C3
N° RG 21/03515
N° Portalis DBVM-V-B7F-LAAG
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Ladjel GUEBBABI
la CPAM DE L'ISÈRE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU LUNDI 24 AVRIL 2023
Appel d'une décision (N° RG 19/00283)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Vienne
en date du 07 juillet 2021
suivant déclaration d'appel du 30 juillet 2021
APPELANTE :
S.A.R.L. [6], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Cheraf MAHRI de la SELARL MAHRI AVOCAT, avocat au barreau de LYON, substituée par Me Camille BLANC, avocat au barreau de LYON, Me Ladjel GUEBBABI, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
CPAM DE L'ISERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparante en la personne de Mme [K] [V], régulièrement munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier et de Mme Fatma DEVECI, greffier stagiaire en pré-affectation
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 février 2023,
M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 17 juillet 2018, Mme [Y] [H], employée depuis le 21 août 2017 en qualité de laborantine par la SARL [6], a établi une déclaration de maladie professionnelle auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de l'Isère au titre d'une tendinopathie de la coiffe des rotateurs épaule droite suivant certificat médical initial du 26 juin 2018.
La condition relative à la liste limitative des travaux n'étant pas remplie, la caisse primaire a transmis le dossier au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) de Rhône-Alpes, lequel a rendu un avis favorable daté du 21 janvier 2019.
Le 11 avril 2019, la CPAM de l'Isère a notifié à l'employeur sa décision de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par Mme [H].
Le 13 septembre 2019, la société [6] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Vienne d'un recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire du 18 juillet 2019 rejetant sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge.
Par jugement du 7 juillet 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Vienne considérant que la condition du tableau relative à la liste limitative des travaux était satisfaite a :
- débouté la société [6] de son recours,
- confirmé la décision de la commission de recours amiable en date du 15 juillet 2019,
- laissé les dépens à la charge de la société [6].
Le 30 juillet 2021, la société [6] a interjeté appel de cette décision.
Les débats ont eu lieu à l'audience du 7 février 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 24 avril 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La SARL [6], selon ses conclusions, notifiées par RPVA le 4 janvier 2022, reprises à l'audience, demande à la cour de :
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a :
- débouté la société [6] de son recours visant à voir infirmer la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable du 18 juillet 2019 confirmant la prise en charge au titre de la législation relative aux maladies professionnelles de l'affection survenue le 26 juin 2018 à Mme [H] à la suite du recours en date du 12 juin 2019 formé par la société [6] auprès de ladite commission,
- confirmé la décision de la commission de recours amiable en date du 15 juillet 2019.
Et statuant à nouveau :
- constater que la CPAM n'a pas respecté le caractère contradictoire de la procédure d'instruction et son obligation d'information dans le cadre de l'instruction du dossier de Mme [H],
- constater que les conditions requises du tableau 57 ne sont pas respectées,
- constater que la maladie professionnelle de Mme [H] n'est pas directement causée par son travail habituel,
En conséquence :
- lui déclarer inopposable la décision de prise en charge du 11 avril 2019 de la maladie professionnelle de Mme [H] par la CPAM de l'Isère,
- infirmer la décision explicite de rejet de la Commission de Recours Amiable du 18 juillet 2019 confirmant la prise en charge au titre de la législation relative aux maladies professionnelles, de l'affection déclarée survenue le 26 juin 2018 à Mme [H] à la suite du recours en date du 12 juin 2019 formé par la société [6] auprès de ladite commission,
- condamner la CPAM de l'Isère à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
La société [6] soutient que la décision de prise en charge doit lui être déclarée inopposable en premier lieu en ce que le principe du contradictoire n'a pas été respecté dans le cadre de la procédure d'instruction, puisqu'elle affirme ne pas avoir reçu dans le délai imparti, soit au plus tard le 15 avril 2019, ni à aucune occasion, une notification émanant de la CPAM l'informant de la possibilité de venir consulter le dossier médical de Mme [H].
D'autre part, elle estime qu'il n'est pas établi que la maladie professionnelle déclarée soit directement causée par le travail habituel de Mme [H] et rappelle que, recrutée le 21 août 2017, elle a établi le 26 juin 2018 un certificat de demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle, alors qu'elle n'a que 38 ans et n'a passé que 6 mois sur son poste.
Elle soutient que ni l'activité de concassage, ni celle de filtration ne sont à l'origine de la maladie déclarée dès lors que le temps passé par la salariée pour la première tâche est de maximum 26 minutes par jour et que concernant la seconde, Mme [H] ne travaille presque plus du tout sur ce poste depuis 2017 et donc pas « la moitié de son temps » comme cette dernière l'affirme ; en tout état de cause, la durée d'exposition, en l'espèce, est très inférieure à 3h30 car elle ne peut excéder 28 minutes par jour et par personne.
Elle estime que la pathologie provient d'une activité extra-professionnelle intensive de couture de Mme [H].
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Isère, par conclusions déposées le 3 février 2023 et reprises à l'audience, demande à la cour de :
- confirmer en tous points le jugement rendu ;
- juger que c'est à bon droit qu'elle a pris en charge à titre professionnel la maladie de Mme [H] ;
- déclarer opposable à l'appelante cette prise en charge et ses conséquences.
En la forme, elle se prévaut de l'avis de clôture qu'elle a adressé le 13 novembre 2018 à l'employeur par télécopie.
Sur le fond, il est ressorti de l'enquête réalisée le 6 novembre 2018 que la salariée effectuait des gestes d'élévation du bras à plus de 60 degrés tels que décrits au tableau 57 A mais sans certitude d'une durée au moins égale à 3 h 30, d'où la saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles dont l'avis, en faveur de la reconnaissance de l'imputabilité de cette maladie au travail, s'imposait à la caisse.
Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions, il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
1. Dans sa rédaction antérieure au 1er décembre 2019 applicable au litige, l'article R 441-14 du code de la sécurité sociale prévoit que dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R 441-11 du même code où il a été procédé à une enquête comme en l'espèce, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de venir consulter le dossier mentionné à l'article R 441-13.
Cet article n'impose donc pas le recours à une lettre recommandée avec demande d'avis de réception mais à un procédé permettant de déterminer la date de réception par l'employeur de cette information.
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère a adressé le 13 novembre 2018 à 15 h 36 au 04 74 99 96 37, numéro de télécopieur mentionné dans l'en-tête des courriers de la SARL [6], un courrier avisant la SARL [6] que le dossier serait transmis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour avis et qu'elle avait jusqu'au 3 décembre, soit plus de dix jours francs pour venir consulter le dossier et formuler des observations. Il est justifié de la réception par l'appelante de cette télécopie par le rapport d'émission comportant la mention 'Emission OK ; Résultat Ok' (pièce caisse n° 9).
En conséquence aucune violation du contradictoire, tirée du non respect des dispositions de l'article R 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, ne peut être retenue.
2. Dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er juillet 2018, applicable au litige, l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale prévoit que :
'(....) Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1".
L'article R 142-24-2, pris en application dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2019, dispose quant à lui : 'Lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L 461-1, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application du cinquième alinéa de l'article L 461-1".
Saisi d'un différend quant à l'imputation professionnelle de la maladie pour laquelle la caisse estimant que la condition tenant à la liste limitative des travaux n'était pas remplie et avait saisi un premier comité, le tribunal ne pouvait sans dénaturer les conclusions de la caisse dont il était saisi, estimer que les conditions du tableau étaient réunies pour décider la prise en charge de la maladie sans désigner préalablement un autre comité régional.
Le jugement déféré sera donc infirmé et il sera ordonné, avant dire droit, la désignation d'un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Il sera sursis à statuer également dans l'attente de cet avis sur les demandes au titre des frais irrépétibles et dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant contradictoirement et publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement RG n° 19/00283 rendu le 7 juillet 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Vienne.
Avant dire droit,
Désigne le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Bourgogne Franche Comté [Adresse 5] avec mission de dire s'il existe un lien direct entre la maladie tendinopathie aigue non rompue non calcifiante coiffe des rotateurs épaule droite tableau 57 A et le travail habituel de Mme [Y] [H].
Rappelle aux parties la faculté de présenter des observations au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (D 461-29 code de la sécurité sociale)
Sursoit à statuer.
Dit que l'instance sera reprise à la requête de la partie la plus diligente ou d'office après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Réserve les dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Kristina Yancheva, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président