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23/03/2023 | FRANCE | N°21/02082

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 23 mars 2023, 21/02082


C 2



N° RG 21/02082



N° Portalis DBVM-V-B7F-K3RD



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES



la SELAS ABAD & VILLEMAGNE - AVOCA

TS ASSOCIÉS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 23 MARS 2023





Appel d'une décision (N° RG 19/00442)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 15 avril 2021

suivant déclaration d'appel du 04 mai 2021





APPELANTE :



Madame [B] [L]

née le 15 janvier 1959 à [Localité 4] (M...

C 2

N° RG 21/02082

N° Portalis DBVM-V-B7F-K3RD

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES

la SELAS ABAD & VILLEMAGNE - AVOCATS ASSOCIÉS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 23 MARS 2023

Appel d'une décision (N° RG 19/00442)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 15 avril 2021

suivant déclaration d'appel du 04 mai 2021

APPELANTE :

Madame [B] [L]

née le 15 janvier 1959 à [Localité 4] (MAROC)

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Flavien JORQUERA de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

CPAM DE L ISERE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités audit siège social

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Sébastien VILLEMAGNE de la SELAS ABAD & VILLEMAGNE - AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 février 2023,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport et M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, ont entendu les parties en leurs plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 23 mars 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 23 mars 2023.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [B] [L], née le 15 janvier 1959, a été embauchée le 25 octobre 1982 par la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère, suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'employée aux écritures.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, Mme [B] [L] occupait le poste de responsable du service Budget/Achats/Marchés, statut cadre, niveau 7 de la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale.

Mme [B] [L] a bénéficié d'un congé sabbatique du 5 octobre 2017 au 4 septembre 2018.

Par courrier recommandé en date du 24 août 2018, Mme [B] [L] a écrit à la directrice de la CPAM de l'Isère pour s'étonner de la décision prise de la remplacer à son poste et solliciter son affectation sur poste équivalent en vue de sa reprise au terme du congé sabbatique.

Par courrier en date du 6 septembre 2018, la CPAM de l'Isère a informé Mme [B] [L] de la tenue d'un entretien en date du 19 septembre 2018 afin de lui faire part de sa proposition d'affectation sur un poste similaire à celui précédemment occupé.

A compter du 10 septembre 2018, une nouvelle salariée a été nommée au poste de responsable du service Budgets/Achats/Marchés de la CPAM de l'Isère précédemment occupé par Mme [B] [L].

Par courrier en date du 17 septembre 2018, la CPAM de l'Isère a demandé à Mme'[B]'[L] la justification de son absence depuis la fin de son congé sabbatique, en lui indiquant qu'elle devait reprendre son poste de travail en attendant l'entretien fixé au'19'septembre 2018.

Par courrier officiel en date du 18 septembre 2018, le conseil de la CPAM de l'Isère a communiqué au conseil de Mme'[B] [L] deux propositions de poste en lui offrant un délai de réflexion de 8 jours.

Par courrier en date du 19 septembre 2018, Mme [B] [L], par l'intermédiaire de son conseil, a informé la CPAM de l'Isère qu'elle ne serait pas présente à l'entretien du même jour.

Par courrier en date du 20 septembre 2018, la CPAM de l'Isère a rappelé à Mme [B] [L] les termes de ses précédents courriers lui confirmant qu'elle disposait d'un délai de réflexion courant jusqu'au 26 septembre 2018 en vue d'une prise de fonction à cette date, et qu'à défaut elle devrait constater un abandon de poste.

Par courrier en date du 2 octobre 2018, la CPAM de l'Isère a adressé à Mme [B] [L] une mise en demeure de reprendre le travail, à compter du 8 octobre 2018, au poste de responsable du service action sanitaire et sociale.

Par courrier en date du 9 octobre 2018, Mme [B] [L] a été convoquée par la CPAM de l'Isère à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 octobre 2018.

Mme [B] [L] a informé son employeur qu'elle n'y serait pas présente, par courrier du'15'octobre 2018.

Par courrier recommandé en date du 26 octobre 2018, la CPAM de l'Isère a informé Mme'[B] [L] de la saisine du conseil régional de discipline.

Par courrier recommandé en date du 30 octobre 2018, le secrétaire du conseil régional de discipline a convoqué Mme [B] [L] à un entretien visant à délibérer sur sa situation, fixé au 13 novembre 2018. Mme [B] [L] ne s'est pas présentée à cette date, et le secrétaire du conseil de discipline régional lui a transmis un procès-verbal de carence.

Par courrier en réponse en date du 20 novembre 2018, Mme [B] [L] a indiqué n'avoir jamais été convoquée à l'entretien du 13 novembre 2018.

Par courrier recommandé du 27 novembre 2018, le secrétaire du conseil de discipline régional a précisé à Mme [B] [L] que son courrier de convocation n'avait pas pu être distribué et avait été retourné avec la mention «'destinataire inconnu à l'adresse'».

Par courrier en date du 30 novembre 2018, la CPAM de l'Isère a notifié à Mme [B] [L] son licenciement pour faute grave en raison d'un abandon de poste et d'un refus réitéré de reprendre les fonctions qui lui étaient proposées.

Les documents de fin de contrat ont été remis à Mme [B] [L] le 18 janvier 2019.

Par requête en date du 21 mai 2019, Mme [B] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins de voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir réparation de son préjudice.

La CPAM de l'Isère s'est opposée aux prétentions adverses et a sollicité à titre reconventionnel des dommages-intérêts pour violation de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

Par jugement en date du 15 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- dit et jugé que le licenciement de Mme [B] [L] pour faute grave est fondé,

- condamné la CPAM de l'Isère à verser à Mme [B] [L] les sommes suivantes :

- 3 905,97 € représentant un mois de salaire au titre de l'irrégularité de procédure visée à l'article L. 1235-2 du code du travail,

- 4 500,00 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle emploi,

- 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [B] [L] de ses autres demandes,

- débouté la CPAM de sa demande reconventionnelle,

- condamné la CPAM de l'Isère aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés les 16 et 17 avril 2021.

Par déclaration en date du 4 mai 2021, Mme [B] [L] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 novembre 2022, Mme'[B] [L] sollicite de la cour de':

Vu les articles L. 1332-2 et L. 3142-31 du code du travail,

Vu les articles 48, 54 et 55 de la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale,

Vu la jurisprudence,

Juger l'appel de Mme [B] [L] tant recevable que fondé ;

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- Dit et jugé que le licenciement de Mme [B] [L] pour faute grave est fondé,

- Condamné la CPAM de l'Isère à verser à Mme [B] [L] les sommes suivantes':'3'905,97€ représentant un mois de salaire au titre de l'irrégularité de procédure visée à l'article L. 1235-2 du code du travail,

- Débouté Mme [B] [L] de ses autres demandes ;

Statuant à nouveau dans les limites de l'appel :

À titre principal :

- Juger que le licenciement de Mme [B] [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse compte tenu de la violation des dispositions de l'article L. 1332-2 du code du travail et des dispositions conventionnelles applicables à la procédure disciplinaire ;

En conséquence :

- Condamner la CPAM de l'Isère à payer à Mme [B] [L]':

- 27.341,82 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 2 734,18 € brut au titre des congés payés afférents ;

- 59.240,61 € net au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 150.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

À titre subsidiaire :

Juger que les griefs reprochés à Mme [B] [L] par la CPAM de l'Isère à l'appui de son licenciement pour faute grave sont infondés et que la rupture de son contrat de travail est ainsi dépourvue de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence';

Condamner la CPAM de l'Isère à payer à Mme [B] [L] les sommes suivantes :

- 27.341,82 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 2 734,18 € brut au titre des congés payés afférents ;

- 59.240,61 € net au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 150.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

En tout état de cause :

Condamner la CPAM de l'Isère à verser à Mme [B] [L] la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouter la CPAM de toutes ses demandes ;

Condamner la CPAM de l'Isère aux dépens d'appel.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 décembre 2022, la CPAM de l'Isère sollicite de la cour de':

Vu les articles L. 1235-2, L. 1235-1, L. 3242-31, L. 1332-2, L. 1222-1 du code du travail

Vu l'article 48 B de la CCN

Vu les jurisprudences citées ci-dessus,

- Sur l'appel formulé par Mme [B] [L] :

Confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a jugé que le licenciement pour faute grave de Mme [B] [L] était bien fondé.

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [B] [L] de ses demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Débouter Mme [B] [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions formulées en cause d'appel.

- Sur l'appel incident formulé par la CPAM de l'Isère :

Dire que la procédure de licenciement est parfaitement régulière et Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamner la CPAM de l'Isère à payer à Mme [B] [L] la somme de'3.905,97 € sur le fondement de l'article L. 1235-2 du code du travail.

Dire que Mme [B] [L] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice en lien de causalité avec un retard allégué de transmission de l'attestation Pôle emploi.

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la CPAM de l'Isère à payer à Mme'[B] [L] la somme de 4.500 € à titre de dommages et intérêts et 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dire que l'attitude de Mme [B] [L] caractérise une intention de nuire à l'encontre de la CPAM de l'Isère et Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la CPAM de l'Isère de sa demande de condamnation de Mme [B] [L] à payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamner Mme [B] [L] à payer à la CPAM de l'Isère la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

En tout état de cause,

Condamner Mme [B] [L] à payer à la CPAM de l'Isère la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Laisser les entiers dépens de première instance et d'appel à la charge de Mme [B] [L].

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article'455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 décembre 2022. L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 1er février 2023, a été mise en délibéré au 23 mars 2023.

EXPOSE DES MOTIFS

1 - Sur la procédure de licenciement

Aux termes de l'article L.'1235-2 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance du'22 septembre 2017, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux'articles L.'1232-6,'L. 1233-16'et'L. 1233-42'peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'Etat.

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.

A défaut pour le salarié d'avoir formé auprès de l'employeur une demande en application de l'alinéa premier, l'irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.

En l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l'indemnité allouée conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3.

Lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux'articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4,'L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

L'article L.'1332-2 du code du travail dispose que lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.

La convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du'8'février'1957, par ses articles 48 et suivants, institue un conseil de discipline et définit différents délais qui s'imposent au directeur qui envisage de licencier un agent pour un motif disciplinaire.

En l'espèce, Mme [B] [L] allègue d'une série d'irrégularités commises au regard de cette procédure conventionnelle et soutient qu'elles constituent une violation d'une garantie fondamentale de protection de ses droits privant le licenciement de cause réelle et sérieuse, et ce en sollicitant, par ailleurs, la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a condamné à la CPAM à lui verser une indemnité au titre de l'irrégularité de procédure visée à l'article L. 1235-2 du code travail.

Or, la salariée ne peut tout à la fois solliciter l'octroi d'une indemnité prévue en cas d'irrégularité de procédure à un licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et soutenir que le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse du fait d'une violation d'une garantie fondamentale dès lors que l'indemnité pour irrégularité de procédure de licenciement et celle pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont pas cumulables.

Dans ces conditions, il convient de statuer au préalable sur le bien-fondé du licenciement.

2 - Sur la rupture du contrat de travail

Conformément aux articles L.'1232-1, L.'1232-6, L.'1234-1 et L.'1235-2 du code du travail, l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave doit établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement. Il doit également démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

Les motifs invoqués par l'employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables. Il ressort de l'article L.'1235-1 du code du travail qu'il appartient au juge d'apprécier non seulement le caractère réel du motif du licenciement disciplinaire mais également son caractère sérieux.

La procédure pour licenciement pour faute grave doit être engagée dans un délai restreint après la découverte des faits.

L'employeur, bien qu'informé de l'ensemble des faits reprochés à un salarié, qui choisit de lui notifier une sanction disciplinaire pour certains d'entre eux, a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer ultérieurement un licenciement pour les autres faits que postérieurement à leur date.

Par ailleurs, l'article L.'3142-31 du même code dispose qu'à l'issue du congé, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente et bénéficie de l'entretien professionnel mentionné au I de l'article L.'6315-1 du code du travail.

Il résulte de cet article qu'un emploi similaire doit comporter le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière que l'emploi initial (Soc.,'22'octobre 1997, n°94-44.706) et que le refus par le salarié de plusieurs postes similaires peut justifier un licenciement (Soc., 3 juin 2015, n°14-12.245).

En cas de litige, la charge de la preuve du caractère similaire du poste repose sur l'employeur (Soc., 9 avril 2008, n°06-45.898).

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement que la CPAM reproche à Mme [B] [L] d'avoir refusé les postes proposés par la CPAM à l'issue de son congé sabbatique et en raison d'un abandon de poste.

Mme [B] [L] est partie en congés payés pendant l'été 2017, puis a bénéficié d'un congé sabbatique à compter du 5 octobre 2017 pour une durée de onze mois, de sorte qu'elle devait réintégrer la'CPAM en septembre 2018.

D'une première part, il ressort des écritures de la CPAM (page 15 des conclusions) que les faits concernant la situation du service Budgets achats Marchés au moment du départ en congés de Mme [L] ne constituent pas des griefs justifiant le licenciement pour faute grave, mais qu'ils sont «'des faits reprochés [...] à mettre en perspective avec une attitude concertée avec l'ancien directeur de nature à mettre en difficulté la CPAM'».

D'une deuxième part, contrairement à ce qu'allègue la CPAM, le fait que la salariée ait organisé un pot de départ en juillet 2017 et qu'elle ait récupéré ses affaires personnelles, laissant son bureau vide, ne permet pas d'établir que la salariée n'avait pas l'intention de réintégrer à son poste, dès lors que la salariée n'a émis aucune intention claire et non équivoque de démissionner et que le constat d'huissier en date de septembre 2018, versé par la CPAM, n'a pas de valeur probante en ce qu'il date de plus d'un an après le départ en congé de Mme [L].

De la même manière, le fait que la salariée n'aurait pas laissé des documents expliquant les procédures budgétaires, selon les attestations de salariées produites par la CPAM, ne constitue pas un élément suffisant permettant d'établir que la salariée ne comptait pas reprendre son poste à l'issue de son congé sabbatique.

D'une troisième part, la CPAM ne verse aucun élément permettant d'établir que la directrice de la caisse aurait envisagé de recruter un nouveau responsable du service Budget Achats Marchés dès le mois de janvier 2018, mais que la CNAM lui aurait «'demandé de différer cette embauche'» (page 4 des'conclusions), de sorte que l'embauche de Mme [R] n'a pu être effectuée que début juillet 2018 et sa prise de poste être effective en septembre 2018.

En outre, compte tenu de la demande de délai d'embauche d'un nouveau responsable tel qu'allégué par la CPAM, cette dernière ne produit pas d'élément pertinent permettant d'établir que le remplacement de Mme [L] était nécessaire en septembre.

En effet, bien que les différentes attestations, produites par l'employeur, mettent en exergue une transition difficile du service Budget Achats Marchés après le départ de Mme [L], aucun élément n'est produit permettant de démontrer que la CPAM avait pris les mesures nécessaires pour pallier son absence, d'autant que Mme [L] fait valoir que «'à aucun moment pendant ce congé sabbatique, Madame [L] n'a été informée de la moindre difficulté de son service qui aurait pu être liée à une absence de transmission de connaissance, de compétences ou de formation des agents censés pallier son absence, et en tout cas, aucun courrier ne reproche à ce titre ne lui a jamais été adressé'» (page 24 de ses conclusions).

Dès lors, la CPAM ne démontre pas la nécessité du remplacement de Mme [L] et, par suite, l'indisponibilité réelle de son poste en septembre 2018.

D'une quatrième part, par courrier en date du 18 septembre 2018, la CPAM a proposé à Mme'[L] deux postes': «'un poste de responsable du service Action Sanitaire et Social avec pour mission notamment le management de 10 personnes, dont un cadre, un agent de maîtrise et 8 agents'» et «'un poste de responsable de la documentation avec pour mission notamment le management de 4 personnes, dont un agent de maîtrise et trois agents'».

Concernant le poste de responsable de la documentation, la CPAM ne développe aucun moyen pertinent et ne verse aucune pièce, de sorte qu'elle n'établit pas que le poste proposé est un emploi similaire au poste précédent de Mme [L].

S'agissant du poste de responsable du service Action Sanitaire et Social, il ressort des deux fiches de postes, celle jointe au courrier du 18 septembre 2018 et celle jointe à un courrier du'2'octobre 2018, que la fiche de poste a été actualisée ajoutant comme missions': «'Assurer la gestion et le suivi du budget d'Action sanitaire et sociale, notamment en participant aux instances de pilotage budgétaires internes, assurer la communication de proximité avec les conseilleurs de la commission d'action sociale'».

Ainsi, le poste initialement proposé le 18 septembre 2018, qui ne comprenait pas ces missions, ne correspond pas à un emploi similaire au sens de l'article L.'3142-31.

Par ailleurs, il ressort des différents courriers de la CPAM que le poste proposé n'était pas vacant, puisqu'il était occupé par Mme [Y].

Or, la CPAM n'indique pas précisément la date à laquelle le poste serait libéré, se contentant d'indiquer à Mme [L] que «'Mme [Y] doit, dans le courant de l'année 2019, faire valoir ses droits à la retraite'» et, dans son courrier du 2 octobre 2018, que Mme [Y] «'est parfaitement d'accord pour vous accompagner dans ces nouvelles fonctions, pour que vous puissiez les prendre en charge dans de bonnes conditions'» et qu' «'elle a par ailleurs donné son accord pour être repositionné sur d'autres fonctions, lorsque vous aurez pleinement pris possession de votre nouveau poste'», sans apporter plus de précisions à la salariée.

De plus, bien que les deux postes correspondent au niveau 7 de l'annexe 1 de la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale, il ressort de la fiche du poste proposé que les fonctions n'apparaissent pas équivalentes.

En effet, alors que l'ancien poste de Mme [L] portait sur le suivi des budgets, l'ordonnancement et le paiement des factures ou encore la gestion des stocks de fournitures, le poste proposé concerne l'instruction des dossiers de versements de prestations supplémentaires et l'étude des demandes de subventions aux associations, de sorte que ni les fonctions, ni les perspectives de carrière de l'emploi initial n'apparaissent similaires.

Dès lors, il ressort des énonciations précédentes que la CPAM échoue à démontrer tant l'indisponibilité réelle du poste de Mme [L] que le fait d'avoir proposé des postes similaires au poste précédent de la salariée.

Ainsi, le refus de Mme [L] des propositions de postes ne peut pas s'analyser comme abusif et justifier un licenciement pour faute grave.

Par conséquent, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les moyens soulevés au titre de l'irrégularité de procédure, le licenciement notifié à Mme [L] le 30 novembre 2018 est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est donc infirmé à ce titre.

3 - Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail

D'une première part, il convient de condamner la CPAM de l'Isère à payer à Mme [L] les sommes suivantes, l'employeur ne soulevant aucun moyen contestant les quantums':

- 27'341,82'euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 2'734,18'€ bruts au titre des congés payés afférents,

- 59'240,61'euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

D'une seconde part, l'article L.'1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis'; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.

Mme [B] [L] disposait d'une ancienneté, au service du même employeur, de trente-six ans et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 3 et 20 mois de salaire.

Elle revendique l'équivalent de 33 mois de salaire au motif que le plafond instauré par l'article L. 1235-3 du code du travail est contraire à l'article 10 de la convention OIT n°158 et n'est pas de nature à indemniser le préjudice qu'elle a subi à raison de la perte injustifiée de son emploi.

Agée 58 ans à la date du licenciement, elle percevait un salaire mensuel moyen brut de 4'556,97 euros. Elle justifie de son inscription à Pôle emploi à compter du 4 février 2019 jusqu'au'28'février 2021 et de son départ en retraite à compter du 1er février 2021.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, procédant à une appréciation souveraine des éléments de fait soumis au titre du préjudice subi, le moyen tiré de l'inconventionnalité des barèmes se révèle inopérant dès lors qu'une réparation adéquate n'excède pas la limite maximale fixée par la loi.

Infirmant le jugement déféré, il convient de condamner la CPAM à verser à Mme'[B]'[L] la somme de 80'000'euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, la salariée étant déboutée du surplus de sa demande.

4 - Sur la transmission des documents de fin de contrat':

L'article R.'1234-9 du code du travail dispose que l'employeur est tenu de délivrer au salarié, au moment de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations d'assurance chômage et transmettre sans délai ces mêmes attestations à pôle emploi.

Il est de jurisprudence constante que le défaut de remise ou la remise tardive de bulletins de paie ou du certificat de travail ne cause pas nécessairement un préjudice dont l'existence doit être prouvé par le salarié.

En l'espèce, l'attestation Pôle emploi n'a été éditée que le 7 janvier 2018 et transmise que le 18 janvier 2018, soit plus d'un mois après la notification du licenciement le 30 novembre 2018, de sorte que la transmission de l'attestation Pôle Emploi est tardive.

Mme [L] produit un courrier de Pôle Emploi, daté du 8 février 2019, qui indique qu'elle est inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi depuis le 23 janvier 2019, que par notification du'4 février 2019, elle a été admise au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi et qu'au 31 janvier 2019, elle avait bénéficié de 2 allocations journalières.

Ainsi, elle établit suffisamment qu'en raison de la transmission tardive de l'attestation Pôle Emploi, plus d'un mois après la rupture de son contrat de travail, elle n'a pas pu bénéficier de l'allocation d'aide au retour à l'emploi dès le mois de décembre 2018 ce dont il résulte un préjudice certain.

Par conséquent, il convient, par réformation du jugement entrepris quant au quantum, de condamner la CPAM à verser à Mme [L] la somme de 1'500'euros à titre des dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle emploi.

5 - Sur la demande reconventionnelle fondée sur une exécution déloyale du contrat de travail

Conformément à l'article L. 1222-1 du code de travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

En l'espèce, il ne ressort ni des circonstances de l'espèce, ni des pièces produites par la CPAM, que Mme [L] aurait eu l'intention de nuire à son employeur.

En effet, l'organisation d'un pot de départ et le fait d'avoir récupéré ses affaires personnelles ne caractérisent pas l'intention de la salariée de ne pas réintégrer ses fonctions.

De plus, les attestations produites par la CPAM sont insuffisantes pour caractériser l'intention de nuire de la salariée en ce qu'elle n'aurait pas laissé à son successeur les procédures budgétaires et d'achats, aucune intention de nuire ne ressortant des attestations.

Finalement, le refus des postes proposés par la salariée étant justifié, il ne peut pas caractériser une exécution déloyale du contrat de travail.

Dès lors, l'employeur n'établit pas l'exécution déloyale du contrat de travail en raison de l'intention de nuire de la salariée.

En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, la CPAM est déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

6 - Sur les demandes accessoires

La CPAM de l'Isère, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mme [L] l'intégralité des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la CPAM à lui payer la somme de 500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de la condamner à lui verser la somme de 2'500'euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

En conséquence, la demande indemnitaire de l'organisme social au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés est rejetée.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- Débouté la CPAM de l'Isère de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- Condamné la CPAM de l'Isère à verser à Mme [B] [L] la somme de 500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la CPAM de l'Isère de sa demande reconventionnelle,

- Condamné la CPAM de l'Isère aux dépens de première instance';

L'INFIRME pour le surplus';

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement notifié par la CPAM de l'Isère à Mme [B] [L] le'30'novembre'2018 est sans cause réelle et sérieuse';

CONDAMNE la CPAM de l'Isère à payer à Mme [B] [L] les sommes suivantes':

- 27'341,82'euros bruts (vingt-sept mille trois cent quarante-et-un euros et quatre-vingt-deux centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2'734,18'euros bruts (deux mille sept cent trente-quatre euros et dix-huit centimes) au titre des congés payés afférents,

- 59'240,61'euros (cinquante-neuf mille deux cent quarante euros et soixante-et-un centimes) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 80'000'euros bruts (quatre-vingt mille euros) à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1'500'euros nets (mille cinq cents euros) à titre des dommages et intérêts pour transmission tardive de l'attestation Pôle Emploi';

DEBOUTE Mme [B] [L] du surplus de ses demandes financières';

DEBOUTE la CPAM de l'Isère de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la CPAM de l'Isère à payer à Mme [L] la somme de 2'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la CPAM de l'Isère aux entiers dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/02082
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;21.02082 ?
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