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23/02/2023 | FRANCE | N°21/01446

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 23 février 2023, 21/01446


C 9



N° RG 21/01446



N° Portalis DBVM-V-B7F-KZSZ



N° Minute :









































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL LEXAVOUE [Localité 5] - [Localité 4]



Me Sylvain LATARGEZ

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'

APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 23 FEVRIER 2023





Appel d'une décision (N° RG F 19/00184)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 02 mars 2021

suivant déclaration d'appel du 25 mars 2021



APPELANTE :



S.A.S. CASTORAMA FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants lé...

C 9

N° RG 21/01446

N° Portalis DBVM-V-B7F-KZSZ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE [Localité 5] - [Localité 4]

Me Sylvain LATARGEZ

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 23 FEVRIER 2023

Appel d'une décision (N° RG F 19/00184)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 02 mars 2021

suivant déclaration d'appel du 25 mars 2021

APPELANTE :

S.A.S. CASTORAMA FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

Zone Industrielle

[Localité 3]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Yves MERLE de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LYON substitué par Me Camille ROCHE, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur [S] [N]

né le 29 Novembre 1966 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Sylvain LATARGEZ, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 décembre 2022, M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport, assisté de Mme Carole COLAS, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 09 février 2023 et prorogé au 23 février 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 23 février 2023.

EXPOSE DU LITIGE':

M. [S] [N], né le 29 novembre 1966, a été embauché du 22 avril 1997 au 13 septembre 1997 par la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Castorama suivant contrat de travail à durée déterminée en qualité d'employé de magasin, coefficient 110 de la convention collective nationale du bricolage.

Le 22 septembre 1997, le contrat de travail de M. [S] [N] s'est poursuivi en contrat de travail à durée indéterminée, aux mêmes conditions que le premier contrat.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, M. [S] [N] occupait le poste d'équipier logistique, coefficient 160, échelon 3 de la convention collective nationale du bricolage. Son salaire mensuel brut était de 1'618 euros.

En date du 18 janvier 2018, lors d'une visite médicale, le médecin du travail a déclaré M. [S] [N] apte à son poste avec comme restrictions': «'limiter la manutention de charges lourdes pas plus de 10 kg, limiter le travail en hauteur sur échelle, apte à la conduite du chariot automoteur, privilégier le travail de mise en rayon, limiter autant que possible l'activité de conseil/vente'».

M. [S] [N] a fait l'objet d'une autre visite médicale en date du 23 mars 2018, à l'issue de laquelle il a été déclaré apte au travail avec les mêmes réserves, le médecin du travail indiquant que la prochaine visite devra intervenir en octobre 2018 dans le cadre de la visite périodique.

En date du 4 juin 2018, M. [S] [N] a, selon lui, été victime d'un accident du travail.

Par décision en date du 14 août 2018, la Cpam de l'Isère a refusé la prise en charge de l'accident déclaré au titre de la législation professionnelle.

M. [S] [N] a été placé en arrêt de travail du 5 juin 2018 au 19 octobre 2018.

En date du 24 octobre 2018, lors de sa visite de reprise, M. [S] [N] a rencontré le médecin du travail qui a rendu l'avis suivant': «'Inapte à la reprise de poste. L'état de santé permettrait de travailler sur un poste, sans manutention, sans port de charge, en limitant le contact avec le public. L'état de santé permet de suivre la formation de conduite d'engins automoteurs'».

Par courrier en date du 30 novembre 2018, la SASU Castorama a notifié à M. [S] [N] l'impossibilité de procéder à son reclassement.

Par courrier en date du 3 décembre 2018, M. [R] [N] a été convoqué par la SASU Castorama à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 10 décembre 2018.

Par lettre en date du 14 décembre 2018, la SASU Castorama a notifié à M. [S] [N] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 15 janvier 2019, la SASU Castorama a remis à M. [S] [N] ses documents de fin de contrat.

Estimant que son inaptitude résultait de manquements de la SASU Castorama à son obligation de sécurité et que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement, M. [S] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble par requête en date du 26 février 2019 afin de contester son licenciement et solliciter l'indemnisation du manquement allégué de son employeur à son obligation de sécurité.

La SASU Castorama s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 2 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- dit que la SASU Castorama France a manqué à son obligation de sécurité

- dit que le licenciement notifié à M. [S] [N] par la SASU Castorama France est sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement à l'obligation de sécurité,

- condamné la SASU Castorama France à payer à M. [S] [N] les sommes suivantes':

- 8 000,00 € (huit mille euros) à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

- 25 888,00 € brut (vingt-cinq mille huit cent quatre-vingt-huit euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

- 3 236,00 € brut (trois mille deux cent trente-six euros) à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 323,60 € (trois cent vingt-trois euros et soixante cts) à titre de congés payés afférents';

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du 16 avril 2019

- 1 200,00 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l'exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution en application de l'article R. 1454-28 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaire, la moyenne mensuelle brute des trois derniers mois de salaire étant de 1 618,00 euros.

- débouté la SASU Castorama France de sa demande reconventionnelle';

- condamné la SASU Castorama France aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 11 mars 2021 pour la société Castorama France et le 5 mars 2021 pour M. [N].

Par déclaration en date du 25 mars 2021, la SASU Castorama a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 décembre 2021, la SASU Castorama sollicite de la cour de':

Vu ce qui précède,

Vu les pièces,

Sur la demande au titre de l'obligation de sécurité

A titre principal

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble rendu le 2 mars 2021 en ce qu'il a dit et jugé que la société Castorama France avait manqué à son obligation de sécurité et condamné la société à payer à M. [S] [N] la somme de 8 000 € de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

Et statuant à nouveau

- Débouter M. [S] [N] de sa demande de dommages et intérêt qu'il formule à hauteur de 8 000 € nets de CSG et CRDS

A titre subsidiaire

Dans l'hypothèse où la Cour viendrait à confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que la société avait manqué à son obligation de sécurité :

- Infirmer, en tout état de cause, le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble rendu le 2 mars 2021 en ce qu'il a condamné la société à payer à M. [S] [N] la somme de 8 000 € de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

En statuant à nouveau

- Ramener le montant des dommages et intérêts éventuellement alloués à de plus justes proportions

Sur la demande au titre du licenciement

A titre principal

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble rendu le 2 mars 2021 en ce qu'il a dit que le licenciement notifié à M. [S] [N] par la société est sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement à l'obligation de sécurité et condamné la société à payer au salarié la somme de 25 888 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 3 236 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 323.60 € à titre de congés payés afférents

Et statuant à nouveau

- Débouter M. [S] [N] de l'ensemble des demandes qu'il formule au titre du licenciement

A titre subsidiaire

Dans l'hypothèse où la Cour viendrait à confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement notifié à M. [S] [N] par la société est sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement à l'obligation de sécurité :

Sur l'indemnité de congés payés sur préavis

- Infirmer, en tout état de cause, le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble rendu le 2 mars 2021 en ce qu'il a condamné la société à payer à M. [S] [N] la somme de 323.6 € à titre de congés payés sur préavis

En statuant à nouveau

- Débouter M. [S] [N] de sa demande au titre des congés payés sur préavis

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Infirmer, en tout état de cause, le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble rendu le 2 mars 2021 en ce qu'il a condamné la société à payer à M. [S] [N] la somme de 25 888 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En statuant à nouveau

- Limiter le montant des dommages et intérêts alloués à M. [S] [N] à 3 mois de salaire soit la somme de 4 854 €

A titre infiniment subsidiaire

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble rendu le 2 mars 2021 en qu'il a fixé le montant des dommages et intérêts à 25 880 €, correspondant à l'indemnisation maximum fixée par le barème de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble rendu le 2 mars 2021 en ce qu'il a condamné la société à payer la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

- Condamner M. [S] [N] à payer à la société la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner M. [S] [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2022, M. [S] [N] sollicite de la cour de':

Vu les dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail,

Vu les dispositions des articles L. 1226-2 et s. du code du travail,

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 2 mars 2021 (RG :19/00184) en ce qu'il':

- dit que la SASU Castorama France a manqué à son obligation de sécurité

- dit que le licenciement notifié à M. [S] [N] par la SASU Castorama France est sans cause réelle et sérieuse en raison d'un manquement à l'obligation de sécurité

- condamne la SASU Castorama France à payer à M. [S] [N] les sommes suivantes :

- 8 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

- 3 326,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 323,60 € à titre de congés payés afférents

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du 16 avril 2019

- 1 200,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du présent jugement

- déboute la SASU Castorama France de sa demande reconventionnelle

- condamne la SASU Castorama France aux dépens

Réformer le jugement du conseil de prud'hommes du 2 mars 2021 (RG:19/00184) en ce qu'il :

- condamne la SASU Castorama France à payer à M. [S] [N] les sommes suivantes :

- 25 888,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Statuer de nouveau,

Juger que la SASU Castorama France a violé son obligation de sécurité

Juger que la SASU Castorama France a violé son obligation de reclassement suite à l'inaptitude de M. [S] [N]

Juger que le licenciement notifié à M. [S] [N] est sans cause réelle et sérieuse

Condamner la SASU Castorama France à verser à M. [S] [N] la somme suivante':

- 40 450,00 € nets de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (25 mois de salaire)

Condamner la société Castorama France à verser à M. [S] [N] la somme de 2'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

Condamner la société Castorama France aux dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 novembre 2022.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 7 décembre 2022.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur l'obligation de prévention et de sécurité':

D'une première part, l'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

D'une seconde part, l'article L.4121-1 du code du travail énonce que :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et (version avant le 24 septembre 2017': de la pénibilité au travail) (version ultérieure au 24 septembre 2017': y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1);

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L4121-2 du code du travail prévoit que :

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L'article L. 4121-3 du même code dispose que :

L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.

A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement.

Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l'application du présent article doivent faire l'objet d'une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat après avis des organisations professionnelles concernées.

L'article R.4121-1 du code du travail précise que :

L'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3.

Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques.

L'article R.4121-2 du même code prévoit que :

La mise à jour du document unique d'évaluation des risques est réalisée :

1° Au moins chaque année ;

2° Lors de toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, au sens de l'article L. 4612-8 ;

3° Lorsqu'une information supplémentaire intéressant l'évaluation d'un risque dans une unité de travail est recueillie.

L'article R.4121-4 du code du travail prévoit que :

Le document unique d'évaluation des risques est tenu à la disposition :

1° Des travailleurs ;

(version avant le 1er janvier 2018': 2° Des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou des instances qui en tiennent lieu) ; (version après le 1er janvier 2018': 2° Des membres de la délégation du personnel du comité social et économique)

3° Des délégués du personnel ;

4° Du médecin du travail ;

5° Des agents de l'inspection du travail ;

6° Des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale ;

7° Des agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l'article L. 4643-1 ;

8° Des inspecteurs de la radioprotection mentionnés à l'article L. 1333-17 du code de la santé publique et des agents mentionnés à l'article L. 1333-18 du même code, en ce qui concerne les résultats des évaluations liées à l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants, pour les installations et activités dont ils ont respectivement la charge.

Un avis indiquant les modalités d'accès des travailleurs au document unique est affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail. Dans les entreprises ou établissements dotés d'un règlement intérieur, cet avis est affiché au même emplacement que celui réservé au règlement intérieur.

L'article L. 4624-6 du code du travail dispose que l'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4. En cas de refus, l'employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.

En l'espèce, M. [N] a fait l'objet des préconisations suivantes par la médecine du travail':

- visite du 29/01/2007': apte avec aménagement du poste. Pas de mise en rayon des articles lourds, manuellement, doit avoir accès à un poste permettant l'utilisation des aides à la manutention.

- visite du 07/10/2008': apte à la reprise à temps partiel thérapeutique, éviter les déplacements à pied dans tout le magasin, éviter de porter des charges lourdes à bout de bras, au-dessus de l'horizontale, chaussures de sécurité montantes. Pas de contre-indication médicale à la conduite des chariots élévateurs.

- visite du 12/10/2009': envisager de muter sur le poste réception car moins de déplacements à pieds sur de longues distances. Car utilisation de chariots élévateurs porteurs. Car moins de travail avec les bras en charge au-dessus de l'horizontale. Sinon quel autre poste possible'' Pas de contre-indication à la conduite de chariots élévateurs. A revoir lors de la reprise à temps plein.

- visite du 23/10/2009': toujours à temps partiel thérapeutique. A revoir lors de la reprise à temps plein. Prévoir d'organiser le travail en réduisant au maximum les manutentions manuelles.

- visite du 02/11/2009': avis favorable à la reprise à temps plein avec les aménagements préconisés lors de notre entretien du 29.10.2009 en particulier avec allègement de la manutention manuelle de charges lourdes à revoir dans un mois.

- visite du 07/12/2009': apte dans les mêmes conditions préconisées lors de la visite du 02.11.09. Il ne peut pas porter des poids de plus de 10 kg. Sa santé nécessite qu'il revienne à ses horaires antérieurs.

- visite du 03/05/2010': apte à la reprise à temps partiel thérapeutique avec aménagements horaires du matin. Affecter sur des rayons avec des articles légers (comme luminaires, droguerie, outillage à peindre'). Ne doit plus être affecté au rayon peinture

- visite du 10 septembre 2010': équipier logistique déco. Avis favorable à la reprise à temps plein dans le respect des aménagements émis lors de la dernière visite du 3/5/2010. Et dans le cadre de la RQTH.

- visite du 17/09/2010': équipier logistique + cariste complément d'aptitude de la visite du 10.09.2010. Pas de contre-indication à la conduite de chariots élévateurs et nacelle.

- visite du 03/10/11: avis favorable à la reprise à temps partiel thérapeutique avec aménagement du poste dans le cadre de la RQTH': Horaires du matin. Affecter sur des rayons avec articles de poids légers (comme luminaires). Ne doit pas être affecté au rayon peinture et d'autre rayon à charge lourde.

- visite du 28/06/2012': la reprise à temps plein s'impose au 1.7.2012. Elle doit s'effectuer dans le strict respect des préconisations émises le 3.10.11 dans le cadre de la RQTH. Dossier orienté vers le SAMETH. A revoir début août.

- visite du 27/02/2015': apte en limitant le port de charges

- visite du 09/05/2017': apte. Limiter la manutention de charges lourdes en particulier si supérieures à 10 kg et si gestes répétés. Limiter les travaux en hauteur sur échelle. RQTH': renouvellement en cours puis prévoir étude aménagement par SAMETH

- visite du 22/12/17': apte. Limiter la manutention de charges lourdes pas plus de 10 kg. Limiter le travail en hauteur sur échelle. Apte à la conduite du chariot automoteur. Privilégier le travail de mise en rayon, limiter autant que possible l'activité de conseil/vente. Prochaine visite fin janvier 2018.

- visite du 18/01/18': apte. Limiter la manutention de charges lourdes pas plus de 10 kg. Limiter le travail en hauteur sur échelle. Apte à la conduite du chariot automoteur. Privilégier le travail de mise en rayon, limiter autant que possible l'activité de conseil/vente. A revoir': 2 mois.

- visite du 23/03/18': apte. Limiter la manutention de charges lourdes pas plus de 10 kg. Limiter le travail en hauteur sur échelle. Apte à la conduite du chariot automoteur. Privilégier le travail de mise en rayon, limiter autant que possible l'activité de conseil/vente. A revoir': octobre 2018.

D'une première part, M. [N] se prévaut du non-respect des préconisations du médecin du travail telles qu'ont été émises lors de ces différentes visites.

Il s'en remet, pour les visites antérieures au 18 janvier 2018, aux motifs du jugement entrepris, ajoutant que l'employeur n'a pas versé, en cause d'appel, de nouvelles pièces.

Les premiers juges ont retenu un manquement de la société Castorama France à son obligation de sécurité avec la motivation suivante':

«'Attendu que M. [S] [N] reproche à la SASU Castorama de ne pas avoir respecté les préconisations du médecin du travail, de n'avoir pas aménagé son poste en conséquence et d'avoir de fait dégradé son état de santé';

Attendu que dès la visite du 29 janvier 2007, le médecin du travail a déclaré apte M. [S] [N] avec restrictions et qu'au cours des visites régulières de 2008 à 2017, le médecin du travail a renouvelé ses demandes d'aménagement de poste';

Attendu que le médecin du travail a émis les restrictions suivantes (NDR': lors des visites des 22/12/17, 19/01/18 et 23/03/18)':

-limiter la manutention de charges lourdes

-limiter le travail en hauteur

-privilégier le travail de mise en rayon

-limiter autant que possible l'activité de conseil/vente';

Attendu que la SASU Castorama affirme avoir aménagé le poste de M. [S] [N] en l'affectant notamment au rayon luminaires ou en aménageant ses horaires de travail du matin';

Attendu que si la SASU Castorama produit des attestations à l'appui de ses dires, M. [S] [N] produit également des attestations en sens contraire, de sorte que le conseil ne pourra en déduire que la SASU Castorama a respecté les restrictions émises par le médecin du travail';

Attendu qu'en outre, la SASU Castorama produit les plannings des mois d'avril et mai 2018 alors que les restrictions du médecin du travail ont été émises dès 2007';

Attendu que la SASU Castorama affirme avoir demandé l'intervention d'un ergothérapeute pour analyser les postes mais le conseil constate que cette étude est généraliste et ne vise pas spécifiquement le poste de M. [S] [N]';

Qu'en conséquence, faute pour la SASU Castorama de démontrer les aménagements de poste qu'elle a mis en place, le conseil dira que la SASU Castorama a manqué à son obligation de sécurité et condamnera la SASU Castorama à payer à M. [S] [N] la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef.'».

Outre que la société Castorama France ne reprend pas, dans le tableau des préconisations du médecin du travail sur la période de janvier 2007 à décembre 2017 qu'elle a dressé, dans ses conclusions d'appel en pages n°12 et 13, certaines de celles figurant dans les avis sus-mentionnés du médecin du travail ou qu'elle en fait une citation tronquée, quoique se prévalant, dans la colonne sur les mesures alléguées comme mises en place, de réponses apportées, y compris pour les réserves non reprises intégralement, force est néanmoins de constater que la cour d'appel ne peut que conclure comme les premiers juges que les pièces visées dans ses écritures au titre des mesures d'adaptation à savoir, exception faites des avis eux-mêmes, celles n°33, 37 à 41 ne permettent pas de rapporter la preuve qui incombe à la société qu'elle a pleinement respecté les préconisations du médecin du travail.

La pièce n°33 est sans utilité puisqu'elle concerne la situation d'un autre salarié, M. [G], au secteur aménagement à compter du 21 avril 2008.

La pièce n°38 est un courrier du Dr [O], médecin du travail, en date du 02 novembre 2009 à l'employeur évoquant une rencontre du 29 octobre 2009 au sujet des conditions de reprise à temps plein de M. [N] avec la liste des propositions faites par l'employeur.

La pièce n°39 est la lettre de réponse datée du 4 décembre 2009 de l'employeur au médecin du travail aux termes de laquelle le premier a informé le second qu'il avait été proposé à M. [N] un poste d'hôte de caisse qu'il avait refusé, a demandé au praticien de préciser lors de la visite suivante le poids maximal à ne pas dépasser pour la manutention manuelle et précisé que M. [N] ne portait plus de gros pots de peinture. Enfin, il a été ajouté qu'il ne pouvait être donné trop de latitude à M. [N] pour la prise de pauses supplémentaires.

Cet échange de correspondances ne fait que traduire ce que l'employeur a proposé de faire et a affirmé avoir fait mais aucunement la preuve suffisante, sans autre élément extrinsèque, qu'il a effectivement mis en 'uvre les mesures énoncées.

La pièce n°40 est un courrier de l'employeur au médecin du travail du 4 mai 2010 faisant là encore état de ce que l'employeur s'est proposé de faire suite à la visite du 3 mai 2010 et notamment l'affectation du salarié à la mise en rayon de produits plus légers de droguerie, d'outillage à peindre et de luminaire.

La pièce n°41, qui est un courrier signé du salarié et de l'employeur, a effectivement corroboré le fait que la société Castorama a confirmé M. [N] au poste qu'il occupait afin qu'il travaillât dans des rayons où les articles étaient plus légers.

La société Castorama rapporte ainsi la preuve suffisante d'avoir respecté la préconisation émise à compter du 4 mai 2010 d'affecter M. [N] à des rayons comportant des articles plus légers dès lors que le salarié a signé ce document et ne développe aucun moyen tendant à dire qu'il ait pu le faire sous contrainte ou qu'il ait ratifié une information inexacte.

En revanche, pour le surplus des mesures annoncées dans ce document intitulé «'inaptitude temporaire et partielle'», à savoir le fait que le salarié ne doit plus porter de poids de 5 kg et plus et qu'il ne sera plus planifié qu'à des horaires de matinée, aucune pièce visée dans les conclusions de l'employeur ne permet de corroborer que celles-ci ont effectivement été mises en place et tenues dans le temps, et ce d'autant, que la formule finale selon laquelle «'nous comptons sur vous afin de respecter ses restrictions'» est susceptible de faire peser sur le seul salarié l'obligation de mise en 'uvre des préconisations du médecin du travail, s'agissant en particulier de la manutention des charges, alors qu'il appartient à l'employeur de mettre à disposition les moyens nécessaires à leur respect et d'en justifier, ou en cas d'impossibilité, non invoquée en l'espèce, de suivre la procédure prescrite par l'article L 4624-6 précité de notification par écrit au salarié et au médecin du travail des raisons s'opposant aux respects des restrictions formulées par ce dernier.

Les premiers juges ont relevé à juste titre, s'agissant des restrictions horaires, qu'il n'était versé aux débats que les plannings d'avril et mai 2018.

En outre, l'attestation de Mme [X], chef de rayon, témoignant du fait que M. [N] exerçait son métier d'équipier logistique du lundi au vendredi de 6h à 13h, outre qu'elle n'est pas visée dans le tableau précité des conclusions de l'appelante et n'est invoquée qu'au titre des préconisations effectuées pour l'année 2018, n'apporte aucune précision sur la date à laquelle le salarié a commencé à ne travailler que selon des horaires du matin.

Les pièces produites sont ainsi insuffisantes à établir le respect des préconisations relatives aux aménagements horaires, à la manutention des charges lourdes, s'agissant de celles relatives à leur limitation quant à l'aide effective ou non d'autres salariés ou de l'accès à des appareils d'aide à la manutention, à la mise à disposition de chaussures de sécurité montante et aux restrictions de déplacement.

L'employeur reste également taisant sur le fait que le médecin du travail a demandé à ce qu'il soit envisagé une mutation sur le poste réception et à défaut, l'a interrogé sur quels autres postes étaient disponibles, les correspondances précitées de 2010 n'évoquant qu'une proposition alléguée à un poste d'hôte de caisses sans que les conditions dans lesquelles celle-ci serait intervenue ne soient explicitées ni établies par la société Castorama se prévalant d'un refus du salarié.

Il s'en déduit que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité sur cette période de janvier 2007 à décembre 2017, et plus particulièrement s'agissant du respect des réserves d'aptitude émises par le médecin du travail est retenu, étant observé que l'absence de protestations du salarié n'exonère en rien la société Castorama de ses obligations et ne saurait constituer la preuve qu'elle les a remplies.

S'agissant des visites médicales des 18 janvier et 23 mars 2018, les deux parties développent des moyens plus spécifiques auxquels il convient de répondre.

Les parties s'accordent, en définitive, pour dire que sur cette dernière période, M. [N] était affecté en alternance une semaine sur deux, avec un autre salarié, aux ampoules et aux luminaires.

Le salarié reproche plus spécifiquement à son employeur trois méconnaissances aux restrictions d'aptitude formulées par le médecin du travail dans ses deux derniers avis, à savoir le fait qu'il devait effectuer de la manutention manuelle d'objets de plus de 10 kg, en l'occurrence des lampadaires, qu'il devait continuer à effectuer du travail en hauteur et qu'il n'a pas été limité son contact avec la clientèle.

Tout d'abord, concernant le poids des lampadaires vendus, alors que M. [N] se prévaut expressément du fait que le lampadaire capolin 3 ampoules pèse plus de 10 kg en visant une pièce n°17 bis, la société Castorama ne fournit, en pièce n°43, aucune fiche technique concernant ce matériel et se limite, certes à juste titre, mais sans se justifier sur cet article déterminé, à considérer comme inopérants les exemples de lampadaires vendus par son concurrent Ikéa, cités par M. [N] par ailleurs.

L'employeur ne fournit, en effet, que les fiches techniques des lampadaires proposés à la vente sur ce document publicitaire par la société Castorama dénommés Taphao et Bontioli.

La preuve du respect par l'employeur de la réserve quant à la manutention manuelle d'articles pesant moins de 10 kg n'est, en conséquence, par rapportée.

Ensuite, s'agissant de l'absence de travaux en hauteur, si les photographies produites aux débats par le salarié, non datées, représentant nombre de rayons auxquels le salarié n'était pas affecté, ont une valeur probante très faible, il n'en demeure pas moins que l'étude de l'ergothérapeute, produite en pièces n°32-1 à 32-6, qui évoque certes une visite au magasin de [Localité 5] mais qui a été menée sur l'ensemble des magasins des douze régions de l'enseigne en France, ne saurait démontrer avec certitude que M. [N] n'avait pas de travaux à effectuer en hauteur dans le rayon ampoules/luminaires dans lequel il était affecté.

Rien ne permet de conclure que l'ensemble des magasins a une organisation parfaitement standardisée et identique s'agissant de ce rayon.

Le document unique d'évaluation des risques professionnels de 2018 met, au contraire, en évidence que les travaux en hauteur concernent la mise en rayon, sans précision quant à leur détail, et qu'il est prévu la mise à disposition de nacelles.

Il ne peut dès lors aucunement être exclu que M. [N] ait continué à effectuer des travaux en hauteur dans des proportions indéterminées, y compris au rayon luminaire, l'employeur ne fournissant aucunement les éléments justifiant du contraire et qu'il a effectivement rempli son obligation de respecter la préconisation du médecin du travail à ce titre.

La cour ne peut d'ailleurs qu'observer que, lors de l'étude de poste du 11 juin 2018, versée aux débats en pièce n°18 par l'employeur, s'agissant d'un poste de vendeur décoration lumière, le médecin du travail a observé des travaux, d'après les dires de l'employeur, de «'port et manutention de charge, travail au-dessus de la ligne des épaules avec port de charge et manutention, rayonnage, postures contraignantes pour les membres supérieurs et le rachis, chargement, acheminement des produits depuis la réserve vers le rayon sans aide à la manutention'», jugés incompatibles avec l'état du salarié, permettant d'en conclure que le poste n'avait manifestement pas été adapté de manière suffisante et utile par l'employeur selon les préconisations du médecin du travail à la suite des avis du 19 janvier et 23 mars 2018, eu égard à l'importance des manutentions et ports de charge déclarés par l'employeur lui-même en parfaite discordance avec l'attestation de Mme [X], chef de rayon, qui a indiqué que «'M. [S] [N] exerçait son métier d'équipier logistique du lundi au vendredi de 6h à 13h . Il était affecté au rayon luminaire, principalement dans l'allée des ampoules, afin de limiter le port de charges lourdes'», l'employeur ayant lui-même admis, dans ses écritures, une alternance d'une semaine sur deux avec un autre salarié aux lampadaires (page °14/35 des conclusions d'appel -paragraphe 3).

Enfin, s'agissant de la limitation des contacts avec la clientèle, les éléments produits par les parties, à savoir en particulier les attestations de MM. [H] et [G] d'un côté et de Mme [X] de l'autre, sont pour le moins contradictoires.

L'employeur ne justifie à tout le moins pas comment il a concrètement procédé à la limitation des contacts avec la clientèle, alors qu'il a déclaré, lors de l'étude de poste du 11 juin 2018, comme travaux jugés peu compatibles avec l'état de santé du salarié, sans autres précisions, «'accueil et conseil client'» et «'contact régulier avec le public'».

La seule affectation en horaires du matin, en semaine, ne permet aucunement d'en déduire, sans autre pièce quant à l'affluence du magasin, que la présence de contact clientèle en serait ainsi limitée.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société Castorama France a manqué à son obligation de sécurité.

Tenant compte de la durée pendant laquelle cette obligation a été méconnue, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi en allouant à M. [N] la somme de 8000 euros nets à titre de dommages et intérêts, si bien que le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur le licenciement':

D'une première part, le licenciement pour inaptitude provoquée par un manquement préalable de l'employeur est sans cause réelle et sérieuse.

D'une seconde part, l'article L. 1226-2 du code du travail énonce que':

Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L'article L. 1226-2-1 du code du travail prévoit que':

Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.

En l'espèce, d'une première part, si le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est avéré, M. [N] échoue à établir un lien de causalité certain entre son inaptitude définitive au poste selon avis du 24 octobre 2018 et la faute de l'employeur, aucune pièce médicale en particulier n'étant produite aux débats.

Il ne fait, en définitive, qu'affirmer que les manquements de l'employeur ont conduit à une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.

Il s'ensuit qu'il y a lieu de dire par infirmation du jugement entrepris que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ne rend pas le licenciement de M. [N], sans cause réelle et sérieuse.

D'une seconde part, quoique l'employeur vise à la fois les dispositions du code du travail sur l'inaptitude d'origine professionnelle et l'inaptitude d'origine non professionnelle et développe par ailleurs des moyens en défense tenant à l'absence d'accident du travail intervenu le 04 juin 2018, il apparaît que M. [N] ne sollicite pas la requalification de son licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle en licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle et vise expressément, dans ses écritures, les dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail.

Il s'ensuit que la juridiction fait application de ces dernières dispositions pour répondre aux moyens développés par les parties au titre de l'obligation de reclassement de l'employeur.

Sans même qu'il soit nécessaire d'analyser le surplus des moyens invoqués par les parties, la société Castorama France ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'avoir loyalement et sérieusement mis en 'uvre son obligation de reclassement en ce que M. [N] soutient, à juste titre, qu'elle ne produit aucun élément relatif aux conclusions de la seconde étude de poste, qui a eu lieu le 17 septembre 2018, alors même qu'il a été vu précédemment qu'il s'évinçait de la précédente étude de poste du 11 juin 2018 que l'employeur n'avait manifestement pas adapté celui-ci conformément aux préconisations du médecin du travail, de sorte qu'il était indispensable à la cour de connaître les conclusions de cette seconde étude de poste afin de pouvoir appréhender si le poste d'équipier de logistique de M. [N] aurait pu être adapté dans le cadre de l'obligation de reclassement, étant relevé que la société Castorama ne justifie pas avoir interrogé le service de la médecine du travail postérieurement à l'avis d'inaptitude du 24 octobre 2018.

L'étude de poste et la position du médecin du travail après la déclaration définitive d'inaptitude étaient au demeurant d'autant plus indispensables que la société Castorama France admet que six postes étaient disponibles sur l'établissement de [Localité 5] de manière contemporaine au licenciement, M. [N] ayant déclaré n'avoir aucune mobilité géographique, et qu'il n'appartenait pas à l'employeur de substituer son appréciation sur leur compatibilité avec l'état de santé du salarié à celle du médecin du travail, M. [N] faisant observer à juste titre au demeurant concernant le poste disponible d'hôte de caisse que la position de l'employeur, s'appuyant sur l'étude très généraliste et succincte d'un ergothérapeute, est pour le moins discordante s'agissant de la manutention manuelle de charges avec celle qu'il avait défendue dans un courrier du 04 décembre 2009 au médecin du travail aux termes duquel il affirmait «'suite à notre rencontre nous lui (NDR M. [N]) avons proposé un poste d'hôte de caisse. Ce poste pouvait convenir aux restrictions médicales que vous aviez notées sur sa fiche d'aptitude, compte tenu du fait qu'en caisse, il y a relativement peu de manutention manuelle, grâce à l'utilisation d'une «'douchette'» servant à scanner les codes barres'».

Il ressort des avis sus-mentionnés du médecin du travail pour l'année 2018, mais encore de la seule étude de poste du 11 juin 2018 pour laquelle un compte-rendu est produit aux débats, que le contact avec le public n'avait pas été jugé totalement incompatible avec l'état de santé du salarié, si bien que l'appréciation du médecin du travail s'avérait indispensable à tout le moins sur ce poste disponible.

Il convient, en conséquence, de juger que la société Castorama France, qui n'a proposé en définitive aucun poste de reclassement, ne justifie pas avoir rempli sérieusement et loyalement son obligation de reclassement, de sorte que le licenciement notifié le 14 décembre 2018 pour inaptitude d'origine non professionnelle est déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':

D'une première part, dès lors que le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse, peu important que M. [N] ait été dans l'incapacité d'effectuer son préavis, il est fondé, par confirmation du jugement entrepris, à se voir allouer la somme de 3236 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 323,60 euros bruts au titre des congés payés afférents.

D'une seconde part, au jour de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [N] avait 21 ans d'ancienneté et un salaire de l'ordre de 1618 euros bruts.

Il justifie de la perception de l'ARE pour la période du 01 mai 2019 au 31 mars 2020, d'une mission d'intérim comme agent logistique du 12 septembre 2020 au 02 octobre 2020 et d'un arrêt de travail pour maladie à compter du 29 septembre 2020.

Les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi en allouant à M. [N] la somme de 25888 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au visa de l'article L. 1235-3 du code du travail, le moyen développé au titre de l'inconventionnalité des barèmes étant en l'espèce inopérant eu égard à l'appréciation souveraine faite par le conseil de prud'hommes ayant retenu un montant correspondant au plafond prévu par la loi.

Le jugement entrepris est dès lors confirmé.

Sur les demandes accessoires':

L'équité commande de confirmer l'indemnité de procédure de 1200 euros allouée par les premiers juges à M. [N] et de lui accorder une indemnité complémentaire de procédure de 1800 euros en cause d'appel.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de condamner la société Castorama France, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS';

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à loi';

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à substituer à la disposition déclarant le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement à l'obligation de sécurité celle le déclarant sans cause réelle et sérieuse pour manquement à l'obligation de reclassement

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Castorama France à payer à M. [N] une indemnité complémentaire de procédure de 1800 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Castorama France aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, Le Conseiller

faisant fonction de Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/01446
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;21.01446 ?
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