C 2
N° RG 21/01913
N° Portalis DBVM-V-B7F-K3AS
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Ladjel GUEBBABI
la SELARL BEYLE AVOCATS
Me Hassan KAIS
SELARL FTN
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 09 MARS 2023
Appel d'une décision (N° RG 18/01360)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRENOBLE
en date du 29 mars 2021
suivant déclaration d'appel du 23 avril 2021
APPELANT :
Monsieur [T] [R]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Ladjel GUEBBABI, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMES :
Monsieur [O] [M] ès qualités de liquidateur judiciaire de la DAVAT PIEC'AUTO
[Adresse 5]
[Localité 2]
représenté par Me Myriam TIDJANI de la SELARL BEYLE AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
S.A.R.L. HELP CAR, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié audit siège
[Adresse 8]
[Localité 3]
représentée par Me Hassan KAIS, avocat au barreau de GRENOBLE
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'[Localité 9]
[Adresse 7]
[Localité 6]
représentée par Me Florence NERI de la SELARL FTN, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller
DÉBATS :
A l'audience publique du 18 janvier 2023,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport, et M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, ont entendu les parties en leurs conclusions, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 09 mars 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 09 mars 2023.
EXPOSE DU LITIGE
M. [T] [R] a été embauché le 13 mai 2002 suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité de man'uvre par la société à responsabilité limitée (SARL) Garage Davat devenue la société Pièc'Auto par changement de dénomination en juin 2013, et finalement dénommée société'Davat Pièc'Auto à compter de juillet 2018.
Le siège social de la société était fixé au [Adresse 8].
Son activité portait sur la vente et l'achat de voitures neuves et d'occasion, la réparation, dépannage, récupération d'épaves, la déconstruction de véhicules, et la fourrière.
Suivant compromis d'acte de cession en date du 1er février 2018, la société Pièc' Auto a convenu de la cession à la société Help Car, sous conditions suspensive avec clause de substitution de sa branche d'activité d'achat de véhicules accidentés destinés à la revente après remise en état.
Par courrier avocat du 28 mai 2018, M. [T] [R] a mis en demeure la société Pièc' Auto de lui délivrer un certificat de travail mentionnant une date d'embauche au 2 septembre 2002 et a alerté son employeur sur les conditions de reprise de son contrat par la société Help' Car dans l'hypothèse d'une cession d'activité au profit de ce repreneur.
A compter du 31 mai 2018, M. [T] [R] a été placé en arrêt maladie.
La société Pièc'Auto a établi un reçu pour solde de tout compte et un certificat de travail pour M. [T] [R], datés du 4 juillet 2018.
Suivant acte de cession publié au Bodacc le 20 juillet 2018, la société Pièce Auto 38, société nouvellement créée, immatriculée sous le numéro 840 279 681 et exerçant [Adresse 8], s'est substituée à la société Help Car pour acquérir la branche d'activité cédée par la société Pièc'Auto, devenue la société Davat Pièc'Auto.
Le commencement d'activité de la société Pièc'Auto 38 a été fixé au 5 juillet 2018.
Par courrier du 27 septembre 2018, M. [T] [R] a contesté la rupture de son contrat de travail.
Par requête visée au greffe le 27 décembre 2018, M. [T] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble d'une demande dirigée contre la société Davat Pièc'Auto, anciennement dénommée Pièc'Auto, aux fins de paiement de diverses sommes en raison de la rupture abusive du contrat de travail par cette dernière, et a sollicité la condamnation solidaire des sociétés Pièc'Auto 38 et Help Car à lui payer les mêmes sommes.
Par jugement du 22 octobre 2019 le tribunal de commerce de Grenoble a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Davat Pièc'Auto, finalement placée en liquidation judiciaire par jugement en date du 2 mars 2021, Maître [O] [M] étant désigné en qualité de mandataire-liquidateur.
Mise en cause sur le fondement de l'article L. 625-3 du code de commerce, l'association Unedic délégation AGS CGEA d'[Localité 9] est intervenue aux débats.
La société Pièc'Auto 38 est intervenue volontairement à la procédure.
Par jugement en date du 29 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble statuant en formation de départage a':
- Rejeté la demande de mise hors de cause de la société Help' Car';
- Débouté M. [T] [R] de l'ensemble de ses demandes ;
- Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- Dit le présent jugement opposable à I'AGS-CGEA d'[Localité 9] ;
- Condamné M. [T] [R] aux dépens.
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés les 30 et 31 mars 2021.
Par déclaration en date du 23 avril 2021, M. [T] [R] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 juillet 2021, M.'[T]'[R] sollicite de la cour de':
Vu les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail,
Vu les pièces versées au débat,
Infirmer le jugement du 29 mars 2021 dans toutes ses dispositions,
Et statuant de nouveau,
Constater que la preuve du transfert du contrat de travail n'est pas rapportée,
Constater que les sociétés cessionnaires n'ont pas rempli leurs obligations à l'égard du salarié et notamment leur obligation d'information de la reprise le privant ainsi du bénéfice de la poursuite de son contrat,
Constater que les intimés ont sciemment privé le salarié de l'application des dispositions d'ordre public des articles L. 1224-1 et suivants du code du travail,
En conséquence,
A titre principal,
Dire et juger que la rupture de contrat notifiée par la SARL Davat Pièc'Auto le 23 juillet 2018 est dépourvue de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
Ordonner à Maître [O] [M], [Adresse 5], es qualité de mandataire judiciaire de la SARL Davat Pièc'Auto, SARL au capital de 15.000 €, dont le siège social est [Adresse 8], Siret : 421 104 225. Code APE : 4520A, l'inscription des créances suivantes au profit de M. [T] [R] au passif de la SARL Pièc'Auto au rang de créances super privilégiées :
- 3 934,30 euros bruts au titre du préavis
- 393,43 euros bruts au titre des congés payés
- 1 967,15 euros nets à titre de dommages et intérêts pour défaut de convocation à entretien préalable
- 1 109,47 euros bruts à titre de solde des congés payés
- 8 852,16 euros nets à titre d'indemnité de licenciement
- 40 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
Dire et juger que l'arrêt à intervenir sera opposable à l'AGS,
Condamner l'AGS à régler ces sommes dans la limite de sa garantie.
A titre subsidiaire,
Dire et juger que les société cessionnaires Help Car et Pièc'Auto 38 ont illégalement privé M.'[T] [R] de la poursuite de son contrat de travail dans le cadre du rachat de fonds de commerce opéré auprès de la SARL Davat Pièc'Auto,
Dire et juger que la rupture de contrat de M. [T] [R] leur est totalement imputable,
Condamner solidairement les sociétés Help Car et Pièc'Auto 38 à régler à M. [T] [R] les indemnités suivantes':
- 3 934,30 euros bruts au titre du préavis
- 393,43 euros bruts au titre des congés payés
- 1 967,15 euros nets à titre de dommages et intérêts pour défaut de convocation à entretien préalable
- 1 109,47 euros bruts à titre de solde des congés payés
- 8 852,16 euros nets à titre d'indemnité de licenciement
- 40 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
A titre infiniment subsidiaire,
Dire et juger que la société cédante et les sociétés cessionnaires sciemment privé le salarié de l'application des dispositions d'ordre public des articles L. 1224-1 et suivants du code du travail,
Dire et juger que les sociétés Davat Pièc'Auto, Help Car et Pièc'Auto 38 sont solidairement responsables de la rupture de contrat subie par M. [T] [R] et en conséquence, s'agissant la SARL Davat Pièc'Auto':
Ordonner à Maître [O] [M], [Adresse 5], es qualité de mandataire judiciaire de la société Davat Pièc'Auto, SARL au capital de 15.000 €, dont le siège social est [Adresse 8], Siret : 421 104 225. code APE : 4520A , l'inscription des créances suivantes au profit de v au passif de la SARL Pièc'Auto au rang de créances super privilégiées
- 3 934,30 euros bruts au titre du préavis
- 393,43 euros bruts au titre des congés payés
- 1 967,15 euros nets à titre de dommages et Intérêts pour défaut de convocation à entretien préalable
- 1 109,47 euros bruts à titre de solde des congés payes
- 8 852,16 euros nets à titre d'indemnité de licenciement
- 40 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
Dire et juger que le jugement à intervenir sera opposable à l'AGS,
Condamner l'AGS à régler ces sommes dans la limite de sa garantie,
Et s'agissant des sociétés Help Car et Piec'Auto 38, les condamner à régler M. [T] [R] les indemnités suivantes':
- 3 934.30 euros bruts au titre du préavis
- 393.43 euros bruts au titre des congés payés
- 1 967.15 euros nets à titre de dommages et intérêts pour défaut de convocation à entretien préalable
- 1 109.47 euros bruts à titre de solde des congés payés
- 8 852.16 euros nets à titre d'indemnité de licenciement
- 40 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 3500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 29 septembre 2021, Maître'[O] [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la'SARL'Davat'Pièc'Auto sollicite de la cour de':
Vu les dispositions de l'article 1224-1 du code du travail
Vu l'article 9 du code de procédure civile
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble en date du 29 mars 2021';
Constater l'application de plein droit des dispositions de l'article 1224-1 du code du travail';
Constater que ces dispositions s'imposent au salarié';
Constater que le transfert du contrat de travail de M. [T] [R] est bien intervenu au profit de la société Pièce Auto 38';
En conséquence,
Débouter M. [T] [R] de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la société Davat Pièc'Auto,
Subsidiairement,
Dire qu'en tout état de cause, seule une fixation au passif de la société Davat Pièc'Auto peut intervenir
Dire opposable au CGEA toutes condamnations de la société Davat Pièc'Auto
Dire et juger que les sociétés Pièce Auto 38 ou Help'Car relèvera et garantira Davat Pièc'Auto de toute éventuelle condamnation';
Condamner M. [T] [R] au paiement d'une somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamner le même aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 octobre 2021, la'SARL'Help Car sollicite de la cour de':
Constater l'application de plein droit des dispositions de l'article 1224-1 du code du travail';
Constater que le transfert du contrat de travail de M. [T] [R] est bien intervenu au profit de la société Pièc'Auto 38';
Constater que le contrat de travail de M. [T] [R] n'a jamais été rompu par la société'Pièc'Auto 38';
En conséquence,
Débouter M. [T] [R] de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la société'Pièc'Auto'38';
A titre principal,
Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 29 mars 2021 dans toutes ses dispositions et, par conséquent,
Débouter M. [T] [R] de l'intégralité de ses demandes';
A titre subsidiaire,
En cas de condamnation de la société Piec'Auto, Dire et juger qu'elle ne saurait être relevée et garantie par Pièc'Auto 38';
Condamner M. [T] [R] au paiement d'une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 novembre 2022 l'association Unedic délégation AGS CGEA d'[Localité 9] rappelle les conditions de mise en 'uvre de sa garantie et sollicite de la cour de':
A titre principal,
Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 29 mars 2021 dans toutes ses dispositions et, par conséquent, débouter M. [T] [R] de l'intégralité de ses demandes.
Mettre l'AGS purement et simplement hors de cause.
A titre subsidiaire,
Si une responsabilité solidaire était retenue entre les sociétés Pièc'Auto 38, Help'Car et Davat Pièc'Auto :
Dire et juger que dans les rapports entre l'AGS et les sociétés Pièc'Auto 38 et Help Car qui sont in bonis, la contribution à la dette solidaire incombera, le cas échéant, entièrement à ces dernières, en application du principe de subsidiarité (Art. L. 3253-20 du code du travail).
Mettre l'AGS hors de cause.
En tout état de cause,
Débouter le salarié de sa demande de condamnation à l'encontre de l'AGS, la décision à intervenir pouvant seulement lui être déclarée opposable (Cass. Soc. 26 janvier 2000 n° 494 P / Cass. Soc. 18 mars 2008 n° 554 FD), celle-ci étant attraite en la cause sur le fondement de l'article L. 625-3 du code de commerce.
Débouter le salarié de toutes demandes de prise en charge par l'AGS excédant l'étendue de sa garantie, laquelle est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, lequel inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale ou d'origine conventionnelle imposée par la Loi ainsi que la retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts.
Débouter le salarié de toute demande directe à l'encontre de l'AGS, l'obligation de l'AGS de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pouvant s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire (Art. L. 3253-20 du code du travail), les intérêts légaux étant arrêtés au jour du jugement déclaratif (Art. L.621-48 du code de commerce).
Débouter le salarié de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette créance ne constituant pas une créance découlant du contrat de travail et, partant, se situe hors le champ de garantie de l'AGS ce conformément aux dispositions de l'article L. 3253-6 du code du travail.
Débouter le salarié de sa demande de condamnation de l'AGS aux dépens.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article'455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 24 novembre 2022. L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 18 janvier 2023, a été mise en délibéré au'9 mars 2023.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1 - Sur la rupture du contrat de travail
Aux termes de l'article L.'1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
Dès lors que les conditions de l'article L.'1224-1 du code du travail sont remplies, le contrat de travail du salarié se poursuit de plein droit et par le seul effet de la loi, avec le nouvel employeur.
Les dispositions de l'article L.'1224-1 du code du travail sont d'ordre public et s'imposent tant aux employeurs qu'aux salariés.
Sauf preuve de la fraude impliquant que les condamnations au titre de la rupture injustifiée du contrat de travail résultant des actions concertées de l'entreprise sortante et de l'entreprise entrante pour faire obstacle au transfert, le salarié doit, en revanche, exercer un choix entre une action contre l'entreprise entrante et une action contre l'entreprise sortante.
En l'espèce, M. [T] [R] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, dès lors que la rupture de son contrat de travail lui a été notifiée par la société Davat Pièc'Auto le'23'juillet'2018, alors que son contrat de travail aurait dû être transféré auprès de la société'Pièc'Auto 38 en raison d'une cession survenue le 5 juillet 2018 entre les deux sociétés.
D'une première part, M. [T] [R] n'allègue pas l'existence d'une collusion frauduleuse entre la société Help Car, signataire du compromis de cession du 1er février 2018, et la société'Davat Pièc'Auto, société cédante, ni avec la société PièceAuto 38, signataire de l'acte de cession le 5 juillet 2018.
Dès lors, il convient de mettre hors de cause la société Help Car.
D'une deuxième part, M. [T] [R] se trouvait placé en arrêt maladie à compter du'31'mai'2018 jusqu'au'9'septembre 2018 de sorte que son contrat de travail, même suspendu, était en cours au moment de la cession.
Dès lors, en application de l'article L.'1224-1 du code du travail, le transfert de son contrat de travail aurait dû s'opérer de plein droit par l'effet de la cession intervenue le 5 juillet 2018.
D'une troisième part, contrairement aux allégations de l'employeur, aucune pièce ne permet d'établir que le salarié aurait «'indiqué à plusieurs personnes au sein de l'entreprise qu'il n'entendait pas exercer d'activité professionnelle avec les repreneurs et avoir obtenu une promesse d'embauche auprès de la société GDA à [Localité 10]'» (page 3 des conclusions de l'employeur).
De la même manière, aucun élément versé aux débats ne permet d'établir que le salarié se serait mis en arrêt maladie et aurait «'tenté par tous moyens de se soustraire des dispositions d'ordre public'» de l'article L.'1224-1 du code du travail (page 9 des conclusions de l'employeur).
Au contraire, il ressort des conclusions des parties et des pièces versées aux débats que M.'[R] a transmis ses arrêts de travail à la société Help'Car à compter de juillet 2018, ce qui démontre qu'il n'avait pas connaissance que l'acte de cession avait été conclu avec la société'Pièc'Auto 38.
En outre, aucun élément ne permet d'établir que les bulletins de salaire produits par la société'Pièc'Auto 38 ont bien été transmis au salarié, ni que cette dernière avait contacté le salarié quant au transfert de son contrat de travail suite à l'acte de cession du 5 juillet 2018.
D'une quatrième part il ressort du reçu pour solde de tout compte et du certificat de travail que la fin de la relation de travail entre M. [T] [R] et la société Davat Pièc'Auto est datée du'4 juillet 2018, soit la veille de la conclusion de l'acte de cession.
Toutefois, aucun élément versé aux débats ne permet de déterminer la date d'envoi de ces documents, la société Davat Pièc'Auto reconnaissant, dans un courrier de son conseil en date du 2 octobre 2018, les avoir transmis, et le salarié indiquant les avoir reçus le 23 juillet 2018.
En outre, aucun des éléments produits ne permet de déduire du certificat de travail et du reçu pour solde de tout compte, datés du 4 juillet 2018, qu'ils avaient été édictés dans le seul but du transfert du contrat de travail du salarié à la société Pièc'Auto 38, comme l'allègue la société'Davat Pièc'Auto.
Il n'est donc pas démontré que la rupture du contrat, notifiée par la société Davat Pièc'Auto, était antérieure à la cession qui a pris effet le 5 juillet 2018.
D'une cinquième part, la délivrance par l'employeur des documents de fin de contrat caractérise son intention de rompre la relation de travail au jour de leur remise, de sorte que la transmission des documents de fin de contrat le 23 juillet 2018 vaut rupture à l'initiative de la société Pièc'Auto.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Pièc'Auto a pris l'initiative de notifier à M. [T] [R] la rupture de son contrat de travail, en dehors de toute procédure régulière de licenciement, alors que la société'Pièc'Auto'38 aurait dû reprendre ce contrat suite à la cession du'5'juillet'2018.
Il s'en déduit que le transfert n'a pas opéré du fait de la société Pièc'Auto, entreprise cédante, et que cette rupture, notifiée à l'initiative de l'employeur cédant, se révèle sans cause réelle et sérieuse.
Par infirmation du jugement entrepris, le licenciement notifié par la SARL Pièc'Auto à M.'[T]'[R] le'23'juillet'2018 est donc dénué de cause réelle et sérieuse.
2 - Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':
En premier lieu, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse du fait de la société cédante, il convient d'ordonner à Me [M], es-qualités de mandataire judiciaire, de fixer au passif de la SARL Pièc'Auto, au bénéfice de M. [T] [R], les sommes suivantes':
- 3'934,30'euros bruts au titre de l'indemnité de préavis, outre 393,43'euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 8'852,16'euros nets au titre de l'indemnité de licenciement,
- 1'109,47'euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés prévue par l'article L.'3141-28.
En deuxième lieu, en application des dispositions de l'article L.'1235-2, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il convient de débouter M. [T] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de procédure de licenciement.
En troisième lieu, l'article L.'1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis'; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.
M. [T] [R] disposait d'une ancienneté, au service du même employeur, de seize ans et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre trois et treize mois et demi de salaire.
Le salarié s'abstient de verser aux débats les pièces susceptibles d'établir l'ampleur du préjudice dont il sollicite réparation à raison de la perte injustifiée de son emploi.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, procédant à une appréciation souveraine des éléments de fait soumis au titre du préjudice subi, le moyen tiré de l'inconventionnalité des barèmes se révèle inopérant dès lors qu'une réparation adéquate n'excède pas la limite maximale fixée par la loi.
Infirmant le jugement déféré, la cour ordonne la fixation au passif de la SARL Davat Pièc'Auto, au bénéfice de M. [T] [R], la somme de 20'000'euros bruts à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture injustifiée de son contrat.
3 ' Sur la garantie de l'AGS
Il y a lieu de déclarer le jugement commun et opposable à l'AGS et de dire que l'association Unedic délégation de l'AGS CGEA d'[Localité 9] doit sa garantie selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt étant ajouté qu'en application de l'article L 3253-17 du code du travail tel que modifié par loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016, le plafond de garantie de l'AGS s'entend en montants bruts et retenue à la source, de l'article 204 A du code général des impôts, incluse.
4 - Sur les demandes accessoires
La SARL Davat Pièc'Auto, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens.
L'équité et les situations économiques des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
L'INFIRME quant au surplus';
Statuant à nouveau et y ajoutant,
MET hors de cause la SARL Help Car';
DÉCLARE sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par la SARL Davat Pièc'Auto à M.'[T] [R] le 23 juillet 2018';
ORDONNE à Me [M] es qualités de fixer au passif de la SARL Davat Pièc'Auto, au bénéfice de M.'[T] [R], les sommes suivantes':
- 3'934,30'euros bruts (trois mille neuf cent trente-quatre euros et trente centimes) au titre de l'indemnité de préavis,
- 393,43'euros bruts (trois cent quatre-vingt treize euros et quarante-trois centimes) au titre des congés payés afférents,
- 8'852,16'euros nets (huit mille huit cent cinquante-deux euros et seize centimes) au titre de l'indemnité de licenciement,
- 1'109,47'euros bruts (mille cent neuf euros et quarante-sept centimes) au titre de l'indemnité de congés payés.
- 20'000,00 euros bruts (vingt mille euros) au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse';
DÉCLARE l'arrêt commun et opposable à l'association UNEDIC délégation de l'AGS CGEA d'[Localité 9]';
DIT que l'association UNEDIC délégation de l'AGS CGEA d'[Localité 9] doit sa garantie dans les conditions des articles L.'3253-6 et suivants et D.'3253-5 du code du travail, étant précisé que les plafonds de garantie de l'AGS s'entendent en sommes brutes et retenue à la source de l'impôt sur le revenu, de l'article 204 du code général des impôts, incluse';
DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNE la SARL Davat Pièc'Auto, représentée par Me [M], ès qualités de liquidateur judiciaire, aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président