C 9
N° RG 21/02237
N° Portalis DBVM-V-B7F-K4BV
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET
la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 23 MARS 2023
Appel d'une décision (N° RG 18/00565)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRENOBLE
en date du 12 avril 2021
suivant déclaration d'appel du 12 mai 2021
Ordonnance de jonction du 10 juin 2021 du RG 21/02239 au RG 21/02237
APPELANTS :
Monsieur [U] [R]
né le 15 avril 1987 à [Localité 6] (38)
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 2]
représenté par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE
Syndicat SYNDICAT CGT DES PERSONNELS DU SITE CHIMIQUE DU [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
S.A.S. VENCOREX FRANCE Prise en son établissement de [Localité 5] sis [Adresse 8]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Laurent CLEMENT-CUZIN de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 01 février 2023,
M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargéedu rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs observations, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 23 mars 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 23 mars 2023.
EXPOSE DU LITIGE':
M. [U] [R], né le 15 avril 1987, a été embauché le 29 août 2005 par la société Rhodia Intermédiaires, suivant contrat de professionnalisation, en qualité de conducteur d'appareil des industries chimiques.
A l'issue de ce premier contrat, M. [U] [R] a été embauché par la même société suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 4 mai 2016, en qualité d'opérateur de fabrication, statut ouvrier, coefficient 175 de la convention collective nationale des industries chimiques.
Le contrat de travail de M. [U] [R] a été transféré à la société Perstorp puis, à compter du 1er juin 2012 à la société par actions simplifiée (SAS) Vencorex France.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, le salaire mensuel brut était de 2'999,11 euros.
Par arrêté ministériel en date du 23 août 2013, l'établissement situé à [Localité 5], sur lequel était affecté M. [U] [R], a été classé sur la liste des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, pour la période allant de 2002 à 2005.
Entre juin 2015 et le 14 avril 2017, M. [U] [R] était désigné au sein de la délégation du personnel auprès du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
Après s'être porté candidat au premier tour des élections professionnelles en date du 5 avril 2017, M. [U] [R] ne s'est pas présenté au second tour.
Par courrier en date du 20 avril 2017, la SAS Vencorex France a convoqué M. [U] [R] à un entretien préalable à une éventuelle sanction fixé le 9 mai 2017.
M. [U] [R] a été placé en arrêt de travail pour cause de maladie du 27 avril au 28 mai 2017.
Par lettre en date du 19 mai 2017, la SAS Vencorex France a notifié à M. [U] [R] une mise à pied disciplinaire de trois jours pour avoir refusé le contrôle d'accès au site par l'agent Vigipirate et d'éteindre sa cigarette dans le cendrier, pour l'avoir jetée dans une zone interdite aux fumeurs et avoir adopté un comportement agressif et déplacé vis-à-vis de l'agent Vigipirate.
M. [U] [R] n'a pas retiré ce courrier auprès des services postaux.
Par courrier en date du 5 juillet 2017, la SAS Vencorex France a indiqué à M. [U] [R] que la mise à pied serait effective les 24 et 25 juillet 2017. M. [U] [R] a alors contesté avoir eu connaissance de la lettre en date du 19 mai 2017.
En décembre 2017, un conflit a opposé les salariés rattachés à l'atelier Tolonate, dont faisait partie M. [U] [R], sur la mise à leur disposition d'un véhicule de service.
En date du 28 décembre 2017, dans ce contexte, M. [U] [R] s'est entretenu avec le contremaître de l'atelier ainsi que le responsable de service et a indiqué que sans mise à disposition d'un véhicule de service, une grève serait organisée.
En date du 2 janvier 2018, le responsable de service a déposé une main-courante dans laquelle il a indiqué avoir été agressé et insulté en date du 28 décembre 2017 par M. [U] [R].
A la même date, M. [U] [R] a été convoqué par la SAS Vencorex France à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 janvier 2018, assorti d'une mise à pied conservatoire.
Par lettre en date du 22 janvier 2018, la SAS Vencorex France a notifié à M. [U] [R] son licenciement pour faute grave, pour avoir agressé verbalement et menacé de représailles physiques le responsable de service le 28 décembre 2017.
Par requête en date du 22 juin 2018, M. [U] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble afin de faire juger la nullité de son licenciement, et à titre subsidiaire, de contester le caractère réel et sérieux de son licenciement ainsi que de voir annuler la mise à pied disciplinaire du 19 mai 2017.
M. [U] [R] a formé une demande supplémentaire de dommages et intérêts pour préjudice d'anxiété lors de l'audience du bureau d'orientation et de conciliation, qui s'est tenue le 13 juillet 2018.
La SAS Vencorex France s'est opposée aux prétentions adverses.
En date du 5 décembre 2019, le syndicat CGT des personnels du site chimique du [Localité 5] a adressé au conseil de prud'hommes de Grenoble des conclusions aux fins d'intervention volontaire dans lesquelles il a sollicité du conseil de prud'hommes de condamner la SAS Vencorex France à l'indemniser de dommages-intérêts ensuite de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession.
Par jugement en date du 12 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble, présidé par le juge départiteur, a':
- constaté l'irrecevabilité des demandes de M. [U] [R] au titre de son préjudice d'anxiété formée tant au titre de la présence d'amiante au sein de l'entreprise qu'au titre de la manipulation de produits chimiques';
- constaté la régularité de la procédure de mise à pied disciplinaire de M. [U] [R] du 19 mai 2017';
- dit que la sanction choisie par la SAS Vencorex le 19 mai 2017 est adaptée';
- débouté M. [U] [R] de sa demande en annulation de la sanction prononcée le 19 mai 2017';
- dit que le licenciement de M. [U] [R] ne repose pas sur une discrimination syndicale';
- débouté M. [U] [R] de sa demande en nullité de son licenciement et de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral';
- dit que le licenciement de M. [U] [R] n'a pas une cause grave mais une cause réelle et sérieuse';
- débouté M. [U] [R] de sa demande de dommages-intérêts formée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse';
- condamné la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] au titre de l'indemnité de préavis la somme de 5 998,22 € brut, outre 599,82 € au titre des congés payés afférents';
- condamné la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement la somme de 11 321,64 € brut';
- condamné la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] au titre des rappels de salaire pour la mise à pied conservatoire injustifiée la somme de 1 953,04 € brut, outre 195,30 € au titre des congés payés afférents';
- constaté l'irrecevabilité de l'intervention volontaire du syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5]';
- rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l'exécution provisoire de droit, dans la limite de neuf mois de salaires, nonobstant appel et sans caution, en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail,
- condamné la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] la somme de 1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné la SAS Vencorex au paiement des entiers dépens.
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 13 avril 2021 par le syndicat CGT des personnels du site chimique du [Localité 5] et la société Vencorex et à une date non déterminable avec certitude pour M. [R], puisque l'avis de réception mentionne que le courrier a été présenté à son destinataire le 13 avril 2021 mais qu'il n'aurait été, d'après le suivi sur le site internet de La Poste distribué que le 18 novembre, étant observé que figure un tampon sur ce document du 18 janvier et qu'il ne peut être exclu que la distribution ait eu lieu le 18 avril 2021.
Par deux déclarations en date du 12 mai 2021, M. [U] [R] et le syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5] ont interjeté appel à l'encontre dudit jugement.
Par ordonnance en date du 10 juin 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des instances n° RG 21/02239 et n° RG 21/02237 sous ce dernier numéro.
Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 29 novembre 2022, M. [U] [R] et le syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5] sollicitent de la cour de':
Vu la loi du 23 décembre 1998,
Vu l'article L. 1232-1 du code du travail,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Condamné la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] au titre de l'indemnité de préavis la somme de 5 998,22 € brut, outre 599,82 € au titre des congés payés afférents ;
- Condamné la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement la somme de 11 321,64 € brut ;
- Condamné la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] au titre des rappels de salaire pour la mise à pied conservatoire injustifiée la somme de 1 953,04 € brut, outre 195,30 € au titre des congés payés afférents ;
- Condamné la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la SAS Vencorex au paiement des entiers dépens.
Le réformer pour le surplus et, statuant à nouveau,
Juger recevable la demande de M. [U] [R] tendant à solliciter l'indemnité de son préjudice d'anxiété,
Condamner la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] la somme de 15 000 € au titre du préjudice d'anxiété,
Annuler la sanction notifiée le 19 mai 2017,
Condamner en conséquence la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] les sommes suivantes :
- 315,07 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la mise à pied injustifiée, 31,50 euros bruts de congés payés afférents,
- 500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral subi du fait de la notification d'une sanction injustifiée
Condamner la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] la somme de 15 000 € de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi par suite de la discrimination
Juger à titre principal que le licenciement de M. [U] [R] est nul,
Condamner en conséquence la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] la somme de 40'000 € nets de CSG et CRDS à titre d'indemnité pour licenciement nul,
Juger à titre subsidiaire que le licenciement de M. [U] [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamner en conséquence la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] la somme de 40'000 € nets de CSG et CRDS à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamner la SAS Vencorex à verser à Monsieur [R] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
Juger recevable et bien fondé l'intervention volontaire du syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5],
Condamner la SAS Vencorex à verser au syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5], la somme de 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'atteinte porté à l'intérêt collectif de la profession,
Débouter la SAS Vencorex de l'intégralité de ses demandes,
Condamner la SAS Vencorex à verser au syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5] la somme de 2 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 novembre 2022, la SAS Vencorex France sollicite de la cour de':
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
-Constaté l'irrecevabilité des demandes de M. [U] [R] au titre de son préjudice d'anxiété formée tant au titre de la présence d'amiante au sein de l'entreprise, qu'au titre de la manipulation de produits chimiques ;
- Constaté la régularité de la procédure de mise à pied disciplinaire de M. [U] [R] du 19 mai 2017 ;
- Dit que la sanction choisie par la SAS Vencorex le 19 mai 2017 est adaptée ;
- Débouté M. [U] [R] de sa demande en annulation de la sanction prononcée le 19 mai 2017;
- Dit que le licenciement de M. [U] [R] ne repose pas sur une discrimination syndicale';
- Débouté M. [U] [R] de sa demande de nullité de son licenciement et de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
- Débouté M. [U] [R] de sa demande de dommages et intérêts formée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Constaté l'irrecevabilité de l'intervention volontaire du syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5] ;
Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Dit que le licenciement de M. [U] [R] n'a pas une cause grave, mais une cause réelle et sérieuse ;
- Condamné la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] au titre de l'indemnité de préavis, la somme de 5.998,22 € bruts, outre 599,82 € au titre des congés payés afférents ;
- Condamné la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement la somme de 11.321,64 € bruts ;
- Condamné la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] au titre des rappels de salaire pour la mise à pied conservatoire injustifiée la somme de1.953,04 € bruts, outre 195,30 € au titre des congés payés afférents ;
- Condamné la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la SAS Vencorex au paiement des entiers dépens.
Et, statuant à nouveau :
- A titre principal :
- Dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [U] [R] est parfaitement justifié ;
- Débouter M. [U] [R] de l'intégralité de ses demandes ;
- A titre subsidiaire :
- Limiter le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 7.800€ (trois mois de salaire).
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 1er décembre 2022.
L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 1er février 2023.
EXPOSE DES MOTIFS':
Sur la recevabilité de la demande au titre du préjudice d'anxiété':
Il résulte des articles R. 1452-1 et R. 1452-2 du code du travail, dans leur rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, ainsi que des articles R. 1453-3 et R. 1453-5 du même code et de l'article 70, alinéa 1, du code de procédure civile, qu'en matière prud'homale, la procédure étant orale, le requérant est recevable à formuler contradictoirement des demandes additionnelles qui se rattachent aux prétentions originaires, devant le juge lors des débats, ou dans ses dernières conclusions écrites réitérées verbalement à l'audience lorsqu'il est assisté ou représenté par un avocat.
Le juge de première instance n'a pas à vérifier d'office la recevabilité des demandes additionnelles lorsqu'il n'est saisi d'aucune contestation sur ce point. (cass.civ.3ième, 15 juin 1976, pourvoi n°75-10196, bull. civ.III n°267)
En l'espèce, dans sa requête initiale reçue le 22 juin 2018, M. [R] a notamment sollicité des dommages et intérêts au titre de l'exécution fautive du contrat de travail, alléguant d'une sanction injustifiée par son employeur au titre d'une mise à pied disciplinaire.
Il ressort du dossier de première instance, joint au dossier d'appel par application de l'article 968 du code de procédure civile, que M. [R] a formé, le jour de l'audience devant le bureau d'orientation et de conciliation, soit le 13 juillet 2018, une demande additionnelle de dommages et intérêts pour exposition à l'amiante, procédant là encore de l'exécution du contrat de travail, quoique sur un fondement juridique différent, ladite demande ayant été reprise dans des conclusions remises au greffe le 17 janvier 2019.
La société Vencorex a développé, dans divers jeux de conclusions successifs en première instance, que la demande au titre du préjudice d'anxiété était prescrite, faisant valoir à partir du second jeu de conclusions qu'elle était nouvelle en cours d'instance et dans le dernier jeu, a soutenu devant les premiers juges que «'ainsi, pour toutes les instances introduites devant le conseil de prud'hommes après le 1er août 2016, les parties ne peuvent plus formuler des demandes nouvelles en cours d'instance'», tout en sollicitant uniquement dans le dispositif de ses conclusions auxquelles elle s'en est remise de «'voir dire et juger que la demande de M. [R] tendant à voir indemniser son préjudice d'anxiété est prescrite'».
Ce n'est qu'au stade de l'appel qu'elle développe explicitement deux exceptions de fin de non-recevoir au titre de la demande indemnitaire pour le préjudice d'anxiété, à savoir l'absence de lien suffisant avec la demande originaire tel que relevé par les premiers juges et la prescription de l'action, n'ayant pas fait l'objet d'une analyse par le conseil de prud'hommes.
La cour considère qu'alors qu'au jour de la saisine, le contrat de travail avait été rompu par un licenciement, la demande indemnitaire au titre du préjudice d'anxiété se rapporte, comme la demande de dommages et intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée, à l'exécution du même contrat de travail de sorte qu'il existe un lien suffisant avec une chef de prétention originaire figurant dans la requête permettant d'accueillir cette demande additionnelle, dont la défenderesse a eu connaissance dès le bureau d'orientation et de conciliation, la fin de l'unicité de l'instance n'ayant pas pour conséquence d'empêcher toute demande nouvelle en cours d'instance, cette règle ne s'appliquant qu'en appel, en vertu de l'article 564 du code de procédure sous réserve des précisions et exceptions énoncées aux articles 565, 566 et 567 du même code.
Infirmant le jugement entrepris, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'absence de lien suffisant de la demande additionnelle au titre du préjudice d'anxiété avec les prétentions originaires.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action au titre du préjudice d'anxiété':
L'article L. 1471-1 alinéa 1 du code du travail énonce que':
Toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Le point de départ du délai de prescription de l'action par laquelle un salarié demande à son employeur, auquel il reproche un manquement à son obligation de sécurité, réparation de son préjudice d'anxiété, est la date à laquelle le salarié a eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à une substance nocive ou toxique, dont l'amiante. Ce point de départ ne peut être antérieur à la date à laquelle cette exposition a pris fin.
En l'espèce, M. [R] sollicite l'indemnisation d'un préjudice allégué d'anxiété lié à son exposition à l'amiante postérieurement au 31 décembre 2005, date à partir de laquelle l'établissement du Pont de [Localité 5] n'a plus été classé, par arrêté ministériel, comme établissement ACATAA et pendant toute sa relation de travail, à raison de l'exposition à des substances nocives et/ou toxiques, à savoir':
- Hexaméthylènediisocyanate (HDI),
- Isphorone Diisocyante (IPDI),
- Dichlorophénol,
- Monochlorophénol,
- Dichloroéthane,
- Bifénox,
- Chlorobenzoate de méthyle (BCE)
- Chlorophénols
- Dimétrylformamide (DMF),
- Nitrobenzoate ester (NBE)
- Trichloronitrodiphényléther (TNDE)
La société Vencorex développe un moyen inopérant au titre de la prescription de l'action au titre du préjudice d'anxiété à raison de l'exposition à l'amiante en ce qu'elle soutient qu'il n'est pas justifié par M. [R] qu'il aurait subi une exposition à cette substance postérieurement à 2005 alors qu'il s'agit d'un moyen de défense pertinent uniquement s'agissant du fond de la demande.
Si la société Vencorex établit de manière suffisante, au vu de l'attestation pour surveillance médicale post-professionnelle éditée le 31 mai 2018 et qui a été adressée au salarié le 28 juin 2018, que son exposition au Dichlorophénol, Monochlorophénol, Dichloroéthane, Bifénox, Chlorobenzoate de méthyle (BCE), Chlorophénols, Dimétrylformamide (DMF), Nitrobenzoate ester (NBE), Trichloronitrodiphényléther (TNDE) a pris fin le 02 mai 2017, elle ne démontre aucunement son affirmation selon laquelle l'exposition du salarié aux Hexaméthylènediisocyanate (HDI) et Isphorone Diisocyante (IPDI), s'est achevée en 2011, alors même que M. [R] produit des éléments établissant qu'il a subi un accident l'exposant au HDI le 17 janvier 2017.
Surtout, la société Vencorex ne prétend pas et encore moins n'établit que M. [R] a eu une connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à ces substances toxiques ou nocives avant le 28 juin 2018, date de transmission de l'attestation, l'employeur ne développant de moyen à ce titre que s'agissant de l'exposition à l'amiante à partir de l'inscription de l'établissement sur la liste ACAATA pour la période antérieure à 2015 pour laquelle le salarié ne forme aucune demande.
Il convient, en conséquence, de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande indemnitaire de M. [R] au titre du préjudice d'anxiété.
Sur le préjudice d'anxiété':
En application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à une substance toxique ou nocive, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.
Le salarié doit justifier d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'un tel risque.
Le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition au risque créé par une substance nocive ou toxique, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave par les salariés.
En l'espèce, d'une première part, M. [R] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'il a été personnellement exposé à l'amiante après 2005 dans la mesure où il produit à ce titre un rapport de l'inspection du travail, adressé le 23 novembre 2012 au syndicat CGT, à l'issue duquel l'administration propose de prolonger l'inscription de l'établissement jusqu'en mars 2005 mais n'évoque aucun fait pour l'année 2006.
L'attestation de M. [O], un autre salarié, n'est pas davantage probante s'agissant de la période puisqu'il fait état de vaccination à l'amiante jusque fin 2005.
D'une seconde part, M. [R] établit, au vu de l'attestation du 31 mai 2018, qu'il a été exposé à des agents chimiques dangereux et/ou cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques dans les conditions suivantes':
- Hexaméthylènediisocyanate (HDI),
- Isphorone Diisocyante (IPDI),
Du 29 août 2005 au 02 mai 2007':
- Dichlorophénol,
- Monochlorophénol,
- Dichloroéthane,
- Bifénox,
- Chlorobenzoate de méthyle (BCE)
- Chlorophénols
- Dimétrylformamide (DMF),
- Nitrobenzoate ester (NBE)
- Trichloronitrodiphényléther (TNDE)
La fréquence d'exposition potentionelle est qualifiée de journalière.
Au demeurant, M. [R] établit, s'agissant de l'hexaméthylènediisocyanate (HDI), que l'exposition a été effective puisqu'il a été victime, d'après le registre CRAM, le 17 janvier 2017, au niveau de la nuque et du haut du dos, de «'brûlures HDI chaud'», invalidant la mention figurant sur la fiche précitée évoquant une exposition uniquement jusque fin 2011.
Il est par ailleurs établi, au vu des pièces des deux parties, que du 14 au 15 mai 2012, un incident, que l'employeur qualifie lui-même de majeur dans un courrier du 10 juillet 2012 à l'équipe TDI, s'est produit consistant en une fuite de phosgène ayant donné lieu à une enquête de la DREAL et à une suspension du permis d'exploiter du HDI pendant 10 jours.
Il est fait état de 4 personnes incommodées, M. [R] n'établissant pour autant pas en faire partie.
Dans un courrier du 30 juillet 2018, le conseil de M. [R] a demandé à l'employeur de modifier l'attestation à raison du fait qu'elle ne mentionne pas le fait qu'il a été exposé à de l'acide chlorhydrique au sein de l'HA et à du chlorure d'éthyle ainsi qu'à de la dioxine, pour avoir dû se changer pendant trois ans dans des vestiaires qui étaient installés dans un bâtiment des anciennes chlorations.
L'exposition à ces derniers produits ne ressort toutefois que des déclarations du salarié, les pièces n°51 et 67 n'en faisant pas état.
Le risque élevé de développer une pathologie grave n'est en revanche effectivement démontré que pour le diisocyanate d'hexaméthylène (HDI), au vu de la pièce n°68 du salarié, qui décrit une absence d'effets cancérogènes à tout le moins chez le rat mais une toxicité chez l'homme avec la possibilité de développer, indépendamment des lésions immédiates après un accident sur la peau et les muqueuses, de l'eczéma de contact, parfois des mois après le début de l'exposition et de l'asthme allergique de mécanisme complexe.
Il est également évoqué un risque de fibrose en cas d'exposition poursuivie, quoique l'alvéolite allergique se manifeste par un syndrome pseudo-grippal dès 6 à 8 heures après l'exposition à l'isocyanate.
Les troubles psychologiques quant à l'exposition à ce produit chimique ne ressortent, en définitive, que de l'attestation de sa mère, Mme [M], évoquant des discussions de plus en plus récurrentes à ce titre eu égard au nombre de ses collègues exerçant depuis plus de 15 ans et'de jeunes retraités développant «'des maladies respiratoires graves'», l'attestation de Mme [W], infirmière à l'usine Rhodia Silicone et amie de la famille, ne faisant état que du risque amiante non retenu.
Il s'ensuit que les conditions du préjudice d'anxiété sont réunies pour l'exposition y compris dans les derniers temps de la relation de travail au produit nocif et toxique HDI, peu important que M. [R] n'ait pas développé de maladie pour l'instant comme le soutient l'employeur.
Il lui est accordé la somme de 3000 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice d'anxiété, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.
Sur l'annulation de la sanction disciplinaire':
L'article L. 1333-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'article L. 1333-2 du même code précise que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
En l'espèce, par courrier en date du 19 mai 2017, la société Vencorex a notifié à M. [R] une mise à pied disciplinaire de 3 jours pour avoir le 12 avril 2017 refusé de se soumettre au contrôle d'accès Vigipirate, avoir jeté sa cigarette dans un périmètre interdit et avoir fait preuve d'agressivité verbale et déplacée à l'égard de l'agent de contrôle.
Il y a lieu de relever que les faits sont en date du 12 avril 2017 et que le mandat de M. [R] en qualité de membre du CHSCT s'est achevé le 14 avril 2017, étant d'ailleurs relevé que l'employeur vise expressément sa qualité de membre du CHSCT dans le courrier de sanction.
D'une première part, aucune irrégularité dans la procédure suivie de sanction disciplinaire n'est établie dès lors que l'employeur n'avait pas pour obligation de reporter l'entretien préalable, nonobstant l'absence pour maladie du salarié et une demande en ce sens de ce dernier, et pas davantage d'informer l'inspecteur du travail de la mise à pied disciplinaire, nonobstant le fait que M. [R] était salarié protégé.
Par ailleurs, M. [R] ne saurait se prévaloir du fait qu'il n'a pas été destinataire du courrier de notification de la sanction dès lors que l'employeur établit l'envoi en recommandé avec accusé de réception, qui n'a pas été réclamé par son destinataire.
D'une seconde part, si le courriel de M. [S] du 2 juin 2017 faisant état du fait que M. [R] a admis s'être emporté à l'égard de la personne d'ESI mais n'est pas d'accord avec sa version des faits, a une valeur probante toute relative pour émaner de son supérieur hiérarchique et que le rapport dactylographié non signé, attribué à M. [K], en est totalement dépourvu, en revanche, il est considéré que le rapport d'une anomalie dressé le 12 avril 2017 par M. [C] lequel a relevé, en date du 12 avril 2017 à 11h45, que «'M. [R] [U] a refusé le contrôle de son badge ainsi que son sac et d'éteindre la cigarette, ensuite, il m'a injurié'», constitue la preuve suffisante des faits fautifs.
Eu égard aux impératifs de sécurité du site classé Seveso et au fait que le comportement fautif s'est adressé à un personnel présent sur le site mais extérieur à l'entreprise, l'employeur a justement usé de son pouvoir disciplinaire de sorte que, confirmant le jugement entrepris, il convient de débouter M. [R] de sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 19 mai 2017 et de ses prétentions afférentes indemnitaires et de rappel de salaire.
Sur la nullité du licenciement':
L'article L 2511-1 du code du travail prévoit que':
L'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.
Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l'article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d'avantages sociaux.
Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit.
Il résulte de ce texte que la nullité du licenciement d'un salarié n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais s'étend à tout licenciement prononcé à raison d'un fait commis au cours ou à l'occasion de l'exercice d'un droit de grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde. (cass. soc., 23 novembre 2022, pourvoi n° 21-19.722).
En l'espèce, il est reproché à M. [R], dans la lettre de licenciement pour faute grave du 22 janvier 2018, qui fixe les termes du litige, d'avoir, au cours d'un entretien le 28 décembre 2018 avec M. [T] [S], responsable de service, et devant un témoin, «'tenu des propos injurieux envers votre responsable et pour finir, vous l'avez menacé de représailles physiques en dehors de l'entreprise'», l'employeur rappelant la précédente mise à pied disciplinaire, qualifiant ledit comportement d''«'inadmissible'» et «'incompatible avec notre obligation de garantir la sécurité de tous nos salariés.'».
S'agissant de la faute grave alléguée par l'employeur, il produit aux débats, outre une main courante, l'attestation de M. [S] qui a déclaré':
«'le 28 décembre vers 11h30, [U] [R] est arrivé pour prendre son poste. J'étai(s) au coin fumeur derrière les bureaux avec M. [I] [V]. Il m'a demandé des nouvelles de la voiture de service. Je lui ai dit que ça suivait son cours. Il s'est tourné vers [I] [V] pour lui parler de la voiture, sans jamais me regarder. Je suis intervenu à nouveau pour lui dire que je m'en occupais. Il m'a dit je te parle pas à toi, t'es un «'''» (je n'ai plus en tête le «'nom d'oiseau'»). J'ai insisté en lui disant que je m'en occupais. En partant vers la porte des vestiaires, il m'a alors dit que s'il n'y avait pas de voiture demain à 20H, l'atelier serait à l'arrêt. Je lui ai alors dit que ces menaces ne servaient à rien, que si je devais prendre une voiture de location, ce serait ma décision et pas parce qu'il me menaçait d'une grève. Il est alors revenu vers moi comme une furie en me disant une phrase du style «'qu'est-ce que tu cherches, tu veux que je te tape'»'' il s'est mis à quelques centimètres de mon visage, en insistant vraiment. A ce moment-là, M. [F] [Z] arrivait pour prendre son poste, il s'est approché «'timidement'» pour dire boujour, c'est là que [U] [R] s'est éloigné de moi et qu'il m'a dit très violemment et sur un ton très menaçant, qu'il «'m'attraperai'» à l'extérieur de l'usine et il est reparti (t) vers le vestiaire en me défiant du regard.'».
M. [V], agent de maîtrise, a, quant à lui, livré le témoignage suivant':
«'Jeudi 28 décembre 2017 à 11h40': j'ai été témoin d'une altercation entre M. [S] [T] et M. [R] [U], ce dernier émettant des propos injurieux et menaçant de représailles physiques M. [S], si celui-ci n'accédait pas à ses demandes (une voiture pour les besoins divers de l'atelier)'».
Contrairement à ce que soutient l'employeur, les faits fautifs reprochés à M. [R] ont été commis à l'occasion de l'exercice du droit de grève au sens des dispositions légales précitées en ce que MM. [H], [J], [X] et [A], collègues de travail de M. [R], ont témoigné de l'existence, ce jour-là, d'une revendication collective relative à la mise à disposition par l'employeur d'un véhicule de service pour permettre aux salariés postés de se rendre au réfectoire ouvert en continu et situé à environ 1,5 kilomètres et d'amener des échantillons au laboratoire, la voiture jusqu'alors fournie se trouvant en réparation depuis plusieurs semaines, les trois derniers témoins confirmant le fait qu'une grève était envisagée pour que l'employeur satisfasse à leur revendication et la victime présumée, M. [S], évoquant lui-même dans son attestation, de manière claire et non équivoque, que M. [R] lui avait annoncé l'intention des salariés de faire grève et de mettre à l'arrêt l'atelier si un véhicule n'était pas de nouveau présent sur site le lendemain, ladite revendication ayant été, en définitive, satisfaite par l'employeur, selon ce dernier.
L'employeur, qui avait connaissance de la volonté des salariés de se mettre en grève au regard du témoignage de M. [S], son supérieur hiérarchique, développe un moyen inopérant tenant au fait qu'il n'y avait pas matière à revendication aux motifs que le véhicule jusqu'alors mis à disposition était en réparation et que la voie d'accès au restaurant n'était alors plus ouverte à la circulation automobile dès lors que si la grève suppose l'existence de revendications de nature professionnelle, le juge ne peut, sans porter atteinte au libre exercice d'un droit constitutionnellement reconnu, substituer son appréciation à celle des grévistes sur la légitimité ou le bien-fondé de ces revendications, en l'absence d'abus de droit de la part des salariés.
Le moyen selon lequel l'annonce d'une grève possible n'empêchait aucunement à M. [R] d'encourir une sanction à raison du comportement que son employeur lui reproche, le salarié contestant les faits en alléguant, en substance, qu'il n'a pas insulté M. [S], lui ayant dit tout au plus qu'il était «'un petit joueur'» et que ce dernier lui avait au préalable saisi le bras expliquant leur proximité physique, est sans portée puisque l'employeur n'a pas qualifié les faits litigieux de faute lourde mais de faute grave.
En conséquence, infirmant le jugement entrepris, il convient de déclarer nul le licenciement notifié par lettre du 22 janvier 2018 par la société Vencorex à M. [R].
Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':
Premièrement, dès lors que le licenciement pour faute grave de M. [R] est nul, il a droit par confirmation du jugement entrepris, mais par substitution de motifs, à la somme de 5998,22 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 599,82 euros bruts au titre des congés payés afférents, à la somme de 11321,64 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et aux sommes de 1953,04 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 195,30 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Deuxièmement, au visa de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, au jour de son licenciement nul, M. [R] avait plus de 12 ans d'ancienneté et un salaire de l'ordre de 2999,11 euros bruts.
Il justifie de son inscription à Pôle emploi le 30 janvier 2018 et de missions d'intérim en septembre/octobre 2022.
Il ne fournit pas d'autres éléments sur la période intermédiaire de plusieurs années.
Il convient, au vu de ces éléments, de lui allouer la somme de 27000 bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et de le débouter du surplus de ses prétentions de ce chef par infirmation du jugement entrepris.
Sur la discrimination syndicale prohibée':
Si au visa de l'article L 1132-1 du code du travail, M. [R] apporte des éléments de fait laissant supposer une discrimination à raison de ses activités syndicales, étant relevé qu'il était élu CGT au CHSCT jusqu'en avril 2014, dans la mesure où il a été sanctionné par l'employeur à raison d'un fait de grève, dont l'employeur ne rapporte pas la justification suffisante qu'elle est étrangère à toute discrimination dès lors que le licenciement qui en procède est déclaré nul, il n'en demeure pas moins qu'il sollicite sous couvert de deux demandes distinctes l'indemnisation du même préjudice dès lors qu'il obtient d'ores et déjà l'indemnisation du préjudice subi à raison de la nullité de son licenciement procédant de l'usage du droit de grève dans le cadre de ses activités militantes.
Il s'ensuit qu'il convient de confirmer, par substitution de motifs, le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [R] de sa demande indemnitaire pour discrimination syndicale.
Sur l'intervention volontaire du syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5]':
Premièrement, au vu des articles 10 et 12 des statuts du syndicat, il apparaît que le mandat donné à M. [G] pour le représenter en justice dans le cadre de la présente action, est parfaitement valable dès lors qu'il est justifié que celui-ci a été voté à l'unanimité des membres présents de la commission exécutive, à savoir les quatorze membres signataires sur les trente membres que compte statutairement cette commission.
Deuxièmement, au visa de l'article L. 2132-3 du code du travail, si le syndicat CGT des personnels du site chimique du [Localité 5] est mal fondé à solliciter des dommages et intérêts à raison du manquement allégué de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité à l'égard de M. [R] dès lors que celui-ci ne formule aucune demande de ce chef mais uniquement une prétention au titre d'un préjudice d'anxiété lié à son exposition à des produits nocifs et/ou toxiques, un seul produit ayant été en définitive retenu, le syndicat est en revanche recevable et bien-fondé à obtenir l'indemnisation de l'atteinte portée au préjudice collectif résultant du licenciement injustifié pour motif de grève d'un de ses militants.
Il est alloué à ce titre la somme de 2000 euros nets à titre de dommages et intérêts au syndicat par infirmation du jugement entrepris.
Sur les demandes accessoires':
L'équité commande de confirmer l'indemnité de procédure de 1500 euros allouée à M. [R] et de lui accorder une indemnité complémentaire de 1000 euros.
Il est alloué une indemnité de procédure de 1000 euros au syndicat CGT des personnels du Site Chimique du [Localité 5].
Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.
Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de condamner la société Vencorex, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS';
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':
- constaté la régularité de la procédure de mise à pied disciplinaire de M. [U] [R] du 19 mai 2017';
- dit que la sanction choisie par la SAS Vencorex le 19 mai 2017 est adaptée';
- débouté M. [U] [R] de sa demande en annulation de la sanction prononcée le 19 mai 2017';
- condamné la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] au titre de l'indemnité de préavis la somme de 5 998,22 € brut, outre 599,82 € au titre des congés payés afférents';
- condamné la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement la somme de 11321,64 € brut';
- condamné la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] au titre des rappels de salaire pour la mise à pied conservatoire injustifiée la somme de 1 953,04 € brut, outre 195,30 € au titre des congés payés afférents';
- débouté M. [R] de sa demande au titre de la discrimination syndicale';
- condamné la SAS Vencorex à verser à M. [U] [R] la somme de 1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné la SAS Vencorex au paiement des entiers dépens';
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau et ajoutant,
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société Vencorex tirée de l'absence de lien suffisant au titre de la demande pour préjudice d'anxiété
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande au titre du préjudice d'anxiété
DÉCLARE recevable M. [R] en sa demande au titre du préjudice d'anxiété
DÉCLARE nul le licenciement notifié le 22 janvier 2018 par la société Vencorex à M. [R]
CONDAMNE la société Vencorex à payer à M. [R] les sommes suivantes':
- trois mille euros (3000 euros) nets à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice d'anxiété
- vingt-sept mille euros (27000 euros) bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul
DÉBOUTE M. [R] du surplus de ses prétentions au principal
REJETTE les fins de non-recevoir soulevée par la société Vencorex à l'encontre du Syndicat CGT des Personnels du Site Chimique du [Localité 5]
DÉCLARE recevable l'intervention volontaire du syndicat CGT des Personnels du Site Chimique Du [Localité 5]
CONDAMNE la société Vencorex à payer au syndicat CGT des Personnels du Site Chimique du [Localité 5] la somme de deux mille (2000 euros) nets à titre de dommages et intérêts pour l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession
DÉBOUTE le syndicat CGT des Personnels du Site Chimique du [Localité 5] du surplus de ses prétentions au principal
CONDAMNE la société Vencorex à payer au syndicat CGT des Personnels du Site Chimique du [Localité 5] une indemnité de procédure de 1000 euros
CONDAMNE la société Vencorex à payer à M. [R] une indemnité complémentaire de 1000 euros
REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société Vencorex aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président