C4
N° RG 21/01784
N° Portalis DBVM-V-B7F-K2R3
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL BLCA AVOCATS
la SCP TGA-AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 04 AVRIL 2023
Appel d'une décision (N° RG F19/00094)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Gap
en date du 22 mars 2021
suivant déclaration d'appel du 19 avril 2021
APPELANT :
Monsieur [T] [S] [P]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représenté par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE de la SELARL BLCA AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE,
INTIME :
Monsieur [B] [U]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Francois DESSINGES de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau de HAUTES-ALPES,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 février 2023,
Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, et Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 04 avril 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 04 avril 2023.
Exposé du litige':
M. [S] [P] a été engagé en qualité de menuisier dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 juillet 1993 par M. [B] [U].
Par avenant du 1er mars 2014, la durée de travail du salarié a été portée à 35 heures hebdomadaires, le salarié étant promu aux fonctions de menuisier- compagnon professionnel.
M. [S] [P] a été placé en arrêt de travail à compter du 16 novembre 2015 à la suite d'un accident du travail.
Par courrier du 27 avril 2017, la MDPH 05 a fait droit aux demandes de M. [S] [P] lui notifiant un accord relatif à la reconnaissance de travailleur handicapé pour la période du 27 avril 2017 au 26 avril 2022 et un accord relatif à une orientation professionnelle pour maintien dans l'emploi pour la même période.
Le 24 juin 2019, après étude des conditions de travail le 2 avril 2019, le médecin du travail de la mutualiste sociale agricole a déclaré M. [S] [P] inapte au travail, l'avis d'inaptitude mentionnant que «'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'».
Le 28 juin 2019, l'employeur a informé le salarié de l'impossibilité de le reclasser dans l'entreprise.
Par courrier du 4 juillet 2019 envoyé par lettre recommandée avec avis de réception, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable fixé au 16 juillet 2019.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 19 juillet 2019, l'employeur a notifié au salarié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par courrier du 23 août 2019 envoyé par lettre recommandé avec avis de réception, le conseil de M. [S] [P] a contesté le licenciement pour une inaptitude non-professionnelle.
Le 12 décembre 2019, M. [S] [P] a saisi le Conseil des prud'hommes de Gap aux fins de contester son licenciement pour inaptitude professionnelle et obtenir les indemnités afférentes à la rupture de la relation de travail, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 22 mars 2021, le Conseil des prud'hommes de Montélimar a':
- Dit l'action de M. [S] [P] régulière, recevable et fondée,
- Jugé que l'origine de l'inaptitude n'est pas démontrée, et qu'il n'est pas à même de constater que l'inaptitude a pour origine l'accident du travail du 16 novembre 2015,
- Dit que l'employeur a légitimement conclu à l'inaptitude d'origine non-professionnelle du salarié à date de la rupture contractuelle de la relation de travail,
- Ordonné à M. [U] [Z] [B] de payer à M. [S] [P], la somme suivante':
' 350 euros nets au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné à M. [U] [Z] [B] de remettre l'attestation Pôle Emploi dûment rectifiée, complétée et signée, à M. [S] [P], sous huit jour à compter de la notification de la présente décision,
- Dit qu'il y a lieu à astreinte, fixé cette-ci à 150 euros nets par jour de retard à la délivrance de l'attestation Pôle-Emploi rectifiée, à compter du 8e jour de la notification de la présente décision et jusqu'à la délivrance de la totalité du document, et se réserve le pouvoir de la liquider sur simple demande de M. [S] [P],
- Condamné M. [U] [Z] [B] aux entiers dépens de l'instance et frais éventuels d'huissier y compris l'intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de la décision à intervenir par voie d'huissier, par voie extrajudiciaire et en particulier tous les droits de recouvrement ou d'encaissement sans exclusion du droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du créancier,
- Débouté les parties des demandes plus amples ou contraires.
La décision a été notifiée aux parties et M. [S] [P] en a interjeté appel.
Par conclusions du 9 janvier 2023, M. [S] [P] demande à la cour d'appel de':
- Réformer le jugement en ce qu'il a jugé que l'origine de l'inaptitude n'était pas démontrée,
- Réformer le jugement en ce qu'il a dit que l'employeur a légitimement conclu à l'inaptitude d'origine non-professionnelle du salarié à la date de la rupture du contrat de travail,
- Réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes,
- Constater que son inaptitude a au moins partiellement pour origine l'accident du travail du 16 novembre 2015,
- Condamner M. [B] [U] [Z] au paiement des sommes suivantes':
' 3'700 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 370 euros de congés payés afférents,
' 15'846,55 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
' 2'000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de l'exécution déloyale du contrat par l'employeur,
' 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (article 37 de la loi du 10 juillet 1991), les intérêts et la capitalisation des intérêts ainsi qu'aux entiers dépens,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à M. [B] [U] [Z] le paiement de la somme de 350 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions en réponse du 9 janvier 2023, M. [B] [U] demande à la cour d'appel de':
- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Gap du 22 mars 2021 dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a':
' Ordonné à M. [B] [U] de payer à M. [S] [P] la somme suivante':
' 350,00 euros nets au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
' Condamné M. [B] [U] aux entiers dépens de l'instance et frais éventuels d'huissier y compris l'intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de la décision à intervenir par voie d'huissier, par voie extrajudiciaire et en particulier tous les droits de recouvrement ou d'encaissement sans exclusion du droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du créancier';
- Statuant à nouveau sur ces chefs,
- Condamner M. [S] [P] à lui payer la somme de 3'000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner le même aux entiers de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le'10 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION':
Sur'l'origine de l'inaptitude:
Moyens des parties :
M. [S] [P] soutient son inaptitude est d'origine professionnelle et qu'il aurait dû bénéficier des régles du licenciement pour inaptitude professionnele. Le salarié expose que':
- son inaptitude a pour origine un accident du travail,
- l'employeur avait connaissance dudit accident,
- l'employeur savait, au moment du licenciement, que l'état de santé de son salarié était lié à l'accident du travail survenu antérieurement.
L'employeur soutient pour sa part que le licenciement pour inaptitude non professionnelle est régulier. Il expose que':
- La médecine du travail n'a pas fait état d'une inaptitude professionnelle,
- Le 24 juin 2019, le médecin du travail a constaté l'inaptitude d'origine non professionnelle,
- L'inaptitude du salarié n'a pas pour origine un accident du travail,
- M. [S] [P] ne rapporte pas la preuve de l'origine professionnelle de la maladie,
- M. [S] [P] s'est toujours plaint de douleurs dorsales, bénéficiant de consultations de kinésithérapie, bien avant son accident du travail.
Réponse de la cour,
Selon les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4 à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le terrain national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Selon l'article L. 1226-12 du même code, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.
Aux termes de l'article L. 1226-14, la rupture du contrat de travail ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.
Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.
Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle.
Il est de principe que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que cette application n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du caractère professionnel d'un accident.
Il résulte de ce principe qu'en cas de contestation sur ce point, l'appréciation du lien de causalité entre un accident ou une maladie et l'inaptitude d'un salarié relève de la compétence de la juridiction prud'homale et se fait au regard des éléments dont l'employeur avait connaissance à la date de la rupture.
En l'espèce, il ressort de la déclaration d'accident du travail du 17 novembre 2015 versée aux débats par M. [S] [P] que celui-ci a été victime d'un accident du travail le 16 novembre 2015 «'en déchargeant (une) pièce de bois qui se trouvait sur le camion'» et qu'il «'a ressenti une douleur au bas du dos'».
Il n'est pas contestable que cet accident a bien été pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail, le salarié produisant un courrier de la MSA du 18 janvier 2016 confirmant cette prise en charge, ainsi qu'un courrier de la MSA du 11 février 2016, par lequel l'organisme de sécurité sociale informe le salarié qu'il «'admet le caractère professionnel de la(les) nouvelle(s) lésion(s) constatée(s) sur le certificat médical du 18/12/2015, relative(s) à l'accident du travail survenu le 16/11/2015'».
Par ailleurs, M. [B] [U] verse aux débats un courrier de la MSA du 21 juin 2018, duquel il ressort que l'accident du salarié a été consolidé à la date du 15 juin 2018.
Il n'est pas contesté par les parties que le salarié a fait l'objet d'un arrêt de travail pour accident du travail à compter du 16 novembre 2015, date de l'accident, jusqu'au 15 juin 2018, date de la consolidation, M. [S] [P] produisant l'arrêt de travail final daté du 15 juin 2018 indiquant une consolidation avec séquelles à cette date.
En outre, M. [S] [P] verse aux débats des avis d'arrêt de travail pour maladie de son médecin traitant pour la période ultérieure à la date de consolidation, ces avis portant tous la mention «'Suites dorsolombalgiques chroniques invalidantes'», ainsi que trois certificats de son médecin traitant indiquant, pour celui du 14 août 2018, que l'état de santé de M. [S] [P], «'considéré comme consolidé, (') n'est cependant pas suffisant pour une reprise de travail compte tenu de la pénibilité physique (menuisier)'», pour celui du 28 août 2019 que «'l'arrêt de travail (maladie) depuis le 15 juin 2018 fait suite à l'arrêt de travail pour accident du travail du 16 novembre 2015'», et pour celui du 6 mars 2020 que M. [S] [P] «'a bénéficié en juin 2018 d'un arrêt de travail de travail maladie, faisant suite immédiate à un arrêt de travail pour accident du travail en date du 15 novembre 2015'».
Il résulte de ces éléments, ce qu'aucune des parties ne conteste, que le salarié n'a pas repris le travail à la suite de la déclaration de sa consolidation par la sécurité sociale, qu'il a alors été placé en arrêt de travail pour maladie, et qu'il a été déclaré inapte par la médecine du travail lors d'une visite de reprise du 24 juin 2019, les parties produisant chacune l'avis d'inaptitude indiquant que «'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'».
Il est sans incidence que le médecin du travail, dans son avis d'inaptitude du 24 juin 2019, ne se soit pas prononcé sur l'origine professionnelle ou non-professionnelle de l'inaptitude, la médecine du travail n'ayant pas nécessairement à se prononcer sur ce point, sa mission se limitant à rendre un avis sur l'aptitude ou l'inaptitude du salarié pour reprendre son emploi à l'issue de l'arrêt de travail lors de la visite de reprise.
Il ne peut non plus être retenu que l'inaptitude du salarié serait nécessairement sans lien avec son accident du travail du 15 novembre 2015 au motif qu'au moment de la visite de reprise et de l'avis d'inaptitude, il n'était plus en arrêt de travail pour accident du travail, mais en arrêt de travail pour maladie depuis le 15 juin 2018, alors, d'une part, que le passage du salarié en arrêt de travail pour maladie est la conséquence directe de cette consolidation, laquelle ne signifie pas que le salarié est guéri mais que son état est stabilisé, et d'autre part, qu'il ressort de l'arrêt de travail pour accident du travail final que le salarié a conservé des séquelles et que le médecin du traitant du salarié a certifié à plusieurs reprises que les arrêts de travail pour maladie consécutifs à la consolidation, étaient la suite directe de son accident du travail.
Au surplus, M. [B] [U] ne produit aucun élément permettant à la cour d'appel de se convaincre qu'au moment de l'avis d'inaptitude, le salarié était en arrêt de travail pour des motifs n'ayant aucun lien avec son accident du travail du 15 novembre 2015.
Si l'employeur allègue que M. [S] [P] se plaignait de souffrir de son dos avant l'accident du travail du 15 novembre 2015, et produit deux attestations de deux collègues du salarié au soutien de son allégation, il doit être relevé qu'il ne remet pas pour autant en cause dans ses écritures les circonstances de l'accident du travail et sa prise en charge par la sécurité sociale au titre de la législation sur les accidents du travail, et ne soutient pas non plus que les douleurs au dos de M. [S] [P] trouveraient leur origine dans une autre cause que le travail.
Enfin, M. [B] [U] ne peut exciper de sa méconnaissance de l'origine professionnelle au moins partielle de l'inaptitude du salarié, compte tenu de l'accident du travail du 15 novembre 2015, et de la teneur des propos échangés lors de l'entretien préalable du 16 juillet 2019, tels qu'ils sont rapportés par Mme [R], conseiller du salarié, et ayant assisté le salarié lors de cet entretien, l'employeur ne produisant aucun élément permettant de contredire Mme [R] qui indique dans son compte-rendu produit par M. [S] [P] que la question de l'origine professionnelle de l'inaptitude a bien été évoquée lors de l'entretien.
Eu égard à l'ensemble de ces constatations, il y a lieu de retenir que l'inaptitude de M.'[S] [P] a au moins partiellement pour origine l'accident du travail dont le salarié a été victime le 15 novembre 2015, et que l'employeur avait bien connaissance, au moment du licenciement, de l'origine professionnelle au moins partielle de son inaptitude.
Il en résulte que M.'[B] [U] aurait dû faire application des dispositions susvisées de l'article L. 1226-14 du code du travail, et que M. [S] [P] est bien fondé à solliciter la condamnation de son employeur à lui payer les sommes suivantes':
- 3'700 euros à titre d'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5, le montant de celle-ci correspondant à deux mois de salaire brut du salarié, tel qu'il est mentionné sur le reçu pour solde de tout comte,
- 15'846,55 euros à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement, soit le montant qui a déjà été versé au salarié au titre de l'indemnité de licenciement, tel qu'il est mentionné sur le reçu pour solde de toute compte.
Toutefois, l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis n'ayant pas la nature d'une indemnité compensatrice de préavis, elle n'ouvre pas droit au bénéfice d'une indemnité compensatrice de congés payés.
Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs.
Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail':
Moyens des parties :
M. [S] [P] soutient que l'employeur n'a pas respecté son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail. Il expose que pendant toute la période d'accident de travail, il n'a bénéficié d'aucune prestation d'un régime de mutuelle prévoyance.
Il fait en outre valoir que l'employeur lui a versé en septembre 2018 une somme de 2'045,88 euros sans lui fournir la moindre explication, et sans qu'il ne justifie dans ses écritures sur le mode de calcul de cette somme.
L'employeur conteste avoir manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail. En effet, il expose que':
- Le salarié ne justifie pas de l'ensemble du préjudice réellement subi,
- Le salarié ne motive pas sur quels éléments précis l'exécution du contrat de travail a été déloyale.
Réponse de la cour,
Selon les dispositions de l'article L.'1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Comme le salarié, l'employeur est tenu d'exécuter le contrat travail de bonne foi.
Il a été retenu précédemment que M. [B] [U] avait manqué à certaines de ses obligations légales, conventionnelles et contractuelles.
Il n'est pas contesté par les parties que le salarié a perçu de son employeur la somme de 2'045,88 euros en septembre 2018, et que cette somme, qui apparaît sur bulletin de salaire du mois de septembre 2018 versé aux débats par M. [S] [P], correspond à une régularisation des sommes dues par l'employeur au titre du maintien de salaire au cours de son arrêt de travail.
Pour justifier du montant de cette somme, M. [B] [U] verse aux débats un tableau établi par son cabinet d'expertise comptable détaillant le calcul des maintiens de salaire dus par l'employeur.
Il doit être constaté que le salarié, dans ses écritures, ne conteste pas explicitement le calcul de cette somme, et ne réclame aucun rappel de salaire à ce titre, sur la base d'un calcul contredisant le tableau produit par l'employeur.
Toutefois, la cour d'appel constate que M. [B] [U] a attendu le mois de septembre 2018, à la suite d'une demande du salarié en ce sens, pour demander à son cabinet d'expert-comptable de déterminer si des sommes étaient dues au salarié au titre du maintien de salaire dans le cadre de l'arrêt de travail du salarié, ce qui ressort d'un courriel adressé par ledit cabinet à M. [B] [U] le 6 septembre 2018.
Il résulte de cette constatation que M. [B] [U] n'a versé aucune somme au titre du maintien de salaire manifestement dû au cours de l'arrêt de travail de M. [S] [P], celui-ci ayant uniquement perçu les indemnités journalières versées par l'assurance sociale.
M. [B] [U] ne peut donc valablement soutenir qu'il n'aurait pas manqué d'exécuter loyalement le contrat de travail, alors qu'il n'apporte dans ses écritures aucune explication justifiant qu'il ait versé tardivement les sommes qu'il reconnaît devoir au salarié à ce titre.
S'agissant de l'absence de contrat de prévoyance souscrit par l'employeur, M. [B] [U] verse aux débats une attestation du Groupe AGRICA du 3 juin 2019, duquel il ressort qu'il a adhéré à un contrat de prévoyance en faveur de ses salariés à effet du 1er octobre 2018.
Toutefois, M. [S] [P] ne développe aucun moyen et ne produit aucun élément permettant de démontrer que M. [B] [U] était tenu de souscrire un tel contrat de prévoyance, l'obligation instituée par les articles L. 911-1 et suivants du code de la sécurité sociale ne portant que sur la protection sociale complémentaire.
Eu égard à ces constatations, il y a lieu de retenir que M. [S] [P] démontre que M. [B] [U] a commis un manquement à l'exécution loyale du contrat de travail en ne lui versant pas, au fur et à mesure de son arrêt de travail, les sommes qui lui étaient dues au titre du maintien de salaire, et que ce manquement lui a causé un préjudice qu'il convient d'évaluer, eu égard à l'absence de disposition des sommes qui lui étaient dues, à la somme de 500 euros, à laquelle l'employeur est condamné, par infirmation du jugement déféré de ce chef.
Sur les demandes accessoires':
Le jugement entrepris est confirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.
M. [B] [U], partie perdante, est condamné aux dépens d'appel et à payer à M. [S] [P] la somme de 2'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a':
- Ordonné à M. [U] [B] de payer à M. [S] [P], la somme suivante':
' 350 euros nets au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné à M. [U] [B] de remettre l'attestation Pôle Emploi dûment rectifiée, complétée et signée, à M. [S] [P], sous huit jours à compter de la notification de la présente décision,
- Dit qu'il y a lieu à astreinte, fixé cette-ci à 150 euros nets par jour de retard à la délivrance de l'attestation Pôle-Emploi rectifiée, à compter du 8e jour de la notification de la présente décision et jusqu'à la délivrance de la totalité du document, et se réserve le pouvoir de la liquider sur simple demande de M. [S] [P],
- Condamné M. [U] [B] aux entiers dépens de l'instance et frais éventuels d'huissier y compris l'intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de la décision à intervenir par voie d'huissier, par voie extrajudiciaire et en particulier tous les droits de recouvrement ou d'encaissement sans exclusion du droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du créancier,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE M. [B] [U] à payer à M. [S] [P] les sommes suivantes':
- 3'700 euros à titre d'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5, le montant de celle-ci correspondant à deux mois de salaire brut du salarié, tel qu'il est mentionné sur le reçu pour solde de tout comte,
- 15'846,55 euros à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement, soit le montant qui a déjà été versé au salarié au titre de l'indemnité de licenciement, tel qu'il est mentionné sur le reçu pour solde de toute compte,
- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 2'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE M. [B] [U] aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente