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23/02/2023 | FRANCE | N°21/01316

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 23 février 2023, 21/01316


C 9



N° RG 21/01316



N° Portalis DBVM-V-B7F-KZIK



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL ACO



la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES

AU NOM DU PEU

PLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 23 FEVRIER 2023





Appel d'une décision (N° RG 15/01041)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 02 mars 2021

suivant déclaration d'appel du 18 mars 2021





APPELANTE :



SAS BMRA, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié audit...

C 9

N° RG 21/01316

N° Portalis DBVM-V-B7F-KZIK

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL ACO

la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 23 FEVRIER 2023

Appel d'une décision (N° RG 15/01041)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 02 mars 2021

suivant déclaration d'appel du 18 mars 2021

APPELANTE :

SAS BMRA, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Renaud BLEICHER de la SELARL ACO, avocat au barreau de LYON

INTIME :

Monsieur [L] [I]

né le 16 Avril 1960 à [Localité 5] (Italie)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Flavien JORQUERA de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 janvier 2023,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport, et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs observations, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 23 février 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 23 février 2023.

EXPOSE DU LITIGE':

M. [L] [I], né le 16 avril 1960, a été embauché par la société par actions simplifiée BMRA Point P le 1er août 1983, suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de magasinier conseil.

Le contrat est soumis à la convention collective du négoce de matériaux de construction.

Dès l'année 2006, M. [L] [I] a souffert de ses épaules.

Lors d'une visite médicale en date du 12 octobre 2006, le médecin du travail l'a déclaré apte à son poste mais avec interdiction de manipuler des grandes baies vitrées pendant six mois.

Le médecin du travail a réitéré cette restriction lors d'une nouvelle visite en date du 15 juin 2007.

En date du 19 janvier 2011, le médecin du travail a déclaré M. [L] [I] apte à la reprise sur «'un poste à mi-temps thérapeutique souhaitable avec aménagement sans manipulation de charge ni conduite de chariot pendant 45 jours'».

La SAS BMRA Point P a sollicité une nouvelle visite médicale.

M. [L] [I] a obtenu la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour la période du 1er mai 2011 au 30 avril 2016.

En date du 18 juillet 2011, M. [L] [I] a été admis au bénéfice des dispositions relatives aux affections de longue durée pour la période du 30 novembre 2010 au 29 novembre 2013.

Par courrier de la CPAM daté du 10 octobre 2012, M. [L] [I] a été reconnu invalide de catégorie 1 à compter du 1er décembre 2012.

M. [L] [I] a bénéficié d'une visite médicale en date du 5 décembre 2012. Le médecin du travail a rendu l'avis suivant': «'Confirmation de l'inaptitude à la reprise du poste de travail. Les capacités restantes de Monsieur [L] [I] sont la marche, la surveillance visuelle. Pas de manutention lourde, pas de station assisse ou débout prolongée, pas de gestes répétés des membres supérieurs ou du tronc (inclinaison, torsion etc.)'».

La SAS BMRA Point P a remis à M. [L] [I] un formulaire de recherche de reclassement à remplir le 6 décembre 2012.

Par courrier en date du 26 décembre 2012, la SAS BMRA Point P a indiqué à M. [L] [I] qu'aucune solution de reclassement n'a été trouvée, et l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 7 janvier 2013.

Par lettre du 17 janvier 2013, la SAS BMRA Point P a notifié à M. [L] [I] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

M. [L] [I] a fait une demande de reconnaissance du caractère professionnel de sa tendinopathie à l'épaule gauche le 4 octobre 2013, accepté par la CPAM par décision du 28 mars 2014.

Par décision du 17 octobre 2014, la CPAM a également reconnu la tendinopathie à l'épaule droite de M. [L] [I] comme une maladie professionnelle.

Par requête en date du 6 mai 2015, M. [L] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la SAS BMRA Point P à lui verser diverses sommes afférentes.

Parallèlement à la saisine du conseil de prud'hommes, M. [L] [I] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur sur la survenance de la tendinopathie de l'épaule gauche reconnue comme maladie professionnelle par décision de la CPAM du 28 mars 2014 et de la tendinopathie de l'épaule droite reconnue comme maladie professionnelle par décision de la CPAM du 17 octobre 2014.

M. [L] [I] a sollicité du conseil de prud'hommes qu'il soit sursis à statuer sur ses demandes dans l'attente de la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par jugement du 30 mai 2017, le conseil de prud'hommes de Grenoble a sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par jugement en date du 4 avril 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Grenoble a reconnu la faute inexcusable de l'employeur.

L'affaire a été réinscrite au rôle du conseil de prud'hommes.

Par jugement en date du 2 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- dit que l'inaptitude à l'origine du licenciement du 17 janvier 2013 est d'origine professionnelle';

- dit que l'inaptitude à l'origine du licenciement du 17 Janvier 2013 est le résultat de l'exécution déloyale du contrat de travail';

- dit que la SAS BMRA Point P n'a pas consulté les délégués du personnel ce qui rend le licenciement de M. [L] [I] sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SAS BMRA Point P à payer à M. [L] [I] les sommes suivantes :

- 4 080,80 € brut (quatre mille quatre-vingts euros et quatre-vingts cts) à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 408,08 € brut (quatre cent huit euros et huit cts) à titre de congés payés afférents';

- 16 406,00 € (seize mille quatre cent six euros) à titre de rappel dû sur indemnité de licenciement doublée en raison d'une inaptitude d'origine professionnelle';

- 40 800,00 € (quarante mille huit cents euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';

- 1 200,00 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

- rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l'exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution en application de l'article R. 1454-28 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaire, la moyenne mensuelle brute des trois derniers mois de salaire étant de 2'040,00 euros.

- condamné la SAS BMRA Point P aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 10 mars 2021 pour la société BMRA Point P et le 11 mars 2021 pour M. [I].

Par déclaration en date du 18 mars 2021, la SAS BMRA Point P a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 octobre 2022, la SAS BMRA Point P sollicite de la cour de':

Réformer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [L] [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Réformer le jugement en ce qu'il a retenu que le caractère professionnel de l'inaptitude de M. [L] [I] était opposable à la société BMRA ;

Réformer le jugement en ce qu'il a alloué un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés afférents ;

Dire et juger bien fondé le licenciement de M. [L] [I] ;

Dire et juger qu'au jour du licenciement de M. [L] [I], la société BMRA aucune démarche visant à obtenir la reconnaissance d'une maladie professionnelle n'avait été engagée qu'elle n'avait donc pas été informée du caractère professionnel de l'inaptitude de M. [L] [I].

Dire et juger que M. [L] [I] ne sollicite pas de dommages et intérêts distincts de ceux résultant du préjudice lié à la reconnaissance de la faute inexcusable de la société BMRA.

Dire et juger que M. [L] [I] ne démontre pas l'existence des préjudices dont il se prévaut.

En conséquence,

Débouter M. [L] [I] de l'intégralité de ses demandes.

Le condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2022, M. [L] [I] sollicite de la cour de':

Vu les articles L. 1222-1, L. 1226-10, L. 1226-12, L. 1226-14, L. 1226-15, L. 4121-1 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige,

Vu le jugement du 4 avril 2019 du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble,

Vu la jurisprudence,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que l'inaptitude à l'origine du licenciement du 17 janvier 2013 est d'origine professionnelle';

- dit que l'inaptitude à l'origine du licenciement du 17 janvier 2013 est le résultat de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

- dit que la SAS BMRA Point P n'a pas consulté les délégués du personnel ce qui rend le licenciement de M. [L] [I] sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SAS BMRA Point P à payer à M. [L] [I] les sommes suivantes :

- 4 080,80 € brut (quatre mille quatre-vingts euros et quatre-vingts cts) à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 408,08 € brut (quatre cent huit euros et huit cts) à titre de congés payés afférents ;

- 16 406,00 € (seize mille quatre cent six euros) à titre de rappel dû sur indemnité de licenciement doublée en raison d'une inaptitude d'origine professionnelle ;

- 1 200,00 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

- rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l'exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution an application de l'article R. 1454-28 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaire, la moyenne mensuelle brute des trois derniers mois de salaire étant de 2 040,00 € ;

- condamné la SAS BMRA Point P aux dépens.

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société BMRA à verser à M. [L] [I] la somme de :

- 40 800,00 € (quarante mille huit cents euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société BMRA à verser à M. [L] [I] la somme de 60.000 euros net au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Rejeter l'ensemble des demandes formées par la société BMRA ;

Condamner la société BMRA à verser à M. [L] [I] la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la même aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 17 novembre 2022.

L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 4 janvier 2023.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur le licenciement':

Premièrement, l'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L. 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

L'article L.4624-1 du code du travail dans sa version en vigueur du 01 mai 2008 au 19 août 2015, étant relevé que la recodification s'est faite à droit constant énonce que':

Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs.

L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.

En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail.

L'employeur doit justifier qu'il a respecté les préconisations du médecin du travail.

Deuxièmement, l'inaptitude fondant le licenciement provoquée par un manquement préalable de l'employeur rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Troisièmement, les dispositions de l'article L.1226-10 du code du travail sur l'inaptitude d'origine professionnelle s'appliquent dès lors que, indépendamment de la prise en charge ou non de l'accident ou de la maladie par l'organisme social, l'inaptitude a au moins en partie une origine professionnelle et que l'employeur en était informé au jour du licenciement.

En l'espèce, en premier lieu, si le caractère professionnel de l'inaptitude fondant le licenciement notifié le 17 janvier 2013 ne fait l'objet d'aucune discussion entre les parties et résulte au demeurant du certificat médical du Dr [U], médecin du travail en date du 31 janvier 2013, il n'est en revanche pas suffisamment établi que l'employeur avait connaissance certaine du caractère professionnel de cette maladie au jour du licenciement dès lors que M. [I] n'a transmis ledit certificat médical que lui a adressé le médecin du travail à son employeur que par courriel du 04 février 2013, soit postérieurement au licenciement.

La connaissance du caractère professionnel de l'inaptitude par l'employeur ne saurait être déduite avec certitude des manquements préalables de l'employeur à son obligation de sécurité dans la mesure où le médecin du travail n'a jamais fait état de la pathologie dont souffre M. [I] (tendinopathies chroniques non rompues, non calcifiantes gauche et droite) sur les avis d'aptitudes avec réserves puis d'inaptitude définitive et n'a mentionné à aucun moment le caractère professionnel de celle-ci avant le certificat du 31 janvier 2013.

Aucune des autres pièces produites par les parties ne permet de conclure que cette double pathologie aux épaules figurant au tableau n°57 des maladies professionnelles a été portée à la connaissance de l'employeur avant la notification de son licenciement au salarié.

Le jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Grenoble du 04 avril 2019 qui a reconnu la faute inexcusable de la société BMRA Point P a certes indiqué que cette dernière avait été informée des problèmes de santé du salarié mais uniquement à raison des réserves émises lors des avis d'aptitude et non compte tenu du fait qu'elle aurait connu avant même le licenciement la nature exacte de la pathologie dont souffrait M. [I].

Il s'ensuit que si le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a dit que l'inaptitude à l'origine du licenciement du 17 janvier 2013 est d'origine professionnelle, il ne peut qu'être infirmé en ce qu'il a fait application des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa version en vigueur au jour du licenciement s'agissant du défaut de consultation des délégués du personnel.

Infirmant le jugement entrepris, M. [I] doit également être débouté de sa demande au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement visée par l'article L. 1226-14 du code du travail.

En second lieu, l'employeur ne rapporte aucunement la preuve qui lui incombe qu'il a respecté les préconisations du médecin du travail dans ses avis des 12 octobre 2006, 15 juin 2007 et 15 janvier 2010, la société BMRA ayant fait valoir l'impossibilité d'appliquer les restrictions nouvelles d'aptitude énoncées lors de l'avis du 19 janvier 2011 dans un courrier au médecin du travail du 20 janvier 2011, M. [I] ayant été en définitive déclaré inapte à son poste aux termes des visites des 21 novembre 2012 et 05 décembre 2012.

La société BMRA se limite en effet à produire un courrier en date du 17 novembre 2006, qu'elle a adressé à son salarié, en indiquant avoir pris les mesures nécessaires pour organiser le travail des équipes et adapter son poste de travail, sans pour autant que lesdites mesures ne soient explicitées et encore moins justifiées, l'employeur indiquant in fine «'pour cela, nous vous demandons de respecter scrupuleusement l'avis du médecin du travail, à savoir 'pas de manutention de grandes baies vitrées (double vitrage) et cela pour une durée de six mois''»'; ce qui revient, en l'absence de la preuve d'autres dispositions prises par l'employeur, à transférer sur le seul salarié une obligation qui incombe en principe à l'employeur.

Au demeurant, dans le certificat en date du 31 janvier 2013, le médecin du travail a relevé que «'son activité (à M. [I] NDR) l'a exposé à des manutentions lourdes (packs de carrelage, sacs de colle et de ciment, baies vitrées encombrantes etc'). Les moyens de manutention ne sont pas, et n'ont pas été forcément adaptés dans le passé pour ces différents produits. Les tâches comportaient notamment des postures en torsion du thorax par rapport au bassin, penchées en avant (exemple': penché sur un coffre de voiture avec un pack de carrelage dans les mains etc') à répétition. Il a, en outre, été exposé à des gestes répétitifs en force, et à la conduite de chariots élévateurs à roues pleines sur des terrains parfois inégaux. Je l'ai suivi tous les ans jusqu'en 2012 en visites périodiques et de reprises. Les symptômologies fonctionnelles et objectives retrouvées lors des visites médicales au niveau de son appareil locomoteur, du rachis et des membres supérieurs, me paraissent bien liées à son activité professionnelle.'».

Il s'en déduit que le médecin du travail a considéré que l'inadaptation des moyens de manutention était toujours d'actualité lors des dernières visites à la médecine du travail.

L'employeur ne justifie d'aucune mesure mise en 'uvre pour limiter les contraintes dans la manutention des charges lourdes alors même qu'il existe des obligations réglementaires à ce titre en application des articles R. 4541-1 et suivants du code du travail et ce, indépendamment même de la situation spécifique de M. [I] qui nécessitait des mesures additionnelles.

Dans la même perspective que le pôle social du tribunal de grande instance de Grenoble qui a reconnu, par jugement du 04 avril 2019, la faute inexcusable de l'employeur à l'origine des deux maladies professionnelles précitées, déclarées par M. [I] les 16 septembre 2013 et 8 avril 2014 pour l'épaule gauche puis droite et reconnues selon décisions de la CPAM de l'Isère des 28 mars et 17 octobre 2014, il est jugé que preuve suffisante est rapportée par confirmation du jugement entrepris que l'inaptitude fondant le licenciement a été provoqué par les manquements de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse par substitution de motifs.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':

Premièrement, dès lors que le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse, M. [I] a droit à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents, peu important qu'il n'ait pas été en capacité de l'exécuter si bien que les dispositions du jugement entrepris de ces chefs sont confirmées.

Deuxièmement, au visa de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au jour du licenciement, M. [I] avait plus de 29 ans d'ancienneté, un salaire de l'ordre de 2040 euros bruts et justifie souffrir d'importants problèmes de santé.

Il a ainsi été reconnu travaillé handicapé pour la période du 01 mai 2011 au 30 avril 2016 et s'est vu accorder un pension d'invalidité catégorie 1 le 10 octobre 2012, puis de catégorie 2 à partir du 21 octobre 2015, de sorte qu'il était toujours en situation d'invalidité près de 3 ans après la rupture du contrat de travail.

Infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société BMRA à payer à M. [I] la somme de 60 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes accessoires':

L'équité commande de confirmer l'indemnité de procédure de 1200 euros allouée par les premiers juges et d'accorder une indemnité complémentaire de procédure de 1800 euros en cause d'appel à M. [I].

Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de condamner la société BMRA aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS';

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- dit que l'inaptitude à l'origine du licenciement du 17 janvier 2013 est d'origine professionnelle';

- dit que l'inaptitude à l'origine du licenciement du 17 janvier 2013 est le résultat de l'exécution déloyale du contrat de travail';

- déclaré le licenciement de M. [L] [I] sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SAS BMRA Point P à payer à M. [L] [I] les sommes suivantes :

- 4 080,80 € brut (quatre mille quatre-vingts euros et quatre-vingts cts) à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 408,08 € brut (quatre cent huit euros et huit cts) à titre de congés payés afférents';

-1 200 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné la SAS BMRA Point P aux dépens

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société BMRA à payer à M. [I] la somme de soixante mille euros (60 000 euros) bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

DIT que preuve suffisante n'est pas rapportée que la société BMRA avait connaissance du caractère professionnel de l'inaptitude au jour du licenciement

DÉBOUTE M. [I] de sa demande au titre du reliquat d'indemnité spéciale de licenciement

RAPPELLE que les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter 07 mai 2015 et que les intérêts au taux légal sur la créance de dommages et intérêts courent à compter du prononcé du présent arrêt

CONDAMNE la société BMRA à payer à M. [I] une indemnité complémentaire de procédure de 1800 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société BMRA aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/01316
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;21.01316 ?
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