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N° RG 21/01894
N° Portalis DBVM-V-B7F-K25I
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL ALTER AVOCAT
la SELAS PWC SOCIETE D'AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 09 MARS 2023
Appel d'une décision (N° RG 18/00706)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Grenoble
en date du 25 mars 2021
suivant déclaration d'appel du 23 avril 2021
APPELANT :
Monsieur [W] [K]
né le 01 Décembre 1981 à [Localité 6]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Pierre JANOT de la SELARL ALTER AVOCAT, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
S.A. INPG ENTREPRISE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Emmanuelle VERAS de la SELAS PWC SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 18 janvier 2023,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport, et M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 09 mars 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 09 mars 2023.
EXPOSE DU LITIGE
M. [W] [K], ingénieur chercheur spécialisé dans les travaux scientifiques portant sur la purification du silicium pour applications photovoltaïques, a d'abord bénéficié, dans le cadre d'un master de recherche physique , d'un stage rémunéré du 11 février au'11'juillet 2013, selon convention de stage établie avec le centre national de recherche scientifique (CNRS) et l'établissement public d'enseignement supérieur l'Institut Polytechnique de [Localité 3] ([5]).
Ce stage s'est déroulé au sein du laboratoire de sciences et de l'ingénierie des matériaux et procédés (SIMAP) situé à [Localité 7], au sein duquel M. [W] [K] a réalisé son parcours étudiant jusqu'au doctorat.
M. [W] [K] a ensuite été embauché par la société anonyme INPG Entreprise, filiale de l'établissement public d'enseignement supérieur Institut Polytechnique de [Localité 3], dans le cadre d'un premier contrat de travail à durée déterminée du 25 juillet 2013 au'25'septembre'2013 en qualité d'ingénieur doctorant pour la réalisation d'une mission de recherche scientifique spécifique et temporaire intitulée «Modélisation de la vitesse de purification sur l'installation photosil'».
M. [W] [K] a conclu avec l'Institut Polytechnique de [Localité 3], établissement public, un contrat doctoral pour la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016, prolongé jusqu'au'30'septembre'2017.
Suivant un second contrat de travail à durée déterminée du 5 octobre 2016 au 3 décembre 2016 conclu avec la société INPG Entreprise, M. [W] [K] a été embauché à temps partiel à hauteur de'75,83'heures mensuelles pour la réalisation d'une seconde mission de recherche scientifique spécifique et temporaire intitulée « finalisation de travaux de thèse portant sur l'étude de la purification de silicium solaire par réactions liquide-gaz ».
Au terme de ce contrat, M. [W] [K] a été pris en charge par Pôle Emploi du 31 octobre 2016 au 20 août 2017.
Selon un troisième contrat de travail à durée déterminée du 21 août 2017 au 31 octobre 2017, M. [W] [K] a été embauché par la SA INPG Entreprise à temps partiel à hauteur de'130'heures par mois, pour une troisième mission de recherche scientifique spécifique et temporaire intitulée «purification de silicium solaire ».
M. [W] [K] a exercé son activité dans les locaux du laboratoire SIMAP.
Il a soutenu sa thèse le 23 octobre 2017.
Par requête en date du 24 octobre 2018, M. [W] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins d'obtenir la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, ainsi que le versement d'indemnités pour travail dissimulé et au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail.
La société INPG Entreprise s'est opposée aux prétentions adverses.
Par jugement en date du 25 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':
- débouté M. [W] [K] de l'ensemble de ses demandes,
- laissé les dépens à la charge de M. [W] [K].
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signé le 26 mars 2021 par la société INPG Entreprise et retourné avec la mention «'destinataire inconnu à l'adresse'» pour M. [W] [K].
Par déclaration en date du 23 avril 2021, M. [W] [K] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 12 juillet 2021, M.'[W]'[K] sollicite de la cour de':
Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 25 mars 2021 en ce qu'il a débouté M. [W] [K] de l'ensemble de ses demandes,
En conséquence,
Requalifier la relation de travail à l'encontre de la SA INPG Entreprise en contrat à durée indéterminée du 5 octobre 2016 au 31 octobre 2017 ;
Condamner la SA INPG Entreprise à verser à M. [W] [K] les sommes suivantes :
- Indemnité de requalification :
A titre principal : 2.062,71 €
A titre subsidiaire : 1.768,55 €
- Indemnité de préavis :
A titre principal : 6.188,13 €, outre 618,81 € au titre des congés payés afférents
A titre subsidiaire : 5.305,65 €, outre 530,56 € au titre des congés payés afférents
- Indemnité légale de licenciement :
A titre principal : 558,64 €
A titre subsidiaire : 478,97 €
- Indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15.000 €
- Rappel de salaire : 19.986,87 €
- Congés payés afférents : 1.998,68 €
- Indemnité au titre du travail dissimulé : 15.000 €
- Dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail : 10.000 €
- Article 700 du code de procédure civile : 2.000 €
Condamner la SA INPG Entreprise aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2021, la'SA'INPG Entreprise sollicite de la cour de':
Recevant la SA INPG Entreprise en ses écritures et la disant bien fondée, il est demandé à la cour d'appel de Grenoble de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en date du'15'mars 2021.
a) Sur la demande de requalification des deux contrats de travail à durée déterminée, non frappés par la prescription et conclus avec la SA INPG Entreprise, en contrats de travail à durée indéterminée
A titre principal,
- Débouter M. [W] [K] de ses prétentions de requalification en CDI et de travail dissimulé dans la mesure où deux CDD portant sur des tâches temporaires et précises ont été conclu, ainsi que de toutes ses demandes salariales et indemnitaires afférentes ;
A titre subsidiaire,
Si par impossible, la Cour considérait que les deux contrats de travail à durée déterminée devaient être requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée, il conviendra de réduire les demandes indemnitaires de M. [W] [K].
- Dire et juger que le montant de l'indemnité de requalification relative aux deux contrats de travail à durée déterminée est égal à 1.768, 55 euros ;
- Dire et juger que le montant de l'indemnité de préavis est égal à 5.305,65 euros ;
- Constater que l'ancienneté globale de M. [W] [K] au sein de la SA INPG Entreprise est inférieure à 8 mois et qu'il ne remplit donc ni les conditions légales, ni les conditions conventionnelles ouvrant droit au versement d'une indemnité de licenciement ;
- Débouter, en conséquence, M. [W] [K] de sa demande de versement de l'indemnité de licenciement ;
- Réduire, en conséquence, l'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur d'au plus un mois de salaire brut ;
b) Sur l'allégation de l'existence d'un temps de travail à temps complet pendant les deux périodes de contrat de travail à durée déterminée non frappés par la prescription
- Constater l'absence de toute preuve de l'exécution d'un travail salarié pour le compte de la SA INPG Entreprise;
- Débouter, en conséquence, M. [W] [K] de sa demande de reconnaissance de l'existence d'un temps de travail à temps complet pendant les deux périodes de contrat de travail à durée déterminée non frappés par la prescription ainsi que des demandes de rappel de salaire afférentes ;
c) Sur l'absence de tout travail dissimulé au bénéfice de la société INPG Entreprise SA
- Constater l'absence de toute preuve de l'exécution d'un travail salarié pour le compte de la SA INPG Entreprise;
- Débouter, en conséquence, M. [W] [K] de ses prétentions de requalification en CDI et de travail dissimulé, ainsi que de l'ensemble de ses demandes de rappel de salaires et de dommages et intérêts ;
En tout état de cause,
- Constater que tous les écrits produits par M. [W] [K] au soutien de ses allégations ne concernent que des périodes pendant lesquelles la SA INPG Entreprise n'était pas l'employeur de M. [W] [K] ;
- Constater qu'à aucun moment M. [W] [K] n'a fait état, auprès de la SA INPG Entreprise, de tensions avec M. [J] [C] entravant ses travaux, ni auprès de son directeur de thèse, M. [E] [T], ni auprès du directeur du laboratoire ;
- Débouter M. [W] [K] de ses prétentions indemnitaires au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail dans la mesure où il n'apporte aucune preuve à l'existence de tensions avec son co-directeur de thèse ;
- Débouter M. [W] [K] de sa demande versement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article'455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 24 novembre 2022.
L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 18 janvier 2023, a été mise en délibéré au'9'mars 2023.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1 ' Sur la demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée
L'article L. 1221-2 du code du travail énonce':
Le contrat de travail est conclu pour une durée indéterminée.
Toutefois, il peut comporter un terme fixé avec précision dès sa conclusion ou résultant de la réalisation de l'objet pour lequel il est conclu dans les cas et dans les conditions mentionnées au titre IV relatif au contrat de travail à durée déterminée.
L'article L.'1242-1'du code du travail' prévoit qu'un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Il résulte de l'article L.1242-2 du même code que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas qu'il énumère, parmi lesquels figure l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.
Et l'article L.'1245-1'du code du travail'dispose que le contrat de travail conclu en cas de méconnaissance de ces dispositions est réputé à durée indéterminée.
En cas de litige, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif de recours invoqué dans le contrat de travail à durée déterminée litigieux.
M. [W] [K] sollicite la requalification de sa relation contractuelle avec la société INPG Entreprise pour la période du 5 octobre 2016 au 31 octobre 2017 au cours de laquelle il a été engagé en qualité d'ingénieur-doctorant dans le cadre de deux contrats de travail à durée déterminée successifs visant une mission de recherche scientifique spécifique et temporaire, interrompus d'une période sans contrat du 4 décembre 2016 au 20'août 2017.
S'agissant du contrat signé pour la période du 5 octobre 2016 au 3 décembre 2016, la société INPG Entreprise manque d'établir la réalité du motif de recours au contrat à durée déterminée en s'abstenant de produire tout élément relatif à la mission intitulée « finalisation de travaux de thèse portant sur l'étude de la purification de silicium solaire par réactions liquide-gaz », et de justifier de son caractère ponctuel.
Au contraire, il ressort du calendrier prévisionnel de soutenance de thèse dressé le'7'octobre'2016, qu'à cette date le doctorant devait rédiger son manuscrit pour le déposer fin novembre 2016 et soutenir sa thèse en février 2017, sans qu'il soit justifié de travaux spécifiques à finaliser sur la période du 5 octobre 2016 au 3 décembre 2016.
Nonobstant les modifications ultérieures de ce calendrier, la société INPG Entreprise ne rapporte pas preuve suffisante de la réalité du motif stipulé au contrat à durée déterminée du'5'octobre 2016.
S'agissant du contrat à durée déterminée signé pour la période pour la période du 21 août 2017 au 31 octobre 2017, la preuve de la réalité du motif de recours à ce contrat à durée déterminée, n'est pas davantage rapportée par la société INPG Entreprise, pas plus que le caractère temporaire de la mission définie.
Au contraire, l'intitulé de la mission de recherche scientifique spécifique et temporaire «'purification de silicium solaire » atteste d'une continuité avec les termes de la mission précédente portant sur le même sujet d'étude et confirme que ce contrat est établi dans la continuité du contrat signé le 5 octobre 2016 requalifié en contrat de travail à durée indéterminée.
Enfin, c'est par un moyen inopérant que la société INPG Entreprise argue de la discontinuité des deux contrats dès lors qu'elle manque de justifier de la temporalité du motif de recours à un contrat précaire.
Par infirmation du jugement déféré, la relation de travail du 5 octobre 2016 au 31 octobre 2017 doit donc être requalifiée en contrat à durée indéterminée.
2 ' Sur la demande de requalification en travail à temps complet
En application des dispositions de l'article L 3123-9 du code du travail, le nombre d'heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.
En l'espèce, le contrat signé le 5 octobre 2016 définit un emploi à temps partiel à raison de'75,83'heures par mois et le contrat signé pour la période du 21 août 2017 au 31 octobre 2017 définit un temps partiel de 130 heures par mois.
M. [W] [K] prétend avoir travaillé à temps complet entre le 5 octobre 2016 et le'31'octobre 2017, dans les mêmes conditions qu'un premier contrat de travail à durée déterminée, définissant un travail à temps complet, signé préalablement au contrat doctoral, pour la période du'25 juillet 2013 au'25'septembre'2013 définissant une mission de recherche scientifique relative au même sujet d'étude et effectuée dans les mêmes locaux du laboratoire'SIMAP sous l'autorité des mêmes personnes que les contrats signés en'octobre'2016 et août 2017.
Or, au visa de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures complémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, M. [W] [K] s'abstient de produire tout décompte des heures de travail effectuées ou tout relevé des horaires de travail allégués pendant la période litigieuse.
Faute de produire tout élément suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, le salarié échoue à démontrer qu'il a effectué des heures complémentaires qui auraient pour effet de porter son temps de travail au niveau de la durée légale du travail tel qu'il le soutient.
Par confirmation du jugement déféré, M. [W] [K] est donc débouté de sa demande de requalification du contrat en contrat de travail à temps complet.
3 ' Sur les demandes en rappel de salaire
La demande de requalification du contrat en contrat de travail à temps complet étant rejetée, M. [W] [K] doit être débouté de sa demande en rappel de salaire pour les périodes du 5 octobre 2016 au 3 décembre 2016 et du 21 août 2017 au 31 octobre 2017, pendant lesquelles il a été rémunéré par la société par la société INPG Entreprise dans les conditions d'un travail à temps partiel conforme aux dispositions contractuelles.
S'agissant de la période d'interruption entre ces deux contrats, le salarié ne peut prétendre à des rappels de salaire que s'il démontre qu'il s'est tenu à la disposition de la société INPG Entreprise pendant cette période pour effectuer un travail.
Or, M. [W] [K], qui soutient avoir continué à travailler pour le compte de la société'INPG'Entreprise en poursuivant ses travaux du'4'décembre 2016 au'20'août 2017, échoue à démontrer qu'il s'est tenu à la disposition de celle-ci pendant cette période.
En effet, les éléments qu'il produit au titre du travail effectué pendant cette période se rattachent à son activité de recherche liée à la rédaction de sa thèse et relevant du contrat doctoral avec l'Institut Polytechnique de [Localité 3], sans présenter de lien avec la société'INPG'Entreprise, filiale de l'établissement public.
Ainsi, les échanges de courriels concernant la prolongation de badge d'accès aux bâtiments du laboratoire ont été adressés par Mme'[Z], en qualité d'assistante de direction du laboratoire SIMAP à M. [P] [O], dont il n'est pas démontré qu'il assurait une fonction au sein de la société INPG Entreprise, cette dernier indiquant qu'il était salarié de l'Institut Polytechnique de [Localité 3].
Encore, dans un message du 7 juillet 2017, son directeur de thèse, M. [E] [T], a expressément justifié de la demande de prolongation d'accès aux bâtiments du laboratoire de M. [K] jusqu'au 31 octobre 2017 en indiquant que l'intéressé était «'en pleine rédaction de thèse'».
Aussi, les échanges de courriels relatifs à la publication d'articles dans des revues scientifiques révèlent que ces articles ont été signés par M. [W] [K] avec ses directeurs de thèse, M.'[E] [T] et M. [J] [C], sans qu'il soit allégué, ni a fortiori établi, que ceux-ci étaient salariés ou mandataires de la société INPG Entreprise, ni que les articles ont été publiés dans l'intérêt de la société INPG Entreprise.
Etant relevé en outre que M.'[K] signait ses courriels en qualité de doctorant et d'étudiant à SIMAP ' EPM, ces échanges se rattachent donc à des travaux liés à la thèse de M. [W] [K] sans faire ressortir de lien avec la société INPG Entreprise.
De même, les courriels techniques échangés entre février 2017 et juillet 2017 font état d'éléments de mesures précises sans permettre de déterminer s'ils se rattachent à des travaux relatifs à la thèse de M. [W] [K] ou des prestations effectuées dans l'intérêt de la société INPG'Entreprise.
Enfin, un courriel du 16 juin 2017 démontre que M. [K] a participé à une réunion du'15'juin'2017 avec ses directeurs de thèse, M.'[E]'[T] et M. [J] [C], dont les sujets se rapportent essentiellement à la rédaction de sa thèse. Si l'intéressé s'est plaint de ne pas percevoir de salaire, M. [E] [T] a expressément exclu toute relation de travail en lui indiquant «'qu'ils ne sont pas employeurs vis-à-vis d'un salarié mais profs vis-à-vis d'un étudiant'».
Aussi, la proposition de prévoir des réunions hebdomadaires avec ses directeurs de thèse ne permet pas de démontrer que le salarié se tenait à la disposition de la société INPG Entreprise.
Le salarié, qui supporte la charge de la preuve, ne démontre donc pas qu'il s'est maintenu à la disposition de la société INPG Entreprise pendant cette période interstitielle.
Confirmant le jugement déféré, M. [W] [K] et donc débouté de sa demande de rappel de salaire pour l'ensemble de la période litigieuse.
4 ' Sur la demande en paiement d'une indemnité de requalification
Dès lors qu'il est fait droit à la demande de requalification de la relation contractuelle en raison de l'irrégularité du contrat initial et du contrat suivant, M. [W] [K] est fondé, au visa de l'article L. 1245-2 du code du travail, à obtenir paiement d'une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
Le salarié étant débouté de ses demandes en rappel de salaire, cette indemnité de requalification s'établit à la somme de 1 768,55 euros, correspondant au montant des derniers salaires mensuels perçus par le salarié dans le cadre du dernier contrat de travail à durée déterminée requalifié.
La société INPG Entreprise est donc condamnée à verser à M. [W] [K] la somme de'1 768,55 euros à titre d'indemnité de requalification, par infirmation du jugement dont appel.
5 ' Sur les prétentions au titre du travail dissimulé
Aux termes de l'article L.'8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.'8221-3 ou en commettant les faits relatifs au travail dissimulé prévus à l'article L.8221-5 du même code a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L'article L.'8221-5 du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
La charge de la preuve du travail dissimulé repose sur le salarié, qui doit démontrer l'existence, d'une part, d'un élément matériel constitué par le défaut d'accomplissement d'une formalité obligatoire et, d'autre part, d'un élément intentionnel, constitué par la volonté de se soustraire à cette formalité.
En l'espèce, aucune dissimulation d'activité ou manquement aux obligations déclaratives de la part de l'employeur'n'étant établis, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [W] [K] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.
6 ' Sur la demande indemnitaire au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail et d'un manquement à l'obligation de sécurité
Il résulte de l'article L. 1222-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié.
L'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.
L'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1389 du'22 septembre 2017 prévoit que :
L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
A compter du 1er octobre 2017, la référence à la pénibilité a été remplacée par un renvoi à l'article L. 4161-1 du code du travail.
L'article L. 4121-2 du code du travail prévoit que :
L'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Ainsi, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique des salariés et doit en assurer l'effectivité en engageant des actions de prévention des risques professionnels, d'information et de formation des salariés sur ces risques et sur les mesures destinées à les éviter ainsi qu'en mettant en place une organisation et des moyens adaptés.
Il doit, notamment, transcrire et mettre à jour un document unique des résultats de l'évaluation des risques, (physiques et psycho-sociaux), pour la santé et la sécurité des salariés qu'il est tenu de mener dans son entreprise, ainsi que les facteurs de pénibilité en vertu de l'article R.'4121-1 et suivants du code du travail.
En cas de litige, il incombe à l'employeur, de justifier avoir pris des mesures suffisantes pour s'acquitter de cette obligation.
En l'espèce, le salarié avance qu'il a subi des relations difficiles avec l'un de ses encadrants, M.'[C], sans que l'employeur ne prenne de mesure pour préserver sa santé en dépit des alertes faites.
A ce titre, il soutient avoir alerté son employeur des difficultés rencontrées en s'appuyant sur des courriels des 28 juillet 2016, 15 juin 2017 et'18'juillet'2017 qui signalent le comportement reproché à M. [C], outre l'impact de ces difficultés relationnelles sur son travail.
Or, ces messages, envoyés à des périodes durant lesquelles il n'effectuait pas de travaux pour la société INPG Entreprise, sont adressés à M. [T], Mme [G] [S] et M. [D], sans qu'il soit établit que ceux-ci exerçaient des fonctions pour la société INPG Entreprise.
Il s'en déduit que le salarié ne peut reprocher à la société INPG Entreprise d'avoir manqué de réagir à ses signalements à ces dates.
Pour autant, la société intimée s'abstient de justifier de toute mesure mise en 'uvre en vue d'identifier les risques et prévenir les risques d'atteinte à la santé des salariés, notamment les risques psychosociaux.
Elle ne verse aux débats aucun élément pertinent relatif aux actions engagées en vue de prévenir des risques professionnels, d'informer et de former des salariés sur ces risques ni n'allègue avoir mis en 'uvre des mesures destinées à éviter ces risques.
En conséquence, elle ne démontre pas avoir respecté l'obligation de prévention qui lui incombe.
Aussi le salarié justifie suffisamment du préjudice moral subi résultant de l'absence de mise en 'uvre de cette obligation par la société INPG Entreprise, le fait qu'il soit parvenu à soutenir sa thèse restant étranger à l'évaluation de ce préjudice.
Infirmant le jugement entrepris, la société INPG Entreprise est condamnée à payer à M.'[W]'[K] la somme de 2'000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des manquements de l'employeur à son obligation de prévention.
7 ' Sur les prétentions relatives à la rupture de la relation contractuelle
Compte tenu de la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, le terme du dernier contrat de travail à durée déterminée s'analyse en un licenciement qui, faute de lettre motivée de rupture, est sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré est donc infirmé de ce chef.
En application des dispositions de l'article L. 1234-5 du code du travail M. [W] [K] est fondé à solliciter paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.
Conformément à l'article 15 de la convention collective des bureaux d'études techniques cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseil (SYNTEC), il bénéficiait, au regard de sa qualité de cadre, d'un préavis de trois mois de sorte que l'indemnité compensatrice de préavis s'établit à 5'306,65 euros.
La société INPG Entreprise est donc condamnée à lui verser la somme de 5'306,65 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 530,66 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Au visa de l'article L 1234-9 du même code, il est également fondé à obtenir paiement d'une indemnité de licenciement.
Par l'effet de la requalification des contrats, M. [W] [K] est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée de sorte que son ancienneté, calculée depuis le 5 octobre 2016 se chiffre à un an et un mois, peu important que la relation contractuelle n'ait pas été continue.
Par infirmation du jugement entrepris, la société INPG Entreprise est donc condamnée à lui verser la somme de 558,64 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.
Par ailleurs, l'article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.
Avec une année d'ancienneté, il peut prétendre par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi d'un montant maximal équivalent à un mois de salaire.
Il réclame une indemnisation de 15'000 euros au motif que ce plafond instauré par l'article L.'1235-3 du code du travail est contraire aux dispositions des articles 4 et 10 de la convention'OIT n°158, ainsi qu'à l'article 24 de la Charte sociale européenne et au droit au procès équitable, et n'est pas de nature à indemniser le préjudice qu'il a subi à raison de la perte injustifiée de son emploi.
Âgé de 36 ans à la date de la rupture, il justifie de l'obtention d'un nouvel emploi par contrat du 29 mai 2018 avec effet au 3 septembre 2018, sans expliciter ses conditions de ressources subséquentes à son licenciement.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, procédant à une appréciation souveraine des éléments de fait soumis au titre du préjudice subi, le moyen tiré de l'inconventionnalité des barèmes se révèle inopérant dès lors qu'une réparation adéquate n'excède pas la limite maximale fixée par la loi.
Infirmant le jugement déféré, il convient de condamner la société INPG Entreprise à verser à M. [W] [K] la somme de 1 768,55 euros bruts à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi, le salarié étant débouté du surplus de sa demande.
8 ' Sur les prétentions accessoires
Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il y a lieu de condamner la société INPG Entreprise, partie perdante, aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Partant, la société INPG Entreprise est déboutée de ses prétentions au titre de l'indemnisation de ses frais irrépétibles.
Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [W] [K] l'intégralité des sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société INPG Entreprise à lui verser une indemnité de 2'000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a':
- débouté M. [W] [K] de sa demande de requalification du contrat en contrat de travail à temps complet,
- débouté M. [W] [K] de sa demande de rappel de salaire,
- débouté M. [W] [K] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,
L'INFIRME pour le surplus
Statuant des chefs du jugement infirmé et y ajoutant,
REQUALIFIE la relation de travail du 5 octobre 2016 au 31 octobre 2017 en contrat à durée indéterminée';
DIT que la rupture du contrat le 31 octobre 2017 s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse';
CONDAMNE la société INPG Entreprise SA à verser à M. [W] [K]'les sommes suivantes':
- 1 768,55 euros nets (mille sept cent soixante-huit euros et cinquante-cinq centimes) à titre d'indemnité de requalification
- 2'000 euros nets (deux mille euros) à titre de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de prévention de l'employeur
- 5'306,65 euros bruts (cinq mille trois cent six euros et soixante-cinq centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 530,66 euros bruts (cinq cent trente euros et soixante-six centimes) au titre des congés payés afférents,
- 558,64 euros (cinq cent cinquante-huit euros et soixante-quatre centimes) à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 1 768,55 euros bruts (mille sept cent soixante-huit euros et cinquante-cinq centimes) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DÉBOUTE M. [W] [K] du surplus de ses demandes financières';
CONDAMNE la société INPG Entreprise SA à verser à M. [W] [K] la somme de'2'000'euros (deux mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
DÉBOUTE la société INPG Entreprise SA de ses prétentions au titre des dispositions de l'article'700 du code de procédure civile';
CONDAMNE la société INPG Entreprise SA aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président