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09/03/2023 | FRANCE | N°21/01830

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 09 mars 2023, 21/01830


C 9



N° RG 21/01830



N° Portalis DBVM-V-B7F-K2WL



N° Minute :

























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY



la SCP FESSLER JORQUER

A & ASSOCIES



SELARL FTN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 09 MARS 2023





Appel d'une décision (N° RG 19/01021)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 18 mars 2021

suivant déclaration d'appel du 19 avril 2021







APPELANTE :



S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE, prise en la person...

C 9

N° RG 21/01830

N° Portalis DBVM-V-B7F-K2WL

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES

SELARL FTN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 09 MARS 2023

Appel d'une décision (N° RG 19/01021)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 18 mars 2021

suivant déclaration d'appel du 19 avril 2021

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE, prise en la personne de Me [M] [L] ou Me [B] [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL MEDIATHERM

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Arlette BAILLOT-HABERMANN, avocat plaidant au barreau de LYON

INTIMES :

Monsieur [N] [U]

né le 28 Novembre 1976 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Peggy FESSLER de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Florence NERI de la SELARL FTN, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 janvier 2023,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport, et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 09 mars 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 09 mars 2023.

EXPOSE DU LITIGE':

M. [U] a été embauché dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminé à temps partiel (25 heures par semaine) en qualité de technico-commercial niveau III de la convention collective nationale de commerce de gros le 17 septembre 2012 par la société à responsabilité limité Mediatherm.

Au dernier état de sa feuille de paie du 30/11/2018 il était toujours à un poste de technico-commercial mais niveau VII échelon I moyennant un salaire à temps plein de 4011,63 euros bruts avec des heures supplémentaires contractualisées à hauteur de 17,33 heures par mois un avantage en nature au titre d'un véhicule de fonction, étant relevé que les parties s'accordent sur le fait qu'il était en réalité directeur commercial, leur différend portant sur la nature juridique de son statut.

La société Mediatherm était dirigée par M. [O] avec un capital social de 19.000 euros et deux associés à 50% (M. [O], associé gérant et M. [S] associé).

L'assemblée générale du 15 décembre 2016 a voté une augmentation de capital pour un montant de 11 .000 € par création de 110 parts sociales nouvelles, ceci afin de porter le capital à 30.000 €.

M. [U] a souscrit à 60 parts sur les 300 parts de la société. Le nouveau capital a donc ainsi été réparti':

- M. [H] [O] : 192 parts

- M. [N] [U] : 60 parts

- M. [I] [S] : 48 parts.

Des échanges sont intervenus entre les parties par courriels, SMS et courriers au sujet du non remboursement par l'entreprise des notes de frais depuis juillet 2018 à M. [U] et du non-paiement du salaire à compter de décembre 2018.

Ensuite d'une visite de reprise en date du 02 mai 2019, le médecin du travail a déclaré M. [U] inapte à son poste avec une dispense de reclassement au motif que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

Ensuite d'une déclaration de cessation des paiements effectuée le 04 juin 2019, par jugement en date du 12 juin 2019, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Mediatherm, désignant MJ Synergie, représentée par Me [L], en qualité de mandataire judiciaire.

Par courrier en date du 18 juin 2019, le mandataire liquidateur a convoqué M. [U] à un entretien préalable au licenciement fixé au 25 juin 2019.

Par lettre en date du 27 juin 2019, M. [U] s'est vu notifier son licenciement pour motif économique à raison de la fermeture de l'entreprise en liquidation judiciaire et de la suppression de l'ensemble des postes.

M. [U] a adhéré, le 08 juillet 2019, au contrat de sécurisation professionnelle.

Par courrier en date du 01 octobre 2019, Me [L], ès qualités, a écrit à M. [U], ensuite de ses revendications pour le paiement de son salaire depuis décembre 2018 et le paiement d'un arriéré de notes de frais, pour considérer à la suite de l'ancien gérant, M. [O] qu'il était en absence injustifiée depuis le mois de décembre 2018, qu'il avait créé, le 01 mars 2019, une entreprise, Terrabel Energie, intervenant dans le même secteur d'activité de sorte qu'il n'est pas resté à la disposition de son employeur et en déduisant qu'il ne lui sera versé, en l'état, aucune indemnité de rupture et qu'il ne lui sera remis aucun document de fin de contrat.

Une réponse a été fournie par courrier du 17 octobre 2019 par l'avocate de M. [U].

Par requête en date du 03 décembre 2019, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins d'obtenir le paiement d'un rappel de salaire, d'un arriéré de frais, d'indemnités de rupture, la transmission de bulletins de paie correspondant et la fixation au passif de la société Mediatherm d'une somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts.

Me [L] représentant la société MJ Synergie, ès qualités, et l'Unedic délégation de l'AGS CGEA de [Localité 6] se sont opposés aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 18 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- dit et jugé que la réalité du contrat de travail est parfaitement démontrée en l'espèce

- reconnu la qualité de salarié à M. [N] [U]

- fixé la créance de M. [N] [U], au passif de la SARL Mediatherm en liquidation judiciaire, représentée par la Selarl MJ Synergie ès qualités de liquidateur judiciaire, aux sommes suivantes :

-6 849,85 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

-4 165,83 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

-22 698.24 € brus à titre de rappel de salaire, de congés payés afférents, et de remboursement de frais professionnels.

-10 000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- ordonné à la Selarl MJ Synergie, ès qualités de liquidateur judiciaire, de transmettre à M. [U] ses bulletins de paie sur la période de décembre 2018 à juillet 2019, ainsi que ses documents de fin de contrat,

- déclaré les créances opposables à l'AGS CGEA d'Annecy dans les limites des articles L 3253-6 et suivants du code du travail, les intérêts légaux étant arrêtés au jour du jugement déclaratif,

- fixé les dépens au passif de la Sarl Mediatherm en liquidation judiciaire.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusé de réception signés le 19 mars 2021 pour M. [U], le 22 mars 2021 pour l'association AGS CGEA de [Localité 6] et tamponné du 19 mars 2021 par MJ Synergie.

Par déclaration en date du 19 avril 2021, la Selarl MJ Synergie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mediatherm, a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

La Selarl MJ Synergie, ès qualités, s'en est remise à des conclusions transmises le 16 juillet 2021 et entend voir':

REFORMER le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Lyon le 18 mars 2021 dans toutes ses dispositions ;

DEBOUTER M. [U] de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions :

Le CONDAMNER aux entiers dépens.

L'Unedic Délégation de l'AGS CGEA de [Localité 6] s'en est rapportée à des conclusions remises le 16 novembre 2022 et entend voir':

Donner acte à l'AGS de ce qu'elle fait assomption de cause avec la Selarl MJ Synergie, es-qualité, en qu'elle conclut par des motifs pertinents a la réformation du jugement déféré et au débouté intégral de M. [U].

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 18 mars 2021 dans toutes ses dispositions.

Statuant d nouveau,

Dire et Juger que M. [N] [U] n'était pas lié à la société Mediatherm par un contrat de travail.

En conséquence,

Débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes.

Condamner M. [U] a la restitution, entre les mains du mandataire liquidateur, de la somme de 33.713,92 € avancée par l'AGS dans le cadre de l'exécution provisoire de droit du jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 18 mars 2021.

A titre subsidiaire,

Débouter M. [U] de sa demande de rappel de salaire et des congés payés afférents pour la période postérieure au mois de décembre 2018.

Débouter M. [U] de sa demande de rappel de salaire et des congés payés afférents ainsi que des remboursements de frais professionnels pour la période postérieure au 28 février 2019.

Dans tous les cas,

Débouter M. [U] de sa demande de remboursement de frais professionnels pour la période postérieure au mois de décembre 2018, faute pour ce dernier d'établir la réalité des frais engagés à ce titre.

Débouter M. [U] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, faute pour ce dernier d'établir la réalité et le quantum du préjudice prétendument subi et pour tenir compte de la particulière détresse du gérant de la société Mediatherm.

A titre subsidiaire,

Ramener le montant des dommages et intérêts qui seraient alloués à une somme symbolique.

En tout état de cause,

Débouter le salarié de sa demande de condamnation a l'encontre de l'AGS, la décision à intervenir pouvant seulement lui être déclarée opposable (Cass. Soc. 26 janvier 2000 n° 494 P / Cass. Soc. 18 mars 2008 n° 554 FD), celle-ci étant attraite en la cause sur le fondement de l'article L.625-1 du code de commerce.

Débouter le salarié de toutes demandes de prise en charge par l'AGS excédant l'étendue de sa garantie, laquelle est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à l'un des trois plafonds définis aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, lequel inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale ou d'origine conventionnelle imposée par la Loi ainsi que la retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts.

Débouter le salarié de toute demande directe à l'encontre de l'AGS, l'obligation de l'AGS de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pouvant s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire (Art. L. 3253-20 du code du travail), les intérêts légaux étant arrêtés au jour du jugement déclaratif (Art. L.621-48 du code de commerce).

Débouter le salarié de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette créance ne constituant pas une créance découlant du contrat de travail et, partant, se situe hors le champ de garantie de l'AGS ce conformément aux dispositions de l'artic1e L.3253-6 du code du travail.

Débouter le salarié de sa demande de condamnation de l'AGS aux dépens.

M. [U] s'en est remis à des conclusions déposées le 15 octobre 2021 et demande à la cour d'appel de':

CONFIRMER le Jugement dont appel en toutes ses dispositions, et ainsi :

JUGER que la réalité du contrat de travail est parfaitement démontrée en l'espèce,

RECONNAITRE la qualité de salarié à M. [U],

En conséquence,

FIXER AU PASSIF de la société Mediather les sommes suivantes :

-6.849,85 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

-4.165,83 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

-22.698,24 € bruts à titre de rappel de salaire, de congés payés afférents, et de remboursement de frais professionnels,

ORDONNER à l'AGS de transmettre à M. [U] ses bulletins de paie sur la période de décembre 2018 à juillet 2019, ainsi que ses documents de fin de contrat,

FIXER AU PASSIF de la société Mediatherm la somme de 10.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

JUGER que l'arrêt à intervenir sera opposable à l'AGS.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.

La clôture a été prononcée le 24 novembre 2022.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur l'existence d'un contrat de travail':

D'une première part, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

D'une seconde part, le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

D'une troisième part, en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, il est produit aux débats un contrat de travail écrit et des bulletins de paie de sorte qu'il y avait entre la société Mediatherm et M. [U] un contrat de travail apparent.

Or, le liquidateur judiciaire, ès qualités, et l'organisme de garantie des salaires, qui fait assomption de cause sur ce point, ne rapportent pas la preuve qui leur incombe du caractère fictif dudit contrat de travail en ce que':

- le fait que M. [U] admette qu'il était directeur commercial n'implique aucunement qu'il n'était pas lié par un lien de subordination juridique puisque cet emploi renvoie à un poste de cadre, étant relevé que sur les bulletins de paie, si l'emploi visé est certes celui de technico-commercial, le salarié est en revanche positionné niveau VII, échelon 1'; ce qui correspond dans l'annexe cadre de la convention collective applicable à une classification de cadre débutant

- le liquidateur judiciaire indique en page 6 avant dernier paragraphe de ses conclusions d'appel que «'l'étude du dossier de M. [U] permet de douter de son statut de salarié au sein de la société Mediatherm'» alors même qu'il lui appartient de rapporter la preuve certaine que le contrat de travail apparent ne correspond pas à la réalité juridique ayant lié les parties et non d'exprimer des doutes sur le statut

- le curriculum vitae de M. [U] et le fait qu'il soit le seul salarié de l'entreprise n'impliquent pas davantage qu'il n'ait pas été dans les faits sous la subordination juridique de M. [O], gérant de droit

- la qualité d'associé, qui plus est minoritaire à hauteur de 25 %, ne saurait davantage impliquer ipso facto que M. [U] n'avait pas en réalité la qualité de salarié et ce d'autant plus que les organes de la procédure collective reprennent à leur compte le fait qu'il était directeur commercial au sein de la société'; ce qui correspond à des fonctions distinctes de celles de dirigeant de l'entreprise, l'appelante et l'AGS ne prétendant pas et encore moins ne prouvant que M. [U] assurait en réalité la gestion administrative, comptable, opérationnelle et financière de la société, les éléments produits par ce dernier, notamment les multiples échanges de correspondances avec M. [O] mettant clairement en évidence que celui-ci était toujours décisionnaire pour le paiement des salaires, des fournisseurs et a d'ailleurs été à l'origine de la déclaration de l'état de cessation des paiements

- le fait que M. [U] ait pu créer une entreprise intervenant dans le même secteur d'activité, le 01 mars 2019, et ne l'ait pas déclaré dans le cadre de la procédure collective suivie contre la société Mediatherm pourrait tout au plus constituer une méconnaissance de l'obligation de loyauté contractuelle, le contrat de travail écrit initial à temps partiel ne comportant aucune clause d'exclusivité, le salarié déclarant uniquement être libre de tout engagement à son embauche, mais cette circonstance ne permet en aucune manière de considérer que M. [U] n'aurait pas été lié avec la société Mediatherm par un contrat de travail. D'ailleurs, le mandataire liquidateur es qualités a reproché à M. [U] dans son courrier du 1er octobre 2019 le fait qu'il ne se soit pas tenu à la disposition de son employeur et non une absence de tout contrat de travail

-le document en date du 15 juin 2017 aux termes duquel M. [O] a donné la gérance à M. [U] pour la gestion de son entreprise Mediatherm ne saurait avoir la moindre valeur probante dès lors qu'il n'est pas établi qu'il a été porté à la connaissance de M. [U], que celui-ci a accepté cette délégation et qu'au demeurant, un tel acte est totalement contraire aux statuts de la société produit aux débats exigeant que la désignation et la révocation du gérant soient faites par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales'; ce qui suppose pour autant la consultation préalable de tous les associés. Au demeurant, les échanges de correspondances produits par M. [U] mettent clairement en évidence que M. [O] reste décisionnaire dans l'entreprise pour payer les fournisseurs et les salaires et a adressé plusieurs convocations et consignes précises à M. [U], notamment pour la restitution de matériel

-le fait que M. [O] ait pu ne pas être en capacité d'assumer la gestion de la société n'implique pas pour autant ipso facto que M. [U] ait pu en être gérant de fait dès lors que les correspondances précitées entre ceux-ci mettent en réalité en exergue une abstention volontaire de M. [O] pour assumer ses fonctions de mandataire social, que cela soit pour payer les salaires ou les fournisseurs au point d'avoir provoqué la déconfiture de celle-ci et son état de cessation des paiements dont il a, d'ailleurs, lui-même procédé à la déclaration après justement des discussions infructueuses sur une éventuelle cession de parts à M. [U]

- l'Unedic délégation de l'AGS CGEA développe des moyens inopérants puisqu'ils tendent à tort à faire peser sur M. [U] la charge de la preuve qu'il exécutait bien un contrat de travail alors que celui-ci est apparent.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a':

- dit et jugé que la réalité du contrat de travail est parfaitement démontrée en l'espèce

- reconnu la qualité de salarié à M. [N] [U]

Sur les créances salariales':

L'article L 1222-1 du code du travail énonce que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

L'employeur a pour obligation essentielle de fournir le travail et payer le salaire convenu.

La charge de la preuve du respect de ces obligations lui incombe.

En l'espèce, premièrement, il ressort des correspondances entre MM. [U] et [O] que ce dernier a sciemment mis en déconfiture sa société en refusant de payer les fournisseurs et les salaires comme l'en a prié à plusieurs reprises le premier.

Nonobstant le fait que M. [U] ait pu créer une société présentée comme concurrente'à compter du 1er mars 2019'; ce qui aurait, tout au plus, constitué une faute contractuelle, il ne saurait être déduit dans ces circonstances qu'il ne s'est pas tenu à la disposition de son employeur dès lors que celui-ci l'avait au préalable privé de travail et de salaire.

Il est également observé que M. [U] a certes été déclaré inapte à son poste selon avis du 02 mai 2019 mais qu'aucune des parties n'en a tiré la moindre conséquence s'agissant du paiement des salaires.

Il y a lieu, en conséquence, infirmant le jugement entrepris qui a procédé à l'addition de créances n'ayant pas le même régime juridique, de fixer au passif de la procédure collective suivie contre la société Mediatherm au profit de M. [U] la somme de 25791,25 euros bruts au titre des salaires de décembre 2018 à juillet 2019, outre 2579,12 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Deuxièmement, aucune critique utile n'étant développée quant au reliquat de congés payés non pris au jour de la rupture du contrat de travail, il convient de fixer au passif de la procédure collective suivie contre la société Mediatherm au profit de M. [U] la somme de 4165,83 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés non pris.

Troisièmement, contrairement à ce que soutiennent les organes de la procédure collective, M. [U] produit en pièces n°58 à 62 des justificatifs des frais professionnels qu'il dit avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle.

La preuve du bien-fondé desdits frais est jugée suffisamment rapportée, aucun moyen utile n'étant développé en défense au titre des justificatifs fournis.

Il est fixé une créance de 4318,87 euros de remboursement de frais professionnels de juillet 2018 à janvier 2019 au passif de la procédure collective suivie contre la société Mediatherm.

Quatrièmement, par adoption de motifs, il convient de fixer au passif de la procédure collective suivie au bénéfice de M. [U], qui a fait l'objet d'un licenciement économique par le mandataire liquidateur, une indemnité légale de licenciement de 6849,85 euros.

Il y a lieu de déduire par compensation de ces sommes celle de 10000 euros versée par l'employeur, étant pour autant relevé que cette somme ne peut être simplement soustraite du montant de rappel de salaire en brut, dans la mesure où il convient au préalable pour les organes de la procédure collective suivie contre la société Mediatherm d'effectuer le précompte des cotisations sociales.

Il est ordonné au mandataire liquidateur de remettre des bulletins de salaires corrigés conformes au présent arrêt de décembre 2018 à juillet 2019 ainsi que les documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle emploi, solde de tout compte).

Sur l'exécution fautive du contrat de travail':

Au visa de l'article L. 1222-1 du code du travail, les premiers juges ont justement caractérisé des fautes multiples et manquements de l'employeur à ses obligations essentielles dans l'exécution du contrat de travail en particulier le non-versement du salaire, la non-fourniture du travail convenu, des insultes adressées au salarié, le non-remboursement des frais professionnels en dépit de multiples relances, le défaut de paiement des cotisations de la mutuelle, la non-transmission des attestations de salaire à l'organisme social, la non-déclaration des arrêts de travail à l'organisme de prévoyance, l'absence d'envoi des volets règlements des avis de contraventions routières au salarié, des accusations fallacieuses de vol, l'information, plusieurs mois avant la déclaration de cessation des paiements, d'une prétendue procédure collective contre la société ainsi que l'affirmation erronée lors de la procédure collective ultérieure d'un prétendu abandon de poste du salarié, les autres griefs avancés par M. [U] relevant de sa qualité d'associé minoritaire de l'entreprise.

Le fait que M. [O], gérant, ait connu et qu'il soit justifié de graves difficultés personnelles à raison de décès successifs de plusieurs proches, ne saurait ôter aux manquements contractuels leur caractère fautif dans les rapports entre l'entreprise et le salarié.

Les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi en allouant à M. [U] la somme de 10000 euros nets à titre de dommages et intérêts et en la fixant au passif de la procédure collective suivie contre la société Mediatherm, de sorte que le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur la garantie de l'AGS':

Il y a lieu de déclarer le jugement commun et opposable l'AGS et de dire que l'UNEDIC délégation de l'AGS CGEA de [Localité 6] doit sa garantie selon les modalités détaillées au dispositif du présent arrêt étant précisé qu'en application de l'article L 3253-17 du code du travail tel que modifié par loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016, le plafond de garantie de l'AGS s'entend en montants bruts et retenue à la source de l'article 204 A du code général des impôts incluse.

Enfin, il convient de dire que les intérêts sur les sommes dues sont arrêtés au jour du jugement déclaratif par application de l'article L. 622-28 du code de commerce.

Sur les demandes accessoires':

L'équité commande de rejeter les demandes d'indemnité de procédure civile.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de dire que les dépens de première instance et d'appel seront réglés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS';

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- dit et jugé que la réalité du contrat de travail est parfaitement démontrée en l'espèce

- reconnu la qualité de salarié à M. [N] [U]

- fixé la créance de M. [N] [U], au passif de la SARL Mediatherm en liquidation judiciaire, représentée par la Selarl MJ Synergie ès qualités de liquidateur judiciaire, aux sommes suivantes :

- 6 849,85 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 4 165,83 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- 10 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et ajoutant,

FIXE au passif de la procédure collective suivie contre Mediatherm au bénéfice de M. [N] [U] les sommes de':

- vingt-cinq mille sept cent quatre-vingt-onze euros et vingt-cinq centimes (25791,25 euros) bruts à titre de rappel de salaire de décembre 2018 à juillet 2019

- deux mille cinq cent soixante-dix-neuf euros et douze centimes (2579,12 euros) bruts au titre des congés payés afférents

- quatre mille trois cent dix-huit euros et quatre-vingt-sept centimes (4318,87 euros) à titre de remboursement de frais professionnels de juillet 2018 à janvier 2019

Déduction à faire sur ces sommes de celle de dix mille euros (10 000 euros) déjà versée par l'employeur

DÉCLARE la décision commune et opposable à l'Unedic délégation de l'AGS CGEA de [Localité 6]

DIT que l'Unedic délégation de l'AGS CGEA de [Localité 6] doit sa garantie dans les conditions des articles L 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail, étant précisé que les plafonds de garantie de l'AGS s'entendent en sommes brutes et retenue à la source de l'impôt sur le revenu de l'article 204 du code général des impôts incluse

ORDONNE à la Selarl MJ Synergie, ès qualités, de remettre des bulletins de salaires corrigés conformes au présent arrêt de décembre 2018 à juillet 2019 ainsi que les documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle emploi, solde de tout compte) à M. [U]

REJETTE les demandes d'indemnité de procédure

DIT que les dépens de première instance et d'appel seront réglés en frais privilégiés de procédure collective suivie contre la société Mediatherm.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/01830
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;21.01830 ?
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