et contributions diverses, n'est pas une décision de l'administration acceptant ou refusant une demande d'un administré dont elle serait saisie, ni tranchant un litige entre plusieurs de ceux-ci au sens de ce texte.
Ainsi l'article L. 212-2 du même code dispense de la signature de leur auteur, dès lors qu'ils comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient, (...) :
'3° Quelles que soient les modalités selon lesquelles ils sont portés à la connaissance des intéressés, les saisies administratives à tiers détenteur, adressées tant au tiers saisi qu'au redevable, les lettres de relance relatives à l'assiette ou au recouvrement, les avis de mise en recouvrement, les mises en demeure de souscrire une déclaration ou d'effectuer un paiement, les décisions d'admission totale ou partielle d'une réclamation et les demandes de documents et de renseignements pouvant être obtenus par la mise en oeuvre du droit de communication prévu au chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales'.
Cependant en vertu du principe de spécialité contenu à l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration, sont seulement applicables les dispositions particulières propres au contentieux de la sécurité sociale de l'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction antérieure au décret n° 2021-306 du 23 mars 2021 selon lesquelles :
'L'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur par le directeur de l'organisme compétent d'une notification de payer le montant réclamé par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette lettre précise le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements donnant lieu à répétition. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées et les modalités selon lesquelles les indus de prestations pourront être récupérés, le cas échéant, par retenues sur les prestations à venir. Elle indique les voies et délais de recours ainsi que les conditions dans lesquelles le débiteur peut, dans le délai mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 142-1, présenter ses observations écrites ou orales.
A l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l'organisme créancier compétent, en cas de refus du débiteur de payer, lui adresse par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception une mise en demeure de payer dans le délai d'un mois qui comporte le motif, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, les voies et délais de recours et le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées'.
Cet article à la différence de l'article L. 212-2 précité du code des relations entre le public et l'administration, n'impose pas que la mise en demeure comporte les nom, prénom et qualité du directeur de la caisse.
Il s'en déduit donc que l'omission de ces mentions ou de la signature du directeur de l'organisme de recouvrement n'affecte pas la validité de la mise en demeure qui n'est pas un acte de procédure ni un titre exécutoire mais seulement son préalable, dès lors qu'elle précise bien la dénomination de l'organisme émetteur, la caisse d'allocations familiales.
3. L'indu initial de 6 256,38 euros notifié le 16 septembre 2014 pour la période de septembre 2012 à août 2014 dans les limites de la prescription biennale se rapporte au complément familial versé durant cette période et à l'allocation de rentrée scolaire versée en 2013 et 2014.
La vie maritale de M. [C] et Mme [K] depuis le 15 novembre 2011 n'est pas contestée et reprise dans la demande d'aide au logement rectificative du 28 août 2014 remplie par Mme [K].
L'article L. 543-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2019 applicable au litige prévoit que :
'Une allocation de rentrée scolaire est attribuée au ménage ou à la personne dont les ressources ne dépassent pas un plafond variable en fonction du nombre des enfants à charge, pour chaque enfant inscrit en exécution de l'obligation scolaire dans un établissement ou organisme d'enseignement public ou privé (...)
Le niveau du plafond de ressources varie conformément à l'évolution des prix à la consommation des ménages hors les prix du tabac, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. Son montant est fixé par décret et revalorisé par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, du budget et de l'agriculture'.
De même l'article L. 522-1 du code de la sécurité sociale en vigueur depuis le 19 décembre 2003 dispose que :
'Le complément familial est attribué au ménage ou à la personne dont les ressources n'excèdent pas un plafond et qui assume la charge d'un nombre déterminé d'enfants ayant tous un âge supérieur à l'âge limite visé au premier alinéa de l'article L. 531-1".
L'une comme l'autre sont ainsi des prestations soumises à conditions de ressources du ménage n'excédant pas un certain plafond.
Les appelants ne peuvent donc soutenir que les revenus de M. [C], non divorcé, ne devraient pas être pris en compte pour déterminer les revenus du ménage.
Les deux articles précités ne distinguent pas non plus pour le calcul du plafond de revenus au delà duquel les droits à prestations ne sont pas ouverts, l'usage qui peut être fait par chacune des personnes composant le ménage de ses revenus.
Dès lors il ne peut non plus être retenu que les revenus de M. [C] ne devraient être pris en compte que pour 850 euros, part qu'il aurait consacrée à l'entretien du ménage qu'il forme avec Mme [K] depuis le 15 novembre 2011.
Les plafonds de ressource pour les années considérées ont été au plus de 37 295 euros, tandis que les revenus du ménage n'ont jamais été inférieurs à 41 313 euros selon les avis d'imposition versés aux débats par la caisse d'allocations familiales de sorte que l'indu est fondé et porte sur la totalité des prestations versées sur la période considérée.
4. L'article L. 553-2 dernier alinéa du code de la sécurité sociale prévoit que la créance de la caisse d'allocations familiales peut être réduite ou remise en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations.
L'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale contient des dispositions générales similaires applicables à toutes les caisses, selon lesquelles les créances des caisses peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée de la caisse, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations.
Ces dispositions sont à combiner avec le principe général contenu aux articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable, selon lequel les réclamations contre les décisions prises par un organisme de sécurité sociale sont soumises à une commission de recours amiable et que la juridiction du contentieux de la sécurité sociale ne peut être saisie qu'après accomplissement de cette procédure, sur refus implicite ou explicite.
En l'occurrence Mme [K] et M. [C] ne justifient d'aucun refus de remise gracieuse au soutien de leur recours devant le tribunal de première instance et le courrier de Mme [K] du 22 janvier 2015 (pièce 7) ayant pour objet 'mes revenus ne sont pas ceux que vous croyez', même s'il fait état de la précarité de sa situation, ne contient aucune demande expresse de remise de dette ('Je vous serais très reconnaissante de prendre en compte la réalité de nos ressources depuis le 15/11/2021, pour permettre à mes enfants de bénéficier des aides auxquelles ils auraient droit et besoin'), ce d'autant qu'il est même antérieur à la mise en demeure du 10 février 2017 et à la contrainte du 22 juin 2017 ayant rendu l'indu exigible.
Le tribunal a donc considéré à bon droit que cette demande de remise de dette formée pour la première fois à l'occasion de sa saisine était irrecevable, faute de décision implicite ou explicite préalable de la caisse d'allocations familiales ayant rejeté une demande de remise gracieuse pouvant être contestée par recours devant la juridiction du contentieux de la sécurité sociale.
5. À titre infiniment subsidiaire, les appelants se prévalent d'une faute de la caisse d'allocations familiales à l'origine de l'indu dont ils demandent réparation à due concurrence de son montant.
Ils prétendent que début 2012, Mme [K] se serait rendue à la caisse d'allocations familiales pour informer de son changement de situation et de son concubinage avec M. [C] et qu'il lui aurait été indiqué que, s'agissant de droit à des prestations familiales et non à des aides au logement, les revenus de M. [C] n'avaient pas à être déclarés, ce qu'elle a fait.
Aucune preuve n'ayant été versée aux débats par les appelants que des renseignements contraires aux dispositions légales applicables leur auraient été donnés, la faute de la caisse d'allocations familiales à l'origine du préjudice qu'ils invoquent n'est déjà pas établie, de sorte que leur demande de dommages et intérêts ne peut être accueillie.
6. Les appelants qui succombent supporteront les dépens.
Ils ne sont donc pas fondés à réclamer une indemnité pour frais irrépétibles et leur conseil une somme similaire au titre des articles 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare recevable l'appel de Mme [U] [K] et de M. [T] [C].
Confirme le jugement RG n° 17/00731 rendu le 19 mars 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble.
Y ajoutant,
Condamne Mme [U] [K] et M. [T] [C] aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président